Confidences entre amies + Ayda

Encore l'une de ces réunions dont je me serai bien passée vous savez. S'il avait encore été là, jamais je n'aurai eu à mettre les pieds dans cette salle... oui mais voilà s'il avait encore été là, jamais je n'aurai fait la connaissance de cette jeune femme prénommée Ayda, qui tout comme moi, avait perdu l'homme de sa vie. Oh bien sûr, moi ça faisait déjà huit ans que j'avais perdu mon mari et même si j'arrivais à retrouver ma joie de vivre, de plus en plus chaque jour, j'avais tout de même besoin de me rendre à ces réunions quelques fois, ne serait-ce que pour soutenir mon ami, qui elle venait tout juste de traverser ce que j'avais vécu après la mort de l'homme que j'aimais. Pas question, en sachant que celle-ci traversait l'une des pires périodes de sa vie, que je ne fasse comme si de rien était et que j'agisse avec elle, comme la famille de mon mari et la plupart des personnes de mon entourage l'avaient fait, quand je suis devenue veuve. Et dire que l'on avait été jusqu'à penser que je n'aimais pas réellement mon mari et que je l'avais épousé juste pour de l'argent, à l'époque... encore un coup de cette vieille sorcière qui me servait de belle-mère à l'époque. Qui d'autre que cette femme qui ne m'avait jamais aimé, aurait pu essayer de ternir ma réputation à ce point ? Personne.

Encore une sempiternelle réunion, peut-être la quinzième en moins de deux mois. Tu les aimais bien, tu pouvais parlé de ton aimé en toute tranquillité. Personne n'était là pour te juger. Ce n'était pas une chose facile de tourner la page quand tu avais passé presque une décennie avec lui. Tu ne pouvais tout simplement pas t'imaginer tirer un trait sur tout ça. Tu en étais incapable. Tu poussais la porte pour entrer dans la salle à la recherche d'une tête connue. Et une fois que tu l'avais dans ta ligne de mire, tu te dépêchais de la rejoindre. « Bonsoir Alizéa ! » Tu lui offrais un petit sourire, prenant place à ses côtés. Elle était là à chacune des réunions, et vous aviez fini par sympathisé. Surtout grâce à elle, tu n'avais pas osé aller lui parler la premier et maintenant, cette barrière était tombée. « Je ne suis pas trop en retard ? » demandais-tu un peu inquiète. Tu ne savais jamais si tu devais t'y rendre tôt, ne voulait pas attendre trop longtemps seule. Toutes ces femmes qui pleuraient leurs maris, ça te donnait le cafard, mais à force de trainer, tu allais finir par arriver en plein milieu d'une réunion.

Si ça ne tenait qu'à moi, je crois que ça fait longtemps que j'aurai arrêté de participer à ces réunions qui ne faisaient que raviver mes blessures, suite à la perte de mon mari. Mais je n'avais pas le droit d'arrêter comme ça. Non je n'avais pas le droit de la laisser tomber alors qu'elle traversait elle aussi cette période difficile que j'avais vécu il y a huit ans de cela. Patientant tranquillement dans mon coin que la réunion commence enfin, j'étais partie pendant quelques minutes dans mes pensées avant d'en sortir soudainement lorsque Ayda avait fait son apparition dans la salle et était venue à ma rencontre, tout en me demandant si elle n'était pas trop en retard. Secouant alors doucement la tête de gauche à droite, j'avais par la suite pris la parole, en esquissant un léger sourire : 

« Non, ne t'inquiète pas, la réunion n'a pas encore commencé. »

Mon regard se posant ensuite sur les autres femmes qui se trouvaient autour de nous, je ne pouvais m'empêcher de repenser aux premières séances auxquelles j'avais participé. Les voir dans cet état de détresse, ça me rappelait moi, après que j'ai appris la mort de mon mari. Pourquoi une telle chose m'était arrivée ? Qu'est-ce que j'avais bien pu faire dans une vie antérieure, pour mériter ça ? J'avais beau participer à ces réunions et savoir que je n'étais en rien responsable de cet accident qui m'avait ôté définitivement l'amour de ma vie, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que si la mère de mon mari ne m'avait pas autant détesté, ce dernier serait peut-être encore en vie à ce jour. Soudain, alors même que j'étais entrain de m'imaginer la vie que j'aurai pu avoir aujourd'hui, si mon mari n'était pas décédé aussi soudainement, une voix m'avait de nouveau sortie de mes pensées. C'était le pasteur qui présidait la réunion qui avait commencé son discours de bienvenue, à l'attention de nouvelles personnes qui avaient elles aussi perdu leurs maris ou leurs conjoints. Soupirant alors doucement, je m'étais tournée face à Ayda et j'avais repris la parole : 

« Comment ça va aujourd'hui ? »

Elle te rassurait sur ta présence et t'affirmait que tu étais à l'heure. Effectivement, en jetant un coup d'oeil à la ronde, tu pouvais voir le pasteur qui n'avait pas encore pris position. Tu t'installais à côté d'elle sans plus attendre. « Oh ! Parfait alors. » Tu laissais ton regard traîner dans la pièce, se posant sur chaque visage, un à un. Pour certains, tu t'en rappelais puisque c'était un visage qui devenait familier à force de le croiser dans ces réunions. Et puis c'était aussi des femmes que tu pouvais voir en dehors de ce cadre. Même si de toi-même, tu n'allais jamais les voir. Tu n'avais pas spécialement envie de les aborder et à part les saluer, tu ne savais pas quoi dire. Tu n'avais rien de particulier à leur dire, elles n'étaient pas tes amies et ne comptaient pas le devenir. Le pasteur prit la parole, et tu posais ton regard sur lui. Tu écoutais son sempiternel discours de bienvenue, puis tu tournais ton regard vers Aliea, qui venait de te poser une question. « J'aimerais dire que ça va mais ça serait mentir, j'ai encore fait cet affreux cauchemar ! » Habituellement tu aurais souris en disant que tout vas bien mais là, c'était bien le seul endroit où tu pouvais être honnête, où tu pouvais vider ton sac sans soucis. « Et toi, tu vas bien ? » demandais-tu à voix basse pour ne pas gêner la réunion qui venait de commencer. Après tout, tu n'étais pas là pour faire la papote, mais pour parler de ta douleur, tu étais un peu une rebelle. Mais tu aimais ce sentiment de liberté que tu prenais et puis ce n'était pas comme si vous parliez de la pluie et du beau temps.