TERMINÉ «enchanté mademoiselle Dickens»- ft. Haley

Il avait préalablement parlé avec le directeur du département d’histoire de l’Université de Bowen. Son projet de film allait nécessairement avoir besoin d’un consultant pour son volet historique, puisque sa fiction était insérée dans le contexte de jeunes États-Unis d’Amérique, esclavagistes, et dont l’indépendance était tout juste acquise.  Arthur tenait absolument à ce que quelqu’un soit là durant la pré-production pour valider, avec la méthode historique, donc avec  la recherche et l’analyse de sources primaires, les story-boards et le design des costumes.

Sa journée avait été bien chargée. Il avait fait avancer plusieurs dossiers légaux concernant les droits du film qui le titillaient depuis un moment déjà. Il savait qu’il allait tout de même avoir bientôt besoin d’engager des professionnels…Deborah ayant été l’avocate chargée de tous ces précédents projets, il se retrouvait maintenant à ramer seul avec toutes ces questions légales. Il avait aussi réussit à rencontrer ce caméraman qu’on lui avait conseillé…et surtout, la veille, il avait pu discuter avec Nolan de la mort de sa femme. Il détestait ce rédacteur. Il avait beaucoup trop tourné autour de Deborah durant leur première année passée à Los Angeles. Arthur était soulagé de s’être départit de cette tâche difficile qu’avait été de lui annoncer la mort de cette femme qu’ils avaient tous les deux aimé à leur façon.  Le résultat était que cette journée ensoleillée semblait plus douce que toutes celles qu’il venait de passer à Bowen.

Marcher sur le campus aidait à son humeur. Il y avait dans ces pavillons qui se succédaient et dans ces visages qu’ils croisaient une effervescence intellectuelle et une énergie particulière qu’on ne trouve qu’à ce genre d’endroit. Il devait rencontrer une étudiante à la sortie de son cours. Au départ, il n’avait pas été réjouit de la nouvelle. Le directeur du département, après avoir reçu sa demande, avait discuté avec les différents professeurs. Beaucoup des chercheurs de l’université étaient eux-mêmes déjà trop débordés pour participer au projet et c’est ainsi que le nom de Haley Dickens avait ressurgit.  Arthur aurait bien voulu faire confiance à leur jugement, mais c’est lui qui  déciderait, au final, s’il engagerait ou pas cette jeune fille encore aux études.  Travailler par correspondance avec un historien d’ailleurs serait plus complexe, mais il s’y résignerait s’il le fallait.  Dans tous les cas, il n’empêchait qu’aujourd’hui il se sentait plus léger et favorablement disposé à la rencontre de cette étudiante qu’on lui avait chaudement conseillée.

Comme prévu, il s’installa devant la porte B-1095 du pavillon des sciences humaines. Appuyé, sur le mur, il vérifiait nonchalamment ses mails, la main dans une poche et l’autre tenant son cellulaire tandis que le cours tirait à sa fin.  Certains étudiants qui passaient le dévisageaient. Il est vrai que son habit complet à la coupe ajustée détonnait dans le décor universitaire où, chez les hommes plus vieux, le pullover, le débardeur et les coupes plus décontractées régnaient.

Il entendit le professeur lancer un «Haley Dickens, pourriez-vous venir me rencontrer à l’avant?» tandis que les autres étudiants commençaient déjà à se ruer vers la sortie. Arthur observa, à travers les épaules et les têtes qui lui bloquaient la vue, une jeune femme à la longue chevelure brune et ondulée s’approcher du professeur. Ils discutèrent environ une minute avant que ce dernier ne pointe en la direction du cinéaste. La majorité des étudiants était à présent dispersée dans les corridors. Arthur remis son cellulaire dans sa poche et avança la main tendue.

- Enchanté, mademoiselle Dickens. Je m’appelle Arthur Morricone.

Au moins elle ne donnait pas une poignée de main trop hésitante. Son âge était un facteur de stress pour Arthur. Il ne voulait pas se mettre à faire  du babysitting. Son équipe serait probablement plus petite que d’habitude. Il voulait engager des personnes capables d’initiatives. Il craignait de la part d’une étudiante un potentiel manque de professionnalisme. Il espérait pouvoir discuter un peu avec elle, question de pouvoir se faire une opinion par lui-même. Pour l’instant, il se contenta de lui rendre son sourire, sourire qu’il voulait rassurant. Il regarda Haley dans les yeux un moment. Il trouvait ce processus important. Il détestait travailler avec des personnes qui ne pouvaient pas soutenir un regard. Elle ne les détourna pas.

Satisfait de cette première impression, il leva la tête vers le professeur.

- Je vous remercie. Je vais prendre le relais à partir d’ici. Bonne fin de journée.

Le professeur lui rendit un hochement de tête et Arthur invita alors Haley à marcher avec lui d’un geste de la main. Il la regarda de biais tout en avançant tranquillement. Elle était grande et sa taille était fine. Les yeux qu’ils avaient croisés, légèrement en amandes, l’avaient charmé. Il se força à regarder quelques fois en avant pour qu’elle ne se sente pas trop reluquée. Au fond lui, il ne pouvait s’empêcher de se dire que son jugement aurait été plus clair si elle avait été une laideronne. Là, nécessairement, les cartes étaient un peu plus brouillées. Il remarqua tout de même qu’elle tenait dans ses mains un paquet de livres. Il ne parvenait pas à lire les titres, trop en angle, mais il se doutait bien que ce n’étaient pas des bandes dessinées. Au moins, elle avait l’air studieuse, mais encore une fois, cela ne voulait rien dire. Il entama  donc la conversation poliment.

- Comme votre professeur vous l’a rapidement mentionné, je produis et réalise présentement un long-métrage qui se place dans un contexte historique. Vos professeurs vous ont chaudement conseillée…

Il fit une pause et lui donna un sourire à la fois charmeur et désolé.

- Pardonnez-moi, je ne vous l’ai pas demandé… J’ignore si je viens vous rencontrer à un bon ou à un mauvais moment. Êtes-vous libre de discuter un peu?

Elle leva ses yeux vers lune horloge placée au mur. Par réflexe, il tourna lui aussi la tête.

«Bien entendu que je suis disponible pour discuter avec vous monsieur...Hormis mes cinq tomes sur les prophéties du monde personne ne m'attend réellement.»

Arthur, qui aimait bien rire, rigola franchement à cette note d’humour. Elle avait un joli sourire aussi. Bon. Il allait décidément avoir du mal se concentrer… Il n’eut pas réellement le temps de répondre qu’elle lui lança une question. Arthur sourit en l’écoutant. Elle faisait preuve d’un leadership qu’il savait apprécier. Elle n’allait pas le laisser être le seul maître de la conversation et cela le rassurait. Il eut toutefois une inquiétude. Cette Haley Dickens semblait apprécier les périodes plus anciennes.

Elle s’avança vers la machine à café et laissa tomber ses gros livres. Arthur s’approcha et posa doucement sa main sur son bras tandis qu’il la voyait chercher dans son sac.

- Je nous les prends, c’est moi qui viens vous déranger après tout…je ne sais pas à quel point vos cinq tomes sur les prophéties du monde sont patients, j’espère ne pas vous mettre dans l’embarras avec eux.

Il rigola un peu et  ouvrit son veston pour aller chercher son portefeuille dans la poche intérieure. Il sortit deux cafés.  Il ne mit rien dans le sien, mais se tourna vers Haley.

- Vous le prenez comment?

Il lui remit son breuvage en suivant ses indications et prit le temps de prendre une gorgée, tenant son verre dans une main, avant de répondre à sa question laissée en suspens.

Il lui rendit ce regard franc dont les deux semblait apprécier la présence chez l’autre.

- Mon film se déroule durant la période de la conquête vers l’Ouest, aux États-Unis. C'est un western de style italien, j’ignore si vous avez déjà entendu l’expression «Spaghetti Western»…

Au contraire d’Haley, Arthur était très tactile. Il savait tout de même respecter les limites des autres lorsqu’il les sentait. Elle, ce coup-ci, n’avait pas trop réagi.

Il baissa toutefois les yeux pour une des premières fois depuis le début de leur conversation tandis qu’elle décrivait comment elle prenait habituellement son café. Deborah avait elle aussi l’habitude d’ajouter du sucre et du chocolat dans son cappuccino. Il se sentait bête, en pleine rencontre, pour un si petit détail, de se laisser envahir par cette émotion lourde et pleine de tristesse. Il fit, lui aussi, tourner le liquide dans son gobelet, prenant une pause pour reprendre ses esprits. Il avala une gorgée de café et releva la tête. Il se forçait à garder le même sourire et à maintenir sa contenance, mais, au fond lui, il sentait comme un vertige. Il alla s’assoir et dit simplement :

- Je n’ai jamais vraiment pu apprécier un capuccino depuis que j’ai quitté l’Italie. On dirait qu’ils sont tous mauvais haha. Mais j’imagine que ce n’est qu’une question de contexte.

Par chance, les questions qu’elle enchaîna par la suite lui débrouillèrent l’esprit.  C’était définitivement une jeune femme curieuse.

- Non je n'ai jamais entendu cette expression mais je suis sûre que vous allez m'expliquer plus en détail le pourquoi de ce nom, lui dit-elle.

Il répondit  alors d’un ton un peu joueur, parce qu’Arthur aimait jouer, mais aussi d’un ton empreint de sincérité.

- Je vous l’expliquerai seulement si cela vous intéresse.

Après tout, il tenait à lui proposer de travailler avec lui que si le projet piquait réellement sa curiosité. Ce sont les questions qu’elle lui posa par la suite qui le surprirent véritablement.  C’était à son tour de lever un sourcil. Il était impressionné par la ferveur que montrait l'étudiante pour la question autochtone.

- Toutes ces questions…, il fit une pause comme pour bien choisir ses mots, concernant la place historique des amérindiens et des américains dans mon film…comment dire, sont la raison même de notre rencontre aujourd’hui. Je ne veux pas simplement que l’on me confirme l’existence ou la non existence de certains éléments historiques dans le cadre contextuel du film. Je cherche une avis , je dirais même une opinion, historique et professionnelle plus poussée, d’abord sur mon script, éventuellement sur les storyboards et par la suite, sur beaucoup, beaucoup, d’autres chose comme le design des costumes ou les lieux de tournages…Je vais avoir besoin de cette opinion durant les étapes de pré-production et de production. Je veux aussi en voir les traces, le poste nécessite de monter beaucoup de dossiers. Comprenez-moi bien, si vous  travailler sur ce projet, ce sera pour une période allant de neuf mois à un an et cela demandera un investissement important de votre part. Vous serez rémunérée en conséquence bien entendu.  Au niveau de votre horaire, j’ai aussi conscience que vous êtes aux études…mais cela ne veut pas dire qu’il y aura moins de travail.

Cette fois-ci, avant de poursuivre, il la regarda sérieusement.  Après cette pause durant laquelle il espérait qu’elle ait comprit le sérieux de sa proposition, il continua plus légèrement.

- Mais si je peux me permettre une réponse sommaire à votre question, il y a effectivement une place réservée à la représentation autochtone dans mon film.  Une place intéressante d’ailleurs. Je raconte, en parallèles à la trame narrative principale, l’histoire d’amour d’un américain et d’une jeune fille issue d’une nation amérindienne.

«Ne vous en faites pas, je n'ai pas besoin qu'on me tienne la main pour le travail. Il suffit de bien s'organiser pour pouvoir concilier les deux. En revanche, je vous demanderez une grande réactivité pour qu'on puisse avancer sur votre travail.»

Arthur, qui avait les yeux baissés sur son café, les leva sur elle, un peu surpris, en entendant sa dernière phrase. Il avait l’impression de l’avoir un peu piquée, elle avait du caractère et de la répartie. Elle ne voulait pas être traitée comme une enfant et, après tout,  il est vrai qu’elle n’en était plus une. Il la regarda se lever pour aller jeter son café, puis revenir. Il ne put s’empêcher, encore une fois, d’apprécier sa démarche et la façon dont ses cheveux dansait dans le bas de son dos.

Il l’écouta attentivement tandis qu’elle lui expliquait le défi que relèverait la mise à l’écran d’une relation entre un homme colonisateur et une femme de tribu.  Elle semblait savoir de quoi elle parlait et Arthur commençait à être convaincu qu’il était tombé sur la bonne personne. Toutefois, il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui pose cette dernière question et dû s’avouer qu’il ignorait les réelles raisons qu’avaient poussé les professeurs du département à pointer en sa direction. Il comprenait toutefois un peu mieux son vif intérêt pour la question autochtone… Dans tous les cas, cette étudiante devenait de plus en plus intéressante.  

- En réalité je n’en ai aucune idée…J’ignorais même le fait que vous étiez américaine. Encore moins d’origine autochtone.  Ils m’ont dit que vous travailliez dur et c’est ce dont j’ai besoin.

Il fit une pause, termina son café.

- Je suis désolé si je vous ai semblé impoli ou semblé ne pas vous prendre au sérieux….j’avais des réserves puisque je pensais travailler avec l’un de vos professeurs. On a dû me convaincre de vous rencontrer.

Il se leva et jeta à son tour son gobelet de café à la poubelle. Il se tourna vers elle.

- Je comprends mieux pourquoi maintenant on m’a parlé de vous, peu importe leurs raisons. Je suis curieux d'apprendre à mieux vous connaître.

Il joua machinalement avec le carton de cigarette qui était dans sa poche.

- Ça vous irait si on continue cette conversation à l’extérieur?

La jeune femme secoua la tête, lui montrant qu’elle n’avait pas été offensée. Soulagé, Arthur lui lança un sourire candide digne d’un petit garçon à qui l’on aurait promis des bonbons, car c’était un peu ça aussi la personnalité d’Arthur. Derrière les verres de whiskeys, les habits de marques et les jeux de séductions, il y avait ce petit gamin, qui, rendu chez lui, mettait des pyjamas à dessins et des lunettes pour lire des histoires de pirates, jouer aux jeux vidéos, regarder des westerns et feuilleter des bandes dessinées.

Bien qu’il l’ignorait, Haley avait bien vu. Elle était effectivement une source de stress pour lui. La perte de Deborah continuait chaque jour à l’affecter de bien des façons. Plus il tentait de se changer les idées, en sortant dans les bars, ou en se jetant dans le travail, plus le lit dans lequel il se couchait le soir lui semblait glacial. L’anxiété causée par sa mort s’enracinait en lui de façon sinueuse. Haley, qui se tenait là devant lui et qui lui semblait resplendissante de confiance, poussée par l’énergie de ceux qui veulent faire valoir leur compétence, le déstabilisait. Il était épuisé et il se sentait aveuglé par son ardeur. Il avait envi de l’observer encore, comme l’on aime tester la limite de cette douce douleur que l’on ressent quand on laisse un peu trop longtemps notre main au dessus d’une flamme ou que l’on trempe le doigt dans la cire encore chaude.

- Avec plaisir, en plus, je crois que mes petits bouquins ont besoin de s'aérer un peu.

Arthur lui rendit son sourire.

- Je suis certain qu’en plus cela fait longtemps qu’ils ont vu le soleil…, il rit un peu en poursuivant, et je ne dirais pas qu’ils sont petits!

Il plissa légèrement les yeux devant le contraste de la lumière extérieure. C’était effectivement une belle journée. Une fois assis sur le banc, juste à côté d’Haley, il retira son veston. Il supportait mal la moindre chaleur. Nonchalamment, il roula ses manches sous ses coudes et alla chercher au fond de sa poche, soulevant un peu les hanches, son paquet de cigarette. Il en alluma une tandis qu’il écoutait attentivement Haley lui raconter une bride de son passé peu conventionnel. Il était décidément tombé sur une personne pouvant l’aider grandement à l’élaboration de son film. Elle portait en elle une culture riche et mystérieuse qu’il comptait bien exploiter. Il remarqua du coin de l’œil comment elle jouait machinalement avec un objet appartenant probablement à sa nation. Ces origines étaient probablement une corde sensible pour elle.

- Ce sera un personnage important. J’espère que les femmes autochtones pourront s’identifier à elle. Qu’entends-tu spécifiquement pas statut? Statut au sein de sa nation?

Une cigarette au coin de la bouche, il lui tendit alors le paquet pour lui en proposer une et le lui fit comprendre en levant simplement un sourcil interrogateur.

- Non merci, je ne fume pas !

Oups. Se dit-il, un peu amusé. Il est vrai qu’Haley semblait être le type de fille qui prends habituellement de bonnes décisions, du genre, ne pas se bousiller les poumons avec un truc qui ne sert, finalement, absolument à rien. Il fit plus attention pour envoyer la fumée loin d’elle.  

Elle se mit alors à décrire différents scénarios possibles concernant le statut du personnage amérindien au sein de sa tribu. Fille du chef, oracle…les possibilités étaient multiples selon elle, mais pas toutes égales. Son point de vue était intéressant et pertinent. Maintenait, qu’elle semblait sincèrement intéressée par le projet, Arthur allait se sentir plus à l’aise de lui en expliquer les caractéristiques. Le genre de film qu’Arthur souhaitait réaliser nécessitait des personnages aux caractères et aux situations réalistes et sombres. Le western spaghetti, c’est ce western violent, où la vie dans le désert est représentée comme étant rude et sans merci. Le scripte actuel décrivait le statut de l’amérindienne comme étant celui d’une femme sans situation particulière, toutefois, les commentaires d’Haley lui faisaient réaliser qu’il gagnerait peut-être à intégrer davantage la spiritualité autochtone dans son long-métrage…

Il resta silencieux tandis qu’elle semblait, tout en lui décrivant le principe du totem, se replonger dans ses souvenirs. Ses yeux avaient le regard de ceux qui repensent aux anecdotes de leur enfance. Elle semblait heureuse de pouvoir parler de cet aspect de sa vie. Il ne comprenait pas tout à fait en quoi un totem arbre était absurde, puisque de toute façon il ne  pouvait tout à fait comprendre toutes les subtilités de cette notion dont il venait d’apprendre l’existence, mais il rigola tout de même avec elle, simplement amusé par son amusement.

- Plus votre personnage aura un statut élevé et plus l'américain devra prouver ses valeurs au clan. Elle peut aussi être guérisseuse mais, attention toutefois les guérisseuse amérindienne, guérissent l'âme et non les petits bobos du quotidien !

Sur cette dernière remarque, il ne commenta pas. L’âme…

Le soleil se cacha un moment derrière un nuage et une courte brise légère et subtile lui donna un petit frisson. Il avait presque terminé sa cigarette. Il lui sourit

- Finalement, je vois que certains aspects du film ont piqué votre curiosité. J’espère pouvoir vous en dire plus si vous le désirez…Il faudrait toutefois que je vous montre les dossiers. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est un projet sur lequel vous croyez pouvoir potentiellement travailler?

Il lui parlait d'une façon plus technique, mais, au fond de lui, il était en train de se demander quel était l’animal totémique d’Haley. Il était trop gêné pour lui poser la question...Peut-être une autre fois, s'ils finissaient par travailler ensemble.  

Arthur était moins sensible qu’Haley et remarqua moins rapidement le changement de température. Il avait écouté avec bonheur sa réponse à sa question. Candidement satisfait du résultat actuel de la rencontre, il finissait sa cigarette, heureux d’avoir trouvé la personne pouvant travailler sur le volet historique du film. Il écrasait la fin de son petit rouleau de cancer tandis qu’Haley mettait ses livres dans son sac.

C’est quand le vent se mit à se lever davantage qu’il remarqua la couleur des nuages. Moins encombré qu’Haley, il eut simplement le temps d’attraper son veston qu’il avait laissé sur le banc et de le jeter sur son épaule tandis qu’Haley lui attrapait la main pour le guider sous cet arbre tout proche. Le geste l’avait d’ailleurs surpris.

Haley s’était collée sur son corps, cherchant à éviter de se faire tremper. Par réflexe, comme ils étaient à l’étroit, Arthur avait posé sa main libre sur sa taille, question qu’elle ne perde pas équilibre. Ce n’est qu’ensuite qu’il réalisa que la situation en était simplement encore plus incongrue...Il ne chercha tout de même pas à dégager sa main…appréciant la chaleur du contact. Il baissa les yeux sur elle. Elle rougissait un peu, ce qu’il trouva tout simplement adorable venant de cette jeune femme pleine d’assurance qu’il venait tout juste d’apprendre à connaître.

- Peut-être devrions-nous, nous protéger dans votre voiture ?!

Sans répondre, il leva les yeux au dessus de la tête d’Haley pour la repérer. Elle était de l’autre côté du parc. Il essaya de voir le chemin le plus rapide pour s’y rendre. Entre temps, sans qu’il ne s’en aperçoive, l'étudiante avait levé les yeux sur lui.  Il sursauta légèrement quand elle glissa ses doigts dans ses cheveux, un frisson qui n’avait rien à voir avec la pluie lui parcourut la nuque.  Il baissa son regard sur elle et croisa ses yeux.

- Désolé vous aviez une feuille.

Il sourit. Doucement, il détacha sa main de la taille d’Haley et du bout du pouce fit disparaître la petite goutte d’eau qui trainait sur la joue de la jeune femme.

- Et vous de la pluie sur le visage.

Elle rougit encore davantage. Ils demeurèrent ainsi quelques secondes sans parler. La pluie tombait violemment et ne se calmait pas. C’était le seul bruit que l’on entendait. De son côté, Arthur serait rester encore là un moment, à l’observer et à apprécier la chaleur et la douceur de son corps contre le sien, mais se rappelant à la fois son âge et l’accord professionnel qu’ils étaient sur le point de conclure,  il se dit qu’une bonne idée serait plutôt de se rendre à la voiture le plus vite possible. Ils allaient devoir briser cette bulle et se mouiller. Il se racla la gorge et brisa le silence.

- La voiture est de l’autre côté.

Il jeta un œil au livre qu’Haley tenait dans ses mains.

- Tenez, cela va vous protéger un peu.

Pour la première fois depuis qu’ils s’étaient réfugiés sous l’arbre, il rompue le contact de leur main pour prendre son veston qui trainait sur son épaule. Il le déplia et en fit un petit toit pour Haley en le tenant des deux mains.  Il la regarda, les yeux amusés et lui demanda d’un ton joueur :

- Prête?

Il n’attendit pas sa réponse et dit simplement :

- Un, deux, trois, maintenant!

Ils traversèrent le parc à la course et Arthur s’efforça de maintenir la veste au dessus de la tête d’Haley. Devant le véhicule, il la lui laissa dans les mains et débarra d’abord la porte côté passager. Il aida Haley à s’installer en lui tenant la main, le sol était déjà devenu glissant à cause de l’eau. Il fit rapidement le tour de la voiture et s’engouffra derrière le volant.  Haley s’en était bien tirée, même si quelques frisotis encadraient son visage. Lui, moins, sa chemise blanche était complètement plaquée sur son torse. Il passa ses deux mains sur son visage et dans ses cheveux pour tenter de s’essuyer un peu, mais elles étaient mouillées elles aussi.

Il éclata de rire en dénouant légèrement sa cravate, elle aussi trempée.

- Ça vous va si je fais un arrêt au bureau pour me prendre une chemise de rechange? J’irai vous reconduire où vous le désirez ensuite.