Sisters are the ones who stay back to wipe your tears (Zoey)

Cela fait déjà des semaines. Des semaines qu'elle sait, des semaines qu'elle connait l'existence de cette fille, sa grande sœur. Son oncle a craché le morceau, il lui a ouvert les yeux sur la véritable nature de son père, a révélé ces secrets que lui n'a jamais été capable d'avouer et qui la consolident dans l'idée de ne plus jamais lui adresser la parole. Théia n'a jamais osé faire un pas vers elle, ou encore cherché à savoir où elle vit. Elle ne l'a jamais contactée, elle a toujours été effrayée par l'idée qu'elle serait repoussée, jugée comme n'appartenant pas à la famille de cette Zoey. Après tout, elle n'est rien d'autre que la fille de son traître de père, celui qui a abandonné Zoey et sa mère sans se retourner, qui a vécu une nouvelle vie sans se soucier de si oui ou non sa première fille avait besoin de lui. Puis, un jour comme un autre, elle a osé. Théia a pris son courage à deux mains, elle a marché jusqu'à l'appartement répertorié à son nom dans le bottin, celui donné par son oncle. Devant la porte, elle tremble presque. Elle n'ose pas toquer, elle a peur de déranger. Elle inspire profondément et lève lentement le poing, avant de le faire retomber le long de son corps. Elle fait un pas en arrière, regarde ses pieds, réfléchit à ce qu'elle va bien pouvoir lui dire. Elle ne connait rien de Zoey, elle ne sait pas à quoi elle ressemble, ni même comment elle vit. Tout ce qu'elle sait, c'est que c'est sa demi-sœur. Et si elles ne se supportent pas ? Si Zoey lui claque la porte au nez ? Théia ne sait pas comment elle réagirait. Peut-être qu'elle fondrait en larmes, à cause de toute la tension qui s'est accumulée sur ses épaules durant ces derniers jours où elle s'est décidé à chercher après elle. Elle se rapproche de la porte et ferme ses poing. Lentement, elle toque trois coups.

Il était près de 14h30 et Zoey était chez elle. Elle était en train de faire du rangement pendant que Louane s’était assoupie. Il était assez rare que la petite puce s’endorme l’après-midi mais cela arrivait quelques fois. Aussi, lors de ses rares occasions, Zoey en profitait pour faire du tri, du rangement ou le ménage au calme. La petite Louane n’était pas une enfant particulièrement difficile, bien au contraire, mais comme tout enfant, elle demandait de l’attention constamment. C’est pourquoi Zoey profitait toujours de ces petits moments pour faire tout ce qu’elle avait à faire chez elle.

Il faut dire que cela faisait déjà un peu plus d’un mois que la jeune maman avait emménagé avec sa fille à Bowen, mais elles étaient loin d’être entièrement installées. Certes, Zoey n’avait pris que le strict nécessaire pour venir ici mais elle n’avait pas encore réussi à prendre réellement ses marques.
Aussi, elle était en train de voir comment réaménager au mieux l’espace pour que cet appartement soit le plus conviviale possible et qu’elle s’y sente réellement chez elle, comme ça avait pu être le cas aux États-Unis… C’est d’ailleurs dans ces moments là où elle se demandait si elle avait réellement fait le bon choix en quittant tout du jour au lendemain… Est-ce que venir vivre ici, à Bowen, si loin de toute sa famille était vraiment la chose à faire ? Louane arriverait-elle à trouver ses marques elle aussi sans ses grands-parents pour veiller sur elle ?

Elle n’eut pas le temps de réfléchir à tout cela beaucoup plus longtemps car quelqu’un toqua à la porte, l’interrompant ainsi dans des réflexions qui n’auraient, de toute façon, menées à rien…
Elle se demanda toutefois qui cela pouvait-il être. En effet, elle ne connaissait pas grand monde ici et encore moins des personnes qui savaient où elle habitait. Elle pensa à Sunny dans un premier temps, mais la jeune femme ne lui avait pas dit qu’elle viendrait et puis, au vue de l’heure, la petite Iris devait faire la sieste elle aussi.
Elle se dirigea donc vers la porte non sans une certaine curiosité qui ne fit d’ailleurs qu’augmenter lorsqu’elle l’ouvrit. En face d’elle se trouvait en effet une parfaite inconnue qui semblait un peu plus jeune que Zoey. La jeune femme n’avait d’ailleurs pas l’air d’être très à l’aise… Zoey fronça les sourcils se demandant ce qu’elle pouvait bien lui vouloir… « Bonjour… Je peux vous aider ? » lui dit-elle doucement…

Théia n'attend pas longtemps, à peine quelques secondes. Elle aurait préféré avoir au moins plusieurs minutes pour se préparer à ce qui est sur le point d'arriver. En voyant la porte s'ouvrir, elle sent son cœur manquer un battement. Une jeune femme apparaît, et Théia ne peut s'empêcher d'immédiatement la détailler. Elle a les cheveux bruns, comme elle. Des yeux bruns, comme elle. Comme leur père. Un léger sourire étire les lèvres de la jeune fille qui joue nerveusement avec le bout de son t-shirt. « Tu es bien Zoey Hellington, n'est-ce pas ? » Elle ne prend pas la peine de la vouvoyer, trop certaine de déjà savoir devant qui elle se trouve. Si elle se trompe, c'est que son oncle lui aurait menti, chose dont Théia ne le sent pas capable de faire. Il a toujours été honnête comme homme, respectueux, et si gentil avec elle. Curieuse, elle regarde d'un rapide coup d'oeil l'intérieur de son appartement, comme si cela allait suffire à lui en apprendre plus sur celle qui l'habite. Elle reporte à nouveau son attention sur Zoey et, après un instant sans oser lui parler, elle reprend la parole. « Tu ne me connais pas, enfin pas encore. Je m'appelle Théia Hamilton et... je crois, enfin je suis presque sûre, que tu es... ma demi-sœur. » Théia a du mal à faire une phrase entière. Elle baisse timidement le regard, effrayée à l'idée de se faire prendre pour une folle par celle qui pourrait constituer pour elle sa seule famille. « Je sais que ça peut paraître fou mais laisse-moi au moins une chance de t'expliquer. » Elle parle vite, qui ne serait pas nerveux de parler devant une sœur que l'on n'a jamais connue ? Prudemment, elle relève les yeux vers le visage de Zoey et attend sa réaction en se mordant la lèvre.

Zoey se trouvait toujours dans l’embrasure de la porte, regardant la jeune fille qui venait de toquer chez elle. Alors qu’elle venait de lui demander si elle pouvait l’aider, celle-ci commença par lui demander ou plutôt par se faire confirmer que Zoey était bien Zoey… Elle fronça les sourcils, cherchant rapidement dans sa mémoire si ce visage lui disait quelque chose… Elle avait toujours été physionomiste mais là, rien… Elle ne lui disait rien du tout… Et elle se permettait de la tutoyer en plus de ça ! Elle eut à peine le temps de lui répondre un bref « Euh… Oui… Mais vous… » que la jeune fille en face d’elle enchaîna presque d’une traitre, comme si elle avait appris son texte par cœur. Elle se présenta comme s’appelant Théia Hamilton et comme étant, tenez-vous bien, la demi-sœur de Zoey ! Cette dernière ne put s’empêcher d’avoir un léger mouvement de recul, comme pour se protéger en restant à l’intérieur de son appartement, son petit cocon… « Tu… quoi ??!! Tu es ma quoi ?? Mais… C’est une blague c’est ça ? C’est de très mauvais goût si c’est le cas hein ?!! »
Zoey ne savait plus trop comment réagir… Elle oscillait entre surprise, hésitation et méfiance…
Alors qu’elle avait une nouvelle fois fait un léger pas de recul, la demoiselle, cette Théia, lui demanda de lui laisser une chance de s’expliquer… S’expliquer ? Mais de quoi ? Zoey tourna la tête vers l’intérieur de son appartement, pensant à la petite Louane qui dormait… Si elle se réveillait, qu’allait-elle lui dire ? Zoey n’aimait pas faire entrer des inconnus chez elle et encore moins lorsque sa fille était présente. Mais entre méfiance et curiosité, elle ne savait sur quel pied danser… « Je… Je n’sais pas… » Elle était incapable d’en dire plus… Elle savait qu’elle était froide dans sa façon de répondre, mais en même temps, comment l’en blâmer ? Pour elle, elle n’avait presque plus de famille. Sa seule famille consistait en Louane, sa propre mère et les parents de Zach… Alors une sœur ?... Une sœur qui sort dont ne sait où… C’était impossible… Elle l’aurait su…

La froideur de ses mots percute Théia comme une gifle en plein visage. Elle s'y est préparé, elle savait qu'il y avait de grandes chances pour qu'elle se fasse repousser, du moins dans un premier temps. Sauf que le vivre, c'est totalement différent que de l'imaginer dans sa tête. Elle la voit reculer, d'abord d'un pas, puis d'un deuxième. Zoey est sur le point de rentrer chez elle et de lui fermer la porte au nez, comme le pire scénario qu'elle s'est imaginé avant de toquer à cette fichue porte. Pendant quelques secondes, Théia ne trouve pas quoi lui dire. Elle ne sait plus quoi répondre, ni ou se mettre, elle ne sait même plus pourquoi elle est venue jusque là. Elles ont chacune leur vie, alors pourquoi s’immiscer dans la sienne ? Sauf qu'il est trop tard pour reculer, le plus gros est déjà fait. Théia baisse à nouveau les yeux vers ses mains et se remet à jouer avec le bord de son t-shirt. « Non, ce n'est pas une blague, » souffle-t-elle d'une petite voix. Elle se sent minuscule, elle donnerait tout pour pouvoir s'échapper dans un trou de souris et s'y cacher jusqu'à ce qu'elle arrive à oublier ce geste stupide qu'elle a fait en venant ici. « On a un oncle en commun, le frère de notre... père. C'est lui qui m'a parlé de toi. De la première fille de mon père. » Elle a encore une fois du mal à trouver ses mots, et à les dire dans une seule et même phrase cohérente. Bien qu'elle ne comprenne pas elle-même pourquoi elle a fait la démarche de retrouver cette soeur inconnue, une part inconsciente d'elle sait parfaitement quelle est la raison. Elle en a besoin. Elle a besoin de cette grande soeur, celle a qui elle pourra se confier, celle qui la réconfortera quand son petit coeur n'arrivera plus à supporter toute la pression qui pèse sur lui. Elle en a toujours eu besoin. Et voilà qu'elle se retrouve devant cette personne, distancée de deux bons mètres, sur le point de rentrer chez elle pour faire comprendre à Théia que tout ce qu'elle a fait, toutes ces recherches qu'elle a menées, ont été faites pour rien.

Alors que Zoey avait pris une certaine distance en reculant dans un premier temps à l’annonce, à la fois inattendue et presque risible, de la jeune fille, elle lui laissa une chance, minime, de s’expliquer dans la minute… Bien qu’elle ne comprenne toujours rien à ce qu’elle lui racontait, Zoey voyait bien l’état de mal-à-l’aise dans lequel se trouvait Théia… Elle prit conscience en la voyant si gênée et n’osant à peine la regarder, qu’elle en était la cause, elle… Sa façon d’avoir répondue à cette inconnue n’était pas digne d’elle-même. Elle qui ne cessait d’apprendre à sa fille qu’il fallait toujours écouter les gens, leur laisser une chance de s’expliquer s’ils avaient fait une bêtise ou quoi que ce soit – bien qu’ici la situation ne soit pas tout à fait la même – elle se rendait compte qu’elle avait fait totalement l’opposé de ce qu’elle prônait…
Certes, elle était toujours dans un état d’incompréhension totale mais elle tenta de se calmer un peu, voire même d’essayer de se radoucir… Ce n’était pas elle cette façon de faire ! Elle voulu même s’excuser mais les mots ne parvinrent pas à sortir de sa bouche… Le trop plein d’informations auquel elle devait faire face la laisser dans un état second… Elle essaya toutefois de se contenir et se concentra sur ce que lui disait la jeune fille. Lorsqu’elle lui parla de leur oncle et de… leur père, Zoey fronça les sourcils. Son père… Elle n’en avait plus eu de nouvelles depuis… Des années ! Elle avait coupé les ponts avec lui et la quasi-totalité de sa famille… Elle avait même développé une rancœur prononcée à leur égard au vue de la façon dont ils s’étaient tous comportés avec sa mère et elle-même… Alors si cette jeune fille disait vrai… Elle n’était pas sûre de savoir comment elle devait et voulait gérer les choses… « Un oncle ? Quel oncle ? Quant à notre… mon père… Je… Je n’ai plus de père ! » Elle lâcha cette phrase comme un boulet de canon. Pour le coup, les mots étaient sortis tous seuls… Et dans un sens, c’était vrai. Pour elle, elle n’avait plus de père…
Elle se tenait toujours dans l’entrée, tenant la porte d’une main, et prenant appui sur le rebord avec l’autre… Elle ne savait pas si Théia disait vrai, mais toujours est-il qu’elle était perturbée par cette annonce… Elles étaient toutes les deux perturbées visiblement. Zoey la regarda de haut en bas, comme si en la fixant ainsi, elle allait avoir une illumination lui disant si oui ou non la jeune fille disait vrai… Elle ne put d’ailleurs s’empêcher de penser que Théia devait la prendre pour une folle à agir ainsi et baissa la tête, gênée…

Elle a les larmes aux yeux. Non pas parce que le recul de Zoey la blesse, mais parce que Théia a toujours eu du mal à gérer ce genre de pression. Pression qui est, en plus, très mauvaise pour son coeur. Ce dernier s'est d'ailleurs mis à battre anormalement vite. Devant elle, Zoey a l'air totalement perdue, peut-être même plus qu'elle. Théia a du mal à trouver ses mots, et elle ne se rend compte qu'en prononçant ces quelques phrases qu'elle doit vraiment passer pour une folle en cet instant. Elle comprend sa réaction, elle se dit qu'à sa place, elle aurait certainement déjà fermé la porte à l'inconnue. Et pourtant, Zoey est toujours là, à l'écouter. Elle est appuyée contre la porte, son regard détaillant la pauvre enfant tremblant sur le perron des pieds à la tête. « Je comprends ta colère, j'ai ressenti la même quand j'ai appris. Je suis désolée pour ce qu'il a fait, même si je sais que ce ne sont pas de bêtes paroles de la part d'une inconnue qui vont effacer toutes ces années d'absence. » Puisqu'elle ne sait plus comment lui expliquer qu'elle et Théia sont demi-soeurs, elle se contente de baragouiner ce que son oncle lui a raconté. Que son père est parti, qu'il a abandonné sa famille, qu'il a rencontrée sa mère et a ensuite l'eue elle. Elle n'a jamais connu l'histoire de ses parents, elle était trop petite lorsque sa mère est morte pour avoir mémorisé ce qu'elle lui racontait à l'époque. « Écoute... Je ne vois pas pourquoi je te mentirais. Je ne vois pas pourquoi je me serais donné tout ce mal, à chercher après toi, trouver ton appartement. Je serais tarée si j'avais fait ça sans raison. Bon, peut-être que je le suis un peu, mais... » Sa phrase est interrompue par son souffle qui se coupe soudainement. Théia n'arrive plus à bien respirer, elle ne sent plus l'air atteindre ses poumons. D'une main maladroite, elle fouille dans la poche de son jeans après le flacon contenant ses médicaments et le prend en tremblant. « Je peux au moins te demander.. de l'eau ? » demande-t-elle d'une voix saccadée, faisant de son mieux pour essayer de garder son calme. Ce discours et le stress ont suffi à faire palpiter beaucoup trop vite son petit cœur pour qu'elle puisse avoir une respiration normale.

Lorsque Zoey lâcha cette phrase si brutale, qu’elle n’avait pas eu de père, Théia n’en parut par surprise le moins du monde, au contraire même, ce qui surprit quelque peu Zoey… En effet, en prononçant ces mots, Zoey espérait quelque peu au fond d’elle-même faire réagir la jeune fille qui se trouvait face à elle. Une telle phrase était censée faire réagir, surprendre, décontenancer… Mais elle eut l’effet inverse sur Théia visiblement, ce qui fit entrer un peu plus le doute dans l’esprit de Zoey qui se contenta d’écouter la réponse qu’elle lui apportait. A l’en croire, son père aurait refait sa vie après les avoir lâchement abandonné elle et sa mère mais que sa mère à elle, à Théia, était décédée il y a bien des années déjà… Zoey ne put s’empêcher d’éprouver une immense compassion soudainement et son regard se radoucit dans la seconde à l’évocation de cette mère décédée, faisait écho à Maëlys et Zach dans le cœur de la jeune maman… Cette fois-ci, la sensibilité de Zoey refaisant surface, les mots qu’elle avait tenté de prononcer quelques instants plus tôt sortirent quasi spontanément et avec sincérité : « Je suis désolée… » Certes, ça ne changerait rien à la vie de la jeune demoiselle et ça ne résoudrait rien quant à leur situation mais elle tenait à s’excuser, à lui montrer qu’elle compatissait à sa douleur d’avoir perdu un être aussi cher qu’un proche parent…
Et alors que la jeune fille tentait vainement de faire comprendre à Zoey qu’elle n’avait pas fait ça pour rien, elle s’interrompit en plein milieu d’une phrase. Elle semblait visiblement littéralement à court de souffle. Zoey n’eut pas le temps de lui répondre quoique ce soit que la jeune fille sortait des médicaments de son jean, quémandant presque de l’eau à la jeune maman. Aussi spontanément que ses excuses étaient sorties de sa bouche, Zoey releva la tête, se redressa, s’approcha de Théia et passa un bras autour d’elle pour la soutenir et la faire entrer dans son petit appartement. « Oh mon dieu, bien sûr ! » Elle ne savait pas trop quoi ajouter et l’accompagna jusqu’au canapé, puis se précipita pour remplir un verre d’eau à l’évier de la cuisine ouverte et le lui rapporta tout aussi rapidement. En regardant la jeune fille dans cet état, elle s’en voulu tout aussi vite que la colère l’avait quitté quelques secondes avant. Elle eut l’impression de retourner des années en arrière en voyant sa fille manquer se souffle elle aussi, à deux doigts de suffoquer et de s’étouffer… Les larmes lui montèrent aux yeux mais elle les essuya d’un revers de manche. « Je m’excuse… Je… Je ne voulais pas te mettre dans un état pareil… Ca va aller ? Tu veux que j’appelle quelqu’un ? Un médecin ? » Elle regardait Théia qui venait de prendre ses médicaments et qui tentait de reprendre le contrôle sur son souffle petit-à-petit…

Théia n'a jamais vraiment été triste pour la mort de sa mère. Peut-être qu'elle avait pleuré quand elle était petite, mais elle ne se souvient à présent plus assez clairement de cette époque trop lointaine. Avec le temps, le visage de cette femme qui semblait rendre son père si heureux a fini par petit à petit s'effacer de ses souvenirs. Elle n'a même pas eu l'occasion de souffrir d'un absence maternelle, Théia passait encore plus de temps chez son meilleur ami, dont la mère représentait pour elle comme une deuxième maman, que chez son père. Lui, elle a vite fini par ne plus savoir le supporter. Il était dépressif, sans cesse en colère contre le monde, et il ne s'occupait ni d'elle, ni de lui-même. Ce n'est qu'à la mort de Wallace qu'il lui a offert sa première étreinte, et qu'elle a déversé son chagrin sur son épaule pour la toute première fois. À part ça, lui et Théia n'ont jamais été assez proche pour qu'il lui confie un beau jour avoir une autre fille. Bien sûr, les problèmes de santé de la demoiselle ne tardent pas à interrompre son discours. Il est rare qu'elle fasse une crise comme ça, malgré son traitement, mais les longues tirades et le stress ont rarement fait bon ménage chez elle. Elle suit Zoey jusqu'à son salon, n'arrivant pas à en profiter pour regarder la déco à cause de son souffle qu'elle tente tant bien que mal de contrôler. Théia prend place sur le canapé désigné, et prend le verre d'eau que vient de lui apporter Zoey. Elle sort un cachet de sa boite et l'avale avec une grande gorgée d'eau. Après plusieurs secondes, Théia prend une grande inspiration et pose une main au niveau de son cœur pour vérifier son poul. Ce dernier semble s'être quelque peu calmé. « Ce n'est pas de ta faute, » dit-elle d'une petite voix. Elle attend un peu avant de relever la tête vers Zoey, son verre toujours dans sa main. « Désolée, je ne m'attendais pas à ce qu'il commence à faire des siennes. » Elle tapote doucement l'emplacement de son cœur. « J'ai une déformation du cœur, ce qui fait que j'ai parfois du mal à gérer ce genre de... sensations fortes. » Théia esquisse un léger sourire. Elle regarde enfin autour d'elle, et remarque quelques affaires qui doivent appartenir à un enfant, dont des jouets. « Oh, je comprends maintenant pourquoi tu ne semblais pas vouloir me laisser entrer. Tu préfères que je parte, peut-être ? » demande Théia d'un air légèrement attristé, se penchant vers la table du salon pour y déposer son verre encore à moitié plein.

Une fois que Théia eut pris son médicament et commencé à reprendre son souffle le plus calmement qu’elle le pouvait au vue de la situation, elle expliqua à Zoey la raison de ce malaise… Zoey n’y pouvait rien à première vue, Théia avait une malformation cardiaque ! Lorsque la jeune fille lui annonce ça, Zoey ne put s’empêcher de relever la tête les larmes aux yeux, un pincement au cœur à son tour. Elle baissa à nouveau le regard, attendit quelques secondes pour être sûre de ne pas pleurer puis finit simplement par lui répondre : « Ce n’est pas ma faute directement certes, mais mon comportement et ma réaction n’ont clairement pas aidées non plus… Je suis sincèrement navrée et, crois-le ou non, mais je ne connais que très bien ce que tu ressens au niveau de ta maladie… » Bizarrement, elle qui ne parlait quasiment jamais de Maëlys arrivait à en parler là, devant cette jeune fille qui lui était encore inconnue quelques minutes plus tôt et avec une voix presque claire… Enfin, en parler restait un grand mot. Elle ne l'avait pas évoqué clairement mais pour elle, c'était déjà un début, un grand pas même... Car même si elle ne prononçait pas son nom et ne disait pas clairement les choses, il était évident pour la jeune maman, que ces quelques mots y faisaient référence...  
Elle regarda à nouveau Théia droit dans les yeux, s’assurant qu’elle ait reprit un souffle correct. Et alors qu’elle allait ajouter quelques mots, Théia qui avait fait un rapide tour de la pièce des yeux, avait remarqué quelques affaires çà et là, appartenant à Louane. Spontanément, elle demanda à Zoey si elle préférait qu’elle quitte son appartement. Zoey releva la tête sur le champs, surprise des paroles de Théia. Elle haussa les épaules dans un premier temps, gêné de son manque d’hospitalité du début de leur rencontre : « Oui… Elle dort pour le moment. C’est assez rare que ça arrive, alors quand c’est le cas, j’en profite un peu pour ranger et souffler… » Elle regarda à nouveau la jeune femme qui se trouvait toujours face à elle : « Non, non… Je… Tu… Enfin, tu peux rester si tu veux… Je veux bien, enfin j’aimerais qu’on se parle un peu toutes les deux et qu’on parte sur de meilleures bases... » Il était évident que Zoey s’en voulait encore de l’accueil dont elle avait fait preuve face à Théia. Mais avec le malaise dont elle avait été victime quelques instants plus tôt, Zoey avait pris conscience que la jeune fille ne pouvait pas mentir face à de telles révélations. Elle n’aurait jamais fini dans cet état là si tel avait été le cas. Aussi, même si pour Zoey tout cela semblait encore irréel, elle voulait en savoir plus sur toute cette histoire et sur la jeune fille… Et puis, elle n’arrêtait pas de penser à Maëlys et aux nombreuses crises dont ils avaient eu à faire face avec Zach à l’époque… Le pincement au cœur qu’elle avait eu au moment où Théia lui expliquait les raisons de son malaise n’était toujours pas parti et Zoey finit par s’assoir face à Théia avant de lui proposer timidement : « Je peux peut-être t’offrir autre chose qu’un verre d’eau pour commencer ? »

Voir les larmes jaillirent dans les yeux de Zoey suffit à lui faire ressentir un pincement au cœur. Théia a toujours eu du mal à supporter le malheur des autres, encore plus quand elle croit en être la responsable. Elle ne sait pas pour son enfant, son mari, elle ne connait rien de la vie de cette si gentille fille qui lui a ouvert la porte de son appartement. Si Théia en était capable, elle se serait dépêchée de calmer son coeur pour éviter de faire une crise devant elle et ainsi l'empêcher de se faire tellement de souci. Sauf que, tout ça, c'est une chose qu'elle n'a jamais pu contrôler. La dernière phrase prononcée par Zoey l'interpelle, la faisant froncer les sourcils. « Ah bon ? » demande-t-elle, ne sachant pas si elle parle d'elle ou bien d'une personne qu'elle a connue et qui souffrait de la même chose que Théia. Car si Zoey aussi possède cette anomalie, cela pourrait signifier que c'est un handicap dont elles auraient héritées toutes les deux, peut-être d'un ancien parent commun. Zoey lui parle alors de son enfant, une fille. Inconsciemment, Théia se met à sourire. Elle a toujours beaucoup aimé les enfants, et ça malgré le fait qu'elle ait été enfant unique. Elle aime cette innocence qui anime leur regard, et leurs petites joues dodues qui donnent envie d'être pincées. « Il n'y a personne d'autre que toi pour t'occuper d'elle ? » Théia fait très attention à ses paroles. Celles-ci pourraient sous-entendre une soeur, une cousine, une grand-mère, ne sachant pas si Zoey souffre actuellement d'une récente séparation et n'ayant pas particulièrement envie de retourner le couteau dans la plaie. Elle l'écoute ensuite lui dire qu'elle peut rester, qu'elle a envie de discuter avec elle, et ces quelques mots réussissent à remonter le moral de Théia. Elle qui était sur le point de faire une attaque il y a encore quelques minutes, voilà qu'elle se retrouve assise sur le canapé de celle qui ne voulait pas la laisser entrer, tout sourire. « C'est gentil de proposer, mais ça ira pour le moment. » Zoey est déjà bien gentille de lui avoir ouvert son chez elle, Théia n'a pas non plus envie d'abuser de son hospitalité. Elle se cale au fond du canapé et lève les yeux vers le visage de la jeune femme, jouant avec le bord de son short en jean. « Et tu as raison, on devrait partir sur de meilleures bases. Je vais donc commencer. » Elle prend une profonde inspiration, prête à déballer toute sa vie, comme si ça allait suffire à créer un déclic chez Zoey qui lui assurerait qu'elles sont bel et bien demi-soeurs. « Je n'ai jamais connu l'histoire de mes parents. Je sais que ma mère était australienne et mon père américain, mais jamais il ne m'a dit comment ils se sont rencontrés. Tout ce qu'il me disait, c'était que je lui ressemblais beaucoup. J'avais son nez, son sourire, et son rire. Je ne me souviens pas bien d'elle, comme je t'ai dit j'avais seulement trois ans. Avec mon père, je n'ai jamais eu une très grande complicité. Il partait souvent à droite à gauche, et je ne le voyais que le matin avant qu'il ne parte travailler. Je devais souvent me préparer à manger, acheter mes propres vêtements avec mon argent de poche, puis j'ai eu ma première crise. Mon coeur se met à battre trop vite, je peux faire une attaque à tout moment et... enfin tu vois. Il a arrêté de bosser pour s'occuper de moi, mais je voyais bien qu'il n'était pas heureux. On a emménagé ici car j'ai encore un peu de famille du coté de ma mère, et il me refourguait à mes tantes et oncles dès qu'il le pouvait. J'ai fini par trouver mon chez moi il y a peu, quand j'ai eu vingt ans. Depuis, je ne l'ai plus revu. » Théia prend une profonde inspiration après ce long récit, espérant ne pas avoir monopolisé la parole.

Lorque Zoey prononça les quelques mots qui pour elle voulaient dire beaucoup et sous-entendaient tant de choses alors que pour son interlocutrice, cela restait relativement flou, elle remarqua toutefois que Théia était interloqué par ceux-ci. Mais Zoey avait besoin de reprendre quelque peu ses esprits avant d’arriver à en dire un peu plus et de tout raconter… Si peu de personnes connaissaient réellement la vie passée de cette jeune maman qu’il n’était jamais évident pour elle d’en parler… Aussi, lorsque Théia la questionna sans trop insister, elle se contenta d’un premier temps d’un hochement de tête en guise d’approbation, le temps de souffler au moins quelques minutes encore et d’un faible « Oui… » Tant d’images de son passé refaisaient surface à cette simple évocation… Elle revit le visage de Maëlys défiler, leurs moments de bonheur partagés… Mais aussi celui de Zach évidemment… Sa mort était encore bien trop récente pour elle pour qu’elle n’ait réussi à faire réellement son deuil…
Elle sortit de ses pensées, relevant la tête lorsque Théia lui demanda si elle était seule avec Louane. Là encore, Zoey hocha la tête avec un faible sourire « Oui, à présent, ici, il n’y a plus qu’elle et moi… » Elle savait qu’elle ne faisait que retarder l’échéance en se taisant ainsi mais elle avait envie d’en savoir un peu plus sur la demoiselle qui se trouvait face à elle pour commencer. Comme pour arriver à lui faire un peu plus confiance et savoir qui elle avait devant elle, elle avait ce besoin étrange d’en apprendre un peu plus sur cette jeune femme qu’elle ne connaissait pas alors qu’elles partageaient le même sang…
Visiblement, Théia le comprit sans que Zoey n’ait eu à formuler aucun mot puisque d’elle-même, elle se proposa de commencer et de lui en apprendre un peu plus – après avoir poliment refusé autre chose - sur qui elle était, son passé, sa famille, sa mère, leur… père… Sa vie en un court résumé de quelques mots. Le temps de son récit, Zoey ne détacha pas le regard de Théia, buvant ses paroles comme si elle se trouvait face à une amie de toujours qui lui racontait ses déboires, ses problèmes… Pas à un seul moment elle ne l’interrompit, se doutant trop bien que ça ne devait pas être simple de se livrer de la sorte face à quelqu’un dont on ne connaissait que le nom finalement… Elle lui parla ainsi de sa mère, de leurs traits communs. A sa façon dont elle en parlait, on voyait que même si elle ne l’avait que peu, voire pas connue, cette figure maternelle représentait beaucoup à ses yeux, et Zoey sourit face à cette évocation, pensant à sa propre mère à elle… Puis elle parla de leur père, le fait qu’elle n’en était pas spécialement proche… Et vint sa maladie, leur déménagement et son envol à elle en tant que jeune adulte… Zoey attendit quelques instants que Théia reprenne son souffle avant d’intervenir « Ça va ? Tu es sûre que tu ne veux rien ? » se contenta-t-elle de demander timidement pour commencer ne sachant pas trop comment réagir face à toutes ces informations…
Zoey prit à son tour une profonde inspiration avant d’ajouter : « Eh bien… En tout cas… Père en commun ou pas, tout ce que je peux dire, c’est que je n’ai guère une meilleure image de lui que toi, je pense même qu’elle est bien pire de mon côté mais ce n’est qu’un détail… Mais… Du coup… Il est ici ? En Australie ? » car en effet, si elle avait bien suivi le récit de la jeune femme, leur père avait emménagé ici il y a quelques temps à présent et Zoey ne tenait guère à le croiser dans les rues bien qu’elle serait incapable de le reconnaître !
Vint alors son tour de paroles : « Je crois que c’est à mon tour alors… » Elle respira, une fois, deux fois. Elle savait qu’elle allait à présent devoir parler de Maëlys et Zach… « Pour ma part… J’ai presque toujours vécue seule avec ma mère. Mon père… Enfin… Notre père donc.. nous a abandonné alors que je n’étais qu’un bébé. Il en avait marre des mutations récurrentes de ma mère de ce qu’elle m’en a dit et ne voulait pas d’enfant à l’époque. Il ne m’a d’ailleurs même pas reconnue et n’a jamais voulue entendre parler de moi, ni sa famille…. Pour en revenir à ma mère donc, elle et moi nous avons beaucoup voyagé à travers le pays, enfin les Etats-Unis. Elle avait une mutation par an en moyenne et je changeais donc d’école tous les ans jusqu’à mes 16 ans où j’ai réussi à négocier avec elle de finir mes années lycée en internat pour mieux réussir la fin de mes études. C’est cette année-là où j’ai rencontré Zach… Le papa de Louane… Je vais t’épargner les détails d’une romance adolescente mais en gros, on est rapidement tombé amoureux lui et moi et on ne s’est quasiment plus quitté après… On a eu une première fille alors qu’on n’avait que 17 ans… Maëlys. Ca n’a pas été simple mais on s’en est sortis… ensemble… Zach a commencé la fac après et on s’est mariés… Mais Maëlys était toujours malade… On a finalement appris qu’elle avait la mucoviscidose… » Elle fit une courte pause, regarda Théia et ajouta « C’est pour ça que je te disais que je te comprenais…. Et puis… début 2010, je suis à nouveau tombée enceinte mais Maëlys nous a quitté en Juillet de la même année… » Elle s’arrêta à nouveau, reprit sa respiration alors qu’elle ne s’était même pas aperçu qu’elle retenait son souffle jusque-là… « Je… Tu trouves peut-être que je parle trop ? Je suis désolée… » En effet, Zoey ne cessait de parler depuis plusieurs minutes pour raconter toutes ces années de vie qui avaient fait d’elle ce qu’elle était à présent et bien qu’elle n’ait pas finit le récit de sa vie, elle se rendit compte, gênée, qu’elle ne faisait que monopoliser la parole…

Face à la réponse sans explication de Zoey, Théia n'insiste pas plus. Elle ne voudrait pas lui paraître intrusive, elle pense déjà en avoir assez fait en débarquant au pas de sa porte, clamant haut et fort qu'elle est sa petite soeur. Même si elle vient de lui déballer en long et large son existence et tous les périples de sa vie, elle ne sait toujours rien au sujet de sa possible demi-soeur. Cependant, elle imagine bien qu'elle n'a pas dû avoir une enfance facile si ce qu'on lui a dit s'avère être vrai, et si Zoey a réellement dû grandir sans père. Quant-à Théia, ce n'est pas particulièrement la mort de sa chère maman qui a perturbé sa vie, étant donné qu'elles n'ont pas vraiment eu le temps d'être complices, ou de développer une relation entre une mère et sa fille qui aurait fait que, perdre son parent aurait été un véritable supplice pour elle. Ce qui a été difficile, c'était plutôt les rendez-vous constants à l'hôpital. Bien plus fréquents que maintenant, et bien plus longs. Les médecins n'arrivaient pas à estimer le temps qu'il restait à Théia, et elle était trop jeune pour oser songer à une chirurgie où son corps entier serait charcuté sur une table d'opération. Tout en écoutant Zoey répondre à sa question, elle regarde un à un les jouets restants sur le sol. « Waw, quel courage, » souffle-t-elle. Enfin, ses doigts finissent par se calmer, arrêtant de jouer nerveusement avec chaque bord de ses vêtements qui dépassent. Parler d'elle a suffi à l'apaiser, elle ne sent à présent plus comme étant une inconnue débarquant à l'improviste dans le domicile d'une pauvre maman célibataire qui n'avait peut-être besoin de ça en ce moment dans sa vie. Après quelques secondes utilisées par Zoey pour assimiler tout ce que vient de lui raconter Théia, celle-ci s'interroge sur leur père. Cela fait déjà une année entière que la jeune fille et son paternel ne se sont plus revus, la dernière fois fut lors de l'enterrement de son meilleur ami. Ce jour-là, il lui avait montré pour la toute première fois un soutient dont elle avait énormément besoin. C'était la seule fois, mais ça avait suffi à ce que Théia ne soit pas tant que ça en colère contre lui malgré toutes ses bêtises. « Je ne sais pas te dire, » soupire-t-elle. « Nous avons habité à Melbourne pendant quelques années, mais je passais plus de temps chez mes oncles et tantes ici à Bowen que chez lui. Depuis que j'ai quitté ma famille, je n'ai plus aucune nouvelle de lui, comme si il avait tout simplement disparu. » C'est ensuite à Zoey de parler. Comme elle l'a fait pour Théia, celle-ci l'écoute sans la couper une seule fois. Zoey évoque sa mère, mais aussi son amour d'adolescence, et sa première fille qui est tombée malade. Immédiatement, Théia ne peut s'empêcher de se sentir mal pour elle. La maladie est vraiment quelque chose d'horrible, surtout lorsqu'elle s'attaque à un enfant innocent. Pour répondre à sa question sur si elle parle trop ou non, Théia se contente de secouer négativement la tête et s'approche de Zoey. Doucement, elle pose une main sur son avant-bras et lève les yeux vers elle. Elle ne peut s'en empêcher, elle a toujours eu ce besoin de montrer aux autres qu'ils ne sont pas seuls, surtout maintenant qu'elle sait que Zoey est probablement un membre de sa famille. « Je suis désolée pour tout ce que tu as vécu. Ça a dû être très difficile, car même si je ne me sens pas capable moi d'avoir un enfant à mon âge, je n'ose pas imaginer la tristesse que je ressentirais si je devais perdre mon bébé. Mais maintenant, tu as Louane. Elle ne prendra jamais la place de Maëlys dans ton coeur, mais ton devoir maintenant est d'être là pour elle, de la rendre heureuse et de te rendre heureuse par la même occasion ! » Théia retire sa main avant d'esquisse un petit sourire compatissant. « Et... pour Zach ? » demande-t-elle timidement, craignant de toucher un sujet sensible.

(HJ : ne t'en fais pas, j'aime encore bien quand c'est long en réalité puis je pense qu'il n'y a pas moyen de faire moins, elles ont beaucoup à se dire les soeurs )

Zoey est là, toujours face à Théia, cette demoiselle dont elle n’aurait jamais pensé qu’elle puisse exister, même si, dans le fond, Zoey se doutait bien que son père avait pu refaire sa vie après les avoir abandonné elle et sa mère… Mais se trouver devant le fait accompli est toujours plus compliqué à gérer. Pourtant, Zoey reste là à l’écouter et à parler d’elle. En soit, ce n’est pas si étonnant que cela lorsqu’on la connaît un peu. Zoey a toujours eu le cœur sur la main, prête à aider son prochain et être là au moindre problème. Zoey est ce genre d’amie, l’amie fidèle sur qui on peut compter, celle à qui on ose se confier sans peur d’être jugée.
Bien que la situation présente soit tout de même un peu différente et que Zoey eut été réticente à laisser entrer Théia chez elle. Bizarrement, après l’avoir entendue parler de son passé, elle se sent détendue. Un début de lien serait-il déjà en train de se créer ? Personne ne saurait l’affirmer mais Zoey observe Théia et remarque qu’elle aussi semble s’être quelque peu détendue. Elle l’entend murmurer qu’elle la trouve courageuse d’élever seule Louane et ne peut que sourire face à cette affirmation. Que répondre de toute façon ? Elle fait du mieux qu’elle peut, ça c’est certain mais elle n’est jamais sûre de ses choix et cette nouvelle vie en Australie en est un récent qu’elle n’est pas encore sûre de maîtriser totalement…
Puis Zoey la questionne sur la possible présence de leur père ici. Théia lui raconte comment ils se sont séparés si l’on peut dire et qu’elle n’en a absolument aucune idée. Zoey la regarde, acquiesce. Elle hésite un court instant puis finit par lui demander : « Est-ce que je peux te demander pourquoi tu as décidé de tout quitter ? Ta famille, celle de ta mère si j’ai bien compris… Tu ne t’entendais pas avec eux ? » Elle ne voulait pas la juger, bien au contraire. Après tout, elle aussi avait quitté sa famille et celle de Zach pour venir emménager ici. Mais elle voulait juste en apprendre un peu plus sur la jeune fille…
Lorsque c’est au tour de Zoey de se livrer un peu, Théia l’écoute à son tour attentivement et semble très touchée par son histoire. Zoey ne put s’empêcher un léger mouvement de surprise à peine perceptible lorsque Théia ose un geste de soutien à son égard. Non pas que ça ne la gêne, elle ne s’y attendait juste pas et en est touchée, elle aussi. Théia enchaîne alors avec des paroles réconfortantes et là encore, de soutien. Zoey la regarde à son tour un instant sans rien ajouter, émue par les mots prononcés par celle qui semble donc être sa sœur. Elle esquisse un faible sourire de remerciement et finit par lui répondre d’une petite voix : « Je te remercie… Même si l’on ne se connaît pas encore vraiment, tes paroles me vont droit au cœur… Tu sais… Cela faisait des mois et des mois que je n’avais pas parlé de Maëlys à quelqu’un… C’était trop compliqué avec ma mère… Elle l’a connu tu comprends… Louane ignore tout de son existence… » Elle ne savait pas trop comment l’expliquer et comment formuler ses phrases. Elle hésitait et butait sur ses mots. Mais il est vrai que parler de Maëlys avec sa mère et les parents de Zach étaient presque devenu un sujet tabou. L’ayant connu, il était trop dur pour eux d’en parler ensemble par pudeur très probablement… Mais Zoey l’avait compris et ne parlait presque jamais d’elle à présent, gardant en son for intérieur tous ses souvenirs, tout son amour… Mais là, face à Théia, elle se livrait un peu. Quelques larmes perlèrent sur ses joues qu’elle essuya d’un geste rapide de la main. « Je suis désolée de me montrer ainsi face à toi… » Elle baissa un instant le regard avant de regarder à nouveau la jeune femme « Et justement toi, tu ne m’as pas dit, tu as quel âge ? » En effet, Théia avait fait la remarque qu’elle ne se sentait pas encore prête à avoir un enfant et bien que Zoey sache qu’elle soit plus jeune qu’elle, elle ignorait de combien d’années exactement.
Théia questionna Zoey au sujet de Zach à présent. Nouveau point sensible mais Zoey n’en voulait pas du tout à Théia, elle ne pouvait pas savoir et à quoi bon l’en blâmer ? Elle la regarda un instant puis détourna son regard pour venir le fixer quelques instants sur un cadre photo posé sur une commode où on voyait Zach, Zoey et Louane. Le cliché avait presque un an… Zoey prit une profonde inspiration avant de se retourner à nouveau vers Théia. « Eh bien… pour Zach ça a été… compliqué…. Il a eu énormément de mal à faire le deuil de Maëlys… Il nous a même abandonné pendant presque 4 ans…. Comme mon père… Mais… Il est finalement revenu l’an dernier pour ressouder notre famille, enfin ce qu’il en restait… Là encore, ça n’a pas été simple… Mais les choses se sont remises en place petit-à-petit… » Zoey marqua une nouvelle pause, son discours était ponctué de blancs, de silences, de soupirs. Autant il était difficile de parler de Maëlys, mais il en était tout autant pour Zach, les faits étant encore relativement récents… On pouvait voir à ses mimiques qu’elle réfléchissait encore sur comment formuler la suite des évènements. Elle finit par reprendre, presque d’une traite, ne pouvant toutefois s’empêcher de se triturer les doigts comme pour évacuer son mal-être : « Les choses commençaient à reprendre leur cours donc et Zach reprenait son rôle de père à la perfection. Tout le monde pensait qu’on allait enfin pouvoir tourner la page et redémarrer une vraie vie à trois, comme avant. Mais tout le monde avait tort. En décembre dernier, Zach a été victime d’un accident de voiture. Il n’était pas en tort. C’est un chauffard ivre qui l’a percuté. Il est… Il est mort sur le coup… » Elle avait cessé de regarder Théia, son regard était plongé dans le vide, perdu loin dans ses pensées… « C’est pour ça que nous sommes en Australie à présent Louane et moi… C’était trop dur de rester là-bas avec tous ces souvenirs… »

[HJ : Bon tant mieux alors Parce qu’effectivement, j’ai du mal à synthétiser là et encore, Zoey n’a pas eu le temps d’interroger sa sœur sur ses amours à elle et d’autres choses encore ]

Pour Théia, c'est la toute première fois qu'elle se confie ainsi sur son histoire. Elle a déjà été forcée de mentionner ses problèmes de cœur étant donné certaines situations, mais jamais elle n'avait parlé de ses parents ou de sa vie en Amérique à qui ce soit. Pouvoir discuter à propos de tout de ça avec Zoey, ça lui fait l'effet d'un poids qui s'enlève lentement de ses épaules. Elle a l'impression qu'enfin, elle a quelqu'un avec qui elle peut vider ce qu'elle a sur le cœur. Qu'enfin, elle n'est plus aussi seule qu'elle l'a été quand elle a quitté sa famille. La question de Zoey rend Théia quelque peu perplexe, et elle se rend compte qu'au final, elle n'a jamais vraiment trouvé une raison valable qui l'a poussée à quitter ses oncles et tantes. Elle l'a fait, comme ça, sur un coup de tête après avoir rencontré ce garçon qui proposait une colocation. « Je m'entendais très bien avec eux, ce sont des personnes vraiment charmantes. Mais ils se faisaient vieux, et j'ai eu envie de vivre ma propre vie. Je suis à l'université, mais je réalise aussi quelques de films amateurs quand j'en ai le temps. Du coup, j'ai besoin de me balader, d'avoir la possibilité de sortir la nuit pour capturer quelques images. Ça peut sembler un peu fou, mais c'est comme ça que je suis. Je ne sors pas pour faire la fête, je sors pour filmer les étoiles, ou les mouvements de la mer. » Théia se sent presque stupide de raconter tout ça. Dit de cette manière, cela semble presque trop irréaliste pour être un véritable projet de vie. Elle a toujours eu une âme d'artiste, et jamais elle ne se verrait derrière un bureau, ou en train de faire un métier autre que réalisatrice de films. Quand Zoey termine de parler d'elle et que Théia ose un geste de soutient à son égard, elle remarque bien que son interlocutrice ne s'attendait pas à sentir la main de la jeune fille sur son bras. Théia se dit qu'elle a peut-être agi trop vite, mais ce que lui dit ensuite Zoey la rassure et va même jusqu'à lui réchauffer le cœur. Malgré des débuts difficiles, elle est heureuse d'être là, présente pour écouter sa nouvelle grande sœur parler de choses qui lui pesaient, et dont elle aurait certainement eu besoin de parler un jour ou l'autre. Pour une fois dans sa vie, Théia se sent importante. Elle a l'impression d'être celle qui pourrait être là pour Zoey, celle qui, à présent, sera disponible pour lui remonter le moral en cas de besoin et vice-versa. « Je comprends, et ne t'en fais pas. Je suis là pour ça, maintenant. » Elle esquisse un petit sourire amusé, mais ressent un pincement cœur lorsqu'elle voit les larmes couler le long des joues de Zoey. Elle aimerait pouvoir la prendre dans ses bras, lui dire que toute peine n'est qu'un mauvais moment à passer jusqu'à ce qu'elle se transforme en un souvenir mi-douloureux, mi-joyeux. Sauf qu'elle ne peut pas. Elle se contente d'être présente, assise à coté d'elle. À nouveau, elle questionne Théia. « J'ai vingt ans. » Un jeune âge pour une fille qui a déjà tellement vécu, mais elle ne le mentionne pas devant Zoey. « Et toi ? » Car Théia non plus ne connait pas son âge à elle. Elle ne doit pas être beaucoup plus âgée qu'elle, peut-être de cinq ou six ans à tout casser. Théia questionne ensuite Zoey sur ce fameux Zach, peut-être un peu trop curieuse, et écoute attentivement le récit de sa sœur sans l'interrompre, même lorsque celle-ci marque une pause. Elle a beau avoir réussi à se montrer impassible lors de la première partie de l'histoire, la seconde lui fait monter les larmes aux yeux. Si elle avait su, elle n'aurait certainement pas ramené ce sujet sur le tapis. « Je suis désolée, ça a dû être tellement difficile pour vous deux, » dit-elle en incluant Louane. Même si en général, à cet âge là, les enfants ne comprennent pas vraiment ce qui arrive et ce que signifie le lourd sujet de "la mort". « Je sais que ça va sonner un peu stupide de dire ça parce qu'on ne se connait que depuis une vingtaine de minutes, mais j'aimerais être là pour toi à partir de maintenant. Qu'on le veuille ou non, tu es ma grande sœur, et le destin a voulu qu'on se retrouve toi et moi. Personnellement, j'en suis vraiment contente parce qu'être la sœur d'une personne comme toi serait un honneur ! Je voudrais qu'on puisse rattraper le temps perdu, et qu'on puisse enfin se dire qu'on est pas toutes seules dans cette grande ville. » Théia lui offre un nouveau sourire, curieuse de la réaction de Zoey.