like i was young -r.

Il s’excusa de sa question ce qui eut pour effet de mettre un peu plus mal à l’aise encore la jeune Russe. Elle devait vraiment donner une image fragile ou quelque chose dans le genre pour qu’il s’excuse de s’intéresser à elle. Certes, elle n’aimait pas parler de ça mais elle ne pouvait pas tellement lui reprocher de s’en inquiéter. Néanmoins, il ne sembla pas arrêter dans ses questions puisqu’il aborda le sujet de sa carrière professionnelle. Il venait justement d’appuyer sur la corde sensible. Annushka aurait aimé se mettre dans un coin, roulé en boule pour se faire oublier et éviter de repenser à tout cela. Mais il fallait bien qu’elle affronte la réalité en face un jour, nier tout ce qui était arrivé et tout ce que cela impliquera était ridicule.

-Oui, j’étais ballerine dans une troupe de Moscou. Je ne pourrais plus.

Une troupe, une grande troupe même, la troupe officielle. Bref. Ressasser le passé était inutile, il fallait qu’elle aille de l’avant même si ça lui semblait impossible.
Son nouveau partenaire était adorable de s’inquiéter d’elle de la sorte mais toutes ses questions ne faisaient que lui rappeler toutes celles qu’elle s’était posées dans les jours qui avaient suivi son accident. Ça avait certainement été le moment le plus horrible de sa vie. Elle leva donc les yeux vers lui en hochant doucement la tête de droite à gauche. Elle avait encore du mal à en parler mais pourtant il le fallait, ça ne pouvait lui faire que du bien.

-Non, même une chirurgie n’aurait pas pu me permettre de retrouver mon niveau d’avant.

La technicité, sa grâce, bref, tout ce qui faisait d’elle une excellente ballerine. Ses questions avaient été rapides, il lui avait à peine laissé le temps de répondre, mais cela n’empêchait pas qu’elle le trouvait adorable.

-Disons que c’est une plaie que je n’ai pas encore pensé alors c’est assez difficile d’en parler.

La brunette avait baissé les yeux, se disant qu’il fallait absolument qu’elle pense à autre chose si elle ne voulait pas vivre quelques instants de déprime. Elle était encore fragile, trop fragile.

Tu t'étais pincé les lèvres, te sentant un peu bête, pensant avoir faire une grosse bêtise. Pourtant tu avais juste posé une question. Peut-être parce que c'était encore frais, peut-être parce que tu ne t'attendais pas à une réponse aussi triste. Tu pensais que c'était dû à la pratique avec le temps, le corps pouvait se fragiliser mais non. Un accident, un simple accident qui avait chamboulé sa vie du jour au lendemain. « Je suis vraiment désolé de vous mettre mal à l'aise, je ne pensais pas que c'était aussi récent.. » Tu bafouillais, rougissant, ne sachant pas vraiment où te mettre. Tu l'écoutais répondre à chaque question que tu avais pu te poser. Aucune chirurgie ne pouvait l'aider, rien ne pourrait la remettre sur pied pour qu'elle puisse reprendre sa passion. « Je trouve ça tellement injuste ! » Et pourtant c'était ainsi. La vie l'était parfois, comme ça sans raison. Elle qui avait un visage si doux, un regard pétillant, tu sentais bien ce que représentais la danse pour elle. Elle allait devoir apprendre à vivre sans. C'était comme si tu te faisais amputer des mains et que tu ne pouvais plus cuisiner et encore moins jouer du piano. Tu n'y survivrais peut-être pas. Par chance, tu n'en étais pas là, mais si ça devait arriver un jour, ce serait sûrement la pire chose au monde pour toi. Même si actuellement tu ne pouvais pas comprendre tout ce qu'elle pouvait ressentir, ni même connaître la frustration qu'elle devait ressentir. « Promis, j'arrête mon interrogation. » Tu voyais bien que c'était un terrain glissant, surtout si c'était encore frais dans sa tête, tu ne voulais pas gâcher sa journée, toi qui pourtant lui avait donné un peu de baume au coeur en l'aidant à faire quelques pas tout à l'heure, tu te sentirais mal de la laisser sombrer dans la tristesse. Pourtant une autre question te venait en tête et tu n'avais pas su te taire. « Juste, pourquoi Bowen, après Moscou ? » C'était un choix intéressant après tout. Elle aurait sûrement pu aller dans d'autres villes, peut-être même rester à Moscou, ce n'était pas parce que sa carrière était finie qu'elle ne pouvait pas être utile ailleurs. Si c'était une étoile du ballet, ses conseils seraient sûrement les bienvenues pour de nouvelles recrues. Alors pourquoi Bowen ? Qu'est-ce qu'elle pensait trouver en venant ici ? Ton regard ne la quittait pas, il était bienveillant et tu lui souriais de plus belle.

A ses excuses, Annushka se contenta de hausse doucement les épaules. Elle se doutait bien qu'il n'avait jamais eu l'intention de mettre les deux pieds dans le plat et qu'il était certainement mal à l'aise de la situation. Mais ce qui est fait est fait, tant pis. Ca ne servait à rien de l'accabler.

-Ce n'est rien.

C'était certainement un gros mensonge mais tant pis. Elle allait finir par s'y habituer. Il le fallait de toute façon parce que moins elle en parlait, plus ça lui faisait du mal quand ça arrivait.

-Ca l'est. Mais il faut vivre avec.

Elle avait au moins comprit ça pendant sa convalescence, elle n'avait pas d'autre choix que de vivre sans la danse, peu importe ce que ça impliquait pour elle psychologiquement. Il y avait des fatalités das la vie et si Dieu avait décidé qu'elle ne devait plus danser alors il devait avoir ses raison. Surement savait-il qu'elle pouvait s'épanouir dans un autre domaine mais elle ne l'avait pas encore trouvé.
Le sourire de son partenaire de danse l'encourageait à réponse à sa question. Il semblait vraiment gentil malgré sa maladresse. Enfin, en matière de maladresse parfois elle était plutôt douée aussi alors ce serait peut être un peu hypocrite de lui reprocher.

-Ma tante habite ici et mes parents pensaient que j'avais besoin de changer d'air pour me reconstruire... Ils doivent avoir raison.

Elle ne se sentait pas si mal depuis qu'elle était là. Le climat était bien différent bien sûr et la culture aussi mais elle avait sa tante comme attache alors elle réussissait à s'adapter petit à petit.

L'art de savoir poser une question tout en mettant les deux pieds dans le plat. Ce n'était pas toujours évident de poser des questions quand on ne connaît pas l'autre, quand on ne sait pas se qui se cache derrière certains mots ou certains gestes. Si tu devais revivre la situation, tu agirais probablement de la même façon parce que tu ne savais pas t'y prendre autrement. Mais tu étais ainsi au final. Tu t'en voulais, ça allait s'en dire mais elle ne t'en voulait pas. Tu n'avais pas fait exprès d'être maladroit après tout. « Si jamais vous avez envie de danser, compter sur moi alors ! » Tu affichais un grand sourire en te relevant, les étirements avaient assez duré, d'autant plus que tu l'avais fait de manière très sérieuse et très rigoureuse puisqu'elle était là pour garder un oeil sur toi. Tu te sentais bien, tu te sentais détendu. Ces quelques pas t'avaient fait le plus grand bien, peut-être que s'il n'avait pas été aussi tard, tu aurais pu te relancer dans la danse mais tu avais encore à faire. « Vous veniez aussi petite ou c'est la première fois que vous mettez les pieds ici ? » Tu avais envie de lui poser tout un tas de questions, comme si c'était plus fort que toi. A chaque fois que tu te disais que c'était la dernière, il y en avait encore une, puis une autre et ça n'en finirait probablement jamais. C'était ça d'être curieux et de ne pas savoir tenir sa langue dans sa poche. Pourtant elle te souriait aussi un peu, elle t'encourageait dans ta démarche d'une certaine façon. Bon, tu n'allais peut-être pas non plus jeter la faute sur elle. C'était toi, le bavard dans l'histoire.

Annushka eut un large sourire quand il se proposa comme partenaire de danse. Elle trouvait ça réellement touchant. Elle était certainement un peu trop sensible vis à vis de ça, mais qui pouvait le lui reprocher ? La danse, ça avait été toute sa vie.

-Vous pouvez croire que c'est noté.

Parce que les danseurs ça ne courrait vraiment pas les rues, surtout ceux de classique. Et puis, il était particulièrement gentil avec elle, bien qu'un peu curieux, et maladroit.
La Russe finit par se relever également. Ils s'étaient tous les deux bien étirés. Ils ne devraient pas avoir trop de courbatures.
La série de questions ne semblaient décidément pas être terminé ce qui la fit sourire. Ce n'était pas une question assez indiscrète pour la déranger heureusement, sinon elle se serait déjà enfoncée dans un trou de souris.

-Non je ne venais pas petite, c'était ma tante qui se déplaçait au moment des fêtes.

Elle noté l'idée. Toi aussi tu aimais bien ça, en plus en temps qu'ancienne professionnelle elle pourrait t'aider à travailler tes mouvements, à retrouver ta grâce d'antan. Même si tu pouvais toujours faire une croix dessus, mais si tu pouvais récupérer au moins 10% de ce que tu avais su faire un jour, tu en serais déjà ravi. Tu hochais la tête agrémentant d'un d'accord lorsqu'elle te racontait pour sa tante et comme promis, tu stoppais tes questions. Tu étais bien trop bavard quand tu te lançais dans un sujet mais tu savais aussi t'arrêter. Une chance pour elle parce que tu aurais pu y passer la nuit. « Je ne vais pas vous monopoliser plus longtemps ! » Tu allais t'en aller avant de penser à une petite chose qui pourrait peut-être utile parce que tu lui avais quand même proposé de l'aider à danser, mais pour ça, il fallait peut-être que tu lui laisses quelque chose pour qu'elle puisse avoir au moins une chance de te retrouver. On pourrait dire que c'était un éclair de génie, ou juste un coup de chance. Quoiqu'il en soit tu te tournais vers elle une dernière fois. « Si vous me cherchez, je m'appelle CJ et je suis là tous les mercredis et jeudis à partir de 18h. » Tu esquissais un grand sourire avant de t’éclipser vers le vestiaire pour hommes où tu reprenais ta veste et ton sac, regagnant ton vélo pour rentrer chez toi. Tu repenserais à cette jeune femme, à son visage, à ses traits, à son histoire et tu aurais envie de retourner là-bas le plus vite pour la faire danser, pour voir un sourire se dessiner sur ses lèvres.