Comme au bon vieux temps ft. Adrian

J’avais laissé rapidement un message sur la boîte vocale de Maxine et j’avais l’impression de taper dans un mur. Je ne l’avais pas croisée depuis que j’étais à Bowen dans le cadre de mes études, de ma recherche, de ma folie… Elle ne m’avait pas rappelée et j’avais mis fin à mon contrat de portable. Elle avait contacté ma sœur qui m’avait fait le message en venant directement à Bowen, la seule condition que je lui avais donnée.  Je la rejoignais dans une rhumerie. Aucune idée de ce qu’est ce genre de truc, mais je ne m’y sentais déjà pas à mon aise dans le cadre de ces nouvelles fonctions. Le nez retroussé, je profitais quand même de cette opportunité pour entrer dans l’intérieur : ce qui était bien rare depuis un moment maintenant. Je posais ma main sur son épaule alors qu’elle se retournait avec une joie visible. « Hey. T’as eu de la chance que ma sœur adore faire les messages, tu sais ça? » Je la regardais avec un fin sourire aux lèvres avec une barbe qui poussait un peu de travers. Je n’avais pas l’apparence soignée comme autrefois … J’en étais presque fier malgré le fait que Maxine me retrouve avec joie. « Toujours aussi fière allure belle demoiselle. Comment vas-tu? » lui demandais-je presque avide de détails concernant sa ‘nouvelle’ vie.

« Toi en revanche. C’est quoi cette dégaine? Tu t’es pris pour Robinson Crusoé ou quoi? » Je pouffe de rire. « Je constate que la politesse est toujours un point sur lequel on devra travailler. » Puis je levais les yeux au ciel avec un petit sourire. Je lui faisais tout de même la bise malgré ses réticences. « Roh ça va, j’ai pris un bain hier. Râle pas, Max. » que je lui dis alors qu’elle poursuit en me demandant si on allait ailleurs. Je fronçais les sourcils. « Ouais, d’ailleurs, on fait quoi dans une rhumerie? T’as l’habitude de fréquenter ce genre d’endroits, maintenant? » que je demande à la blonde en regardant autour de nous en me disant que le propriétaire allait bien m’aimer ou au contraire me foutre dehors. C’est vrai qu’en étant un clochard, je me soumettais davantage aux jugements des gens, dont celui de Maxine. « Qu’est-ce que tu es venu faire pour te perdre à Bowen? Et depuis quand tu es là? » Je rigole un peu à sa phrase et j’invitais la blonde à sortir de la rhumerie où je n’allais pas prendre mon aise. Déjà dans la rue, je me retrouvais beaucoup mieux. « Je suis là depuis maintenant deux mois. » Ça lui mettrait quelque chose dans le bec. Puis pour le reste, j’hésitais à tout lui confier ouvertement. « En fait... Mon père a perdu l’entreprise et il a déclaré la faillite. Du coup, on est à la rue. Et pour moins être un poids, je suis parti. Sienna m’a plaqué. » avais-je dit avec le plus grand sérieux du monde pour éclater de rire par la suite en voyant sa tête. « J’déconne, tu le sais bien. Je suis là pour mon projet d’études. » Je gardais un sourire en coin alors que j’me doutais bien qu’elle prendrait la mouche. « Où on va? » lui demandais-je patiemment en me disant que je n'avais pas un sous actuellement.

Elle se fâchait un peu, mais avec Max ça ne durait jamais bien longtemps. On poursuivait donc notre discussion presque trop sagement alors qu’elle me confiait que le paysage était intéressant. Je levais les yeux vers le ciel avec un sourire en coin. « Pourquoi ça ne m’étonne pas de toi. » Effectivement, c’était pas Maxine qui passerait du bon temps dans une rhumerie pour le plaisir de la chose. Elle y avait un but et ce pauvre homme, je le plaignais déjà d’avance d’avoir la blondasse sur les talons. Elle devait pratiquement y passer sa vie et ça ne m’étonnait pas outre mesure. Alors que je lui mentais très ouvertement, elle me traitait de naze et je riais alors qu’elle tentait de m’attaquer avec ses petits coups de femme frêle. Elle opinait en apprenant concernant mon projet d’études que je n’avais pas détaillé davantage. Elle me demandait de la suivre avec empressement et je la suivais d’un pas rapide. Une ruelle? Décidément, même si j’étais un SDF, elle ne m’inspirait pas confiance. Max s’arrêtait devant une petite boîte aux lettres et je fronçais les sourcils. « Le type est aussi facteur à mi-temps? » lui demandais-je sans réellement être convaincu de mon affirmation. Elle poursuivait en évitant mon jugement et pour communiquer on se servirait du tout. J’arquais un sourcil. « Et tu veux que je t’écrive par ce truc, c’est ça? » lui demandais-je comme pour confirmer ce qu’elle me disait. Et elle parlait de ma sœur… Elle n’avait pas tort. « Effectivement, Audrina va rester à la maison les prochaines fois. Elle dit que mon odeur l’insupporte et qu’elle n’approuve pas mes choix de vie. » Ça en était différent de mon épouse qui se présentait aux deux semaines pour nous payer une luxueuse chambre d’hôtel en me permettant de prendre une douche. Alors qu’elle frappait la boîte qui s’ouvrait miraculeusement, je la dévisageais presque. « Attends, t’es sérieuse, Max? » Je poursuivais donc. « C’est parce que tu veux pas que le type de la rhumerie ne te voit avec moi, admets le donc. » J’attrapais la taille de Maxine pour lui faire un gros bisou sur le front, question de bien l’énerver. « Et toi, tu fais quoi dans le coin, sérieusement? »  

« C’est toi le facteur? » demandais-je un peu inutilement sans rien comprendre. Puis, elle me reparlait du fameux extra et je soupirais longuement. Elle savait que c’était mal et que je n’approuvais pas. Non, elle n’aurait pas ma bénédiction pour ce genre de choses. « Max dans quel merdier tu vas encore te mettre. » pensais-je à voix haute. Non mais sérieusement, elle pensait à quoi là... C’était pas du jugement, c’était du gros bon sens! « T’es au courant que t’as juste à me dire que tu manques d’argent et j’te remettrai une de mes cartes? » lui dis-je un peu désespéré qu’elle se remette encore à faire ces conneries. « Faire le tour de la ville? Attends, on peut convenir d’un rendez-vous hebdomadaire ou même mensuel ou bi-mensuel, même. Et d’un endroit et tu vas voir que tu pourras oublier le facteur. » lui dis-je en levant les yeux vers le ciel. Non, mais c’était toute une cérémonie cette histoire! Max ne tardait pas à me dire qu’elle vivait sur ses économies et sur son charmant nouveau job. « Et faire quelque chose, ça te dit pas? » lui demandais-je finalement alors qu’elle m’avouait qu’elle retournerait à Sydney bientôt pour récupérer l’argent chez .... l’autre? « L’autre? » répétais-je naïvement? « Ta mère? » demandais-je afin de m’en assurer. Maxine me parlait également du grand vent d’indépendance pour son appart et même un emploi éventuel. « Tant mieux si tu te sens bien ici, je suis heureux pour toi. » lui dis-je alors qu’elle poursuivait en me parlant d’autres gens. « Des « amis » ? » redemandais-je de plus belle. J’avais l’impression d’être à côté de la plaque et de ne rien comprendre de tous ces sous-entendus qui m’effrayaient de plus en plus sans même que j’en sache quoi que ce soit.

Elle tentait de dédramatiser la situation alors que je fronçais les sourcils l’air sérieux et mauvais. Je l’arrêtais en attrapant son bras pour la forcer à arrêter de marcher. « Maxine, t’es sérieuse là? Parce qu’arrondir les fins de mois avec une chance sur deux de finir en taule, c’pas ta meilleure idée. » lui dis-je méchamment en lui rappelant l’importance de la réalité. De la police, de la vie, de la santé. Max refusait catégoriquement mes cartes alors que j’allais m’offusquer davantage. « Max... Prends la carte que je t’offre et fous pas la merde dans ta vie. » Elle le faisait déjà si bien malgré que je m’entêtais à croire en elle. Elle acceptait par la suite ma demande de rendez-vous et je hochais la tête, enfin elle recommençait à avoir un semblant de cerveau. « Oui, ça me va. Et ma nouvelle situation n’a pas à te préoccuper outre mesure. Tu sais très bien que je me débrouille. » Ça et je me disais aussi que le moins Sienna en savait, le mieux c’était. Elle tentait de me rassurer à mon tour et je me surprenais à penser que c’était la même chose entre Max et moi, le moins j’en savais sur sa situation, le mieux je me portais et le moins je m’inquiétais. « Un job et un appart? Ça fait combien de temps que t’es ici? » lui demandais-je minimalement inquiet. « Tu comptes y aller avec qui? Tu me l’as pas offert jusqu’ici alors soit c’est pas moi soit c’est moi et t’es mieux de te prendre à l’avance parce que je suis un homme très occupé. » lui dis-je avec l’air le plus sérieux qui soit puis je pouffais de rire. J’étais un SDF, y’avait plus rien qui était urgent. Maxine repartait en disant que des vrais amis allait créer des attaches visiblement et j’étais songeur. « De vraies attaches? » répétais-je en quête d’une éventuelle explication plus élaborée de la part de mon amie.

Alors que je la grondais gentiment – enfin plus ou moins – Maxine ne tardait pas à me dire qu’elle savait ce qu’elle faisait et pour être honnête, elle le savait peut-être, mais elle ne le réalisait pas réellement et ça me foutait la trouille. J’étais de ces gens qui préféraient se voiler les yeux sur cette réalité fourbe. Elle me demandait de changer de sujet, je me contentais que de hocher la tête en soupirant lassement. Ce n’était pas dans ma nature de lui infliger des choses, mais j’avais l’impression que Max ne saisissait pas l’étendue de ses gestes. Elle avait raison, ça faisait depuis belle lurette qu’on ne s’était pas vus... « Tu as raison, mais j’ai peur pour toi. » lui avouais-je alors sans plus de complication et je savais que j’avais raison de m’inquiéter en la connaissant réellement. « Tu te préoccupes de moi, alors à mon tour. » Peut-être parce que parfois je me doutais bien qu’elle n’était pas capable de se préoccuper d’elle, elle-même. Sans lui enlever sa capacité à être adulte, j’avais peur parfois pour la blonde. « Pas besoin de te préoccuper de moi. Je suis un grand garçon. » renchéris-je de plus belle en sachant pertinemment que maintenant que j’étais à la rue, c’était plus complexe. À mes questions, elle me confirmait que tout était vrai et je m’efforçais de lui faire confiance. Depuis 3 mois qu’elle vivait seule maintenant... Remarquant qu’elle s’asseyait sur le sol, je m’efforçais d’en faire autant en allongeant mes jambes. À ma question, elle semblait déjà avoir des plans avec un dénommé Blake. Je hochais la tête. « Trop bien pour toi? » demandais-je en reprenant ses propres mots. Elle avait envie de changer, elle avait retrouvé Léo.... J’opinais en ce sens. « Fais ce que tu crois être le mieux pour toi, Max. » lui dis-je simplement comme si la réponse coulait de source. Je connaissais bien Léo, même si je ne disais rien. Le nombre de fêtes chaotiques auxquelles nous avions assistés étant plus jeune me faisait sourire. « Et ton plan au final, c’est quoi? » lui demandais-je en cherchant plus d’informations. Après tout, n'était-ce pas la finalité le plus important?  

« Tout comme moi, je suis une grande fille. » J’arquais un sourcil alors qu’elle se mettait en position de riposte prochaine. Je gardais un fin sourire aux lèvres. « Hm. Non. T’as pas encore atteint ce stade. Sorry, girl. » lui dis-je en l’encerclant de mon bras pour la serrer un peu plus fort et lui mettre un bisou sur le front pour bien l’embêter. À ma question, le visage de Maxine s’était éclairé et j’ai su que ce type en était un de bien. « Et pourquoi tu le laisses pas te connaître point à la ligne? Sans t’acharner sur ce que le futur te réserve? » Lui dis-je en laissant les mots à connotation négative de côté. Je la sentais se relâcher contre mon épaule et je lui caressais le dos gentiment. « J’ai envie de rester, de faire quelque chose de bien ici. De me construire une vie et puis, on verra ce que ça donne. » « Alors c’est ce qu’on fera. » lui dis-je avec un petit sourire qui se voulait être réconfortant. « Et puis toi alors... C’est quoi ton plan final? » Une petite lueur de malice apparaissait sur mes lèvres et sans qu’elle ne puisse s’y attendre, je la prenais comme une poche de patates. Elle pourrait se débattre, mais elle n’arriverait à rien, je la serrais un peu plus tard. « Donc le premier plan, c’est de ramener les patates dans un appart. Par la suite, j’pourrai terminer mon année d’études terrain et puis rédiger ma thèse et la remettre. Défendre ma thèse et avoir mon Ph.D. après tout ce temps. » dis-je en la regardant, sourire aux lèvres alors qu’elle avait la tête en bas. « Toi, ça va? T’es confo? » me moquais-je en continuant d’avancer.