dr jekyll & mr hyde -r.

La journée était belle. Assez belle pour sortir et profiter. Tu aurais pu aller surfer, comme tu le faisais souvent ces derniers jours, mais tu avais envie de t'évader. Rien de mieux que la moto pour filer à toute vitesse, sentir le vent s'engouffrer dans ton casque et avaler les kilomètres. Tu avais envie de te changer les idées et ça faisait longtemps que tu n'avais pas sorti ta bécane. Après des heures, tu avais besoin de faire un break. De boire un truc et de reprendre ton chemin vers Bowen. Les contrées australiennes étaient belles à voir surtout quand elles défilent à toute allure. Tu te garais et poussais la porte d'un petit boui-boui comme tu aimais les appeler. « Une bière s'il vous plait !» Tu prenais place sur un tabouret au comptoir. Regardant autour de toi. C'est la deuxième fois que l'homme assis à ta gauche te regardait. Tu tentais de ne pas trop t'en soucier mais quand tu faisais encore le tour de la pièce, tu pouvais apercevoir qu'il ne t'avait pas lâché d'une seconde. Creepy. Mais tu n'allais pas rester là sans rien dire, ça non. Ce n'était pas vraiment ton genre. Ce n'était pas un homme assis à un bar qui allait te faire peur. « Qu'est-ce tu regardes ? » T'étais un peu sauvage, tu n'y allais pas non plus pas quatre chemin. A croire qu'il avait jamais vu une fille avec un blouson de cuir. Ou alors c'était la bière ? Tu n'avais pas non plus l'allure d'une poupée. Les robes c'était pas tant ton genre. T'étais plutôt salopette ou pantalon de moto. Jogging, aussi pour faire du sport c'était plus pratique.

Tu avais pris place et attendais qu'on te serve. Pendant ce temps, il y en avait un qui n'arrêtait pas de te reluquer. Tu trouvais ça grossier, déplacé même. Tu avais l'impression d'être un bout de viande et tu détestais ressentir ça. Alors tu avais haussé le ton, le fusillant du regard, pour changer. Et il s'était levé, parlant de ton cuir. Tu ne comprenais pas ce qu'il entendait par là mais tu devais admettre qu'il t'intriguait pas mal. Il ne semblait pas être un gros pervers dégueu comme tu avais pu le penser quelques minutes auparavant. Il était tout blême, à croire qu'il avait un fantôme et ça t'agaçait de ne pas comprendre ce qui ne tournait pas rond chez lui. « Et ? » questionnais-tu le jeune homme. Avant qu'il ne se lève et se mette à courir dans tous les sens, prenant la fuite. Non pas sans en rajouter une couche lorsqu'un autre homme entre dans le bar. Tu lui jettes un bref coup d'oeil avant de reporter ton attention sur ta pression. Tu n'aimais pas les bars, en définitive, mais ce n'était pas comme si tu avais vraiment le choix. C'était le seul établissement à des kilomètres à la ronde et tu avais besoin d'un truc pour te désaltérer. Tu devais supporter ça le temps d'une dizaine de minutes, après quoi tu enfourcherais ta moto pour te barrer d'ici vite fait, bien fait et rentrer à Bowen. « Putain, mais c'est quoi son problème ? » râlais-tu encore contre l'autre con, même dehors, tu l'entendais encore crier en l'imaginant courir dans tous les sens. Tu étais une râleuse, tu n'allais pas le nier. Il t'avait fait chier l'autre con à te regarder de travers et à se barrer comme il l'avait fait. Tu ne comprendrais pas les gens dans cette foutue ville.

Tu râlais dans ton coin. Un peu trop fort, comme si tu voulais qu'on puisse t'entendre. Le message allait plus en direction du barman, lui pourrait peut-être t'expliquer quelle mouche avait piqué l'inconnu mais c'était ton voisin de droite qui prit la parole. accusant le coup qu'il avait pu lui mettre l'autre jour. Tu fronçais les sourcils doucement, peu certaine d'avoir bien compris. Pourtant, il semblait tout ce qu'il y avait de plus sérieux. Tu esquissais un sourire, enfin une personne intéressante. « Tu l'as frappé ? Genre, parce qu'il t'a regardé de travers ? Ou parce qu'il a essayé de volé ta bière ? » Tu le regardes rapidement de haut en bas, pour le jauger. Il ressemblait tout de suite à un mauvais garçon. Et Dieu sait que tu aimais ça. Tu t'étais un peu calmée depuis Zéphyr, vivant ta vie dans ton coin. Dernièrement, tu avais pu draguer ta nouvelle secrétaire, mais ça ne passait pas vraiment. Elle ne semblait pas réceptive aux signes que tu pouvais envoyer. Et comme tu n'allais pas passer ta vie à attendre après une fille, tu pouvais aussi faire de l'oeil à l'inconnu qui se trouvait assis à côté de toi. « C'est juste qu'il arrêtait pas de m'reluquer et j'déteste ça. J'avais l'impression qu'il me dévisageait. » Tu étais hargneuse. Un peu trop parfois, mais tu n'hésitais à montrer que tu savais mordre. Tu ne voulais pas qu'on puisse penser que tu étais une proie facile, ou alors si, pour mieux attaquer par derrière. Pour laisser à l'autre une trace. On ne pouvait pas s'approcher aussi facilement de toi, que tu le laissais paraître. C'est peut-être pour ça que tu osais mettre les pieds dans ce genre de bar, parce que tu savais que tu ne risquais pas grand chose, à moins qu'ils se mettent à plusieurs sur toi.

Tu ne savais pas vraiment d'où sortait ce type, ni même pourquoi tu lui adressais la parole. Tu ne parlais pas vraiment aux autres si ce n'était pas dans une optique de le ramener chez toi, et là ça ne semblait pas être le cas. C'était comme si tu voulais sympathiser, sauf que tu ne savais pas vraiment comment faire. Ce n'était pas tellement ton genre de faire amie-amie avec les hommes dans un bar, quand tu fais une pause bière. C'était peut-être son allure, ce qu'il dégageait, ou sa manière de te parler, mais tu ne sais pas pourquoi, il te semble vraiment familier. Comme si tu le connaissais depuis des années, que tu lui tapait la discute de manière tout à fait normale. Ce n'était pas le cas et pourtant, tu continuais. Souriant même à ce qu'il disait. C'était un vrai petit chanceux et il devait pas mesurer sa chance. Tu avais un caractère tellement changeant que te voir sympathique dès le début, c'était presque un miracle. « Je suis d'accord, on vole pas une bière. » blblbl. « C'est pas parce que j'suis pas laide qu'il doit me regarder avec instance. J'suis pas d'accord, ni lui, ni personne. Homme comme femme, j'fais pas dans la distinction. » Il avait semblé surpris de ta réponse. Tu étais honnête, tu n'aimais pas qu'on te fixe un peu trop longtemps comme ça. Soit on te faisait du rentre dedans et selon tu humeur, tu voyais ce que tu faisais. Soit on ne te parlais pas, mais on te dévisageais pas non plus. Tu avais vraiment ça en horreur et c'était peut-être un peu d'agir comme ça, mais tu t'en foutais pas mal. « Il avait l'air d'avoir le sang chaud dis-moi. En plus d'être con. » Tu avais étiré un sourire sur tes lèvres en écoutant son récit. Décidément le mec semblait vraiment con une fois ivre. Le genre de type qu'on devrait interdire de boire. En même temps, pas ivre tu ne savais pas trop ce que ça donnait, ce n'était peut-être pas mieux. Et puis l'alcool pouvait l'aider à ne pas ressentir la douleur. Ivre, on pourrait presque croire qu'on était immunisé à la douleur. Jusqu'au réveil le lendemain matin. Lui semblait avoir encore un coup sur la tête de sa dernière rencontre avec l'homme à ta gauche. « Donc t'es du genre samaritain ? J'trouve ça admirable quand la femme peut pas s'défendre. Sinon c'est un peu du sexisme. » Et ce n'était pas un sujet sur lequel il fallait te lancer. Pour toi, qui savait te défendre, tu n'appréciais pas qu'un homme se permette de te venir en secours sous prétexte que t'es une femme face à un homme et que tu semblais ne pas t'en sortir. T'étais peut-être un peu conne pour ça, butée même mais tu ne changerais pour rien au monde.

Tu l'écoutais raconter son histoire. Toujours à fond dedans, comme passionnée. Tu devais admettre que d'habitude tu ne passais pas autant de temps à discuter avec les gens autour de toi dans un bar. Souvent parce qu'ils avaient bu et que tu les trouvais cons. En plein milieu de l'après-midi, c'était pire puisque souvent c'était des poivrots. Pourtant, lui semblait différent. Déjà, il était arrivé après toi, donc il ne passait pas son temps à cuver ou boire depuis des heures. Puis, il t'avait parlé de l'autre con, celui qui semblait avoir peur des vestes en cuir . « Dommage pour lui, il est tombé sur plus fort. » Plus fort, ou tout simplement moins ivre. Au fond, ça revenait au même non ? Pourtant, lui semblait ne pas apprécier tes propos. Comme si tu avais dit quelque chose d'offensant, te demandant directement ce que ça aurait été si Ted avait été gay. Ça pourrait passer pour de l'homophobie à condition qu'on sache que Ted est gay et que lui était contre ça, mais ce n'était pas le cas. Il s'emportait juste un peu trop, ce que tu ne comprenais pas, mais pourtant, tu ne t'emportais pas à ton tour. Ce qui était une chose assez rare, mais il ne te connaissait pas assez pour savoir le tempérament de feu que tu pouvais avoir. « Hé mollo mec ! Je ne dis pas que c'est sexiste, je dis que si tu l'avais sauvé en pensant que c'était une femme sans défense, là ça aurait été sexiste, mais ce n'est pas le cas donc pas la peine de t’énerver. » Tu haussais doucement les épaules pour passer rapidement un trait là-dessus. Tu aimais bien discuter avec lui, ça serait dommage que d'un coup, tu ais une forte envie de lui coller ton poing dans la gueule et te casser aussi vite. Tu ne voulais pas de ça, toi qui le trouvais fort sympa, ça serait dommage d'en arriver là. Mais tu te connaissais, tu étais imprévisible, colérique et parfois, une vraie tête de mule. Tout ne dépendait que de lui, s'il cherchait à te faire chier pour trois mots prononcés ou au contraire s'il mettait cette histoire de côté parce que ça n'en valait pas la peine. Tu te trouvais presque adulte d'agir ainsi, et tu n'allais pas t'arrêter en si bon chemin. « J'peux t'offrir une bière ? » demandais-tu doucement, le détaillant une nouvelle fois du regard, pour le détailler une nouvelle fois, t'attardant un peu plus sur son blouson. Il n'était pas si différent du tien. En regardant un peu autour de toi, il n'y avait pas tant de cuir que ça, ce qui te surprenait puisque le bar était réputé comme bar à motard. Tu n'avais pas non plus vu beaucoup de moto en entrant. Il y avait juste la tienne. Peut-être la sienne aussi maintenant. « En tout cas, t'as bien raison, les femmes sont les pires. » affirmais-tu, un fin sourire sur les lèvres. Les femmes étaient plus dangereuses parce qu'elles étaient plus vicieuses, elles poussaient les choses, usant de toutes leurs cartes et des pires coups bas. Une femme n'avait pas honte d'utiliser toutes ses cartouches contre un homme, au contraire. Certaines en prenaient même du plaisir, mais tu ne te situais pas parmi elle. Tu étais caractérielle mais tu ne cherchais pas absolument à te battre.

L'instant était passé. Tu étais soulagée, tu avais eu peur un court moment pensant que ça allait partir en couille. Mais non, peut-être que ton explication avait été convaincante, ou alors il n'avait peut-être pas envie de se frotter à toi. Tu avais peut-être un beau visage, mais tu n'étais pas un ange. Pas le moins du monde. Au moins le calme était revenue. Tu pouvais bien lui proposer une bière, ce qu'il acceptait sans le moindre soucis. Te proposant même de t'offrir le suivant. Tu sentais que tu allais passer un bon moment dans ce bar finalement, ce qui ne te déplaisait pas tant que ça. « Je ne dis jamais non à une bière ! » Tu esquissais un sourire, faisant un signe au barman pour que vous puissiez jouir à nouveau de l'alcool. Reposant rapidement ton regard vers lui. Un peu curieuse et amusée à ses propos. Il semblait surpris que tu sois d'accord avec lui pourtant il n'y avait rien de grandement surprenant. Tu étais une femme, tu connaissais la psychologie, la façon de penser et même la façon d'agir. Allant de la parano à la surveillance. Ce n'était pas toujours évident en lisant les cas parfois dans les magasines de filles. Bien que tu en lisait peu, ce n'était pas très culturel pour toi. « J'crois que tu préfères pas savoir. » Tu laissais un grand sourire s'étirer sur ton visage laissant planer un doute. Au fond, tu n'étais pas méchante. Tu avais les mots surtout, mais tu en venais rarement au mains. Tu avais déjà giflé une fille qui t'avait agressé pensant que son copain la trompait avec toi - pour la remettre en place, mais rien de bien méchant. Tu n'étais pas du genre psychopathe à faire des plans tordus, tendre des embuscades ou avoir carrément des vendettas. Non, tu laissais couler sauf si on te cherchait des noises. Par chance, comme tu avais une grande gueule, souvent les autres passaient leur chemin sans essayer d'en avoir plus. « Vous conduisez quoi ? » demandais-tu curieuse. Tu avais longtemps lorgné son cuir, alors tu finissais par poser la question.

Tu parlais, tu parlais et tu n'avais même pas réalisé que le ton de la conversation avait changé. D'un coup tu t'étais mis à le vouvoyer et tu ne l'avais même pas réalisé. C'est lorsqu'il te fit la remarque que tu ouvris les yeux en grands, ne comprenant pas tout de suite ce qu'il venait de dire. Puis en refaisant le fil de la conversation dans ta tête, tu avais fini par te mettre à rire. « J'avais même pas fait gaffe » Tu secouais doucement la tête, face à ta bêtise. Peut-être que tu t'étais sentie impressionnée d'un coup, ou alors tu étais simplement fatiguée. Tu ne saurais dire la raison exacte de ce changement mais ça avait eu le mérite de te faire rire. Tu riais comme une idiote même, comme si tu avais quinze ans et que tu essayais de draguer le premier garçon que tu venais de rencontrer. Maladroite et en manque d'assurance. Autant dire que ça en jetait moins que tout à l'heure. « Belle mécanique oui ! » reprenais-tu un peu plus sérieusement en l'écoutant parler de sa moto. « Peut-être une prochaine fois pour le tour alors ! » Tu fis un petit clin d'oeil. Tu avais eu le sentiment d'avoir fait ça par réfléxe et tu trouvais ça affreusement ridicule au point que tu avais envie d'en faire un deuxième et prétexter un TOC ou quelque chose dans le genre. L'alcool te faisait-il perdre tous tes moyens ? « Ouep, j'ai une Honda CB 500 ! » Tu détournais le regard un instant pour jeter un oeil dehors, mais de là où tu étais assise, tu ne pouvais pas voir l'extérieur et encore moins jeté un coup d'oeil à ta moto. Pas que tu t'inquiétais tant que ça, mais surtout pour te changer un peu les idées et arrêter d'agir comme une gamine. « Peut-être qu'un jour on pourra prendre la route et s'arrêter pour prendre une bière ! » ajoutais-tu doucement, portant ta bière à tes lèvres.

Il avait souri quand tu riais de toi. Il y avait quelque chose qui se passait à ce moment là. Souvent tu ne faisais pas attention aux hommes dans les bars parce qu'ils étaient lourds, qu'ils te faisaient une remarque déplacée et que tu avais juste envie de leur coller un poing dans la gueule. Tu finissais souvent par aller trouver une femme pour lui rouler un patin et prier pour qu'ils te laissent en paix avant de vraiment t'énerver. Mais lui n'était pas con, il ne cherchait pas à te rentrer dedans puis il était drôlement sympa. Assez sympa pour que tu restes là à faire un brin de causette quelques minutes de plus sur sa moto, puis sur la tienne. Le genre de conversation que tu n'avais pas tous les jours mais qui était agréable quand elle arrivait. Tu n'avais pas l'impression de parler en chinois, ou alors vous parliez chinois à deux. Ce qui était déjà plus cool. « Une simple de 98. » ajoutais-tu simplement pour clore le sujet sur ta bécane. Il en connaissait déjà pas mal sur le sujet, tu étais impressionnée. Il aurait pu se contenter de connaître que la sienne, comme ça pouvait arriver parfois, mais lui ça se sentait qu'il était plus passionné. D'autant plus qu'il avait l'air partant pour ton idée. En même temps tu ne lui proposais pas de se marier et de fonder une famille, ça non, tu lui proposais un virée moto avec une pause bière. Vu sa présence ici et sa tenue, tu ne pouvais que lui proposer un truc qui allait lui plaire. Ce n'était pas bien compliqué non plus. « Ça m'semble honnête ! » Tu esquissais un fin sourire attrapant une serviette pour y déposer ton numéro. Tu aurais pu sortir ton téléphone afin qu'il le rentre directement mais il était dans ton sac, qui se trouvait dans ton top case. Tu n'avais pas vraiment le courage de bouger jusque là-bas pour aller le chercher alors que tu pouvais très bien l'écrire sur une serviette en papier et la lui donner. Après advienne que pourra, s'il la perd, ça serait son problème. Surtout que tu ne savais même pas d'où il était, si ça s'trouve, il habitait même pas Bowen. Mais avant même que tu puisses lui donner, il réalisait autre chose, vous vous étiez même pas présentés. Ça faisait bien une bonne dizaine de minutes que vous parliez et l'idée de lui donner ton prénom n'était pas venue jusqu'à ton cerveau. Par chance, il prit les devants et tu en étais ravie. « Tiffany. » ajoutais-tu en attrapant sa main pour la serrer à ton tour. Ça lui allait bien, tu aurais plus vu un truc un peu plus original, peut-être avec des consonnes partout parce qu'il avait un peu la dégaine d'un chanteur de groupe de métal. Mais tu ne devais pas te fier aux apparences et ne pas laisser ton jugement prendre le dessus tout le temps. Ça finirait par te porter préjudice à force.