i can't fake another smile (jackson)

Tu as tergiversé pendant un long moment avant de prendre une décision définitive. Avant de mettre un point final à tes interrogations. Tu as toutes les cartes en mains et surtout, toutes les informations nécessaires, pour enfin découvrir cet homme qui attire le regard d'Alejandro plus que les autres. Cet homme capable de mettre à terre votre relation. Jackson. Ce prénom sortit de la bouche de ton petit-ami qui a fait briller son regard l'espace d'une seconde. Il est différent des autres, tu le sais, tu le sens. C'est la première fois que tu as l'impression que votre relation est menacée même si Alejandro t'assure le contraire. Alors, plutôt que de te prendre la tête pendant des semaines encore, tu as décidé de prendre le taureau par les cornes. C'est comme ça que tu te retrouves devant les Jardins de Circé, prêt à entrer. Innocemment, tu as grappillé l'information auprès d'Alejandro sans même qu'il ne s'en rende compte. Après un dernier soupir, tu entres, balayant la salle du regard pour trouver un endroit où te poser. Tu repères un petit canapé, employé pour l'espace thé et t'y installes. Tu ne sais pas si c'est Jackson qui va venir te servir en personne ou s'ils sont plusieurs en salle mais une chose est sûre, ton regard finira forcément par s'arrêter sur lui. Grâce aux réseaux sociaux, tu as pu mettre un visage sur un nom et tu ne peux que te demander : en a-t-il fait de même ? Sait-il au moins qui tu es et à quoi tu ressembles ? Tu ne tarderas probablement pas à le savoir.

Bien sûr que tu savais à quoi il ressemblait. Bien sûr que tu avais fait tes recherches. T’avais demandé à des collègues du café où bossait Alejandro, t’avais récolté le plus d’informations possibles, dont la plus importante de toutes : le nom de ce fameux homme qui faisait battre le cœur de celui qui faisait de plus en plus battre le tien. Juliann Rosebuy. T’avais googlé son nom, t’avais regardé son facebook, son instagram, tout ce que tu pouvais trouver de public à son sujet. Stalker. T’en avais surtout compris que tu n’avais aucune chance, parce que ce Juliann-là était beau à en tomber dans les pommes, il avait trente ans et il était pompier. Genre, really ? Toi, t’étais encore un petit jeune si on te comparait. T’avais pas d’avenir, ou du moins tu n’en avais plus vraiment. T’étais un acrobate retraité, si on veut, et tu bossais dans un salon de thé à inventer des noms de fleurs à longueur de journée. Tu ne comprenais même pas encore pourquoi Circé ne t’avait pas viré. Alors, quand il passa le pas de la porte, évidemment que tu le reconnus. Vos regards ne se croisèrent pas. Tu ne donnas pas le temps au hasard de jouer à son petit jeu jusqu’au bout. Tu te baissas derrière le comptoir, le temps de reprendre tes esprits, le temps de penser à un plan de match. Si ça se trouve, c’était toi qui avais le long bout du bâton puisque toi tu savais qui il était, mais lui ignorait sans doute tout de toi, à commencer par ton existence. Alejandro t’avait bien fait comprendre qu’il avait fait une erreur monumentale en t’invitant à ce restaurant et en te donnant tous ces faux-espoirs. Forcément, il n’aurait pas parlé de toi à son petit-ami. T’étais rien. T’étais qu’un autre parmi d’autres. Tu relevas alors, pris la carte des thés, et marcha d’un pas assuré jusqu’au sofa sur lequel Juliann s’était assis. Tu lui souris, comme s’il n’était pas celui qui avait tout gâché avec Alejandro. « Bonjour, bienvenue aux Jardins de Circé ! Seriez-vous intéressés par l’un de nos thés du jour ? Êtes-vous plus … vert ? Noir ? Blanc ? Oolong ? » Tu omis le Pu Er parce que tu ne le prononçais jamais correctement, et t’avais pas envie de te ridiculiser devant lui. Déjà que ton petit numéro de serveur parfait ne t’allait pas du tout.

Quand tu relèves la tête, au moment où tu entends quelqu'un s'approcher, tu es surpris de voir Jackson débouler avec tant de nonchalance. Néanmoins, tu ne montres pas que sa réaction te déboussole et te pousse à croire qu'il ne sait pas qui tu es. Alejandro a-t-il déjà mentionné ton nom ? Tu serais plutôt blessé du contraire mais ces derniers temps, tu as du mal à reconnaitre ton petit-ami. « Bonjour. Je vais prendre un thé noir, un Earl Grey si possible. » Dis-tu en plissant légèrement les yeux comme si tu essayais de sonder Jackson. Tu ne vas pas le nier, tu comprends pourquoi Alejandro est attiré par cet homme mais tu es obligé de constater que, physiquement, vous n'avez pas grand chose en commun. Après avoir inspecté l'Instagram de l'acrobate, tu as vite compris que c'était le côté sauvage, libre, qui devait attiré ton petit-ami. Toi aussi, tu aurais pu être attiré par le brun, dans d'autres circonstances, mais aujourd'hui, tu ne le vois que comme une menace. Que comme quelqu'un qui cherche à détruire ton bonheur. « A moins que vous ayez quelque chose d'inédit à me conseiller. Surprenez-moi. » Ajoutes-tu, le regard sombre, jouant presque avec la séduction pour déstabiliser l'homme et voir, s'il joue parfaitement la comédie ou s'il ne sait vraiment pas qui il a en face de lui.

Un Earl Grey, le truc le plus mainstream possible, le truc trop prévisible. Tu arquas un sourcil, te surprenant à juger un mec selon le type de thé qu’il prenait. Soit tu prenais vraiment trop ce boulot à cœur, soit tu étais jaloux au point d’en perdre tous tes principes. Tu penchais malheureusement vers la seconde option, parce que clairement tu n’en avais rien à foutre de la sorte de thé qu’il préférait. « Nous ne serions pas un vrai salon de thé si nous n’avions pas de Earl Grey ! » Lâchas-tu avec une fausse légèreté, un sourire presque arrogant scotché au visage. Tu restas ensuite planté là un moment, autant parce que lui te scrutait que parce que tu le dévisageais aussi. Fuck, il était encore plus beau en vrai que sur ses photographies de réseaux sociaux. C’était généralement le contraire qui se produisait, bordel, alors pourquoi fallait-il qu’Alejandro ait réellement trouvé le gros lot que tu ne réussirais jamais à surpasser ? Et sans doute parce que t’avais largement dépassé le délai raisonnable avant de tourner les talons, Juliann ajouta que si tu avais quelque chose d’inédit à le conseiller, tu pouvais le surprendre. Son regard était sombre mais vif à la fois. Ça te déstabilisa complètement et, perdant totalement ton contrôle, tu bafouillas : « Je vais voir ce que j’ai. » Tu déguerpis comme une gazelle face à son prédateur. Tu allas derrière les comptoirs pour te ressaisir, pour retrouver ta face que tu venais de perdre devant lui. T'essayas de penser intelligemment. Quelques minutes plus tard, tu revins au divan de Juliann et déposa face à lui une petite tasse de thé brûlant. « Un thé noir, qu’on appelle Baiser brûlant parce que c’est un thé gourmand avec des morceaux de chocolat. On en dit qu’il est plus fiable que le sexe et qu’il est à savourer sans culpabilité. » Tu étiras tes lèvres en un fin sourire, les yeux légèrement plissés, avant de t’empresser de reprendre la parole comme si t’avais oublié un truc d’une importance capitale. « Oh, et, je suis un peu nouveau ici et je ne connais pas encore parfaitement mes temps d’infusion alors … il se peut qu’il soit un peu … amer. » Si lui te connaissait mais ignorait que toi aussi tu savais qui il était, maintenant, ça ne faisait plus de doute.

Tu ne sais pas ce qui t'agace le plus entre ce sourire arrogant qu'il t'adresse et ce visage des plus hypnotisants. Il y a quelque chose dans son regard qui attire immédiatement l'oeil et tu comprends aisément pourquoi Alejandro a craqué. Néanmoins, ça n'excuse pas le fait qu'il mette en danger votre couple pour ce serveur qu'il connait à peine. Par chance, Jackson semble autant déstabilisé que toi par ces regards que vous vous lancez. Tu ne sais toujours pas s'il sait qui tu es réellement, bien que tu en doutes de moins en moins, il te laisse toujours un peu dans le flou. Un rictus se dessine au coin de tes lèvres quand le brun tourne des talons et bafouille quelques mots. Tu ressens une petite fierté même si tu sais qu'il risque de revenir à la charge d'un moment à l'autre, s'il s'avère qu'il sait que tu es le petit-ami d'Alejandro. Quand il revient, après quelques minutes, ton regard dévie jusqu'à la tasse de thé alors que Jackson t'explique ce qu'il t'a préparé. Baiser brûlant. Si ça, ce n'est pas un message subliminal, tu ne sais pas ce que c'est. Mais le brun t'assène le coup de grâce en insistant sur le côté amer de ce thé. Pas parce que ça fait partie des propriétés de la boisson mais bien parce qu'il a laissé infusé un trop long moment volontairement. Tu fronces légèrement les sourcils, alors que ton regard se pose sur Jackson et qu'on peut sans doute y lire à la fois de la confusion et de l'agacement. Tu n'es pas certain d'avoir envie de répliquer parce que tu sais que ça ne mènera à rien mais tu n'as pas non plus envie qu'il pense qu'il peut marcher sur tes plates-bandes sans aucune réaction de ta part. Alors, sans détacher ton regard du sien, tu t'appuies contre le dossier du canapé, prenant un air faussement détaché et demandes : « C'est aussi parce que tu es nouveau dans le coin que tu ne sais pas qu'on ne touche pas au copain d'un autre ? » Tu arques un sourcil, comme si cette question était tout à fait naturelle, comme si tu n'avais pas lancé les hostilités entre vous. « Ou alors c'est parce que t'es un peu con dans ton genre ? » Ajoutes-tu en soutenant toujours son regard, avant qu'un petit sourire narquois se glisse au coin de tes lèvres.

T’avais réussi à trouver le thé parfait pour lancer l’alarme face à cette situation. Tes apprentissages aux Jardin de Circé servaient pour une fois à quelque chose, véritablement. La description de ce thé-là convenait parfaitement au message sous-entendu que tu voulais envoyer à Juliann. L’homme fronça les sourcils, te dévisageant, te fixant même. Tu soutins son regard, même si c’était difficile de tenir tête à un homme qui t’intimidait à ce point. Parce qu’il semblait avoir tout ce que tu ne pouvais pas avoir. À commencer par Alejandro. T’essayais de garder ton sang-froid mais tout en toi s’affolait. Quand il alla droit au but, te prenant au dépourvu alors qu’il sortait enfin de ce jeu insensé entre vous deux, tu haussas les sourcils devant l’insulte. « De ce que j’ai cru comprendre, y’a pas mal de gens qui vous touchent l’un et l’autre et ça semblait pas déranger jusqu’à maintenant. » Nul besoin de continuer à jouer aux innocents, maintenant vous aviez la conviction l’un comme l’autre qu’Alejandro était votre point commun, point qui faisait de vous des concurrents, en quelque sorte. Pourtant, tu n’avais absolument rien fait avec Alejandro. T’avais rien à te reprocher. Dès la seconde où t’avais su qu’il était en couple avec un autre, t’avais mis les freins, t’avais mis un terme à ce jeu de séduction enivrant. « Qu’est-ce qui est différent, cette fois ? T’as peur de perdre ? » Demandas-tu avec un éclat d’adversité dans le regard. Tu ne comptais absolument pas relever ce défi que tu semblais pourtant en train de lancer. T’aimais bien Alejandro mais ce n’était pas ton genre de venir briser des couples. Pourtant, devant l’arrogance de Juliann, t’avais pas pu faire autrement. Il était venu te chercher, toi qui n’avais voulu que la paix. Tu ne mettrais donc sans doute pas d’actions sur tes paroles, mais tes paroles elles, elles allaient voler dans tous les sens si c’était la guerre qu’il cherchait.

« Non pas que ça te regarde mais... » Tu ramènes ton corps vers l'avant du canapé, soutenant toujours le regard du brun avant d'ajouter : « ... effectivement, ça ne me dérange pas que d'autres personnes touchent Alejandro s'il en a envie. Mais pas toi. » Tu hausses doucement les épaules avant de saisir ton thé et de le porter à tes lèvres. Tu ne montres pas que celui-ci te brûle littéralement la langue, ne voulant pas paraître vulnérable devant Jackson. A la place, tu passes ta langue sur tes lèvres comme si tu jouais et que tu t'amusais énormément. Pourtant, la réalité est tout autre. Tu bous littéralement de l'intérieur ne supportant pas que ce mec puisse mettre en péril ton couple, ta relation avec Alejandro. Et qu'en plus, il ait le culot de faire le malin, sous-entendant même que tu risques de perdre face à lui. Tu ne peux t'empêcher de rire à sa question même si celui-ci sonne complètement faux. « Tu crois vraiment pouvoir rivaliser avec moi ? » Demandes-tu avec un rictus aux lèvres. C'est tellement prétentieux de dire ça et tellement pas toi. Mais pourtant, face à Jackson, tu ne peux pas t'empêcher de vouloir jouer au "mâle dominant". Au mec sûr de lui alors que tu ne l'es pas du tout et que t'as réellement peur que ton couple parte en fumée. Tu sais que quand Alejandro apprendra que tu es venu voir Jackson, il va péter un plomb. Mais c'était plus fort que toi. Et maintenant que tu es là, tu comptes bien jouer toutes tes cartes. « Qu'est-ce que tu cherches ? Ça booste ton égo de faire bander un mec en couple ? » Demandes-tu en t'appuyant à nouveau contre le canapé, détaillant du regard le brun. Tu montres la plus grande indifférence possible en posant cette question et pourtant, tu cherches vraiment à connaitre la réponse. Tu veux savoir ce que Jackson attend et s'il risque réellement ou non de mettre en péril ton couple. Bien qu'au fond, tu connaisses déjà la réponse.

Mais pas toi. C’était juste la preuve de plus dont t’avais besoin pour comprendre qu’aux yeux de Juliann, tu étais une véritable menace. Mais bordel, qu’est-ce qu’Alejandro avait bien pu lui raconter ? Peut-être avait-il mis le blâme sur toi, pour mieux fuir le véritable problème ? Et si Alejandro était allé raconter à son copain que t’avais fait des avances, que t’avais été insistant, limite lourd, alors qu’au fond c’était exactement ça mais en inversant les rôles ? C’est Alejandro qui t’avait fait des compliments les uns après les autres, c’est lui qui avait tout fait pour obtenir ton numéro de téléphone et, enfin, un rencard. Rencard qui s’était étrangement terminé quand t’avais appris qu’il était en couple. Parce que toi, ça t’intéressait pas, d’être le deuxième choix. Mais à voir comment Julian réagissait, t’avais comme l’impression que toute l’histoire n’avait pas été relatée. « Ah bon ? Et pourquoi pas moi, tout particulièrement ? » Demandas-tu en arquant un sourcil, curieux. Tu croisas les bras sur ta poitrine, fixant Juliann sans broncher. Tu le défias de tes propos, relevant qu’il donnait l’impression d’avoir peur de perdre. La réplique de l’homme te fit rire. Tu détournas le regard ce faisant, avant de reprendre un peu ton sérieux sans toutefois perdre cet éclat dans ton regard. Tu te sentais tellement vivant face à lui. « J’crois que je pourrais avoir Alejandro en un claquement de doigts. » C’était dégueulasse, de parler ainsi d’Alejandro, comme s’il n’était qu’un vulgaire objet, un prix. Il était tellement plus que ça à tes yeux. À la question de Juliann, tu ne sus d’abord pas quoi répondre, puisque tu ne cherchais justement pas à briser leur couple. C’est juste qu’il s’était montré tellement arrogant et trou de cul, t’avais pas pu t’empêcher de réagir comme ça. « J’ai pas besoin de booster mon égo. J’voulais juste savoir quel genre de mec plaisait à Alejandro et clairement, j’sais pas pourquoi il a pu s’intéresser à moi parce que clairement, toi et moi, on a rien en commun. » Alors qu’ils restent ensemble, eux deux. À jouer à leurs petits jeux dangereux. Si ce n’était pas toi qui les conduisais à leur perte, ce serait un autre.

Pourquoi pas lui ? Pour un tas de raisons que tu n'es pas prêt à évoquer devant Jackson parce que ce serait lui prouver qu'il a raison. Et reconnaitre que tu le vois réellement comme une menace. Alejandro t'a avoué que c'était un peu différent avec lui. Pas au point de mettre votre couple en péril mais différent au point de le faire douter, se poser des questions. Et de ton côté, tu ne l'as pas totalement cru quand il t'a dit qu'il était prêt à arrêter de le voir si tu lui demandais. « Parce que je ne te sens pas. Et maintenant que j't'ai devant moi, mes doutes se confirment. » Dis-tu en haussant les épaules. Un geste qui s'arrête bien vite alors que Jackson affirme qu'il pourrait obtenir Alejandro en un claquement de doigts. Si tu n'étais pas aussi fort mentalement, tu lui aurais probablement déjà foutu ton poing dans la gueule. Mais ça ne résoudrait rien et surtout, ça risquerait de pousser ton petit-ami dans les bras de Jackson bien plus rapidement. « C'est marrant que tu dises ça car il m'a affirmé que si je lui demandais, il arrêterait de te voir. » Un sourire se dessine au coin de tes lèvres, moqueur. Tu espères lire un peu de déception dans son regard, quand il comprendra qu'il n'est rien aux yeux d'Alejandro à côté de toi. Tu espères le blesser, tout simplement. Parce que de son côté, même si rien n'est réellement enclenché entre lui et ton petit-ami, il est capable de t'anéantir. « Les opposés s'attirent comme on dit. » Et tu ne fais pas allusion à Jackson et toi mais bien à Alejandro et lui. Parce qu'à tes yeux, l'australien n'a rien en commun avec ce type. Au-delà de son physique des plus avantageux, tu ne vois pas ce qu'Alejandro lui trouve. Rien que de le supporter deux minutes, là, tout de suite, c'est déjà trop à tes yeux. « Qu'est-ce que tu recherches ? Un coup d'un soir ? Y'a des tas de types aussi bien foutus qu'Alej' à Bowen. » Dis-tu sans vouloir dénigrer ton petit-ami pour autant. Mais des mecs au physique avantageux, tu en as côtoyé des tas ici. Et beaucoup sont passés par ton lit, d'ailleurs.

T’étais jamais comme ça, t’étais jamais autant territorial, jamais autant porté à te lancer dans des combats de coqs qui ne menaient à rien. Tu pensais pouvoir passer par-dessus Alejandro sans te faire de mal, mais d’avoir son copain qui te crachait son venin à ton propre travail, ça te prouvait que tu n’étais pas autant détaché que tu l’aurais voulu. Si ça avait été le cas, tu l’aurais juste servi sans demander quoi que ce soit d’autre. « J’pense qu’avant même de m’avoir devant toi, tu ne me sentais pas. J’pense que t’avais cherché à confirmer tes doutes avant même d’me voir en vrai. Si tu ne me sentais pas avant même d’entrer ici, ne compte pas sur moi pour me démener à prouver le contraire. C’est ton problème si tu juges sans connaître. » Pourtant, tu faisais pareil. Tu jugeais Juliann sans le connaître. Tu le jugeais parce qu’il réagissait exactement comme toi, poussé par une jalousie générée par le même homme. Tu n’étais pas amoureux d’Alejandro, pas comme lui l’était de l’homme, mais tu avais ressenti pour lui des sentiments intenses en très peu de temps. Si tout n’avait pas volé en éclats en raison de Juliann, justement, sans doute l’amour se serait-il développé. « Ah, c’est vrai, il t’a dit ça ? » Demandas-tu d’un ton sarcastique pour cacher la blessure qu’il venait d’ouvrir en toi. Qui croire ? Les paroles d’Alejandro dirigées vers toi, ou celles promises à son amoureux ? « Parce qu’à moi il m’a dit que je venais brouiller toutes les cartes, il m’a dit qu’il se demandait si on peut aimer plus d’une personne à la fois. Il voulait être avec moi, me regarder dormir, pas juste s’envoyer en l’air et puis au revoir. » Tu n’inventais rien. Alejandro t’avait effectivement dit tout cela, sur le bateau-restaurant. Mais à quoi ça te servait d’utiliser ces mots-là comme une arme contre Juliann ? C’était puérile. T’avais quand même besoin de lire la tristesse dans son regard, parce qu’il avait cherché à faire la même chose avec toi. Et ça avait réussi. « Alejandro n’est pas qu’un mec bien foutu, et j’espère qu’en tant que copain tu le savais déjà, ça. » Tu n’avais pas cherché qu’à le baiser, toi non plus, Alejandro. Il avait représenté tellement plus que ça.

« Je ne dirais pas que je juge sans connaitre mais plutôt que j'ai un sixième sens pour reconnaitre les gens qui ne m'apporteront que des emmerdes. » Dis-tu en haussant les épaules sans quitter Jackson des yeux. Tu te doutes bien de ce qui va découler de sa relation avec Alejandro et ça ne risque pas d'être positif pour toi, bien au contraire. Dans cette histoire, c'est toi qui risques de tout perdre. Alors que tu abats une nouvelle carte pour blesser Jackson, tu ne pensais pas qu'il répliquerait avec tant d'ardeur. Tu ne pensais pas qu'il trouverait les mots justes pour te blesser à ce point. Tu écarquilles légèrement les yeux sur le coup de l'étonnement, pas fort mais assez pour que Jackson le remarque. Est-ce qu'il cherche réellement à foutre la merde dans ton couple où est-ce que ce sont réellement les mots employés par Alejandro ? T'en as aucune idée mais tu ne peux pas croire que ton petit-ami ait eu des mots aussi profonds pour un autre que toi. Pas alors qu'il t'a dit qu'il était prêt à tout pour te garder et que sa relation avec Jackson était bien moins importante que toi. « Alors soit tu mens, soit Alejandro s'est joué de toi. J'vois que ça comme explications. » Tu n'en penses pas un mot, évidemment. A présent, ta tête est pleine de doutes et tu es à deux doigts d'exploser. Au fond, ce n'est pas vers Jackson qu'est dirigée ta colère mais bien vers celui qui partage ta vie. Celui que tu aimes d'un amour infini. « Evidemment que je l'sais. S'il était juste beau et creux à l'intérieur, il ne m'intéresserait pas. » Parce qu'une vie de couple ne se résume pas qu'au plaisir physique. « J'disais ça pour toi. Si tu cherches une relation éphémère, tu en trouveras sans problèmes à Bowen. Mais pas avec Alejandro. » Dis-tu comme si tu cherchais à clôturer la discussion, comme si tu cherchais à avoir le dernier mot. Mais maintenant que les hostilités sont lancées entre Jackson et toi, tu te doutes bien qu'il ne va pas lâcher l'affaire aussi facilement.

Tu ne pus t’empêcher de lever les yeux au ciel quand Juliann affirma savoir reconnaître les gens qui ne lui apporteraient que des emmerdes. Un sourire légèrement amusé se dessina quand même sur tes lèvres, malgré ton exaspération sans équivoque. « C’est clair que si tu les cherches en premier, j’vais pas m’gêner pour te les amener, les emmerdes. Pas étonnant que ce sixième sens te semble infaillible quand tu fais tout toi-même pour que ça arrive. » Cette discussion avec Juliann te donnait effectivement envie de terminer ton quart de travail dès maintenant pour aller retrouver Alejandro et le faire céder à la tentation. Pourtant, pas une seconde l’idée de voler Alejandro à son petit ami ne t’avait traversé l’esprit avant aujourd’hui. Il te poussait à bout. C’est aussi pour cette raison, pour le blesser, que tu lui répétas chacune des paroles qu’Alejandro avait pu te dire. Aux yeux de l’homme, soit tu mentais, soit son copain s’était joué de toi. Tu ris, encore une fois. « Parce que ça te semble à ce point inconcevable que ce soit de toi qu’il se soit joué ? Come on, s’il veut aller voir ailleurs tout le temps, clairement c’est parce qu’il lui manque quelque chose avec toi. Faut pas te surprendre, après, qu’il puisse en aimer d’autres. » Tu n’étais d’habitude pas comme ça, pas du tout même. Tu te répugnais, mais c’était plus fort que toi. Tu ne te réveillas qu’au moment où il te dit que si t’avais envie d’une relation éphémère, tu en trouverais à Bowen, mais pas avec Alejandro. Il ne comprenait rien à rien – et évidemment, jusqu’à maintenant, tu ne l’avais pas vraiment aidé à y voir plus clair. Tu soupiras et alors, enfin, tu te montras plus vrai face à lui : « C’est exactement pour cette raison qu’Alejandro et moi on a convenu de ne pas aller plus loin. J’sais pas ce qu’il t’a raconté sur moi pour se déculpabiliser, sérieux, mais j’prendrai pas le mauvais rôle. Dès que j’ai su qu’il avait un copain, I backed off. » Tu marquas une légère pause, avant de conclure : « C’est avec ton copain que tu devrais parler de tout ça, pas avec moi. » Ils avaient visiblement des trucs à régler.

Ce qui est dingue c'est qu'habituellement, tu n'es pas vraiment du genre à chercher les ennuis. Ou du moins, pas auprès des autres. Tu t'attires des problèmes tout seul, la preuve en est avec cette drogue que tu prends de plus en plus fréquemment et comme seul remède à ta souffrance. Mais au-delà de ça, tu es quelqu'un de plutôt tranquille avec qui il est simple de s'entendre. Néanmoins, quand on essaie de s'immiscer entre tes proches et toi, tu as tendance à sortir les griffes. « J'les cherche pas. Je veux simplement que tu saches qui tu as en face de toi et que je ne me laisserai pas faire si tu essaies encore de t'immiscer entre Alejandro et moi. » Mais dans le fond, ce n'était pas Jackson qui avait apporté les problèmes dans votre couple mais bien Alejandro. Et s'il ressent le besoin d'être aussi proche d'un autre, c'est qu'en effet, quelque chose ne se passe pas bien au sein de votre couple. Le serveur a tapé dans le mille mais tu ne l'avoueras pas parce que tu ne supportes pas l'idée qu'il ait raison. « Ouais, ça me semble peu probable. On parle pas d'une relation de quelques mois, ça fait un moment qu'on est ensemble Alejandro et moi. Et jusqu'ici, notre façon de fonctionner n'a jamais posé problème ce qui me pousse à croire que le problème vient plutôt de toi. » C'est plus facile de penser comme ça pour éviter de devoir te remettre en question et de devoir remettre en cause votre couple. Tahlia t'a déjà mis en garde plus d'une fois mais tu préfères croire qu'avec l'amour que vous vous portez, Alejandro et toi, les choses finiront bien par s'arranger. « Il ne m'a pas dit grand chose finalement. Mais j'ai senti que c'était différent, j'sais pas comment te l'expliquer autrement. » Dis-tu, plus sincère toi aussi. « Je compte bien en parler avec lui mais j'voulais voir qui tu étais, avant. Et c'est pas plus mal d'avoir les deux sons de cloche si jamais, comme tu le dis si bien, Alejandro se joue de moi. » Et dans ce cas-là, votre couple ne risque plus de faire long feu.

Si tu essaies encore. Ça te fit sourire et détourner le regard en secouant la tête. Comme si t’avais déjà essayé une fois. Difficile de vouloir s’immiscer entre deux personnes quand, dans l’équation, cette autre personne n’existe pas. De tous les flirts au café qui avaient mené jusqu’à ce rendez-vous sur le bateau, jamais une seule fois Alejandro n’avait mentionné Juliann. Jamais Juliann n’était débarqué, non plus, pour visiter son copain au café. Dans ce contexte, il t’aurait été impossible de savoir que leur couple existait réellement, à moins de mener une enquête pour tout connaître d’Alejandro. T’avais préféré qu’il t’apprenne tout de lui, par lui-même. C’était venu avec son lot de conséquences bien merdiques, d’ailleurs. « Oh, t’inquiètes, maintenant je sais très bien qui j’ai en face de moi. » Lanças-tu d’un ton arrogant, avant de viser en plein dans le mille en soulevant le fait que c’était son couple, le problème, et pas lui. « Et les couples qui divorcent ou se séparent après des années, ça arrête toujours de fonctionner pour une cause extérieure, ou bien ils se voilent un peu la face, comme toi ? » Demandas-tu pour lui faire comprendre que justement, c’était après la phase lune de miel des premiers mois que les vrais problèmes avaient tendance à surgir. T’avais jamais expérimenté la chose, toi qui n’avais jamais été en couple très longtemps, mais tu savais que ça fonctionnait comme ça. T’étais assez observateur des autres pour avoir compris il y avait longtemps de cela que rien n’était paisible dans l’amour engagé. Au bout d’un moment, tu te lassas de ce combat de coq et tu tentas de montrer la vérité, celle qu’il ne voulait probablement pas entendre. T’avais rien voulu foutre en l’air entre eux. T’avais mis les freins. « Pour ce que ça vaut, j’vous souhaite que ça fonctionne. J’t’apprécie pas particulièrement mais c’est pas une raison pour que j’veuille que ça foire entre vous. Comme j’t’ai dit, ça a jamais été mon intention de foutre le bordel dans votre couple. » Tu haussas les épaules, puis ramassa quelques déchets qui traînaient sur la table, prêt à retourner bosser.

Tu es clairement de mauvaise foi en mettant tout sur le dos de Jackson et en refusant d’admettre qu’il y a un vrai problème dans ton couple mais c’est plus fort que toi. Tu n’es pas prêt à te l’avouer et encore moins face à celui qui remet tout en cause au sein de ta relation. « J’me voile pas la face… Je constate simplement qu’avant que t’arrives, tout se passait bien entre Alej’ et moi. » C’est pas totalement vrai mais ça, Jackson ne peut pas le savoir. Même avant qu’il n’arrive, tu te posais déjà des questions sur ce mode de fonctionnement et sur les raisons qui poussaient Alejandro à vouloir continuer à être un couple libre. Toi, dans le fond, tu n’y trouves plus le même plaisir qu’au début mais tu continues parce que c’est ce que ton petit-ami veut et ce dont il a besoin. Après être monté sur vos grands chevaux, tous les deux, la tension redescend un peu, ce qui vous laisse l’occasion de parler plus franchement et plus honnêtement. « C’est gentil. » Dis-tu en soupirant, espérant que Jackson soit sincère. « Je crois qu’Alejandro n’a pas été totalement honnête que ce soit avec toi ou avec moi et j’ai besoin de savoir pourquoi. Mais comme tu le dis si bien, il n’y a qu’auprès du principal intéressé que j’aurai les réponses. » S’il veut bien te les donner du moins. « Désolé pour tout ça. » Ajoutes-tu finalement. Ce n’était pas l’idée du siècle de venir confronter Jackson aujourd’hui mais au moins, cela t’a apporté quelques éléments de réponses. Après un dernier regard, tu te lèves du canapé et déposes un billet plus gros que nécessaire pour régler ta consommation puis quittes l’endroit, l’esprit toujours embrumé par les doutes et les incertitudes.

Fin du sujet