It does feel kind of wrong, but it also feels kind of right -r.

Ce soir, Alfie est seul chez lui. Sara et Jules sont parties, il ne sait pas où, et il s'en fiche royalement. Sauf que, pour la première fois depuis des jours, il se retrouve seul avec ses pensées. Ça avait fini par se calmer, il n'avait plus l'image de Jordan, inconsciente sur le sol, imprimée dans sa tête et qui s'affichait devant lui à chaque fois qu'il fermait les yeux. Il ne pensait plus à cette nuit, à la confrontation avec CJ, à cette peur qu'il avait ressenti pour la première fois de sa vie. Il avait été tranquille un instant, jusqu'à la soirée à la plage. La revoir lui avait fait un choc, et il s'était comporté comme un parfait abruti parce que, tout simplement, il n'avait pas trouvé meilleur manière de réagir. À ce moment-là, Alfie ne voulait tout simplement plus d'elle dans sa vie. Il s'était rendu compte que ce n'était pas aussi simple qu'il se l'était imaginé, et qu'il avait bien trop à perdre en se lançant dans cette histoire avec elle. Il avait donc tenté de tourner la page, malgré les images et les paroles prononcées par la passé qui l'empêchaient parfois de dormir. Encore maintenant, il ne comprend pas. Il ne sait pas pourquoi il attache de l'importance à ces conneries, ni comment le visage de cette fille arrive encore à rester intact dans ses pensées alors qu'il a tout fait pour l'effacer. Peut-être qu'il a eu du mal à passer du tout au rien en à peine quelques heures, ou peut-être qu'elle n'a jamais vraiment été qu'un simple plan d'un, ou plusieurs soirs pour lui. Non, impossible. Alfie efface cette pensée de son esprit et se lève de son canapé pour aller se chercher une bière. Il appellerait bien Angus, mais ce crétin doit sûrement dormir chez l'une ou l'autre fille à l'heure qu'il est, pendant que lui se perd dans des réflexions qu'il ne devrait pas avoir. Il passe à coté de la porte d'entrée, et croit entendre qu'on toque à celle-ci. Alfie se fige, incertain. Il pense à une de ses colocataires qui a peut-être oublié ses clés, ou à Nevaeh qui a encore besoin de se confier par rapport à CJ. Il abandonne l'idée de se prendre à boire et ouvre la porte. Alors qu'il essayait de la chasser de son esprit, Jordan est matériellement là. Comme si elle avait réussi à sortir de sa tête pour être physiquement présente à l'entrée de chez lui. « Salut, » arrive-t-il à articuler malgré la surprise. Il ne s'attendait tellement pas à la voir elle, surtout à une heure si tardive. « Qu'est-ce que tu fais là ? » il demande, appuyé contre la chambranle de la porte. Il ne la laisse pas entrer tout de suite, il a d'abord envie de savoir si elle compte encore lui cracher au visage des mots qui le feraient se sentir inférieur, inutile, et sans importance à ses yeux.

C'est bizarre pour lui. Les seules fois où elle a franchi le seuil de cette porte, c'était pour faire totalement autre chose que discuter. D'ailleurs, Jordan et Alfie n'ont jamais pris le temps de parler, ils ne se sont jamais vraiment adressé la parole pour faire autre chose que se charmer l'un l'autre. Se rendre accro. Ils ont joué, et ils ont perdu. Tout a dérapé ce soir-là, rien ne sera plus jamais comme avant, et Alfie en est bien conscient. C'est pour cette raison qu'il a du mal à la laisser rentrer et à être obligé de faire face à une conversation sérieuse, le genre de conversation qu'il ne pensait pas un jour avoir avec elle. Il ne sait pas à quoi s'attendre, ni même si ces soit-disant excuses finiront en réflexions presque blessantes mais trop réelles, comme la dernière qu'ils se sont adressé la parole. Car si c'est le cas, il n'a même pas envie de l'entendre prononcé un mot de plus. Cependant, il finit tout de même par se décaler de l'entrée et laisse Jordan passer avant de fermer la porte derrière elle. « Tu n'as rien à te faire pardonner. » Il ne voit pas pourquoi elle s'excuserait. Elle avait eu raison la dernière fois, elle et lui n'étaient en réalité rien de plus qu'un corps l'un pour l'autre. Ils ne prenaient pas de nouvelle, ne se souciaient pas de leur santé mutuelle, ils ne savaient d'ailleurs pratiquement rien l'un sur l'autre. Juste ce prénom qui lui a tourné dans la tête durant des jours, celui que lui donnait CJ, et qui a suffi à remplir son regard de haine lorsqu'Alfie l'a prononcé devant elle, comme si c'était une insulte à ses yeux. Il s'appuie sur le dos du canapé et croise ses bras contre son torse. « Enfin vas-y, je t'écoute. » Car même si il n'est pas certain de vouloir entendre ce qu'elle va lui dire, il reste curieux. Il a envie de savoir, de comprendre qui elle est et pourquoi elle lui a caché sa véritable identité.

Lui qui ne ressent d'habitude rien, voilà qu'il se sent submergé dans un mélange d'émotions qui l'empêche de savoir comment réagir face à l'apparition de Jordan sur le pas de sa porte. Il est en colère, énervé d'avoir été pris pour un con, et peut-être aussi par les mots qu'elle a prononcés la dernière fois. C'est une colère étrange, pas une colère qui lui donne envie de tout envoyer en l'air et de partir dans un autre pays comme il l'a si souvent fait. Non, c'est une colère d'incompréhension. Une colère qui remplace la peur d'être perdu dans ce qu'il ressent vraiment. Et pourtant, malgré tout, la revoir lui procure un certain soulagement. Une part de lui, si petite qu'elle soit, craignait de ne plus jamais la revoir autre part que par hasard, dans les rues de Bowen. Alfie la suit du regard, la regarde s'installer dans ce canapé sur lequel il vient de se poser. Il hésite un instant, puis va finalement s'asseoir à coté d'elle. Il l'écoute parler sans l'interrompre, assimile chaque mot pour essayer de trouver quoi lui répondre. Elle semble nerveuse, jamais il ne l'a vue comme ça. C'est une Jordan qu'il ne connait pas qui est là, chez lui, à essayer de se faire pardonner quelque chose dont il n'est même pas certain de comprendre le sens ou la raison. Contrairement à la fois sur la plage, son regard ne se limite pas en deux pupilles en feu qui la dévisagent sans vouloir l'écouter. Il reste immobile, attentif, et attend quelques secondes avant de parler à son tour. « Sauf que tu n'es pas obligée de la raconter. Je sais que tu as fait beaucoup d'efforts pour venir jusqu'ici, ça m'étonne d'ailleurs. Et ça me fait plaisir, vraiment. Mais je ne veux pas que tu te forces à faire quoi que ce soit, pas avec moi. Si tu veux être Jordan, libre à toi. » Après tout ce discours passé à observer les doigts de Jordan, Alfie finit par lever les yeux vers son visage. Il apprécie sa visite, ainsi que le fait qu'elle veuille être sincère avec lui. Sauf qu'elle ne lui doit absolument rien. « Mais c'est joli, Naxa, » ajoute-t-il en esquissant un léger sourire. Il se tourne vers elle et pose son bras sur le dos du canapé. Jordan lui semble si fragile, perdue, tellement différente de la fille sûre d'elle qu'il a connu lorsqu'ils couchaient encore ensemble.

Il remarque bien qu'elle a du mal à lui parler, à lui raconter ce qui semble tellement lui peser sur les épaules. Alfie ne la presse pas, il se contente d'attendre, de voir si oui ou non elle finira par lui révéler la raison de ce mensonge sur son identité. Même si il a toujours été d'un naturel curieux, même si il a toujours pris plaisir à écouter les autres parler d'eux-mêmes pour il ne sait quelle raison, il n'a jamais eu à faire face à une conversation sérieuse, sur un sujet difficile. Il n'est pas celui à qui on se confie, celui avec qui on ressent le besoin de parler lorsque le moral n'y est pas. Il n'a joué ce rôle d'"ami" qu'une seule fois, et c'est avec Nevaeh, il y a déjà plusieurs semaines. Ça n'a d'ailleurs pas tourné très bien puisque, pour la seconde fois, Alfie s'est retrouvé confronté à CJ. Cette fois, ils ont d'ailleurs bien failli en venir aux mains. Heureusement que le québécois est bien plus réfléchi que lui. Une fois ses derniers mots prononcés, Alfie remarque que les mains de Jordan sont moins crispées qu'il y a quelques minutes. Elle aussi l'a écouté, elle a même attendu avant de lui répondre quelque chose de vague qui ne lui en apprend au final pas plus sur elle. Il ne sait pas quoi lui répondre, il se contente d'attendre qu'elle parle à nouveau. Alors qu'il se sentait au départ tendu, nerveux de la voir débarquer à l'improviste, il a fini par se sentir beaucoup plus calme. Comme si il savait que cet échange va suffire à régler leurs différents, à faire avancer le court du temps qui s'est figé depuis déjà trop longtemps. Contre toute attente, il arrive à lui décrocher un sourire qui grandit de plus en plus. Intérieurement, il pousse un soupir de soulagement face à l'ambiance qui semble moins pesante pour tous les deux. « Tu sais, je m'y connais en prénoms hautains, le tien ne l'est pas vraiment. Si tu veux tout savoir, mon vrai prénom est Alfred. La classe, non ? » Évidemment que son véritable prénom n'est pas Alfie. Lui qui est issu d'une famille bourge d'Espagne, jamais ses parents ne l'auraient nommé de ce prénom qu'ils auraient trouvé trop ridicule. C'est d'ailleurs pour ça qu'il s'est toujours fait surnommer ainsi, pour oublier ses origines. Il ne sait pas pourquoi il lui dit ça, jamais il n'a parlé de son véritable prénom à qui que ce soit jusqu'à aujourd'hui. Sauf qu'elle semble si nerveuse, et qu'il s'est dit que peut-être cette confession suffirait à la détendre un peu. « Allez, dis-moi tout. Je vois bien que ça te rend dingue de garder ça pour toi. » Il regarde son visage, ses yeux, ses lèvres, chaque trait qui l'attirait et l'attire encore aujourd'hui. Malgré la peur qui peut facilement se lire sur le visage de Jordan, Alfie ne peut s'empêcher de la trouver belle.

C'est la première fois qu'Alfie dit quelque chose le concernant à Jordan. La première fois qu'il parle de lui d'ailleurs, si on met de coté ses beaux discours sur ses voyages. Lui qui a toujours pensé qu'il trouverait cela étrange de partager un détail de son ancienne vie à quelqu'un, surtout à elle, cela lui fait justement l'effet contraire. Comme un poids qui s'échappe de ses épaules, comme une bouffée d'air qui l'aide à respirer. Alfie a toujours cru que si Jordan et lui s'entendaient bien, c'était justement pour cette manie qu'ils avaient de ne parler de rien les concernant. De prendre tout à la légère, de ne pas réfléchir. Ils n'était que deux corps sans émotions qui arrivent à se fréquenter sans ressentir le moindre sentiment, la moindre once de jalousie ou de manque. Il se croyait comme elle parce qu'ils ne regardaient pas derrière eux alors qu'au final, il semblerait que ce ne soit en réalité pas ça, leur dénominateur commun. Ils ont fui le passé, ils se sont crée leur propre identité, et tous les deux sont, au fond, des personnes bien différentes de ce qu'ils montrent en surface. C'est peut-être ça au final qui les a réuni, la raison qui fait qui a fait qu'ils n'ont jamais su se contenter que d'une seule nuit. La réflexion qu'elle lui lance fait sourire Alfie. « Ça me touche beaucoup, merci. » Lui non plus n'a jamais apprécié son réel prénom. Il le trouvait ridicule, prétentieux, et trop bourge pour la personne qu'il a décidé d'être. Le fait qu'elle commence à s'intéresser à lui montre qu'en face d'Alfie, c'est une Jordan différente qui est venue toquer à sa porte. Une Jordan incertaine, un peu perdue, et qui n'est pas là seulement pour l'utiliser comme un moyen de se changer les idées. « Du coté bourgeois de l'Espagne, » se contente-t-il de dire. Cela ne répond pas spécialement à la question, tout le monde sait qu'Alfie est espagnol sans même avoir besoin de le lui demander. Cela s'entend quand il parle, surtout quand il jure dans des mots de sa langue maternelle. Sauf qu'il ne sait que lui dire d'autre. Il n'a pas envie de lui parler de sa famille, de ses sœurs, de ses domestiques, et tout ce qu'il a toujours détesté pendant les vingt années passées là-bas. Ce n'est pas le genre de conversation qui l'intéresserait, et Jordan n'est de toute façon pas là pour parler de lui. Mais d'elle. Il ne détache pas son regard d'elle, attendant qu'elle prononce enfin quelque chose qui allait lui faire comprendre. « Je ne sais pas non plus, mais t'es là, alors autant en profiter pour lâcher ce qui te pèses tellement. » Alfie ne s'est jamais réellement intéressé à Jordan. Enfin si, mais pas dans le sens où il s'est questionné sur sa vie, ses goûts, ou encore ses origines. Il a pourtant toujours été curieux, il aime écouter les autres parler parce qu'au fond, il accorde plus d'importance à leur petite vie que ce qu'il laisse paraître. Jordan, il a toujours cru que c'était ce genre de fille sans histoire. Celle qui s'en fiche, celle qui ne ressent rien, celle qui est capable de t'effacer de sa vie du jour au lendemain. C'est peut-être d'ailleurs grâce à cela qu'Alfie a toujours réussi à garder ses distances avec elle. Ils ne partagent rien à part quelques bons moments sous la couette, mais jamais ils ne se sont montré le moindre signe d'affection. Elle est Jordan, il est Alfie, deux personnes qui ne s'attachent pas. Et pourtant, la voir lui sourire, prête à parler d'elle, avec ce mur entre eux-deux qui commence à se fissurer, ça lui fait ressentir quelque chose de nouveau. Il n'a pas envie qu'elle parte, et pour la première fois, il se sent prêt à l'écouter. Il pourrait même parler de lui si ça suffit à la faire rester. Mais il n'a plus envie de la voir s'en aller, comme à chaque fois, sans se retourner une dernière fois.

Pendant quelques minutes, il y a cru. Il a cru qu'elle lui parlerait, et qu'elle lui montrerait pour la toute première fois un semblant d'intérêt autre que pour son corps. Alfie ne sait pas quand il a commencé à accorder de l'importance à ces conneries, au fait qu'on ne le voit pas que comme une sorte de machine sexuelle. Peut-être quand il s'est rendu compte qu'au final, ce n'est que comme ça qu'on l'a considéré pendant des années. Un corps sans âme, sans émotion, une image qu'il a nourrie trop longtemps et qui a fini par s'emparer de lui en le consumant à petit feu. Et c'est aussi comme ça que Jordan le voyait. Elle ne l'utilisait qu'à des fins purement charnelles, car jamais elle n'a donné l'impression de s'intéresser au moindre aspect de sa vie. Alors qu'on le questionnait sur ses origines, ses goûts, des questions auxquelles il n'a même jamais vraiment eu envie de répondre, elle ne lui a jamais donné l'impression qu'elle s'intéressait réellement à lui. Et c'était très bien comme ça, car lui aussi ne cherchait rien de plus qu'une personne avec qui passer de bons moments. La différence, c'est qu'Alfie n'en a pas rien à battre. Si Jordan a des problèmes, ça ne le laisse pas indifférent. Il veut être là, il veut l'entendre lui parler de tout ce qu'elle garde enfermé au fond d'elle, dans une cage scellée. Mais elle ne parle pas. Elle lui sort une brève explication sans aucun sens, et sur le coup, Alfie se sent stupide. Pourtant il reste assis à coté d'elle, attendant il ne sait quel miracle qui ferait comprendre à Jordan qu'il n'est pas qu'un corps. « D'accord, » se contente-t-il de dire. Il retient le reste de ses pensées, des phrases comme "c'est tout?", ou encore "t'as fait tout ce chemin pour si peu ?" Mais peut-être qu'au fond, ce n'est pas pour lui qu'elle a fait le trajet jusqu'à son appartement. C'est pour elle. Pour se donner bonne conscience, pour s'assurer que son plan cul ne risque pas de commencer à avoir une quelconque attache pour elle. Ou justement, pour le torturer par simple égoïsme. Alfie reste patient, comme jamais il ne l'a été auparavant. Il inspire, expire, tout ça dans le plus grand des calmes. Ce qui le fait perdre pied, c'est cette phrase qu'elle lâche comme si elle fermait à nouveau cette porte entre eux-deux. Elle reconstruit le mur, celui où il lui avait semblé apercevoir une faille. Mais c'est de trop pour Alfie. Il se lève d'un bond, fixe Jordan, et pousse un soupir rempli de lassitude. « C'est facile ça, n'est-ce pas. Débarquer chez moi, jouer à celle qui a une vie trop compliquée pour réussir à montrer de l'intérêt pour quelqu'un d'autre qu'elle-même. Mais tu sais quoi ? C'est pas pour moi tout ça. T'as rien à me dire ? Alors moi non plus j'ai rien à te dire. T'aurais dû aller chez CJ au lieu de perdre ton temps ici, parce que visiblement lui il a eu droit à plus de sympathie de ta part que le connard d'Alfie qui n'est rien d'autre qu'un jouet à tes yeux ! » Lui-même ne comprend pas sa réaction, c'est une pulsion de colère qu'il n'a pas réussi à contrôler. À croire que maintenant, tous les deux sont destinés à se cracher la vérité en pleine face à chaque fois qu'ils se croiseront.

Son cœur bat anormalement vite, son souffle est de plus en plus rapide. Ses pupilles se dilatent, ses mains tremblent, pas longtemps avant de se serrer en deux poings colériques. C'est beaucoup trop en une fois pour lui, pour quelqu'un qui a pris l'habitude de se foutre de la Terre entière. Il a lâché ces derniers mots d'une traite sous le coup de la colère, mais il les regrette aussi tôt. Alfie sait à quel point il peut être difficile pour une personne comme eux d'ouvrir son cœur, surtout lorsque c'est à quelqu'un qui n'a partagé que son lit au lieu de sa vie. Lui-même n'a jamais dit un mot quand à ce qu'il a vécu, alors pourquoi s'entêter à creuser l'histoire de Jordan. Sauf qu'en réalité, ce ne sont pas particulièrement ces fichus secrets qui l'intéressent. C'est elle, elle en général. Elle qui est entourée d'un trop grand mystère qu'Alfie ne peut plus supporter. Il n'en peut plus de se sentir ainsi piégé dans son emprise, presque à sa merci, présent quand elle le désire et absent quand elle s'en est lassé. Il a besoin de se défaire d'elle, de se dire qu'elle est aussi craquelée que lui pour réussir à ne plus avoir envie de la mépriser. Mépris, mais pas que. Il y a ces ressentis dont Alfie n'arrive pas à se débarrasser, et qu'il a toujours ressenti à l’égard de Jordan, Naxa, ou quelque soit son nom. De l'intérêt, de l'envie, et une pseudo attirance presque malsaine qui a fini par leur éclater à la face, à tous les deux. Sans grand étonnement, elle se défend d'un ton sec, coupant, avec des mots qui sonnent comme des insultes une fois sortis de ses lèvres. Alfie ne répond d'abord pas, et elle en profite pour reprendre la parole. Elle parle, mais ce n'est plus pour soulager sa confiance qu'elle fait ça. Jordan s'est sentie forcée, alors que quelques minutes plus tôt, Alfie lui assurait qu'il ne voulait pas savoir si elle ne voulait pas en parler. Il ne sait quoi répondre, trop partagé entre l'envie d'être seul, et celle de la fixer sans dire un mot pendant des minutes entières. « Pas vraiment, non. » C'est tout ce qu'il trouve à redire pour le moment. Elle s'approche de lui, si prêt qu'il peut pratiquement sentir son souffle contre sa peau. Ils sont en plein duel, tels deux bêtes sauvages, trop occupés à savoir qui d'eux-deux sera le plus fort pour réussir à baisser les armes. Alfie la regarde comme il a eu envie de le faire, ses pupilles plongées dans celles en feu de Jordan. Il observe ses traits en colère, son corps qui tremble, et profite de ces secondes de répit pour calmer chaque parcelle de son cerveau en ébullition. Elle ne mérite pas ça en ce moment, et lui non plus. « Jordan, » soupire-t-il. « Parce que oui, je continuerai à t'appeler comme ça. » Alfie lève les yeux vers le plafond de son appartement à la recherche de ses mots. Il ne la regarde d'abord pas, mais son regard finit par petit à petit retomber dans le sien au fil de son discours. « J'en ai rien à battre d'où tu viens, ou de quel Bridgemachin t'es originaire. Ta personne ne se limite pas à l'endroit où tu es née, mais aussi à ce que tu décides de faire de ta propre vie. Puis, ce qui m'a attiré chez toi, c'est pas toutes ces conneries. C'est ta façon d'être, ton caractère, et bordel qu'est-ce que t'en as. J'ai juste été assez con pour croire que, j'sais pas. Ce serait différent pour toi, avec moi. » Il repense à cette soirée, à sa façon de s'accrocher au québécois et de murmurer son nom comme si il n'avait été que la seule personne présente. Poussant un soupire, Alfie s'éloigne d'elle et se dirige vers l'armoire où il range ses alcools forts pour sortir une bouteille de vodka. Malgré l'heure avancée, il sent qu'il en a bien besoin.