don't touch me | bérénus

Tu l'entends se parler à elle-même. Si ces paroles s'adressaient à toi, tu n'en as pas entendu le moindre mot, ce qui attire ton attention, attise ta curiosité. Pardon? Tu lui souris en croyant percevoir une lueur de désarroi... - non, de douleur? - dans ses yeux, mais tu ne dis mot. Tu n'es pas bon, avec les mots. Tu n'es pas bon, pour savoir quoi dire, pour rattraper tes fautes, pour réparer les tords que tu causes. Toi et toi seul, en temps normal. Malgré que tu crois que ç'aurait été une erreur, une grosse erreur comme tu le lui as avoué, ton corps s'emballe à la simple possibilité de l'idée que tu aurais pu l'avoir nue, contre toi. Tu n'es qu'un sale pervers, un macho qui ne pense qu'au cul, et même si c'est parfois malheureux à dire, c'est tristement vrai. Depuis un long moment déjà, sans même que tu ne le réalises trop, vos regards sont plongés, perdus dans le profondeur des yeux de l'autre. Bérénice t'avoue à voix haute en avoir eu envie. Avoir eu envie de toi. Depuis le début. Depuis le début, quand? Votre rencontre? Ce dîner raté chez toi? Tu préfères ne pas poser la question, puisque ton attention se pose sur une autre chose qu'elle vient de dire et qui fait grimper en toi une certaine irritation. Pas contre elle, mais contre l'aveu, en soit. Ton regard s'assombrit et tes traits se durcissent. Sérieux, tu murmures doucement, mais clairement: Princesse, j'dois bien faire une ou deux têtes de plus qu'toi. J'suis musclé, j'suis grand et gros. T'es frêle et mince, t'es toute petite. Ne va pas croire que tu es fautive parce que tu t'es laissée faire. Ce n'est pas... c'est pas d'ta faute, merde. C'est moi.. c'est d'MA faute! Oui, j'ai eu terriblement envie d'toi, d't'embrasser comme un dingue, d't'avoir dans mon lit. Mais j'suis un homme avec des valeurs, avec du respect, et jamais j'aurais dû m'aventurer de la sorte, alors que je connaissais ta position, ton refus. Tu comprends? Tu t'lèves pour aller chercher ton chandail que t'avais laissé reposer un peu dans la salle de bain, puis tu l'enfiles, malgré qu'il soit tout plein de sang. Y'a que ça que tu puisses mettre, tu vas pas te promener torse nu toute la nuit, quand même.

« Mais … ce n'était qu'un baiser, rien d'autre … Je ne t'ai jamais interdit de m'embrasser. » Elle t'étonne de plus en plus, la Bérénice. Elle ne te l'a jamais interdit. Le désirait-elle? Aurait-elle voulu que tu continues, que tu poursuives le baiser? Sans pour autant aller plus loin, avait-elle aimé? Veux-tu que je recommence? N'importe quand pour toi, ma belle. Tu lui accordes un clin d'oeil amusé et provocateur. À ne pas te retenir, à ne pas te contrôler, tu lui sauterais dessus pour l'embrasser. Mine de rien, tu as apprécié ce bref contact de vos deux corps, séparés par deux minces couches de vêtements. Les frissons qui te parcouraient l'échine au moment du baiser avaient servi d'analgésique à la douleur causée par tes nombreuses blessures. Tes ecchymoses ne s'effaceraient pas avant bien quelques jours. Leur couleur bleutée s'imprimait presque dans ta peau, à force de te faire tabasser de la sorte. La jeune femme te pique la bouteille - sa bouteille d'alcool, pour la ranger, alors que tu commençais à peine à t'amuser. Nah, mais oh! Hey! Tu fais la moue en maugréant, mécontent qu'elle t'ait retiré ta maigre source de bonheur, de soulagement, de réconfort physique. Étonné de sa question, tu hausses un sourcil sans trop savoir quoi réponse. Comme t'as dit: t'es pas bon avec les mots. On peut pas prédire. L'autre fois était supposée être la dernière, et voilà que j'me retrouve ici, chez toi. On sait jamais.. tu voulais me revoir? Curieux, tu poses cette question sur le ton de l'ironie, bien que mine de rien, tu ne serais pas bien contre l'idée de la revoir une autre fois. Ah, Angus... Pas bien. Pas bien du tout.

Ça l'amuse de la voir rougir chaque fois qu'il pose ses yeux sur elle ou qu'il ouvre simplement la bouche. Ça lui plaît bien trop pour arrêter, pour s'excuser et ne plus la taquiner de la sorte. Ses joues qui virent au rouge chaque fois qu'il la complimente ou que la distance entre eux deux est trop courte. De la voir rire niaisement d'un simple commentaire, d'un simple sourire ou d'un simple geste. Il exerce sur elle un pouvoir qu'il ne calcule que trop bien, sans pourtant totalement s'en rendre compte. Toutes ces femmes n'en ont que pour ce qu'il montre, le physique presque parfait qu'il leur dévoile et qu'elles attendent toutes. Angus se trouve à être une victime fière de son sacrifice, un éclopé de son passé qui aujourd'hui ne veut laisser transparaître aucune faiblesse et rendre la pareille à la gente féminine. Nul besoin de raison pour être un connard, mais Angus en a pourtant toute une liste, qui ne regarde que lui. Quand les choses deviennent un peu plus sérieuses et que la conversation prend un autre tournant, il veut fuir. Fuir bien loin, pour éviter tout tracas, tout piège dans lequel il pourrait s'emmêler les pieds, duquel il se retrouverait éternellement prisonnier. C'est exactement ce genre de piège qu'il essaie d'éviter depuis quelques années déjà, avec précision et justesse. Ce qu'elle lui avoue le fait tressaillir, et la question qu'elle lui pose en retour lui fait perdre tous ses moyens, toute sa contenance et sa fierté. Il est bouche-bée, et ne sait quoi répondre. Il ne veut pas la blesser, cette pauvre petite chose si fragile, si douce et innocente. Elle mériterait bien mieux que d'attendre après un homme comme lui, un homme qui n'en n'a rien à faire des femmes comme elle, qui ne fait que s'amuser pour fuir les responsabilités. C'est ça. Angus est ainsi, par peur de revivre le même abandon, le même genre d'houleux divorce comme par le passé. Son passé lui pèse encore lourdement sur les épaules et même s'il ne se l'avoue pas et ne l'avouera à personne, c'est la triste vérité. Elle est là qui le regarde, yeux dans les yeux. Impossible de fuir. Je ne crois pas. Ce.. ce n'est pas dans mes habitudes. En fait, il préfère faire mal tout de suite, que d'attendre et d'attendre encore, jusqu'à ne plus pouvoir faire marche arrière. Il baisse les yeux vers le sol pour ne pas avoir à affronter le changement d'expression, la tristesse ou la colère voiler le regard de la jeune femme. Angus est un vrai bâtard, et rien n'y changera, alors autant prouver sa culpabilité et ses fausses mauvaises intentions à cette jeune femme qui ne devrait y voir que du feu..

De se retrouver face à la réalité, à ses responsabilités n'est jamais facile. Il n'a que rarement eu des discussions houleuses et dangereuses de la sorte. Chaque fois, Angus s'en tirait plutôt bien, prétextant tout et n'importe quoi pour se sortir du pétrin. Devant l'air exaspéré de la jeune femme, Angus comprend bien qu'il lui faudra bien plus que deux ou trois belles paroles bien placées pour se tirer de là. C'est pas exactement ça.. Et c'est vrai; ce n'est pas exactement ça. Avec lui, il n'y a rien de simple, tout est compliqué. Ce qui est plutôt paradoxal, puisqu'il restreint ses relations à une nuit, voire deux tout au plus, dans le but de garder le tout le plus simple possible. « Je pensais pourtant que … » Angus se crispe sur sa chaise. Son corps se tend et ses sourcils se froncent. Son regard devient dur, mais il ne le laisse pas paraître, le regard toujours vers le sol dans l'intention de fuir la jeune femme qui doit bien évidemment avoir des éclairs dans les yeux. Quelle ne s'imagine pas des choses qui n'existent pas. Des choses qui vont plus loin que les simples gestes. Un baiser, c'est un putain de baiser, rien de plus. Rien que le fait qu'elle ait pu s'imaginer plus le fait paniquer. Son ton sec et direct le calme, pourtant. Voilà. Bien que ce n'était pas l'effet escompté, il préfère de loin la voir en colère contre lui ou déçue, que de la voir s'attacher à lui pour des raisons qui n'ont pas lieu d'être. J'aurais bien cru que si, à voir la fougue avec laquelle tu m'as retourné c'baiser... C'est plus fort que lui. On dirait qu'il lui est nécessaire de provoquer, de faire chier, de chercher le trouble.

Elle lui pose des questions, trop de questions auxquelles il est incapable de fournir des réponses. Il sait qu'elle a raison, mais il ne lui doit rien, à Bérénice. Ils se connaissent à peine, et il ne se voit pas dans le besoin de lui donner des réponses. Elle complique les choses. Ou c'est Angus qui les perçoit plus compliquées qu'elles ne le sont. Je sais. Je sais, Bérénice.. Mais je suis un mauvais ami. Très mauvais. Pas forcément, mais c'est la seule excuse bidon que le jeune homme est capable de lui sortir. Il croise le regard sérieux de la jeune femme. Il est inquiet de sa réaction. Si seulement il avait tenu son bout dans la rue, et qu'il était retourné chez lui pour se soigner. Le cours des choses aurait été tout autre, et il n'aurait pas eu à subir les remords de ses décisions et de ses paroles, ni à redouter les réactions et les questions de la jeune femme, qui à elles seules, l'effraient bien plus que la réalité de son passé et de son présent. Ça t'regarde pas. Il lui crache ces paroles cela tel du venin, mais bien vite il se rend compte de son erreur et regrette, en se reprenant rapidement. Écoute Bérénice.. Je n'ai peur de rien, d'accord? C'est juste que.. j'suis pas un homme à côtoyer. Même en amitié. Crois-moi. Il essaie en vain de lui faire comprendre, de la faire réaliser qu'il est mauvais et qu'il vaut mieux pour elle ne pas le revoir. Un faible sourire se dessine sur ses lèvres à l'entente de ce qu'elle a à dire. Ah... si elle n'est pas aussi naïve qu'elle le paraît, il faut concevoir qu'elle est adorable. Alors je peux me compter parmi les quelques chanceux de ce monde. Il le pense. Mais elle ne le croira pas, et c'est bien normal. Malgré tout ce qu'il peut dire et penser, il est bien chanceux d'être tombé sur elle ce soir, de s'être laissé transporté chez elle et d'avoir discuté. Vraiment.

Elle essaie de deviner ses secrets, tente de découvrir les mystères qui se cachent sous sa carapace d'homme sûr et fier. Seulement, y a-t-il une carapace? Elle se permet de juger sans connaître, et pense savoir sans même n'avoir la certitude de rien. Elle lui fait dresser les poils sur la tête. À ne pas se retenir, il évacuerait bien ce soudain élan de colère en écrasant son poing sur la table. Cette colère vive et passagère, qu'il a contre la naïveté et la stupidité de la jeune femme. Elle se permet beaucoup trop de choses au goût du jeune homme. C'est pas que j'ai peur. Mais j'ai pas spécialement envie de m'attacher à une fille comme toi. C'est sec, vulgaire, méchant. C'est ce qu'il trouve à dire pour se tirer d'affaires, pour exprimer cette soudaine colère qui le ravage. Non, il n'a pas peur. Il ne veut tout simplement pas s'attacher. Une large marge différence ces deux concepts, et les affirmations de la fleuriste sont loin de s'approcher de la réalité. Il y a un long moment de silence, où Angus et Bérénice se dévisagent, avec raison. Puis, elle le jette dehors. Il ne faut pas le lui dire deux fois, qu'il se lève déjà et se dirige à pas rapides et bruyants vers la porte d'entrée. De sortie, plutôt. Et je ne comptais pas passer la nuit ici. J'ai d'autres chats à fouetter. Pas que ce soit vrai, mais il avait terriblement sommeil, avec tout ce qui venait de se passer, cette nuit. Et il n'avait pas particulièrement envie de rester auprès d'une femme qui se croyait tout permis et qui pensait tout savoir de lui. C'était la pire insulte qu'on puisse lui faire, vraiment.