Breaking the dawn| Grace ღ

➳ BREAKING THE DAWN
«it could have been a surprise, one of the biggest of our lives.
if only we knew.»
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Jeudi soir. Nuit comme toutes les autres. Le ciel est enragé, nuageux, pernicieux. Je regrette un peu d’être ici, la raison pour laquelle j’ai besoin de ceci. Je n’avais plus rien, plus de vin, presque plus de clopes, il m’en fallait bien. J’avais passé l’après-midi entre la planche, les écrits, les potes qui ne disaient rien, le soleil qui tapait sa main brûlante  contre ma vision changeante cherchant un point d’appui. Ouais, c’était la rafale, la vague de trop. On m’avait écrit ce matin. Mon père, encore. Il voulait que je revienne, que je fasse un homme de moi-même, que je prenne l’enfant sous mon aile et que je revois la ville natale qui mourrait tellement elle est laide. Je sais qu’Effy essaie de me rejoindre à chaque heure qui défile, je sais que ma mère feint d’être inquiétée pendant que le vieux joue sa crise névrosée. Jamais je me remettrai les pieds dans ce trou béant. Je suis ailleurs maintenant. D’ailleurs, faut que j’aille bien visiter l’Argentine ou le Panama. C’est dans ma tête, c’est dans mes plans. Je vais écrire sur le soleil, les montagnes, les rivières qui défilent entre les champs de café, les gens qui travaillent à en suer et qui ignorent s’ils auront à manger à la fin de leur journée. Je travaillerai. Je les aiderai. Ouais.

D’ici là, j’avais revêtu mon blouson en cuir et j’étais descendu pour fuir. J’avais un endroit où aller, une mission à compléter. J’avais besoin d’un calmant, de deux trois remèdes qui remettraient les idées comme avant : une fumée, un écran plaisant. Je respirerai enfin la liberté, la jouissance, l’extase intense et je serais heureux. Passer la nuit avec la lune, le bruit de la vie et j’sais pas, je m’éclaterai la gueule. Ce sera plaisant. On m’avait dit d’être là à 10h30, il était 10h27. Fuck. Je cours entre les rues désertes, les lumières inertes, je contourne des arbres qui ne se soucient de rien et je vais jusqu’au bar où je me cale dans un coin discret. Le même, toujours le même. Allez, une clope, juste une.
«Il va venir, tu vas voir, vers, environ, 10 heures et demi. Attends là, t’auras tout ce qu’y te faut. »

J’attends. Je suis impatient, je regarde autour pour voir le mouvement. J’avale la fumée comme si c’était un bonbon empoisonné. Merde. Si seulement je pouvais avancer ce putain de roman que je me promets de terminer. Là, il en est à la moitié et j’sais pas, ça dit rien. Qu’est-ce qu’il me faut pour creuser un peu plus haut, il me faut du contenu, de la vie, des trucs qui vont donner envie à ceux qui y plongeront les yeux de s’en aller, plus loin s’envoler. Quelques minutes avancent. J’aperçois une silhouette au loin. Enfin, c’est lui. Je me tourne la tête, je fume, je présume. C’est pas Enrick qui arrive, il a des cheveux presque aux épaules. Il marche drôlement, finement, oserais-je dire. Qui c’est? Oh merde, c’est…quelle..

J’ai les yeux troués. Je laisse la fumée se gaspiller. Holy hell.

La blonde sortait moins de chez elle ces temps-ci, par honte de croiser des gens qui pourraient croire à la rumeur, qui était vraie soit-disant passant mais qu'elle voulait prouver de l'inverse pour sa réputation de fille sage, sa bouille d'ange. Aussi par peur de croiser un flic à chaque fois de rue, elle avait constamment cette paranoïa de croire qu'ils la cherchaient partout, la traquerait jusqu'à prouver qu'elle dealait encore et, si d'autres n'en avaient rien à faire, l'ancienne sainte faisait attention à tout, le lieu, l'heure. Son prénom même, se faire appeler Eden alors que l'on vend de la drogue, ce n'était pas banal, ça lui rappelait son paradis qui noircissait au fur et à mesure qu'elle ouvrait les yeux pour découvrir ce monde qui s'ouvrait devant elle. Ces enfers de tentation qui s'ouvraient sous ses pieds dont des mois auparavant elle ne s'imaginait pas goûter. Elle déambulait dans la rue, l'angoisse lui montait à la gorge, c'était la première fois depuis son arrestation qu'elle recommençait ça. Mais le frisson n'était pas parti, il était d'autant plus fort que maintenant elle savait ce qui pouvait lui arriver, mais elle riait au nez de la police, elle prolongeait cette soif de perdition.   

Au loin elle apercevait des gens qui la regardaient, on lui avait prévenu qu'elle serait regardée dans ce nouveau monde où elle n'était pas cachée de tout. L'homme était surpris ou simplement le client ? Elle soufflait, passant une main légère dans sa chevelure dorée. S'approchant doucement, elle identifiait, concluait. Grace n'avait même plus l'impression de savoir vendre, elle ne savait ps quoi faire, elle aurait pu lui donner, simplement partir après, mais ce n'était pas comme ça que ça se passait dans sa tête. Elle se posait trop de questions, elle réfléchissait trop. Puis elle n'arrivait pas à faire taire cette voix d'ange qui lui disait qu'elle faisait tout de travers, il n'y avait pas besoin de vendre pour avoir ce qu'elle recherchait. « C'est toi qui prend ? » Inconsciente. Et si ce n'était pas lui ? Elle aurait fait quoi ? Elle serait sans doute fichée à vie, par chance ça ne lui était jamais arrivé, mais elle piétinait doucement vers ce renouveau qu'elle devait réapprendre.

Sincèrement, j'aurais aimé pouvoir me passer de remontant, mais j'avais encore dans la tête la fougue de Kerouack qui se découvrait grâce à l'opium et au thé, la mescaline ou encore le vieux LSD. Il avait tout compris quand il avait ingéré et je pense que ça lui avait complétement lavé les idées. J'aspirais à ça quand je prenais, quand j'avalais, quand je respirais, quand ma peau tout doucement sentait les frissons qui se levaient, les yeux qui se gonflaient et le sang qui se retournait. Je n'avais jamais eu autant de vibrations que lorsque j'étais sous consommation. Ça m'aidait et en même ça me nuisait plus que je ne le pensais. À chaque fuite venait le tant redouté sentiment de vide qui multipliait. Putain, j'aurais tellement aimé y échappé, mais dans chaque pays, chaque état, chaque nouveau batîment, le sentiment me suivait. Et puis, j'avais tant laissé derrière que ça en devenait presque inévitable. J'avais les démons qui me dévoraient à grande bouchée de regrets. L'enfant, Effy. Baaaaaa.

Donc voilà, j'y étais encore. J'en voulais encore. C'est pour ça que j'étais là. J'attendais et s'était présenté à moi un mirage que je n'avais pas prévu recevoir. Ce n'était pas les vapeurs de la nuit qui me faisait divaguer, c'était bien une jeune femme blonde, pure et soigneuse qui se présenta à moi, à l'endroit où Enrick avait l'habitude d'échanger. Je tirais plus fort sur ma cigarette, bien plus questionné par cette nouveauté. Je plissais les yeux à chaque avancée. Je n'y aurais pas cru, mais c'était vraiment un beau dealer, franchement plus plaisant à admirer. Respect, c'est ce qu'il fallait que je lui donne, ça parce qu'il faut être dessus de soi et elle semblait complétement maitre de la situation. Suis-je l'heureux acheteur? Je lui offrit un sourire intrigué, mais sincèrement intéressé tout en hochant la tête positivement. «C'est bien, moi. Je t'avoue cependant que je ne pensais pas que ce serait toi. Je t'ai jamais vu avant. »

Ta gueule, elle s'en fout probablement que tu sois surpris ou pas. Elle fait ses trucs et puis elle s'en va. Tu voudrais qu'elle te dise quoi? Son nom, son adresse, la raison du remplacement? C'est vrai que c'était un peu con. Je baissais les yeux, cherchant autour de moi un point plus rassurant. Les mains me brûlaient quand même d'impatience de replanter mes yeux sur la surprise qui se tenait encore devant moi. Elle était si blanche, paraissait intouchable, innateignable, lavé de tous les vices que moi en temps normal je n'arrivais même pas à assumer. Est-ce qu'on devrait laisser la fragilité se salir devant des vauriens? Fallait que je perce le mystère. Je rouais la voix.
«Enfin, je vais prendre 3 cachets d'ex' si tu as. »

Dis-moi comment tu fais ça, dis-moi ce qui t'a emmené là. Je garderai ton secret dans mes yeux comme un parfait trésor qu'on cache tant il est précieux. Je la regardais fixement, avec douceur et questionnement.
«Et, je peux savoir ton nom? Question que ce soit bien toi que je dois rencontrer.»
Oh please, you could have done better than that.

Elle avançait maladroitement, elle n'estimait pas avoir grand-chose à faire. Peut-être qu'elle aurait le temps de profiter de la soirée elle aussi après tout. Il n'y avait qu'à donner ce qu'il avait besoin, rien de plus, pas besoin de parler. La blonde semblait d'apparence plutôt confiante, restant d'un calme extrême bien qu'à l'intérieur elle était paniquée de mal faire, parce qu'elle avait peur que la police soit dans le coin, se faire chopper de nouveau. Ça lui donnait la rage de repenser à ça, comment elle avait pu se laisser avoir, elle, l'innocence incarnée, elle avait échappé au dossier parce qu'elle avait rencontrée une gentille femme, c'était tout. Parce que son mensonge avait marché, qu'elle semblait plutôt convaincante quand elle le voulait. Grace regardait l'homme puis arquait d'un sourcil. Que ce soit elle, quelqu'un d'autre, il aurait eu ce qu'il voulait, il n'y avait pas besoin de creuser plus loin, c'était juste du hasard. « Je me fais plutôt discrète. » Et rien qu'en disant cette phrase, ça continuait à faire durer cette discrétion, elle ne parlait pas beaucoup, mais ça lui semblait suffisant. L'esquisse d'un sourire en coin se dessinait sur son visage. Peut-être que si le hasard faisait bien les choses, ils se ferraient plus souvent, mais ce n'était pas dans ses projets à l'heure actuelle. Elle ne savait pas pourquoi mais d'une étrange façon, elle ne voulait pas être lié à un client, elle ne voulait pas se dire qu'eux pouvaient fréquenter sa vie et y rentrer. Elle avait bien trop peur qu'ils puissent la trahir. Elle avait une belle façade, Grace, il ne fallait rien salir, que tout reste lisse, idéal et angélique. Au fond, il aurait été mieux qu'elle ne commence pas ce qu'elle faisait maintenant, mais c'était trop tentant, d'une certaine manière ça l'amusait. Et encore une fois, elle se montrait maladroite. La sainte clignait des yeux, elle savait ce qu'elle devait dire, mais ça ne sortait tout simplement pas. Qu'est-ce qu'elle avait ? Il ne fallait pas tout lui apprendre à celle-là. Elle ne voulait pas se prendre un savon une nouvelle fois. « J'ai ça. » Elle posait une main sur son sac, ce n'était pas l'endroit le plus sûr,  elle en avait conscience, mais c'est sûrement le seul endroit où elle aurait pu avoir ça ce soir. Elle ne lui donnerait rien tant qu'elle n'avait pas l'argent, elle ne savait même plus si c'était comme ça qu'elle fonctionnait, faut dire qu'elle n'avait rien fait depuis son retour d'Afrique, qu'elle était redevenue la maladroite Grace qui apprenait tout. Elle serrait les gens, un peu énervée contre elle-même. « Gr … Eden. »  À quoi elle jouait ? Elle passait une main rapide dans ses cheveux, sans doute pour faire oublier à l'autre sa bourde. Se tromper dans son prénom, c'était quasi la meilleure. Elle soufflait de sa propre bêtise. Ca serait trop indiscret de lui demander son prénom à lui ? S'il avait le mérite de connaître le sien ? Est-ce que ça ferait d'elle une personne trop proche ? Elle ne voulait pas semble être pour une personne froide, alors qu'elle ne l'était pas, ce n'était pas dans sa nature de prendre les gens de haut. « Tu trouverais ça bizarre que je te demande le tien ? » La question était posée, il y répondait s'il voulait, mais cet homme semblait plutôt curieux, bien plus que les autres camés qu'elle avait l'habitude de rencontrer.

Y'avait pas de temps qui s'écoulait, simplement la patience qui s'achevait,  une secrète espérance pour des jours où il n'y aurait plus ce besoin superficiel de se nourrir aux cachets, aux potions, aux tabac et autres secours qui me remplirait finalement le vide et le torrent qui toujours me suivait. Ouais, il y avait des temps où j'étais plus puissant que toutes mes envies, que je me voyais guérir par défaut, avec un peu de volonté, beaucoup de motivation et un peu de reget. J'y arrivais, ca demandait plus d'effort, mais j'évitais ainsi la facilité,la rapidité de changer d'humour, de célébrer les oublis et de ranger à nouveau les pages du passé. C'était encore ça ce soir, plus complétement encore, de nouveauté double. La grande sauveure arquait un sourire qui me laissait deviner amplement de son état d'esprit. Il y avait le mode self-defense enclenché qui se trahissait dans toute sa posture, son visage. J'arrivais à lire les gens que par le rehaussement d'un sourcil questionné. Parfait, on se la joue discret. Je te donne un sourire pour ton effort, c'est déjà un meilleur réconfort, non? Tout en soutenant mon observation, je tirais une bouffée de poison pour célébrer la transaction. Elle était effectivement nouvelle à mes yeux, mais pour son esprit apparemment droit comme un mur levé, il n'y avait pas de quoi à le mentionner. Comment pouvait-on laisser des anges s'aventurer dans la forêt désoeuvrée, encore cette question qui me tourmentait.

Finalement, on avait avancé. Je lui remis son argent, je prenais mes calmants et je caressais des yeux sa figure angélique, un peu comme une sculture naturelle que le temps avait voulu figer pour toujours dans la beauté et la grâce quadruplée. Elle était intriguante cachée derrière ses airs de perfection, de sainte curieusement baignée dans un monde du vice qui ne paraissait pas lui appartenir. J'imagine que je n'aurais pas la chance de creuser les racines de son chemin par des observations bidons et attendues. C'était là tout l'attrait du silence ; déballer des mystères par un simple coup de regard à la dérobée. Son nom aurait pu révéler des trésors enfouies, des pistes pour saisir une partie de sa vie, maybe. Visage neutre. Souriant intérieusement, calculant les variations de sa voix, même lorsqu'elle paru avoir trop parlé. Je levais à mon tour les sourcils, bien trop allumé par l'inadvertance qu'elle avait conduit. Eden. Jardin de volupté et de magnifience par milliers. J'aspirais une vérité avant de soupirer encore un peu de fumée. La curiosité est rarement un problème chez moi, mais je me sentais tout à coup dévoré. Elle voulait connaitre le mien? J'haussais les épaules objectivement. Je me fichais bien de mon existence, autant bien lui livrer peu importe ce que ça impliquait.
«J'aurais été surpris que tu sois partie sans me le demander. On m'a appelé Clovis à ma naissance. Comme le premier roi de France. » Le roi de rien aujourd'hui, le roi de son univers défait, si ça peut bien me rendre un peu plus élaboré. Je lui tenais le regard, soutenant comme je le pouvais le torrent de questions qui m'inondait. «Eden, c'est ton vrai nom? C'est plutôt poétique. » On fait comme on peut.