Ash ~ You ? Here ? No it's impossible!

Déjà un peu plus de trois mois que Zoey avait emménagé ici, à Bowen avec Louane. On ne peut pas dire qu’elles étaient toutes deux encore bien installées. Elles qui ne connaissaient ni la ville, ni même le pays, avait besoin d’un peu plus de temps encore pour prendre leurs marques, surtout Zoey, bien évidemment. Louane, elle, du haut de ses "presque six ans" comme elle aimait souvent le rappeler, avait cette faculté qu’ont les enfants de s’adapter à presque tout en tout temps, ce qui rassurait d’ailleurs la maman qui n’avait qu’une peur : faire les mauvais choix pour sa fille.

Le mois d’Août commençait à pointer le bout de son nez et Zoey n’avait pas vu le temps passer. Bientôt la rentrée des classes et pour Louane l’entrée dans "l’école des grands" se faisait des plus pressantes. La petite, plutôt dégourdie pour son âge, attendait cet évènement avec impatience. Aussi, mère et fille avaient été choisir le cartable de la petite ensemble quelques jours plutôt. Aujourd’hui, Zoey avait décidé de laisser Louane au jardin d’enfants pour finaliser les achats de Septembre tout en aillant l’esprit tranquille. Mais pour dire vrai, la jeune maman avait également une autre idée en tête. En effet, il y a de cela, deux semaines à présent, elle était tombée sur une ancienne affiche dans la galerie commerçante où elle faisait ses courses. Cette affiche, elle avait dû y passer un bon nombre de fois devant sans pour autant y prêter gare, mais allez savoir pourquoi ce jour-ci plutôt qu’un autre, elle lui avait attiré le regard. Zoey s’était donc approché d’un peu plus prêt et avait été des plus surprises par ce qu’elle y avait vu et lu. Il s’agissait en fait d’un concert de charité organisé à des fins tout à fait louables, mais ce n’est pas ça qui avait étonné la maman, non. Ce qui l’avait fait se demander si elle avait rêvé ou non, c’était le groupe à même l’affiche. Elle ne le connaissait pas et avait d’ailleurs déjà oublié le nom mais elle y avait reconnu le bassiste ! Certes, il avait quelque peu changé, mais elle ne pouvait pas se méprendre et puis des Ashley il n’y en avait pas cent mille qui étaient bassistes qui plus est ! Ce jeune homme, qu’elle avait reconnu était tout bonnement un ancien camarade de classe d’il y a plus de dix ans maintenant ! Mais pas n’importe camarade non, Ash avait toujours été là pour Zoey même "après". Ils avaient gardé contact des années durant mais cela faisait deux ou trois ans qu’ils se contentaient de se souhaiter mutuellement leurs anniversaires et la bonne année. Aussi, Zoey ignorait tout de sa vie actuelle. Mais elle ne pouvait pas croire qu’il était ici, à Bowen, en Australie alors qu’elle-même venait d’y arriver !
Elle avait laissé passer plusieurs jours gardant dans un coin de sa tête cette information mais sans trop savoir quoi en faire. Et puis, la semaine suivante en repassant devant cette même affiche, elle s’était décidée : elle allait tenter de le retrouver ou tout du moins essayer de le croiser. Elle réfléchit à comment s’y prendre et finit par se dire que si le destin avait décidé de les remettre à nouveau sur le même chemin, elle allait tenter de le forcer un peu en fréquentant un peu plus assidûment les lieux où elle avait toutes les chances de l’y retrouver.

Aussi, en cette fraîche journée hivernale, Zoey s’était installé au Starbucks de Bowen, un café latte à la main, assise seule à une table, face au comptoir. Elle savait pertinemment qu’Ashley avait toujours adoré les Starbucks, tout comme elle d’ailleurs, et s’il avait réellement posé ses bagages en ville, il se rendrait forcément ici un moment ou un autre. Elle avait donc pris pour habitude de venir boire un café une fois par jour ici, dans l’attente et l’espoir de voir apparaître le jeune homme pour qui elle avait toujours eu une grande affection.

Après un peu plus d’un an, maintenant, à vivre en Australie, de s’être installé à Bowen, ville d’origine des filles du groupe, Ashley a largement eu le temps de se recréer des repères. Et bien évidemment, en grand fan de Starbucks qu’il est, il a très rapidement trouvé l’adresse de celui, heureusement pour lui, installé en ville. Non, parce qu’il aurait pleuré s’il n’y en avait pas eu. C’est limite devenue une drogue pour lui, et il ne se passe pas un jour, sans qu’il n’ait son Starbucks. Généralement, il passe se chercher son breuvage sur le chemin en direction du studio, pour les jours où ils y travaillent. Seulement, aujourd’hui, et comme souvent, Ash était en retard, il n’est pas du matin, ce n’est pas une nouveauté, mais ce matin, encore plus en retard que d’ordinaire, sûrement car Brooklyn n’était pas là pour le réveiller. Alors finalement, il a laissé tomber le passage rituel et a foncé directement au studio rejoindre les autres qui avaient déjà commencé à bosser sans l’attendre.

La vie du musicien est quelque peu chaotique en ce moment. Et même son mariage avec son homme n’a pas vraiment arrangé quoi que ce soit, en réalité, c’est même encore pire maintenant. Il ne regrette en aucun cas de l’avoir fait, mais le management ne leur épargne rien. Les tensions sont constantes. Ils ne sont pas en tournée, et pourtant ils sont tous sous tension constante. Alors forcément, les nuits du bassiste sont agitées, il dort mal, peu, et la fatigue cumulée commence sérieusement à se voir sur son visage. Il a même perdu quelques kilos, mais rien de bien alarmant pour le moment. C’est pourquoi, en ce moment plus que tout autre, il a besoin de sa dose de caféine quotidienne. La journée se passe sans grande envie, Brooklyn lui manque et il est las de tout ça.

Enfin, la délivrance. Enfin, travailler sur le prochain album n’est pas une corvée en soi, et il aime ce qu’il fait, mais là, c’est dur de se concentrer, surtout parce qu’il sait son homme loin de lui, traversant un moment difficile en famille et qu’il devrait être près de lui au lieu d’ici. Alors oui, il sera seul dans leur grande maison, mais au moins il pourra prendre le temps de l’appeler par vidéo interposée. Mais avant toute chose, direction le Starbucks. Hors de question de finir cette journée sans son Macchiato au caramel. Sur place, il prend à emporter, sa boisson et craque pour un pain banane et noix pour accompagner son café, histoire de déprimer devant une série niaise avachie dans le canapé, avec de quoi se remonter le moral. Mais en se retournant pour prendre la direction de la sortie, il aperçoit un visage qu’il croit reconnaitre. Ashley n’est absolument pas certain qu’il s’agisse bien de Zoey. Cela fait tellement longtemps qu’ils ne se sont pas vus, même s’ils ont pendant longtemps gardé contact après l’année scolaire passée ensemble alors que la miss venait d’emménager à Durban. Malheureusement, la distance et leurs déplacements incessants à tous les deux, ont fini par avoir raison de leur amitié. Ils n’ont pas coupé tout contact, mais cela n’est plus que pour les fêtes et leurs anniversaires. Alors non, il n’est pas certain que ce soit bien elle, mais un sourire apparait tout de même sur son visage à cette idée. Ce serait juste tellement génial de la retrouver par hasard, ici, à l’autre bout du monde, de leurs pays d’origine. Ashley ne sait pas trop s’il doit aller la voir ou non, si jamais ce n’était pas elle, il aurait l’air un peu idiot. Pourtant, il se dit que si c’est vraiment elle, ce serait dommage de passer à côté. Il avance alors lentement vers la table où se trouve la demoiselle. « Zoey ? » Le châtain pas sûr de lui murmure presque le prénom de son amie. « Je suis trop contente de voir. » Au fond, maintenant, il est certain que c’est elle et son sourire s’élargit encore.

Zoey était plongée dans ses pensées et dans ses souvenirs. Tout en sirotant son latte qu’elle avait d’ailleurs aromatisée à la cannelle avec un pointe de chocolat, elle se remémorait les moments passés avec ses filles et avec Zach. Il était assez fréquent bien évidement que cette jeune maman repense très régulièrement à son défunt mari et à ses petites puces non sans une grande nostalgie et du vague à l’âme mais cela lui faisait du bien également de se rappeler d’eux, de leurs visages, leurs sourires, leurs voix… Petit-à-petit, elle s’était rendue compte que penser à eux l’aidait au fond à faire son deuil tout en ne les oubliant pas et leur gardant ainsi une place de choix dans son cœur. Certes, elle était loin d’avoir totalement fait son deuil de son époux et de sa petite fille – y parviendrait-elle réellement un jour ? – mais cette nouvelle vie, ici, en Australie semblait partir d’un bon pied et elle tentait de se reconstruire tout doucement, loin des siens mais si proche par la pensée.
Elle avait d’ailleurs au téléphone très régulièrement sa mère qui prenait de ses nouvelles à elle et Louane, et également les parents de Zach. Ces trois-là n’avaient pas vu d’un très bon œil cette idée de départ en Australie. En effet, ils seraient bien trop loin à leur goût d’elles deux et ne pourraient de ce fait, plus veiller sur elles comme ils l’avaient fait jusqu’à présent. Mais Zoey avait finalement réussi à les convaincre que c’était le mieux pour elle et sa fille, de repartir de zéro, loin de tous ces drames. Tout ceci ne serait que profitable à Louane qui avait besoin de se construire une vie bien à elle et de ne pas vivre dans l’ombre de sa grande sœur et l’ombre de son papa. Bien sûr, Zoey ne lui cacherait jamais l’existence de ces derniers, bien au contraire, ils faisaient partie intégrante d’elles deux mais il était plus sein pour la petite fille de recommencer une vie toute belle, toute rose, loin de tout.
La seule condition à respecter pour Zoey suite à ce départ était qu’elle prévoit des sessions Skype de façon hebdomadaire pour leur permettre à tous de rester le plus possible en contact et que les grands parents suivent la croissance de leur petite fille. Ils avaient d’ailleurs d’ores et déjà prévus de venir leur rendre visite dans les six mois suivants leur installation à elles deux en Australie !

Aussi, une fois n’est pas coutume, Zoey n’avait pas prêté attention au jeune homme qui était entré et avait passé commande, ce même jeune homme que pourtant elle espérait revoir jour après jour. Mais non, aujourd’hui elle n’avait pas remarqué la présence de ce nouveau client et touillait machinalement son latte, la tête bien loin dans ses pensées et ce n’est que lorsqu’elle crut entendre son prénom qu’elle réagit et releva la tête. Elle sortit aussitôt de ses pensées et jeta un rapide coup d’œil autour d’elle cherchant à savoir qui l’avait semble-t-il appelé, à moins qu’elle n’ait rêvé ? Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit arriver face à elle Ashley, tout sourire ! Elle n’avait donc pas rêvé, c’était bien lui, en chair et en os ! Elle le regarda quelques secondes fixement se demandant si elle avait vu juste et lorsqu’elle comprit qu’il s’agissait bel et bien de son ami d’enfance, un grand sourire apparu sur son visage et ses yeux s’illuminèrent. « Ash ! Dis-moi que c’est pas vrai !? Dis-moi que je rêve ?! » Elle se leva de son tabouret, les yeux toujours grands ouverts, écarquillés par la surprise. Elle avait du mal à y croire mais pourtant il était bien en face d’elle. Elle s’approcha de lui pour le serrer dans ses bras et profiter de cet instant. « Je n’osais plus y croire ! » réussit-elle finalement à articuler. On sentait l’émotion à travers ces quelques mots. Entre ses souvenirs d’il y avait à peine quelques instants qui la submergeaient encore et la surprise de se trouver face à son ami, cela faisait soudainement beaucoup pour la jeune maman qui avait toujours été une grande émotive, il faut bien le dire !

C’est presque surréaliste pour Ashley de rencontrer sa Zoey ici, dans le Starbucks de Bowen. Quelles étaient les probabilités pour que cela se produise ? D’autant que la ville n’est pas la plus grande ni parmi les plus populaires du pays. M’enfin, il est loin d’avoir envie de se plaindre de ce coup du destin. Parce que oui, Ashley, il est comme ça, romantique, rêveur et il ne peut s’empêcher de croire à toutes ces foutaises de destin, et autres croyances du même acabit. Il aime se dire que rien n’est totalement dû au hasard et que si les choses arrivent, c’est toujours pour une bonne raison. Et, quelle que soit la raison pour laquelle le destin a décidé de les remettre sur le chemin l’un de l’autre, il en est plus qu’heureux. Le jeune homme lui sourit largement en entendant la réaction de son amie. « Et non, tu ne rêves pas, c’est bien moi et je suis bien là. » Il tire un peu la chaise qui se trouve près de lui et en face de Zoey. « Je peux m’assoir ? » Il n’attend pas vraiment la réponse et prend place en posant son gobelet sur la table. Au pire, si elle n’est pas seule, il rendra la place à la personne concernée quand elle sera là. « Tu fais quoi à Bowen ? Ça fait longtemps que tu es là ? Je veux dire à Bowen, pas ici, au Starbucks hein, c’est un peu évident. » Éclate de rire, se sentant un peu stupide de toutes ces précisions. Il s’embrouille tout seul, mais c’est l’euphorie qui parle pour lui. Anticipant le fait qu’elle lui retournera probablement la question par la suite, Ash prend l’initiative d’y répondre déjà. « Pour ma part, ça fait un peu plus d’un an que je vis ici à plein temps, hors concerts évidemment. Je sais plus si je t’en avais parlé ou non, mais on a fusionné avec un autre groupe, deux australiennes, et comme elles sont de Bowen, on les a rejoints ici. » Le bassiste préfère ne pas trop en dire pour le moment, force est de constater qu’il ne sait plus vraiment ce dont la miss est au courant ou non avec toute cette histoire. Zoey sait que techniquement il est gay, ça c’est certain, vu l’époque où ils se sont connus, et il n’a jamais eu de mal à en parler, pour lui c’était assez naturel. Mais pour le reste, il a bien honte de l’admettre, il ne sait plus ce qu’elle sait ou ne sait pas. Il avale une longue gorgée de son breuvage qui a déjà commencé à tiédir un peu, ce qui n’est pas plus mal, ça lui évitera de se brûler la langue comme ça. Puis il la regarde un peu confus. « On ne s’est pas parlé depuis tellement de temps que je ne sais pas par où commencer. On en était resté où dans le récit de nos vies. » Il rit un peu, mais de dépit, plus que de joie. Avoir pu garder un semblant de contact durant toutes ces années, c’est déjà presque un miracle en soi, mais il déplore ne pas avoir réussi à faire mieux que ça.