don't do love (cj)

L'air se fait plus frais là-haut, au sommet de cette falaise. Théia ne sait pas vraiment comment elle a fini par se retrouver ici, à un endroit si improbable à visiter pour elle qui n'a pas le droit de faire de sport. Elle marchait, perdue dans ses pensées, et ses pieds l'ont guidée jusque là sans même qu'elle ne se rende compte. Non pas qu'elle regrette tout ce sport qui essouffle d'ailleurs son petit cœur trop fragile pour ces fortes sensations qui, littéralement, lui coupent le souffle.  Au contraire, elle ne fait vite plus attention aux battements irréguliers qui secouent son corps entier et se concentre sur la vue qu'elle a. C'est la première fois qu'elle vient ici, la première fois qu'elle peut tenir Bowen dans le creux de sa main. D'un pas prudent, elle marche jusqu'au bord et regarde les vagues aller et venir. Elles sont calmes, et ce mouvement suffit à apaiser la jeune fille. Pendant un instant, elle ne pense à rien. Ni à Wallace, ni à ses problèmes de santé, pas même au risque qu'elle court en venant ici. L'air frais la fait frissonner, et Théia croise ses bras contre sa poitrine histoire de se réchauffer un minimum. Elle penche la tête en arrière et laisse le vent soulever ses longues boucles brunes, puis ferme lentement ses paupières. Cette sensation de légèreté et de liberté lui plait. De là-haut, elle a l'impression que rien ne peut l'atteindre, qu'elle est hors de porté de tous les problèmes de la vie. La brise l'empêche d'entendre les bruits de pas derrière elle, et ce n'est que quand la personne est à seulement quelques mètres d'elle que Théia se rend compte qu'elle n'est pas seule. Elle sursaute et se tourne vers l'individu. « CJ ? » Immédiatement après avoir prononcé ces deux lettres, ses joues s'empourprent et elle ressert un peu plus l'étreinte de ses bras contre son petit corps.

Tu avançais sans vraiment savoir où tu allais. On pouvait dire que tu te laissais porter par le vent. Par le fil de tes pensées aussi. Tu ne savais plus quoi penser. Depuis la soirée sur la plage l'autre soir, où la blonde avait mis une baffe à Alfie et où Nev' s'était barrée avec lui, tu étais confus. Surtout lorsque tu avais eu la version de Lou, sur un incident produit quelques jours plutôt, le même jour où tu t'étais retrouvé en tête à tête avec Lennox. Elle avait du mordant, tu devais l'admettre, et ça te plaisait d'avantage. Comme si elle défendait son territoire. Elle avait de l'espoir pour toi, pour vous. Et ça te mettait d'autant plus la tête en l'air en sachant son histoire avec Lou. Comment les deux femmes de ta vie ne pouvaient, ne pas s'entendre ? Que devais-tu faire ? Tu ne le savais pas. Et tu marchais pour essayer de le savoir. Rien ne venait, rien du tout. Le néant. Tu arrivais à la falaise, tu aimais y venir, admirer la mer, la ville. Tu avais le sentiment d'être au dessus de tout, de pouvoir oublier tes problèmes le temps de quelques heures. Mais tu ne serais pas seul aujourd'hui. « Théia ! » Tu avançais encore un peu vers elle. Un pas, puis un autre. Tu étais à bonne distance. Tu l'avais surprise évidemment, comme si tu la prenais sur le fait. Tu ne sais pas lequel, mais c'était ça qui t'amusait le plus au fond. « Tu sais que tu ne devrais pas être là, c'est un peu dangereux, t'es si fine, tu pourrais te faire emporter par la brise. » T'es con. Ce n'est pas possible, à chaque fois que tu la croises, tu ne peux pas t'empêcher de faire une remarque sur son corps si fin. Mais tu souris, amusé par toi, par elle et ses joues rouges. T'étais peut-être con, mais pas aveugle.

Elle ne peut pas s'empêcher de rougir quand elle voit à cause de cette fois où elle l'a abordé, juste parce que c'était ce gars sexy sur qui tu flash en silence, de loin. Sauf que Théia avait franchi la barrière entre le crush et l'un peu plus, en bégayant, sans réussir à aligner correctement plus de deux mots. Puis elle a compris que CJ n'était pas qu'un beau visage, et elle a commencé à l'apprécier pour qui il est au fond de lui. Elle ne saurait pas l'expliquer, elle s'est directement sentie attachée à cet homme à la vie si compliquée dont il ne lui parle pas, mais qu'elle peut deviner car elle connait ce regard rempli de réflexions qui se bousculent. Elle l'a déjà vu bien trop de fois. Il s'avance vers elle, et Théia reste sur place en se balançant d'avant en arrière. Même si elle ne rougit plus à chaque fois qu'il prononce son prénom, elle ne peut s'empêcher de sourire. Sa réflexion la fait rire, et elle secoue négativement la tête. « Je me tiendrai à toi, dans ce cas. » Elle lui lance un petit regard en coin avant de sourire à nouveau, puis s'approche de lui. Sur la pointe des pieds, Théia tend ses lèvres vers la joue de CJ et y dépose un baiser de bonjour, bonsoir, ou tout simplement un baiser qui lui dit qu'elle est ravie de le voir. « Comment vas-tu ? » demande-t-elle avant de s'asseoir en tailleur dans l'herbe, puis de tapoter le sol à coté d'elle pour l'inciter à faire de même.

Au moins tu pouvais dire qu'elle ne perdait pas le nord. Elle ne semblait pas avoir plus peur que ça. Dommage, tu aurais bien joué à celui qui réconforte et qui rassure, qui chasse les peurs d'un revers de la main. T'étais plutôt bon à ça. Tu devrais trouver autre chose maintenant. « Alors on tomberait tous les deux ! » Tu t'approchais d'elle doucement, d'un pas lent, après tout tu n'étais pas si pressé que ça. A sa hauteur, elle se hissait sur la pointe des pieds pour te déposer un baiser sur la joue. Ce petit geste te fait sourire, elle te fait sourire. Elle est si jeune, paraît si insouciante et sa façon d'agir avec toi, ça te faisait penser à Sara et toi quand vous n'étiez que des enfants timides, incapables de franchir un cap. A croire que votre vie aurait basculé si vous l'aviez fait. « Je vais bien et toi ? » Un petit mensonge, tout petit qui se cachait dans un sourire. Pas besoin d'étaler au grand jour les problèmes de coeur de CJ. CJ qui pourtant n'avait pas de coeur - plutôt qui ne savait pas le faire fonctionner. Qui était incapable de comprendre ce que ça voulait dire, ce que chaque accélération pouvait bien signifier. C'était idiot. Tu étais capable de ressentir et de comprendre beaucoup de choses, mais l'amour te posait un problème. Le genre qui te dépassait et te mettait la tête en vrac.

Sa réponse la fait sourire, presque rougir même. Au final, peut-être qu'il arrive encore à déclencher ça chez elle. Théia pose une main à niveau de son cœur et regarde CJ en faisant semblant d'être touchée par ses paroles. « Quel homme romantique ! » dit-elle d'une voix exagérément dramatique. En réalité, c'est bien le genre de phrases qui suffit à lui réchauffer son petit cœur, à Théia, elle ne fait donc pas entièrement semblant. Elle ne fait qu'exagérer ce qu'elle ressent vraiment avec, comme seul but, réussir à tirer un sourire à CJ. Suite à sa question, il lui dit qu'il va bien. Théia ne pourrait pas deviner qu'il ment, il fait partie de ces personnes qui cachent trop bien leurs émotions pour qu'elles puissent être visibles sur les traits de leur visage. Sauf qu'elle-même a si souvent fait semblant, elle sait qu'on ne répond rarement qu'un simple je vais bien lorsque c'est vraiment le cas. Sauf que, même si elle en meurt d'envie, elle ne peut s’immiscer dans la vie du jeune homme alors qu'il vient à peine d'arriver. Elle ne voudrait pas déjà le faire partir en courant, elle va au moins attendre quelques minutes. « Oh, tu sais, la routine. Je me fais environ cinq mecs par jours, et j'ai encore gagné un prix Nobel pour ma découverte sur les effets bénéfiques du non-sport. » Théia esquisse un sourire avant de secouer négativement la tête. Elle n'est pas du genre à se faire tant de garçons, pas même sur un an. Et encore moins du genre à gagner un prix Nobel. « Ça va. Enfin, comme une fille qui a un trop petit cœur et qui ne peut même pas encore noyer son chagrin dans de l'alcool. » Elle regarde l'horizon et hausse les épaules afin d'alléger ses paroles. Théia râle rarement pour de vrai, elle a d'ailleurs souvent tendance à plaisanter sur la ridicule taille de son cœur. « Mais bon, t'es là, donc j'ai pas à me plaindre ! »

Se taper cinq mecs et considérer ça comme du non-sport ? Elle avait un sens de l'humour pour le moins particulier. C'était peut-être ça qui te plaisait chez elle. Ou son air innocent. Après tout, elle était encore un bébé, du moins pour toi. Elle était encore jeune, découvrant à peine la vie. Elle avait encore le temps devant elle pour tout ça. Ce n'était pas comme si c'était pressé si ? Et pourtant, tu oubliais toujours son problème de coeur. Elle pouvait quitter ce monde à tout moment, et cette idée t'effrayait. « Un prix Nobel ? J'étais dans ton discours de remerciement au moins ? » demandais-tu en rigolant. Si elle voulait entrer dans ça, tu serais capable de la suivre toute la journée. Tu étais assez joueur. Mais elle semblait reprendre la réalité qui était la sienne, t'annonçant qu'elle allait bien malgré son problème. « Un verre ne devrait pas te tuer. Et tu es bien trop belle pour te noyer dans l'alcool. » ajoutais-tu simplement. Elle avait un petit coeur, certes, mais de là à vouloir se noyer dans l'alcool, c'était peut-être un peu extrême. Et pour l'avoir fait plus d'un fois, ça n'apportait rien. Elle n'y trouverait aucun réconfort. Alors qu'avec toi, elle semblait en avoir. Tu arquais un sourcil, bien curieux d'en apprendre plus. « Ma présence te fait aller mieux ? » Intéressant. Tu esquissais un sourire, te posant au bord de la falaise avec elle. Regardant la mer au loin.

Si elle s'attendait à ce qu'il lui réponde quelque chose d'aussi adorable qui la ferait rougir à coup sûr, peut-être que Théia aurait réfléchi à deux fois avant de parler. Au moins pour se préparer mentalement à ne pas sourire comme une imbécile et à devoir détourner les yeux pour qu'il ne le remarque pas. Elle ne répond pas à sa question, se contentant de hocher vivement la tête tout en regardant l'horizon. Elle cherche ses mots face à son compliment. Non pas qu'elle ne sait pas quoi lui dire, plutôt qu'elle a peur de passer pour une imbécile. Elle a toujours craint qu'il ne la traite comme une enfant, et qu'il réponde qu'elle est trop jeune pour boire. Mais non, il lui a dit qu'elle est belle, et ça ne la laisse pas indifférente. Même si Théia sait pertinemment qu'un homme comme lui ne risque pas de s'intéresser à une fille comme elle, elle ne peut s'empêcher d'avoir un pincement au coeur à chaque fois qu'il se montre doux envers elle. Elle a toujours apprécié ça chez lui, cette gentillesse, et l'impression qu'elle n'est pas qu'une ado malade quand elle est avec lui. « Tu vas me faire rougir, » répond-t-elle en donnant un léger coup d'épaule à CJ qui vient tout juste de prendre place à coté d'elle. Suite à sa question, elle hésite à jouer la carte de l'humour, ou à la jouer franc-jeu. « Oui. Enfin, un peu. Mais que ça ne te fasse pas prendre la grosse tête surtout. » Théia n'est pas quelqu'un de timide, et elle n'a jamais retenu pour elle ce qu'elle pense, sauf quand cela risque de la mettre mal à l'aise. Elle se dépêche donc de changer de sujet pour ne pas susciter la pitié chez lui. « Assez parlé de moi ! Je pense que t'as une vie beaucoup plus passionnante que la mienne, alors raconte-moi ! »

Elle était si mignonne, avec son air candide sur la visage. Tu avais l'impression d'avoir une très jeune fille face à toi. C'était le cas, elle était toute jeune encore. Elle passait à peine le cap de la vingtaine quand toi tu approchais celui de la trentaine. La différence pourrait être un motif rédhibitoire pour toi, mais tu passais au-dessus sans trop de difficultés. Tu t'en foutais, qu'elle ait 15 ans, 24 ou encore même 38, ça restait une femme pour toi. « Tu es déjà toute rouge, tu sais, ça t'en rend pas moins mignonne ! » ajoutais-tu en souriant. Elle allait le devenir encore plus après ça, mais ça t'amusait de la pousser comme ça. Elle ne devait pas se sentir aussi timide, aussi gênée, parce qu'elle n'avait aucune raison d'être ainsi. « Ce n'est pas mon genre, tu le sais bien. » Tu hochais doucement la tête. S'il y avait bien une chose que tu ne savais pas faire, c'était prendre la grosse tête. C'était bien un mot qui ne faisait pas partie de ton vocabulaire, ou alors juste pour t'amuser le temps d'un instant, mais jamais très sérieusement. Tu ne te trouvais pas assez bien, pas assez génial pour avoir le sentiment d'être le meilleur. D'ailleurs, tu ne voyais pas ce qu'elle pouvait trouver chez toi, pour être un peu sous ton charme. Tu avais une belle gueule, mais ce n'était pas le genre de fille superficielle qui s'arrête au physique. Au fond, tu étais un connard, tu tendais à l'être moins, mais tu ne valais pas grand chose. « Je me suis remis à la danse classique ! » confiais-tu en posant ton regard sur elle. Au moins, c'était un fait amusant, et ça changeait les idées, les siennes, comme les tiennes.

Il lui fait remarquer qu'elle est rouge, ce qui lui donne immédiatement le réflexe de cacher ses joues derrière son avant-bras. Que ce soit de lui ou de quelqu'un d'autre, Théia a toujours eu du mal face aux compliments. Elle n'y est pas particulièrement habituée, et ne sait jamais si elle doit dire merci ou simplement sourire. Elle fait retomber son bras une fois qu'elle sent les rougeurs disparaître de son visage puis le regarde d'un air faussement désintéressé. « T'es pas trop mal non plus, » réplique-t-elle en haussant les épaules. Son regard dévie vers l'horizon, et elle le regarde pendant un moment en attendant qu'il lui parle de lui. Car même si Théia n'a jamais eu de problème pour parler d'elle ou de tout ce qui définit sa petite personne, elle n'a rien à raconter qui ne plomberait pas l'ambiance. Elle se sent seule en ce moment, et ça dure depuis déjà un an. Elle ne le dit pas, mais il n'est pas rare que certains arrivent à le lire sur son visage. La mort de son meilleur ami, la séparation avec son père, à croire que le destin s'amuse à s'acharner sur la pauvre petite. Dans un élan d'entrain, CJ lâche soudainement qu'il s'est remis à la danse classique. Parce qu'il en a déjà fait ? Théia se tourne vers lui et le regarde avec de grands yeux. « Sérieusement ? Je veux voir ça ! » Elle se met à genoux et le pousse pour le forcer à se lever. « Une démo, une démo ! » chantonne-t-elle avant de s'asseoir sur ses jambes pliées, un grand sourire amusé aux lèvres. Elle donnerait n'importe quoi pour le voir danser, quitte à être obligée de l'accompagner. Quoi que, obligée est peut-être un mot exagéré.

Pas mal. Tu le savais un peu, à force, de l'entendre. Même si tu ne trouvais pas non plus que tu étais du genre canon. Tu avais un visage assez symétrique et des traits bien dessinés. Tu pourrais être mannequin, peut-être. Mais ça ne t'intéressait et tu n'importait pas d'importance à ton visage, à ta "beauté". Au fond, ça ne ferait que de toi, un homme superficiel, et tu n'en n'étais pas vraiment un. « HAHA ! » Tu t'étais mis à rire, en la regardant taper dans ses mains comme pour t'encourage. Une enfant, une vraie gamine, mais ça t'amusait et tu te serais presque prit au jeu. Mais ce n'était pas que tu ne voulais pas, mais l'environnement dans lequel vous étiez n'était pas vraiment propice pour ce genre de chose. « J'sais pas si t'as remarqué mais on est un peu sur une falaise là, c'est pas le bon endroit. » Tu lui montrais de la main le paysage en souriant. Ce n'était vraiment pas le bon endroit pour ça. Tu n'avais pas de barres sur laquelle t'appuyer, pas de chaussons pour tes pieds. « Mais le jour où tu passes au cours de danse, je te promets une démonstration. » C'était une promesse et elle pouvait compter là-dessus. D'ailleurs, tu te demandais même ce qui t'empêchais de lui prendre la main et de courir à travers la ville pour vous rendre à la salle. Peut-être sa santé un peu trop fragile et la peur de la perdre en route. Mais ce n'était pas une raison pour trop la ménager.

Il marque un point. Théia suit du regard le paysage qu'il désigne, et hoche pensivement la tête. C'est vrai qu'elle ne voudrait pas voir CJ plonger la tête la première dans ce fossé de plusieurs mètres, ça lui briserait le cœur. Elle pousse un soupir, un peu déçue de ne pas pouvoir assister à sa fameuse reprise. « Tu ne peux pas me lâcher ça sans une démonstration. C'est comme si je t'avais dit que j'avais cuisiné un gâteau à tomber par terre sans t'en avoir amené une part. » Elle le regarde, une moue triste sur son visage de poupée. Ces temps-ci, Théia a vraiment envie de s'amuser. Elle veut rire à en pleurer, avoir des crampes aux ventres, elle veut danser sans ses dire qu'elle pourrait avoir une attaque au moindre moment, en se fichant de ne plus réussir à ravoir un poul normal. D'un bond, elle se lève et tire sur les mains de CJ. « Allez, il doit bien y avoir un truc que tu peux m'apprendre, » supplie-t-elle en le tirant un peu plus fort pour l'emmener un peu plus loin du bord de la falaise. « Je me dévoue pour être ta partenaire, ta barre de strip-tease, tout ce que tu veux. » Un grand sourire étire ses lèvres et une étincelle brille dans ses yeux marrons.

Tu eus un sourire amusé à sa remarque. C'est vrai que tu lui mettais de la poudre aux yeux mais tu ne lui donnais rien derrière. Toi aussi tu serais déçu. « Je t'aurais cru sur parole et quand tu en aurais fait un autre, tu me l'aurais apporté ! » assurais-tu, un sourire sur les lèvres. Tu savais ne pas montrer ta déception, même si parfois, l'envie te manquait. Ce n'était pas toujours honnête d'agir comme ça. « Ma barre de strip tease ? Je n'en demande pas tant, une partenaire devrait faire l'affaire. » Tu ne savais pas où elle allait piocher toutes ses idées ou ses mots mais ça te faisait rire. C'était bien la première fois qu'une fille te faisait ce genre de proposition. Et aussi étrange que ça puisse être, tu trouvais ça très amusant. C'était de l'humour, elle n'avait pas la capacité physique de supporter ton corps ou des gestes acrobatiques. Ou alors elle serait étrange. « Très bien, tu me laisses guider ? » Tu t'étais levé et avait attendu qu'elle fasse de même. Tu te mis face à elle, attrapant ses mains dans les tiennes, et fit quelques pas de pieds en lui expliquant ce qu'elle devait faire. Un simple pas de danse de rock, le genre de mouvement qu'elle aurait pu admirer dans Dirty Dancing si elle était du genre à aimer les vieilles comédies musicales. Après quoi tu fus lancé pour la faire glisser, la faire tourner et la faire atterrir dans tes bras, dans une position inclinée où ta tête se retrouvait à quelques centimètres de la sienne. Le souffle court, un sourire épais sur le visage. Essoufflé mais heureux.

Malgré tout ce qu'elle a déjà traversé, tous ces événements qui auraient pu lui couper son envie de vivre, Théia a toujours gardé cet humour décalé qui la caractérise si bien. Des réflexions lâchées de manière inattendues, qui font parfois rire ou parfois pitié. Elle a souvent cette manie de parler ou agir sans réfléchir, et c'est rapidement devenu le cas avec CJ quand ceux-ci ont commencé à devenir amis. Elle ne se dit jamais qu'il pourrait la trouver bizarre, même si ça doit très certainement être le cas par moments. Théia est tant décalée, et lui parfois si perfectionné, semblable à une oeuvre d'art. Elle n'en serait que le croquis, comparée à lui. « Je ferai de mon mieux pour être une bonne partenaire. » Théia n'a jamais été une grande danseuse. Quand elle entend de la musique, elle sautille sur place, mais sans plus. Elle n'a jamais fait de slow, de rock, ou de salsa. Elle s'est toujours contenté de danser du pied ou de la tête, ou de tout son corps en même temps. Lorsque CJ lui demande de le laisser guider, elle hoche docilement la tête et laisse ses mains glisser dans les siennes. Un mois plus tôt, ce simple contact aurait certainement suffi à créer une mini éruption volcanique dans son petit ventre. « Fais-moi rêver, » lâche-t-elle en souriant de manière totalement innocente, sans arrière-pensée. Théia a quelque peu de mal à suivre les premiers pas, mais elle finit par réussir à s’accommoder à son rythme. Elle se sent soulevée et a l'impression de voler, un sentiment qu'elle n'a jamais ressenti jusqu'à aujourd'hui et qui lui plaît assez. Alors qu'il le fait tournoyer, elle ne peut s'empêcher de rire légèrement. CJ s'arrête, et Théia plonge son regard dans le sien avec une main posée sur son épaule. Un grand sourire étire ses lèvres et elle inspire profondément pour retrouver son souffle. Son coeur va bien, il ne palpite pas, et elle se sent presque capable de recommencer si elle ne mourrait pas déjà de chaud. « Waw CJ, quel talent, » souffle-t-elle sans se défaire de son sourire avant de lui faire une révérence, faisant semblant de tenir les bords d'une robe invisible.

Un pas, puis deux. Tu avais même un petit air de danse rock'n'roll qui te trottait dans la tête à mesure que vous dansiez. Tu aurais presque pu fermer les yeux et te croire des années en arrière, quand Mégara t'avait appris ces quelques pas. Elle te chantait une chanson, te disant de te concentrer sur sa voix, et tu oubliais tout l'espace d'un instant, tu oubliais ton comptage et tu pouvais danser, sauter, courir, te mouvoir comme si tu n'avais pas de toc. Ce souvenir t'arrachait un sourire en plus d'un pincement au cœur. Ton esprit fut plus clair quand ton visage était proche de celui de Théia. La pauvre, elle en était rouge écarlate. Tu l'aidais à se redresser, admirant sa révérence. Tu te mis à rire, voilà ce que tu aimais chez Théia, sa joie de vivre, sa façon d'être. Sa bonne humeur alors qu'elle a un  problème de cœur, elle vivait comme si elle ne s'en souciait pas. « Tu étais une des meilleures partenaires, mais c'était mon seul mouvement de vrai danse. » Après tu ne savais pas danser. Quand tu allais en boîte, souvent tu restais assis à observer parce qu'il t'était impossible de te mouvoir. Sauf s'il s'agissait de danse classique. Tout était une question de temps, et pas. Et comme tu comptais les tiens, c'était un sport dans lequel tu avais pu excellé plus jeune. Maintenant tu n'avais plus la souplesse d'antan. « Tu as déjà rêvé de sauter en parachute ? » demandais-tu doucement, en te rasseyant là où tu étais quelques minutes plus tôt, fixant au loin la mer. Tu avais parfois des envies étranges. Actuellement, tu te demandais ce que ça faisait de sauter en parachute. C'était un peu comme ça que tu voyais l'amour. Un grand saut dans le vide, sans parachute au début.

CJ est un homme qu'elle admire. Il a ce charisme, ce calme qui le caractérise et qu'elle ne peut qu’apprécier. Il a quelque chose de réconfortant, comme si il était capable de créer autour de lui une sorte de bulle qui le protégeait de tous les malheurs de la Terre, entraînant Théia avec lui. Danser en sa compagnie a été pour elle un plaisir qu'elle n'a pas pu cacher. D'ailleurs, il est rare pour Théia qu'elle ne contrôle ses émotions positives, ou du moins qu'elle les minimise. Autant elle a tendance à garder ses ressentis négatifs pour elle, autant elle aime exprimer sa joie avec exagération pour une raison totalement inconnue, même pour elle. Elle est comme ça, à sourire à tout va et à sautiller partout comme si la vie ne tenait pas qu'à un fil pour elle. « Oh, merci ! C'était déjà très bien, ne t'en fais pas. » En réalité, Théia ne se sent pas assez endurante que pour le suivre plus longtemps dans ce domaine qui lui colle si bien. Comme lui, elle prend place dans l'herbe et est étonnée par la question qu'il lui pose. « Je n'y ai jamais vraiment pensé pourquoi ? Tu m'offres un saut ? » demande-t-elle sur un ton amusé. Elle se met en tailleur et regarde l'horizon, commençant à penser à mille choses qui lui traversent soudainement l'esprit. Elle sent un étrange sentiment de nostalgie l'envahir, et elle songe à ces derniers événements qui sont arrivés dans sa vie ces derniers temps et qui ont tous laissés leur trace dans sa mémoire. « Dis, CJ ? » Théia tourne la tête vers lui, ses doigts commençant à jouer avec un brin d'herbe qu'elle déchire en plusieurs morceaux. « Tu es déjà tombé amoureux ? » Question étrange, posée par une fille étrange. Mais elle attend sa réponse avec curiosité en déviant le regard, car elle a peur de ce qu'il pourrait lui demander en retour.