High hopes (Samuel)

Effectivement, il n'est pas à sa taille. Ce pull appartenait à son meilleur ami, trop grand pour être humain et donnant ainsi l'impression qu'elle pourrait se mettre dedans toute entière si elle le voulait. Théia avait presque oublié qu'elle le portait, mais le fait que Sam ne l'évoque lui fait ressentir une petite pointe de nostalgie. Elle n'a pas envie de s'en défaire, même si elle sait qu'il est temps pour elle de se détacher du passé. Elle ne relève pas sur sa réflexion et se contente de hausser les épaules. Théia n'a jamais fait preuve d'une grande minutie pour ce qui est du choix de ses vêtements, et elle se fiche totalement que lui ou un autre la trouve mal habillée. Quand elle évoque le ciel étoilé, elle le voit lever les yeux au ciel et sourit brièvement à sa phrase. Théia sent ensuite son regard se poser sur elle, mais elle se contente de fixer droit devant elle en avançant. Même si elle ne veut pas se l'avouer, elle est soudainement effrayée par ses retrouvailles avec lui. Elle a peur de ses mots auxquels elle pourrait accorder de l'importance, et elle n'a pas envie de s'attacher à nouveau à lui trop rapidement. Le contact de sa main sur la sienne la fait frissonner. Instinctivement, elle ressert ses doigts autour de sa paume. « Alors, qu'est-ce que j'ai raté depuis la dernière fois ? » demande-t-elle toujours sans le regarder.

Théia est une tornade. Elle a toujours eu peur que les autres s'attachent à elle car elle craignait qu'un jour, son cœur ne puisse plus supporter une peine supplémentaire et qu'elle parte en emportant avec elle la joie des personnes qui se seraient accrochées à elle. Sam faisait justement partie de ces gens qu'elle ne voulait pas briser, et à qui elle ne veut d'ailleurs toujours pas faire de mal. Sauf qu'aujourd'hui, Théia est bien vivante et, pour la première fois depuis des années, elle se sent prête à aller de l'avant. Elle est prête à laisser une chance à la vie, à ses sentiments et à ceux des autres. Sauf que visiblement, il est trop tard pour elle. La phrase prononcée par Samuel résonne dans sa tête, et elle se raidit tout en fixant droit devant elle. Elle sourit, car elle ne veut pas qu'il remarque que ça lui fait quelque chose. « Cool, » se contente-t-elle d'ajouter. Elle s'attend à ce qu'il lui en parle, mais rien ne sort de sa bouche à part un rapide et stupide bref qui la fait soupirer. « Bref, c'est tout ? Dis-moi plus que ça, raconte moi comment elle est. » Elle se force à sourire, mais son visage ne montre aucune émotion. Son regard est étrangement vide, dénué de l'habituelle étincelle qui l'illumine en général. Elle sort sa clé de son sac mais n'ouvre pas tout de suite la porte d'entrée, attendant que Sam ne lui réponde.

Il ne dit rien de plus, à part cette stupide phrase qui la fait lever les yeux au ciel. Quel pathétique charmeur, à croire qu'il est bien différent du garçon qu'elle a autrefois connu. Le ventre de Théia se noue, et elle n'aime pas se dire qu'elle invite un garçon peut-être en couple chez elle, à vingt-deux heures ou peut-être plus. « C'est ça, » souffle-t-elle en se tournant pour faire face à la porte. Quand il la chatouille, elle se décale pour éviter le contact avec lui et glisse la clé dans la porte avant de l'ouvrir rapidement. Elle laisse passer Sam sans lui jeter le moindre regard, referme derrière lui, puis se dirige vers les escaliers menant jusqu'au premier. Théia a eu de la chance de n'avoir que quelques marches à gravir pour arriver jusque chez elle dans ce bâtiment sans ascenseur, elle ne sait pas si elle aurait pu supporter d'être au trois ou quatrième. « Moi aussi j'ai rencontré quelqu'un, » lâche-t-elle sans réfléchir, ses doigts serrant la rambarde de l'escalier. « C'est un artiste, il est très doué d'ailleurs. » Elle arrive en haut des marches et se tourne vers Sam avec, accroché aux lèvres, un sourire provocateur qu'elle n'arrive pas à contrôler.

En soit, ce qu'elle lui dit n'est pas totalement faux. Il y a bien ce garçon qu'elle a rencontré il y a plusieurs mois, et qui la fascine totalement avec ses clichés qu'il lui a montrés il y a peu. Sauf que c'est tout, c'est déjà la fin du chapitre. Il n'y a rien de plus à raconter, rien qui pourrait faire réagir Samuel. Pourtant, elle le sent se crisper et entend ses paroles comme si il venait de physiquement la repousser loin de lui. Théia pousse un léger soupir. « Crétin, il n'y a rien entre lui et moi. On est amis, c'est tout. » Elle croise à nouveau son regard, mais l'évite rapidement. « Je voulais juste me mettre à ton niveau, avoir moi aussi une histoire à raconter. » La vérité, c'est que Théia n'est pas le genre de fille auquel on s'attache. C'est arrivé, mais elle a pris soin de repousser chacun d'entre eux car elle avait trop peur de les faire souffrir. Elle ouvre la porte de son appartement et ferme derrière lui, mais ce qu'il lui révèle la fait garder la main sur la poignée. « Pourquoi tu m'as menti ? » Son regard se plante dans celui de Sam, animé par un mélange d'incompréhension et de froideur. « C'est ton truc maintenant, de raconter des bobards ? » demande-t-elle avant de s'éloigner de lui, en direction de sa chambre.

Au fond elle ne lui en veut pas, mais ça l'amuse de faire comme si le temps qu'il s'excuse. Théia entend ses paroles mais ne répond pas. De sa chambre au bout du couloir où elle n'a pas pris la peine de fermer la porte pour pouvoir encore l'entendre, elle retire son pull et son pantalon. Elle ne porte plus qu'un top et ses sous-vêtements quand enfin les mots voulus résonnent dans l'appartement, la faisant sourire. « Mmmh.. Je te pardonne. » Elle pardonne rapidement, mais Théia n'a jamais été rancunière. Et puis de toute façon, elle ne voit pas pourquoi elle se réserverait le droit d'être en colère pour l'unique raison qu'il voit quelqu'un. Elle retire son top et cherche après une robe dans sa garde robe. Elle pourrait mettre la rouge achetée avec Nice, mais elle la trouve trop bien habillée. Elle opte donc pour une grise qui lui arrive à la moitié des mollets et moule son corps en laissant voir ses épaules dénudées. Elle enfile ensuite une pair de compensés noirs et retourne dans le salon. « C'est mieux comme ça ? » demande-t-elle avec un sourire, son regard planté dans celui de Sam.

Elle s'attendait à ce qu'il lui fasse une remarque, c'est certainement la première fois qu'il la voit autrement que dans un jeans et un gros pull. Sauf qu'elle n'imaginait pas un compliment. Théia sourit, puis elle lève les yeux au ciel quand Sam rattrape ses premières paroles par une excuse bidon. Ravie d'enfin se sentir jolie malgré le coté moins confortable de cette robe, elle tourne sur elle-même comme si elle était occupée à défiler sur le devant d'un podium. « C'est vrai, elle est pas mal cette robe, » dit-elle avant de sourire fièrement. Un léger rire s'échappe d'entre ses lèvres et elle s'approche de lui afin de le tirer par la main. « Allez, arrête de mater, on y va ! » Théia tient sa main jusqu'à la porte d'entrée puis finit par le lâcher. Là, elle s'arrête devant la porte et lève les yeux vers Sam. « Par contre, j'espère que tu t'y connais mieux que moi en ce qui concerne les boîtes. J'ai pas trop l'habitude de les fréquenter alors je connais pas vraiment les lieux où aller. » Une petite moue étire ses lèvres pendant ses yeux ne quittent pas ceux de Sam.

Elle croit  même n'être encore jamais allée en boîte de nuit. Trop bruyant, trop fréquenté, ça n'a jamais vraiment été ce qu'elle préfère ce genre d'endroit. Et pourtant, elle se plaît à croire qu'avec Sam, cela pourrait être bien plus amusant. Il lui ouvre la porte, ce qui fait sourire Théia. « Quel gentleman, » glisse-t-elle avant de le regarder du coin de l'oeil. Sortir en robe la dérange d'abord, même si elle sait qu'elle finira par s'y habituer. Et puis, elle n'est pas non plus provocante, ni trop courte ni trop moulante. Comme si il lisait dans ses pensées, Sam le lui fait remarquer. « Jaloux va. » Elle rit à nouveau et sort du bâtiment en direction de la fameuse boîte. Au fond d'elle, Théia est sur-excitée. Elle est ravie de le revoir et de le retrouver comme si une année entière ne s'était pas écoulée depuis la dernière fois. Elle est contente qu'il ne lui en veuille pas, qu'ils puissent rire à nouveau et aller danser comme deux ados jusqu'au bout de la nuit.

à suivre