caught between the real and the fake. (adilyn)

Avec ses grands yeux ouverts, paume ouverte, un grand sourire sur les lèvres, Alexandra réclame un anti-douleur. C'est la troisième fois qu'elle redemande un cachet. Elle déteste les hôpitaux, les souvenirs qu'elle en garde, la couleur de leurs murs, l'ambiance qui y régne et l'odeur aseptisée du bâtiment rend l'endroit encore plus détestable. Elle n'était pas revenue ici depuis son accident deux mois plus tôt, ignorant aussi tous les rendez-vous que ses chirurgiens lui avaient recommandé de passer. Elle se retrouvait conduite en urgence sur un lit - et le seul son qu'elle pouvait entendre d'ici, était le bruit régulier d'une machine branchée à quelques mètres. Le rideau lui donnait de l'intimité lorsqu'une infirmière viendrait s'occuper de sa main et son bras blessés. Il avait fallu d'une minute d'inattention – pendant qu'elle s'occupait des travaux de son appartement – pour qu'elle tombe de l'échelle sur laquelle elle était montée. Les réflexes de son corps l'étonnaient, parce qu'elle ne comprenait pas comment son bras gauche avait pu se courber de cette manière pour amortir sa chute. La douleur était insoutenable, et elle se sentait stupide de voir qu'elle perdait du sang à une égratignure. Elle avait gentiment demandé à une infirmière de prévenir Adilyn Hansen de venir la rejoindre. Tout en insinuant que c'était très très très urgent. Elle attendit de longues minutes, assez longtemps pour avoir l'impression d'avoir été oubliée. Assez longtemps pour commencer à ressentir un vertige en observant le sang sur sa main. Elle leva les yeux seulement lorsqu'elle reconnu des voix provenant de l'autre côté du rideau qui la cachait du reste de l'hôpital. Malgré la douleur, elle réussit à sourire en voyant la silhouette d'Adilyn. Elle réalisait maintenant ne pas l'avoir revu depuis longtemps. Depuis la soirée organisée sur la plage par l'équipe des verts mais en règle générale, à l'adolescence, elles avaient pris l'habitude de se voir ou se téléphoner régulièrement. Les deux filles se regardèrent un long moment avant que Alexandra décide de briser le silence. « Hey! Tu fais une drôle de tête. Tout va bien ? » Son regard retomba sur son bras blessé. Les autres anti-douleur n'avaient pas encore fait effet. « Rassure-moi, t'as ramené des cachets pour la douleur ? J'ai mal. »

Elle avait plus de mal à travailler depuis quelques jours, mais elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, c'était elle qui s'était mise dans la tête que doubler sa d'antidépresseur étaient une bonne idée. Quelle bonne idée. Ça ne la calmait pas pour autant et, Adilyn se force à ne jamais céder pour prendre un énième cachet. Faut dire que c'était la seule solution qu'elle s'était trouvée pour ne pas sombrer seule chez elle et, finir par voir Abygaël disparaître de sa maison tout comme les autres qui disparaissaient de son entourage. L'infirmière ne trouvait rien d'autres à faire pour camoufler les secrets qu'elle accumulait, Xavier était un meurtrier, elle, elle n'en savait rien, elle voulait faire confiance aux Juges, mais même eux ne savaient pas la juger. Aby était bien mal entourée. Puis alors que la blonde se mettrait dans la tête de partir faire le tour des bars, s'incruster à toutes les soirées comme elle le faisait avant, elle ne faisait rien de tout ça depuis quelques jours. Et elle s'emmerdait bien. Mais au moins, elle ne disait rien de travers à personne. Alors qu'elle se plongeait de nouveau dans son travail, une de ses collègues lui rabâchait qu'il fallait qu'elle aille d'urgence voir une patiente. Lui laissant la relève, la blonde marchait dans les couloirs pour rejoindre la fameuse patiente qui ne réclamait qu'elle. Elle y allait plutôt à reculons, parce qu'après avoir entendu le nom, elle se demandait ce qu'elle voulait et, pourquoi elle voulait encore qu'elle l'approche ; surtout dans un hôpital. En poussant le rideau et voyant son ancienne amie, elle ne savait pas vraiment quoi faire. La considérer comme une simple inconnue maintenant, c'était compliqué. Ça faisait longtemps que les deux ne se parlaient plus, parce qu'Adilyn avait jugé bon de lui dire qu'elle avait été en prison, elle était la première, la seule et la dernière personne à qui elle avait avoué son secret et, franchement, ça lui avait laissé un goût assez amer de la vérité.   « Ah eum ... excuse-moi … Je vais mieux que toi, toujours. » Elle tourna ses yeux vers son bras, le pourquoi elle était ici, puis l'hématophobe qui était en elle faisait surface, elle fronçait les sourcils en regardant Alex. « C'est très très urgent de me voir, sérieusement ? » Un ton ironique puis elle déviait ses yeux, sans pour autant avancer, comme si un mur s'était installé parce qu'elle ne voulait pas la blesser davantage, elle devait suffisamment lui faire peur maintenant, alors elle ne comprenait pas sa démarche. « Ton dernier cachet remonte à combien de minute ? Je ne voudrais pas te voir mourir ici, laisse-lui le temps d'agir. » Elle passait une main sur le sommet de son crâne avant de jouer avec ses cheveux attachés. « Qu'est-ce que tu t'es fait pour te retrouver ici ? »

« C'est très très urgent de me voir, sérieusement ? » Sa question la blesse un peu, naturellement, parce qu'elle ne pensait pas avoir à donner d'excuse pour voir sa meilleure amie. Malgré toutes les semaines qui s'étaient passées, Alex n'arrivait pas à chasser ce sentiment qui l'envahissait à chaque fois qu'elle pensait à Adilyn. La sensation d'avoir perdu une amie mais de ne pas savoir pourquoi. Leur relation occupait une place trop importante dans son cœur depuis des années et elle aimait croire que son amnésie ne pouvait pas changer ça. Pourtant, le sourire béat présent sur ses lèvres depuis plusieurs minutes disparu aussitôt en écoutant Adi. Elle percevait quelque chose, dans son regard ou dans sa voix, elle n'aurait pas su dire, qui la déstabilisa un instant. Elle grimace un peu à cause de la douleur, tout en essayant de faire le vide dans sa tête. Elle n'avait pas eu le temps de préparer ce qu'elle pourrait dire une fois face à Adilyn. Naïvement, Alex avait pensé qu'une fois réuni, elles seraient heureuses de se revoir. « Tu es fâchée ? Pardon de pas être venue te voir plus tôt, Adi. C'était trop compliqué. » Un sourire timide, elle lève sa main en bon état dans sa direction pour que Adilyn puisse la prendre et se rapprocher. Pendant une minute, Alexandra s'imagina que si l'infirmière était si froide, si distante avec elle, c'était uniquement parce qu'elles ne s'étaient pas revues depuis plusieurs semaines. Pourtant, elle avait pensé que son amie serait la première à comprendre et à la soutenir. Ou peut-être Adi ignorait tout de son accident. « On m'a donné aucun caché justement et je souffre. » Elle bougonnait comme une enfant, adoptant une moue boudeuse alors qu'intérieurement Alex pouvait déjà sentir ses muscles se détendre grâce aux quatre anti-douleur déjà avalés. Elle était une mauvaise menteuse mais espérait gagner quelques cachets pour plus tard. Elle commençait à planer, s'imprégnant de l'instant, de l'effet reposant des médicaments. La voix de Adi était si froide qu'elle lui parvenait comme un murmure glacial. Alexandra releva son regard, un air béat étirant ses traits, seulement lorsque l'infirmière la questionna sur les raisons de sa présence ici. « Je suis tombée d'une échelle, c'est pas important. » Elle fait un geste de la main, comme pour montrer qu'elle s'en fiche. Son regard glissa sur la tenue que portait sa meilleure amie et son sourire s'agrandit aussitôt. Alex n'aurait jamais imaginé Adilyn devenir infirmière mais en y réfléchissant, son amie avait un don, inné ou non, pour apaiser les gens, prendre soin d'eux, être disponible pour le monde. « On m'a dit que tu étais devenue infirmière, je voulais voir ça. La blouse te va bien. » Amusée, elle hausse deux fois de suite les sourcils tout en riant doucement.

Elle ne comprenait pas pourquoi c'était Alex qui se sentait le plus blesser, ce n'était pas Adilyn qui l'avait rejeté et, depuis leur pseudo-dispute, c'était l'infirmière qui se sentait mal d'être à Bowen, de pouvoir la croiser et avoir ses yeux accusateurs qui pouvaient se poser sur elle, peut-être que c'était aussi de sa faute, qu'elle l'avait mal annoncé, au mauvais moment sans doute, elle ne savait pas où elle avait foiré dans son histoire, mais maintenant que le mal était fait, elle ne voulait pas repenser à cette histoire. Elle voulait aller de l'avant et oublier son passage en prison tout semblait lui rappeler que ce n'était pas possible de passer à côté. « Fâchée ? Non, non ! Pourquoi tu dis ça ? Je suis simplement, étonnée ... » Elle haussait les épaules, surprise de sa question et surtout du reste de sa phrase. C'était compliqué, d'un seul coup, elle se sentie blessée. Si c'était si compliquer de voir Adilyn, alors qu'est-ce qu'elle pouvait faire ? Elle ne pouvait pas revenir en arrière, bien qu'elle aimerait, pour ne pas perdre sa meilleure amie dans l'histoire. « J'ne comprends pas ... “compliqué”, hein ? » Elle essayait de se donner un air des plus normal alors qu'elle avait l'impression que c'était le monde à l'envers. La blonde passait une main dans ses poches, elle avait toujours des cachets sur elle, mais en écoutant Alex, elle ne pu s'empêcher de rire. « M'ouais m'ouais, tu as vraiment l'air de souffrir. » Adilyn s'approchait finalement de son ancienne amie pour voir ce qu'elle avait de plus près, se demandant ensuite comment elle avait pu en arriver là. « Toi sur une échelle ? Ça devrait être interdit vu comment tu es maintenant. » Son rire reprenait de plus belle, ce n'était rien de trop méchant, elle la taquinait juste, mais peut-être que c'était un faux pas maintenant qu'elles n'étaient plus rien l'une pour l'autre.  « Je te l'avais dit … oui, quand j'ai eu le job en février, ça commence à dater, t'es en retard. » Elle fronçait les sourcils deux secondes. « Mais merci, merci. J'aime moins le fait d'avoir les cheveux attachés toute la journée, mais bon, faut faire des sacrifices dans la vie. » Elle passait ses mains le long de sa blouse, comme pour s'en venter. Aujourd'hui elle était toujours dans le dilemme de continuer son métier ou non à cause de sa mésaventure, mais malgré ses longues réflexions, ça mène toujours au même : elle aurait fait tout ça pour rien. Son voyage, ses longues études, ses stages. « Je n'ai pas vraiment regardé ton dossier là … Les médecins ont fait quoi pour l'instant ? » Au fond, elle avait zieutée pendant son arrivée, mais elle voulait juste avoir une réponse de l'autre blonde.

Alexandra était perdue dans ses pensées, songeuse. Elle voulait savoir, poser des mots sur cette tension qui régnait là où autrefois, il suffisait que les deux amies se regardent pour comprendre l'autre. Elle avait du mal à imaginer qu'elles puissent être fâchées l'une contre l'autre, que quelque chose d'irréparable ait pu les éloigner. Elle était physiquement incapable de vivre loin de Adilyn, tout autant qu'elle ne voyait pas sa vie sans elle. Elle avait toujours aimé croire que l'une sans l'autre, ça ne fonctionnait pas. Passant de la tristesse à l'incompréhension, elle releva un sourcil, surprise par la question de son amie. « Compliqué depuis l'accident, tu sais. » dit-elle avec douceur. Clairement, Adilyn ne semblait pas savoir pour son accident de surf, son hospitalisation, sa perte de mémoire et elle ne voyait pas pourquoi sa mère avait décidé de ne pas prévenir sa meilleure amie. Mais sa chute et les anti-douleurs ne l'aidaient pas à garder les idées claires. « Je souffre le martyr, j'agonise. » Elle laisse sa tête retomber mollement contre son épaule valide, comme si elle venait de rendre son dernier soupir, la bouche ouverte, les yeux clos. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres et elle ouvrit discrètement un œil. Parce qu'elle préférait entendre le rire de Adilyn plutôt que d'affronter sa colère. « Te moque pas. Les travaux ne sont pas encore terminés, va falloir que tu m'aides. Ou ça me donnera une excuse pour demander de l'aide à un voisin. » Comme si elle comptait utiliser sa blessure pour draguer le voisinage, ce n'était pas son genre. Son rire rejoignit celui de l'infirmière, parce que Adi avait raison, elle était un vrai danger quand elle commençait à bricoler. Elle avait arrêté de compter le nombre de fois où elle avait appelé sa meilleure amie pour que celle-ci vienne l'aider à monter un meuble ou à seulement peindre un mur. « Je vais t'envoyer des vidéos tuto sur Youtube pour te donner des idées de coiffures, si tu veux. » se moqua-t-elle, un sourire taquin au coin des lèvres. Alex marqua une pause et se pinça les lèvres en réfléchissant à ce que Adilyn lui annonçait. Infirmière depuis février. Si Alex comptait bien, quelque chose s'était passé entre février et avril. Sauf qu'elle ignorait toujours quoi ou comment poser la question. Ou même comment parler de son accident. « Ils m'ont posé là et c'est tout. Apparemment on doit m'emmener faire une radio. » A vrai dire, elle avait à peine suivi ce qui se passait jusqu'à ce qu'on lui donne enfin un cachet. Elle releva le regard innocemment vers celui de Adilyn. « Ma mère ne t'a rien dit ? J'ai l'impression d'avoir loupé un épisode. On s'est disputé ? »

Depuis l'accident, c'était donc comme ça qu'elle voyait l'emprisonnement de la blonde, c'est vrai que c'était un accident, mais il n'y avait rien de compliqué dedans, ce n'était pas comme si Adilyn la forçait à venir au parloir, elle n'était plus en prison. Ou peut-être bien qu'elle disait accident pour ne pas que les autres derrières les rideaux se posent des questions, ce qui serait plutôt sage de sa part, mais en même temps, une personne qui veut protéger d'autres serait plus du genre à crier sur tous les toits qu'une ancienne prisonnière se baladerait dans l'établissement et pourrait tuer tout le monde, accidentellement ou volontairement. « Je vois ... »  Puis elle posait les yeux sur l'imitation de son ancienne meilleure amie, imitation qui la rendait très vite mal à l'aise, bien que la vieille femme n'ait pas été retrouvée comme ça, l'image du corps ne faisait que lui revenir en tête, alors elle riait nerveusement, essayant de faire en sorte que rien ne se ressente sur son visage. Alex devait sans doute le faire exprès, elle voulait rire sur le sujet qui la faisait le moins rire du monde. « Ouais … venir t'aider … »  Elle avait le droit de l'approcher finalement. C'était étrange, d'ailleurs il y avait tellement de choses étranges dans son comportement maintenant, qu'elle se disait que ça devait être les médicaments qui lui faisaient complètement oublier ce qu'elle pensait de la trentenaire. « Si c'est un voisin sexy, c'est mieux que ce soit lui qui t'aide. »  Elle riait de nouveau, plus décontractée cette fois, même si une question n'arrêtait pas de se répéter dans sa tête. « Mais bon, je ne pense pas que ton copain soit trop ok pour que des beaux hommes musclés viennent arranger ton appartement. »  Adilyn se mise à sourire en passant une main dans ses cheveux, les deux meilleures amies s'aidaient, certes, mais là, ça allait devenir plus problématique. « Je passe déjà assez de temps dans ma salle de bain, alors je vais rester avec ma simple queue-de-cheval. »  Une heure c'était déjà bien suffisant, pas besoin de faire trop extravagant, de toute manière les patients n'étaient pas là pour venir draguer, ils étaient là pour se faire soigner, et même si certains veulent avoir une infirmière sexy pour panser leurs blessures, la blonde ne misait pas vraiment sur ses cheveux pour être sexy. « Ah … donc tu dois attendre. Tu m'as appelé pour parler et comme ça je travaille moins ? Cool. »  Disait-elle ironiquement, mais sur le coup, elle préférerait être en train de travailler plutôt qu'être dans cette situation des plus étranges à ses yeux. D'ailleurs sa question n'arrangeait pas les choses, la blonde eut un énième rire nerveux. « Sérieusement ? Tu me fais une caméra cachée ? Tu sais que c'est dépassé ce genre de blague ? »  Elle regardait partout, presque énervée par ce qui se passait. Comment elle pouvait avoir oublié ça ? Mais rien, il n'y avait rien. Cet endroit était aussi vide de caméra que le cerveau d'Adilyn actuellement. « La dernière fois qu'on s'est vue, tu as dit que tu ne voulais plus me voir, alors, je sais pas, ça ne ressemble pas à une dispute pour toi ? »  Elle soufflait, croisant les bras.  « Clairement, j'suis encore plus blessée que tu fasses comme si de rien n'était alors que tu m'as clairement rejetée la dernière fois qu'on s'est parlé. »  Tout n'était sans doute pas de la faute d'Alex, elle devait avoir une part dans cette embrouille, mais quelque part, ça avait été encore plus blessant de perdre sa meilleure amie que d'être allée en prison.  

Sa situation était déjà assez difficile à vivre en temps normal, mais encore plus lorsqu'elle devait faire face à une amie qui n'en était peut-être plus une. Alexandra était pleine d'espoir lorsqu'elle voyait Adi, l'esprit apaisé par les médicaments sans doute, mais tourmenté par toutes les questions qui s'y bousculaient. Pour tout le monde, c'était un miracle qu'elle soit sortie du coma. Mais Alex n'en était pas si sûre. Son amnésie était un cauchemar. Adilyn se tenait qu'à quelques centimètres, pourtant Alex avait la sensation que sa meilleure amie se trouvait à des milliers de kilomètres de l'hôpital. « Mon copain, ouais. » Le front de Alexandra se plissa, elle répétait avec hésitation, comme si le dire l'aiderait à se rappeler sa relation avec Cliff. « Mais si le voisin ressemble à Leonardo DiCaprio, je le laisserai entrer, c'est évident. » souffla-t-elle, un léger sourire amusé sur ses lèvres. A vrai dire, hormis Nevaeh et des voisins bruyants dans l'appartement du dessus, elle n'avait pas encore vu les autres locataires de l'immeuble. Elle écoutait son amie et se concentrait sur ses histoires de cheveux, sur son rire, plutôt que sur la douleur qui se propageait et disparaissait parfois tout le long de son bras. Elle se redressa sur le lit sur lequel elle était installée pour mieux observer Adilyn dont le sourire avait disparu. A chaque fois que leurs regards se croisaient, Alex se demandait comment elles avaient pu en arriver là, ce qui avait pu se produire pour qu'elles s'éloignent l'une de l'autre. « J'avais besoin de te voir oui. Mais si tu n'as pas envie d'être ici, tu peux t'en aller, tu le sais ? Je peux attendre toute seule. » Loin de là l'envie de forcer l'infirmière à rester. Elle ne comprenait pas pourquoi Adi passait du chaud au froid de cette façon. Inconsciemment, sa main valide bougea sur le drap du lit, cherchant celle de son amie qui était pourtant trop loin. Son cœur battait trop fort, trop vite, redoutant le moment où Adilyn partirait. Parce qu'elle allait partir, son instinct le lui soufflait depuis plusieurs minutes. Son attitude et l'expression sur son visage le prouvaient. Alex tentait de la supplier naïvement du regard avant de soupirer. « Il y a pas de caméra Adi. De quoi tu parles ? Qu'est-ce qui te prend ? » Perdue, elle ne savait pas ce qui se passait, si c'était un effet secondaire des médicaments ou la peur de voir sa meilleure amie s'en aller mais elle se tourna avec difficulté pour s'assoir au bord du lit. Elle serra les dents pour ne pas se plaindre de son bras et écouter les piques de Adilyn. Ça ne lui donnait même pas envie de lui parler de son accident. Que leur était-il arrivé pour qu'elle n'ait plus envie de la voir ? Dans son esprit, repousser Adi lui semblait impossible. Elle s'était toujours arrangée pour la soutenir et l'aider. Elle voulait s'avancer et prendre sa main dans la sienne mais le regard froid de l'infirmière la décourageait. « Je me souviens pas. Et si je t'expliquais pourquoi, tu me croirais pas. » Elle secouait la tête, écœurée par son amnésie. Ses yeux n'osaient même plus regarder Adilyn. « T'es mon amie, pourquoi est-ce que je te repousserai ? »

Elle avait l’impression d’avoir dit quelque chose de travers, Cliff et elle n’étaient plus ensemble ? Depuis longtemps ? Elle soufflait, elle aurait voulu supprimer ses paroles, faire un retour en arrière pour ne pas à avoir à se poser ce genre de question. Son sourire s’élargit quand elle parle de Leonardo comme voisin, elle visait sans doute haut. « Ok, tu peux ouvrir que dans ce cas-là. Tu dois. » Disait-elle sur un ton ironique, elle se sentait perdue, parce qu’elle ne voulait pas se donner un faux espoir de retrouvaille alors que demain, Alexandra la détestera sans doute comme à leur dernière rencontre. Elle n’arrivait pourtant pas à agir comme si elle était qu’une simple inconnue, elle trouvait ça trop étrange venant de sa part, après des années d’amitié. Alors elle était perdue, elle devait sans doute changer plus d’expression qu’une personne normale, elle devait même paraître un peu étrange aux yeux de l’autre blonde. « Ne te fais pas trop mal. » Elle ne voulait pas voir le cas de son ancienne amie empirer, mais pourtant les paroles qu’elle prononcèrent ne lui donnait pas envie de rester, d’ailleurs, depuis le début elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Sa seule réponse fût un soupir discret, elle était blasée contre elle même et ne comprenait pas ce qu’Alex cherchait vraiment à l’instant. Et chaque temps passé ici à la voir se donner le genre de meilleure amie alors qu’elles se sont éloignées depuis des mois, ça lui faisait de plus en plus mal. Elle n’aimait pas qu’on joue avec ses sentiments et elle pensait qu’avec les années, Alex l’aurait bien compris avant. Adilyn avait le don de s’enfuir sur un coup de tête pour le moindre problème, pour la moindre contrariété, puis elle se voyait mal régler ses comptes à l’hôpital. Mais Alex tira de trop sur la corde de la colère puis Adilyn en avait marre, elle ne pensait pas non plus qu’elle puisse faire des blagues de ce genre et ça la décevait encore plus. « Ce n’est pas moi le problème, là. » Puis elle s’en foutait un peu d’insinuer que c’était Alex le problème sur le coup, c’était son comportement qui était incompréhensible, et quand elle cherchait une réponse, elle détournait aussi la question. « Oh bah … C’est quoi ton astuce pour oublier ce genre d’embrouille ? » Disait-elle sur un ton amer. Elle savait bien déceler un mensonge d’une réalité puisqu’elle bâtissait son propre monde maintenant et le ciment de celui-ci était les mensonges qu’elle racontait à longueur de temps pour ne pas qu’on découvre ce qu’elle a fait, qu’on la rejette une nouvelle fois. « Parce que … J’peux pas en parler ici. J’veux même pas t’en reparler. J’suis certaine que tu t’en souviens très bien de la raison … c’est dur de passer à côté de ça. » Plus la conversation avançant, plus elle était mal à l’aise. « C’est peut-être mon côté parano qui parle mais … T’es pas en train d’enregistrer ça hein ? Avec des micros, tout ça … » Elle voulait juste fuir et ne pas faire d’erreur une seconde fois.

Ses doigts glissaient machinalement sur le drap du lit, alors qu'elle lançait quelques fois des coups vers Adilyn. Ses sourcils s'étaient relevés et l'incompréhension se lisait sur ses traits habituellement plus doux. Elle n'allait pas s'excuser une nouvelle fois sans savoir ce qu'on lui reprochait. « Parce que je suis un problème maintenant ? » Elle ne comprenait vraiment plus rien, comme si, chacune parlait dans une autre langue. Si la présence de Adi la réconfortait au début, ce n'est plus vraiment le cas maintenant. Sa façon de la regarder ou de lui parler lui laissait penser que leur échanger se finirait mal. Une foule de sentiments contradictoires se mélangeaient dans sa tête et elle baissa la tête, quelques secondes, détaillant une égratignure sur son bras pour gagner du temps et trouver les bons mots. Comme pour retarder le moment où elle lui dirait la vérité et celui où son amie finirait par s'en aller. Les risques étaient grands, Adilyn ne la croirait sûrement pas. L'amnésie, ça ressemblait à une excuse débile pour ne pas assumer la réalité. Ce n'était pas un simple trou après une soirée trop arrosée, c'était dix années de sa vie envolées. Les lèvres pincées, elle secoua la tête en écoutant les mots de Adi. « En étant amnésique. » se contenta de répondre Alex, tout en haussant les épaules, une grimace étirant ses lèvres parce qu'elle regrettait ce geste. Ça réveillait la douleur. Elle aurait préféré lui annoncer d'une autre façon. Et puis, elle était surtout curieuse de savoir ce que Adilyn lui cachait de si terrible. Son comportement était étrange. Elle sentait la jeune femme hésiter, quelques secondes, comme si prononcer ces mots était un risque qu'elle ne pouvait pas prendre. Adilyn était désespérée, elle pouvait le sentir dans sa voix, dans son regard et Alexandra se demandait si elle avait pu un jour la trahir ou lui faire du mal. Elle hésita à se lever pour venir passer un bras réconfortant autour de ses épaules. « Oui, et le FBI attend derrière le rideau aussi. » Elle eut un rire sans joie, parce qu'elle se sentit soudainement seule malgré la présence de sa plus vieille amie. Son cœur tambourinait trop fort dans sa poitrine. Son regard triste retomba sur ses mains. Elle tentait de ne pas s'enflammer au même rythme que les mots sortaient de la bouche de Adilyn. Elle avait l'impression qu'à tout moment, chaque phrase pouvait déclencher une dispute et elle n'était pas venue à l'hôpital pour s'attirer sa colère, seulement pour soigner son épaule, pour revoir Adi aussi, pour comprendre comment elles avaient pu être si longtemps loin l'une de l'autre. Son amie lui manquait. « C'est grave ? Qu'est-ce que je t'ai fait ? C'est stupide, je m'excuse de pas me souvenir. »

Elle avait de la peine à entendre cette phrase de son ancienne meilleure amie. Elle ne voulait pas insinuée ça, parce qu'au fond, elle ne savait pas qui était le problème dans l'histoire. Depuis des semaines Adilyn avait l'impression de tout faire de travers, elle avait l'impression que depuis qu'elle savait pour Xavier, elle foirait tout. Parce que ça la stressait de garder un deuxième secret déjà que le sien était lourd. Puis elle soufflait, elle ne savait pas où elle venait en venir, elle ne savait pas non ce que voulait Alex, pourquoi elle la torturait pour qu'elle lui dise une deuxième fois qu'elle avait été en prison. La première fois avait déjà été assez déchirante, la deuxième serait inutile. C'est quelque chose qui ne s'oubliait pas, même avec beaucoup de volonté. Parce qu'elle essayait elle-même, de se dire qu'elle avait rien fait, que c'était un mauvais cauchemar, qu'un jour, elle ne s'en souviendrait même plus, comme pleins de souvenirs de son enfance qui s'étaient écrasés dans un coin de son esprit. Mais ce genre de souvenir là, ça ne voulait pas se tasser, ça restait, ça resurgissait. À tel point qu'elle remettait en doute sa culpabilité dans cette histoire, à cause des paroles des gens qui le savaient, ceux qui fuyaient en le sachant, ça n'avait pas été le cas de Tahlia, puis les paroles de Maxence devraient la pousser à raconter au monde entier ce qui lui était arrivé, mais elle ne dirait rien, même pas à Willow. Qu'importe. La blonde souffrait de son secret, elle voulait rester seule dans son monde. « En quoi ? »  Répétait-elle sans vraiment attendre une seconde après l'annonce. Elle plissait les yeux avant de grimacer. C'était quoi cette histoire encore ? Alexandra amnésique ? Elle s'en serait souvenue, pourquoi personne ne lui avait rien dit. Sur le coup, elle se sentait mal-à-l'aise, mitigée entre le fait de la croire ou non. Adilyn tournait les yeux vers les rideaux avant de souffler reposant son regard sur Alex. « Très drôle. C’est sérieux ce que je dis. » Mais si elle était amnésique, elle ne pouvait pas le savoir. « Comment … ça se fait que personne m’en ait parlé ? Ou t’aies prévenue pour notre dispute ? Enfin … Et puis comment tu serais devenue amnésique ? J’y comprends rien. » Elle jetait un coup d’œil à sa montre, elle ne savait pas dans combien de temps il faudrait l’emmener faire sa radio, pour combien de minutes elles allaient pouvoir débattre sur son amnésie et fuir le sujet de la prison. « Toi tu n’as rien fait … c’est moi. Enfin … pas vraiment. Ce n’est pas de ma faute. Mais je ne peux rien te dire ici, vraiment. » Elle s’excusait dans son regard, elle devait plus l’inquiéter qu’autre chose, elle s’en voulait, mais elle ne voulait pas lui en parler une deuxième fois. « Je ne veux pas non plus qu’on se dispute une deuxième fois. » Perdre sa meilleure amie une deuxième fois à cause de la même histoire, elle pouvait bien s’en passer, ça lui faisait suffisamment mal de se dire que maintenant quand elle avait besoin de n’importe quoi, rire, parler, regarder un film, avoir de l’aide ou peu importe, elle n’avait personne.