hey brother (xavier)

Tu regardais les vagues aller et venir. Comme ton humeur. Elle était changeante. Trop de confessions l'autre soir. Tu ne savais plus vraiment quoi faire. Tu hésitais à aller voir Adilyn, mais tu pensais que lui laisser le temps et l'espace nécessaire était tout aussi bien. Tu la verrais pour Aby, quand tu passerais la prendre pour qu'elle vienne dormir chez toi. Un essai, pour une nuit. Voir si elle arriverait à se plaire avec toi. C'était assez bien parti, mais tout pouvait basculer jusqu'à la dernière minute. Et même encore après. Tu ne voulais pas prendre ça pour une victoire certaine, elle ne le serait jamais et encore moins quand elle grandirait. Pour le moment elle n'avait que neuf ans et rêvait juste d'avoir de la stabilité. Une voix te tirait de tes songes et tu tournais la tête pour admirer la rouquine qui se trouvait à ta droite. « Merveilleux, oui ! » déclarais-tu dans un sourire. Tu reportais ton regard sur le soleil, qui disparaissait lentement, laissant les couleurs animer le ciel. Le jaune, l'orange, le rouge et bientôt le bleu de la nuit. Peut-être avec sa cape d'étoile. Tu ne savais pas encore si la nuit serait ou non couverte. « Pourtant, c'est la même chose tous les soirs ou presque, et je ne m'en lasse pas. » Ton regard vagabondait toujours au loin. C'était un spectacle dont tu ne pourrais jamais te lasser. C'était peut-être cliché ou ridicule à souhait, mais c'était la nature. Tu aimais profiter de ces instants simples, et puis une demande de mariage, sur la plage, lors d'un coucher de soleil, ça avait toujours son petit effet. Pas sur tout le monde, mais au moins sur les cœurs les plus romantiques.

Elle semblait avoir le même point de vue que toi. C'était un spectacle à couper le souffler, et il ne coûtait pas un centime. Ce serait idiot de passer à côté de ça, pour toi, qui était du genre romantique, tu ne pouvais clairement pas. Elle s'adressait à nouveau à toi, et sa question te désarçonnait un peu, comme si elle souhaitait vraiment faire la conversation avec toi. Ce qui ne te dérangeait pas, mais c'était un poil suspicieux. « Non, non, allez-y ! » Pourtant toi tu continuais. C'était ton rapport aux femmes en fait. Tu pouvais tutoyer un homme, mais pas une femme. Sauf si c'était une amie de longue date, une ancienne relation, ou un membre de ta famille. Mais pour le dernier point, étant donné que tu n'avais pas de famille, tu ne voyais pas qui tu pouvais tutoyer. « Vous comptiez vous baigner un peu ou juste regarder le coucher de soleil ? » demandais-tu, simplement curieux. Tu avais bien envie d'avancer et de tremper tes pieds. Tu passais souvent par la plage ces derniers temps, ça te permettait de te relaxer et aussi de te souvenir. De te rappeler cette rencontre avec Adilyn, un soir sombre, l'attaque d'une méduse, et un baiser furtif. Une bonne époque avant de réaliser qu'elle était la femme qui gardait ta fille. Et qu'elle pense que tu l'avais manipulé depuis le départ. Mais tu ne le savais pas, tu étais reparti ce soir là, sans son prénom, donc tu ne comprenais pas comment ça aurait pu être prémédité.

« Je vous suis. » Tu pris place derrière elle, la suivant comme son ombre. Une fois au bord de l'eau, tu laissais tes pieds s'enfoncer dans le sable et l'eau remonter sur tes mollets. Elle n'était pas très chaude ce soir, mais la soirée s'annonçait douce alors ce n'était pas très gênant en soi. Tu l'écoutes dire qu'elle doit te parler d'un truc. Un truc signifiait qu'elle te connaissait, et tu n'aimais pas vraiment ça puisqu'elle ne te disait rien du tout. Mais tu lui laissais le temps de s'exprimer, en l'écoutant parler de sa grand-mère et te demandant où cette conversation allait te mener. Ce frère c'est toi, Xavier. Tu la regardes interdit. Ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Tu parlais à une inconnu sur le coucher de soleil, tu allais tremper tes doigts de pieds et voilà maintenant que tu avais une sœur. C'était fou, non ? De la pure folie. Et puis ça ne pouvait pas être possible. Tu n'avais pas de famille, tu n'avais jamais eu de vrais parents. Alors comment tu pouvais avoir une sœur ? Détail qui te troublait, c'est qu'elle connaissait ton prénom, toi tu n'avais pas la moindre idée de qui elle était, mais elle semblait très bien te connaître. Donc ça ne pouvait pas être une blague. Ou alors elle lançait un prénom au pif et venait de tomber pile poil sur le tien ? Non, ça ne pouvait pas être une coïncidence. « Je.. Je vous demande pardon ? » Tout se mélangeait dans ton esprit. Il s'embrouillait et tu ne comprenais pas tout ce qui se passait là, sous tes yeux. Tu étais l'homme dont la famille apparaissait comme par magie. Déjà Abygaël, et maintenant cette rousse.

Elle avait repris, depuis le début cette fois. Tu l'écoutais te dire que votre mère t'avait abandonné à la naissance et que ton père ignorait ton existence. Ça commençait bien dis-donc. Tu avais peut-être bien fait de vivre éloigné de tous ces drames. Quoique ceux que tu avais vécus n'étaient pas non plus préférable. Au fur et à mesure qu'elle débitait son récit, tu sentais tes jambes ciller et ton estomac se retourner. Tu te laissais glisser au sol, t'asseyant dans le sable. « Et parce qu'on a les mêmes parents, ça fait de nous des frères et des sœurs ? » demandais-tu d'un ton glacial. Tu ne savais pas pourquoi tu réagissais aussi brutalement. Après ce n'était pas sa faute si tu avais été abandonné. Elle était plus jeune que toi, elle avait du voir le jour bien des années plus tard. Profitant de l'amour d'une mère et d'un père, au moins pendant 4 ans. Toi tu n'avais pas eu cette chance. On ne voulait pas de toi. Toi qui ne voulait pas savoir parce que tu ne voulais pas être blessé, c'était trop tard. « Désolé. Ce n'est pas contre vous.. Contre toi.. » reprenais-tu doucement. Tu ne devais pas l'agresser. Elle était ta famille. Avec Aby. Une petite famille, mais une famille tout de même et tu pensais au fait que l'enfant se ferait une joie de savoir qu'elle avait une tante. Que tu n'étais plus si seul que ça. Tu avais bien senti son regard triste l'autre jour, presque déçue pour toi. « J'ai eu une enfance assez difficile. J'aurais aimé avoir un père et une mère comme tu as pu les avoir. Une famille aimante et tout l'tralala. Je n'ai pas eu cette chance. » Tu avais levé ton regard vers elle. Tout fébrile encore de cette annonce. Tu n'allais pas revenir là-dessus, ton passé était du passé et tu voulais juste l'oublier.

Elle semblait t'excuser. Comme si c'était normal que tu l'agresses. Non ce ne l'était pas. Mais tu ne te contrôlais. Tu étais perdu, dévasté. Tu ne comprenais pas. Ta mère n'avait pas voulu de toi. Ton père non plus. Personne ne voulait de toi. C'était ton triste sort, tu étais voué à être seul, à être rejeté. Tu t'y ferais, tu avais vécu seul ces trois dernières années, si ça devait arriver à nouveau, tu saurais y faire face. Tu l'écoutais te demander si tu avais été adopté. Clairement pas la bonne question, mais bon, tu n'avais rien à lui cacher. « Si par adopté tu entends être accueillis dans plus d'une dizaine de famille, pendant deux mois, parfois moins avant de retourner en foyer parce que finalement, tu n'étais pas le bon enfant pour eux, alors oui. Sinon, non. » Tu avais eu le sentiment toute ton enfance d'être une marchandise qu'on pouvait ramener au magasin parce qu'elle était cassée, parce qu'elle ne correspondait pas à ce qui avait été vendu. Tu haussais les épaules perdant ton regard au loin. Tu avais enfoui ça en toi pendant si longtemps, le ressortir ce soir, évoquer toutes ces émotions avec une inconnue - qui n'en était plus une - ce n'était pas évident pour toi. « Dès que tu as su, tu m'as cherché ? » demandais-tu curieux. Elle avait dit qu'elle l'avait appris il y a peu, mais c'était relatif. Un an, dans une vie, c'est tout aussi peu d'un mois ou qu'une semaine. Il suffisait de savoir à quelle échelle.

Elle l'avait fait. Elle avait engagé un détective qui avait passé des semaines à te chercher. Tu étais impressionné, tu devais l'admettre. Elle semblait déterminée à te connaître, à faire les choses comme elles auraient du l'être et avoir un rôle de sœur envers toi. Ça ne te laissait pas indifférent et si tu n'avais pas été bloqué par des barrières, tu l'aurais sûrement prise dans tes bras. « Je suis un homme qui tient beaucoup à sa vie privée, les pistes ont vraiment du être difficile à remonter. » lui avouais-tu. Ta vie privée c'était sûrement le secret de ta réussite. Il n'y avait pas de photo dans les presses, nulle part, tu étais appelée le Black Swan, en référence à ton nom de famille et aussi à tes nombreuses contributions pour les ballets. Seulement, ton prénom lui, n'apparaissait jamais. On ne pouvait pas forcément faire le rapprochement avec toi, sauf si on te connaissait. Tout ce mystère autour de toi, avait rendu populaire tes créations et le bouche à oreille dans ce métier, il n'y a que ça de vrai. C'est comme ça que tu avais bâtit ton empire et ta fortune. Grâce à toi et uniquement à toi, et ton talent. Parce que tu en avais quand même un minimum. Tu l'écoutais raconter l'histoire de ta famille, de tes parents sur le point de divorcer et des raisons de ton abandon. Tu secouais doucement la tête, incrédule, avant de reprendre la parole. « J'entends bien, mais ça n'excuse pas tout. Elle aurait pu m'écrire une lettre, chercher à me reprendre par la suite, puisque si j'ai bien compris, ils se sont remis ensemble et tu es née. Je crois que je ne veux pas l'excuser, je ne l'ai pas connue mais elle ne mérite pas mon pardon, elle ne mérite pas que je comprenne son geste. » Tu soupirais doucement. Tu ne voulais pas t'emporter comme ça, elle voulait juste mettre les choses au clair avec toi, mais tu ne comprenais pas le but de cette manœuvre. Si elle voulait se rapprocher de toi, elle s'y prenait de la mauvaise manière. Tu ignorais la marche à suivre dans ce genre de situations, mais elle ne te paraissait pas correcte celle-là.

Tu l'écoutais se reprendre. Ce n'est pas ce qu'elle voulait dire. Elle s'était trompé dans ses mots ou alors tu les avais mal interprété, quoiqu'il en soit, tu t'étais emporté. Tu passais ta colère sur elle comme si elle était la coupable, la responsable de toute cette histoire. Mais elle n'était pas ta mère, elle n'était pas la femme qui t'avait abandonné, qui n'avait jamais cherché à te retrouver. A te reprendre, à s'excuser. Tu étais l'enfant qui ne comptait pas, l'enfant qu'elle ne désirait vraiment pas. Mais tu devais te calmer, t'énerver ne ferait rien de bon. Et si elle était réellement ta sœur, ce n'était pas ainsi que tu voulais commencer à tisser des liens. « Non.. Je.. » Tu marquais un temps, prenant une grande inspiration. Pourquoi étais-tu énervé ? Contre qui l'étais-tu ? Tu avais pour la première fois de ta vie une réponse au "pourquoi ?" qui te hantait depuis des années. Tu n'étais pas né au bon moment, trop tard pour avorter, tu avais été abandonné. Mis de côté parce que ta mère ne pouvait pas t'assumer seule. Ton père ne sait même pas que tu existe. Et tu as une sœur. Tu ne devrais pas t'en prendre à elle, après tout elle est la plus innocente de tous dans cette histoire. Elle n'a jamais rien demandé à personne, elle est née après toi, elle n'a pas choisi que vos parents se remettent ensemble, elle n'a pas choisi que tu grandisses loin d'elle. « C'est vraiment un sujet sensible pour moi, je m'emporte un peu trop. » déclarais-tu doucement en desserrant les poings. Tu reprenais une grande inspiration, puis une autre. Calmement peu à peu les battements de ton cœur. Tu regardais toujours le ciel, assis dans le sable. « Je suis désolé ! » Tu tournais lentement ton regard vers elle. Pour la détailler un peu plus pendant qu'il faisait encore jour. Tu ne pouvais pas dire de si elle tenait plus de votre mère ou de votre père puisque tu ignorais pas mal à quoi ils pouvaient ressembler. Mais tu lui trouvais quelques traits avec toi. « Tu ne m'as même pas dit comment tu t'appelais ! » Tu esquissais un sourire, imaginant tout un tas de prénoms. Tu saurais bientôt le fin mot de l'histoire.