demons will kill you ‹ free.

La soirée avait été trop forte en émotion. Tu avais laissé tomber les barrières, abattu les masques. Tu t'étais laissé tomber en arrière et elle n'avait pas su te rattraper. Elle te laissait te rétamer au sol. Elle était partie, emportant avec elle tes espoirs. Tu avais fini au bar du coin, où tu avais bu 2 verres, ou peut-être 15. Tu ne savais plus, tu ne voulais pas savoir. Tu retenais que tu n'étais plus sobre. Au moins, c'était déjà ça de pris. Tu avais fini par laisser un gros pourboire au barman pour repartir avec un de ses bouteilles. Tu n'avais pas franchement l'état pour aller au magasin. Et puis, on refuserait sûrement de te laisser rentrer. Tu la cachais sous ta veste, traînant les rues comme un zombie. Jusqu'à la falaise. La nuit était belle, la lune était rosée. C'était amusant, tu avais l'impression d'être vraiment trop sou pour la voir rose. La lune ne pouvait pas être rose. Tu t'approchais du bord, vacillant. Tu te laissais tomber doucement, avançant sur les fesses pour te mettre au bord. Tu tanguais sur le bord de la falaise. Les pieds dans le vide, assis en regardant la mer. Les vagues allaient et venaient. Elles te donnaient envie de les rejoindre. Après tout, si la prison ne pouvait pas être atteignable, la mort oui ? Qu'avez-tu à perdre, à part la vie ? Tu ne ferais briser que le cœur d'une enfant, une fois de plus. Tu rejoindrais le club des personnes qui l'ont déçue. Elle vivra avec Adilyn toute sa vie, elle était entre de bonnes mains, de meilleurs que les tiennes en tout cas. Tu avais le sang d'une femme sur les mains, après tout. Tu n'étais qu'un criminel, un criminel, ivre mort.

Depuis quelques jours j'avais l'impression d'être dans un mauvais rêve. Huit ans. Huit ans que j'essayais de reprendre le dessus depuis la mort de Julian et alors même que je commençais à aller mieux, voilà qu'une nouvelle apprise il y a peu m'avait fait comme l'effet d'une bombe, une fois celle-ci annoncée. Comment était-ce possible qu'un truc pareil se soit passé et que lors de l'enquête personne n'ait rien remarqué d'étrange sur les lieux ? Comment avions-nous pu passer à côté de ça ? Me concernant je sais très bien que c'est parce que je n'étais plus moi-même à cet instant-là, mais mes collègues, eux, ils avaient bien dû voir que quelque chose clochait non ? Perdue dans mes réflexions, j'avais décidé d'aller faire un tour à la falaise, non loin de l'endroit où mon mari avait perdu la vie il y a huit ans, dans l'espoir d'y trouver quelconques indices qui pourrait m'amener sur une nouvelle piste. Il fallait que je trouve quelque chose, même si tant d'années étaient passées depuis ce jour maudit, qui prouverait que quelqu'un avait sciemment percuté mon mari et que ma belle-mère était l'instigatrice de ce meurtre. Mais quelles preuves fallait-il que je cherche. Bonne question. Tant pis, je verrai ça une fois sur place. 

Foutaises, lorsque quelques dizaines de minutes plus tard, j'étais arrivée aux falaises, je n'avais rien trouvé qui aurait pu me conduire à ces preuves, mais en prime ma voiture avait décidé de faire des siennes et de ne pas redémarrer. A croire qu'elle aussi elle avait été crée pour me pourrir la vie. Très bien, puisque c'était comme ça, j'allais en profiter pour me balader dans les environs et profiter du calme de cet endroit pour me ressourcer et essayer de mettre mes idées au clair. Oui mais voilà, alors même que je m'étais rapprochée un peu plus des falaises, tout en repensant aux bons moments que j'avais vécu avec Julian, voilà que j'avais aperçu un jeune homme, assis sur le bord du rocher et apparemment pas dans un état normal. Me rapprochant alors doucement de ce dernier, j'avais pris la parole, sur un ton plutôt calme, avant de m'installer à ses côtés, à une distance raisonnable de celui-ci, histoire qu'il ne se sente pas oppressé par ma présence. 

« Est-ce que ça va ? »

Tu fixais le vide, ne sachant pas quoi faire. La mer semblait si attirante, si belle. Dans son manteau de bulles, te demandant si elle serait assez confortable pour t'y accueillir. Peut-être. Peut-être pas. Tu ne le saurais que si tu sautais le pas. Et présentement, tu n'avais pas encore le moral assez bas pour le faire. Tu avais beau te dire que ta vie était finie, qu'il ne servait à rien de vivre une seconde de plus. Tu sentais comme un goût d'espoir au fond de ton coeur. Peut-être que pour fonder la belle famille que tu imaginais depuis que tu savais pour Aby avec Adilyn, mais pas pour être un bon père. Tu avais pas mal assuré les derniers jours alors qu'est-ce qui t'empêchait réellement d'être un bon père ? Toi. Toi uniquement. Toi et ta connerie. Et tu n'arrivais pas à penser plus loin, un voix te tirait de tes songes. Tu tournais la tête doucement, il ne fallait pas agir brusquement, ton équilibre était un peu trop précaire pour jouer au con. Et tu regardais la jeune femme, esquissant un sourire. Ou une grimace. Tu ne saurais pas dire, dans la nuit et dans l'état d'ivresse que tu affrontais, ça ne devait pas être très chaleureux. « j'sais paaaaaaaaaas ! » Tu avais longuement insisté sur le pas. Tu n'étais pas dans ton état normal, pas en état de penser de manière logique, et de parler correctement. Tu allais buguer, bégayer et sûrement te perdre dans tes mots. C'était ça d'être ivre. Tu pouvais sentir l'alcool dans toutes les parties de ton corps. Et tu aimais ça. Un peu trop, d'ailleurs. Comment avais-tu pu tenir trois ans sans boire une goutte ? C'était si bon, ressentir l'alcool te tourmentait l'esprit. Te faire oublier tout le reste de ta vie minable. Tu étais si bien, si ivre. Et tu ne comptais pas t'arrêter en si bon chemin. Après tout ton foie avant fait la grève pendant trois ans, tu comptais bien rattraper chaque jour que tu avais pu passer sans boire une goutte, qui à en sombrer cette nuit. Demain tu devrais remonter la pente, pour Aby. Parce qu'elle comptait sur toi, et que tu ne pouvais pas te permettre de la décevoir. Tu ne voulais pas être une personne de plus qui l'abandonne. Mais ça attendrait demain. Tu étais trop ivre pour agir correctement, et quitte à te perdre ce soir, à perdre le chemin de la sagesse, autant en profiter le plus possible. « Tu veux ? » proposais-tu en beuglant, sortant ta bouteille de ta veste. Heureusement que tu étais un homme partageur, tu aurais pu te battre pour ta bouteille et ça aurait été le comble de la misère.

Assise aux côtés du jeune homme, je ne savais pas trop quoi faire. Quelles étaient ses intentions ? De toutes évidences, s'il avait eu envie de sauter, il l'aurait déjà fait non ? Et puis même s'il désirait le faire alors que j'étais là, comment pourrai-je le retenir ? Je n'avais pas du tout la même carrure que lui. Oui bon pour le moment cette question ne se posait pas. Lui demandant si ça allait, ce dernier m'avait alors répondu qu'il n'en savait rien. A l'odeur d'alcool qui s'était fait sentir alors même qu'il était entrain de me répondre, j'avais rapidement compris ce qui n'allait pas. En temps normal, j'aurai dû l'embarquer au poste pour ivresse sur la voie publique, mais je n'en avais aucune envie. Je n'avais pas la tête à jouer au lieutenant de police ce soir. La seule dont j'avais envie c'était de me vider la tête avant de rentrer chez moi par la suite. Comment, pendant toutes ces dernières années, j'avais pu passer à côté d'un truc aussi grave et penser que j'étais responsable de la mort de mon mari, alors que ce n'était pas le cas ? C'était sa mère la coupable, pas moi ! Seulement, ce drame s'était produit il y a huit ans et je n'avais aucune preuves qui pourraient prouver les dires du cousins de Julian. Soupirant alors légèrement après avoir constaté que j'aurai pas mal de travail à accomplir pour rendre justice à mon mari, je n'avais toutefois pas pu m'empêcher d'esquisser un léger sourire après avoir entendu les dires du jeune homme qui se trouvait à mes côtés. Ce dernier me tendait alors sa bouteille et voulait savoir si je voulais la partager avec lui. Après tout pourquoi pas, d'une j'en avais bien besoin et de deux cela ne me ferait certainement pas de mal quelques gorgées d'alcool. Prenant alors la bouteille que me tendais le jeune homme, j'avais alors bu quelques gorgées de son breuvage, avant de lui rendre et reprendre à mon tour la parole :

« Merci. J'avais bien besoin de ça pour me remonter le moral. » 

Secouant ensuite doucement la tête de gauche à droite, j'avais ajouté, tout en passant l'une de mes mains dans mes cheveux :

« Tu viens souvent ici ? »

Habituellement, quand on rencontrait quelqu'un, la bienséance voulait que l'on se présente avant de poser des questions ou d'entamer toutes discussions, cependant, cela ne m'était même pas venu à l'esprit de me présenter au jeune homme. Non pas que je n'en avais pas envie, mais disons que les circonstances avaient fait que je n'y avais pas pensé.

Si tu avais su qu'elle était flic, tu aurais sûrement réfléchi à deux fois avant de lui tendre ta bouteille. Quoiqu'au final, tu aurais quand même fini par lui proposer, pour l'amadouer, ou la soudoyer, ce qui aurait empirer les choses. Mais elle n'en disait pas un mot, et attrapait ta bouteille pour en prendre plusieurs gorgées. Tu esquissais un sourire, elle avait une bonne descente. Dommage que tu aies déjà trop bu, sinon, tu aurais pu l'inviter à prendre un verre. Peut-être un autre jour, qui sait. Ou peut-être pas. Si tu ne voulais pas jouer au con, il n'y aurait pas d'une autre fois. Tu verras demain, comment tu réagirais lorsque tu aurais conscience de ta descente aux enfers. Pour le moment, tu reprenais ta bouteille, regardant le vide. Tu focalisais ton attention sur elle, le temps de sa question, et puis tu détournais le regard. Comme si tu étais incapable de te concentrer sur quelque chose de précis. « Je.. Euh.. » Tu contemplais l'horizon un instant, oubliant sa question. Tu avais l'esprit trop embrouillé pour prendre le temps de bien réfléchir. Pendant quelques minutes, tu laissais planer un silence puis quand ton regard se posait à nouveau sur elle, tu repris ta réflexion. Merde, c'était quoi déjà sa question, déjà ? Tu ne savais pas, tu ne savais plus. Il fallait pourtant lui répondre, tu n'allais pas rester là, à la regarder sans rien dire ? Ça allait lui faire peur, ça allait être une situation étrange, déjà qu'elle n'était pas très joyeuse. « P't-être » avais-tu fini par déclaré en haussant les épaules. C'était une réponse assez passe-partout, fallait juste espérer que sa question ne concernait pas ton identité, auquel cas tu aurais l'air d'un con qui répond "Peut-être" à "Comment tu t'appelles ?" Mais bon, elle avait bien du voir que tu étais ivre. Complétement torché, tu étais encore étonné de pouvoir articuler trois syllabes de manière presque audible et compréhensible. « Tu d'vrais pas rester là, suis un homme danger ! » Tu balançais le corps en arrière, les pieds dans le vide, tu étais maintenant allongé, le dos contre le sol, et le regard vers le ciel. L'inconnue toujours à côté de toi, penchait un peu la tête, sûrement intriguée par ce que tu venais de dire. Mais ce n'était pas en étant dans cet état que tu aurais des propos cohérent, ou que tu ferais tout pour cacher la vérité. Tu étais limite prêt à la crier sur tous les toits.