Fly on + Chaisling

Je me souviens de presque tout. J’étais avec Lou, je l’avais réconforté. Je lui avais dit qu’on partirait où elle voudrait. J’avais prévenu Lennox de notre situation, comme quoi on partirait bientôt. Lou avait insisté pour qu’on passe le voir et j’avais acquiescé simplement. Les désirs de la brunette étaient des ordres. On se dirigeait vers le bureau de Lennox et quelque chose s’était effondré, un pont... Des suites du tremblement de terre précédent qui m’avait demandé toute mon énergie. Aujourd’hui, c’était le silence absolu. Je n’étais presque plus ou je n’étais qu’à moitié. Les médecins, infirmières et préposées se relayaient à mon chevet. Je les entendais, tout le monde était si loin. On me parlait de choses et d’autres, de la pluie et du beau temps. Comme si tout ça aurait le pouvoir de me faire revenir. On ouvrait les rideaux le jour et on les tirait la nuit. J’avais un pansement sur la tête, la main bandée aussi. J’étais dans un bien piètre état. Je ne savais même pas si le coma était volontairement provoqué par l’hôpital ou si ce n’était qu’une réaction de mon corps.

Silence. Les fleurs s’accumulent sur les différents bureaux depuis maintenant quelques jours. Ceux de mes employeurs, ceux de mes collègues. Seul les machines indiquant mon rythme cardiaque se font entendre. J’ai les yeux fermés, j’ai l’esprit ailleurs. Mon cerveau doit toujours fonctionner, mais je l’ignore. Je devais faire quelque chose comme dormir éveillé, ce devrait être quelque chose comme cela. Mes yeux étaient bien fermés, mes signes vitaux étaient normaux. Point. Je ne ressentais plus grand chose, si ce n’était peut-être qu’une présence au bord de la porte. Une présence pour laquelle je ne pouvais même pas ouvrir les yeux, comme si je n’avais pas de contrôle sur moi-même. Ça en était presque triste, pratiquement pathétique.

Aisling s'était sortie quasiment indemne des récents événements, grâce à Ciàran. Elle ne pouvait nier que s'il n'avait pas été là, elle aurait eu vraiment peu de chance de s'en sortir, avec son équilibre incertain dû aux litres d'alcool ingérés peu avant la catastrophe. Non, Ciàran pouvait bien avoir tous les défauts du monde mais elle lui devait la vie. Une dette de plus envers lui.

Il avait d'ailleurs insisté pour qu'elle aille à l'hôpital à cause des blessures à ses bras. Ce n'était rien de bien grave mais elle avait décidé de ne pas le contrarier, et ce même si elle ne supportait pas foutre les pieds à l'hôpital.  Aux urgences, c'était surchargé, et pas que là. Le tremblement de terre avait réellement fait beaucoup de dégâts. La blonde regardait tous les visages en pleurs, toutes les blessures à vifs, les enfants qui s'agitaient, qui criaient. Le jour de l'accident ça devait être un véritable enfer.

Dans le couloir, entre deux chambres, un médecin, son médecin, ce qu'Aisling aimait les hasards de la vie, eu quelques minutes à lui accorder.

-Heureux de voir que vous êtes encore en vie.

-Je sais que le contraire vous aurait soulagé.

La blonde avait répondu du tac au tac, n'appréciant que peu le voir et qu'il lui rappelle qu'elle n'était pas venu à ses derniers examens. Elle avait de la chance d'ailleurs qu'il soit trop occupé pour l'emmener de force. Elle le laissa examiner ses mains, laissant son regard se perdre dans le vague jusqu'à ce qu'il tombe sur l'intérieur d'une chambre remplie de fleurs. Intriguée, la blonde se mit sur la pointe des pieds, ne prêtant pas attention aux protestations du médecin, pour voir qui se trouvait à l'intérieur. Pris d'une soudaine monté d'adrénaline, elle arracha ses mains à celle de son médecin pour pénétrer dans la chambre d'un pas rapide.

-Aisling n'entrez pas là !

Une fois prés du lit, elle se figea. C'était Chase. Chase. Mais quelle idiote. Il était pompier, il avait eu mille et une raison de se blesser. Alors que son regard parcourait son corps couverts de blessures, de bandages et de fil le reliant à des appareils, elle sentit son corps se mettre à trembler.

-Comment est-ce qu'il va ?

-Il est dans le coma, sortez de là.

Mais les pieds d'Aisling refusèrent de bouger et le médecin partit en poussant un soupire. Elle pouvait bien être sa patiente, aujourd'hui il n'avait pas que ça à faire. Pendant quelques secondes, elle resta immobile. Dans le coma. Cette réponse raisonnait dans sa tête. Et s'il ne se réveillait pas ? S'il mourrait ? La dernière chose qu'elle lui avait dite c'était de sortir de chez elle... Elle se sentait soudainement horrible, encore plus qu'à ce moment précis. Doucement, elle approcha sa main de celle de Chase, elle semblait presque en bon état, contrairement à la sienne qui avait été une des seules parties de son corps touchée.

-Chase... Je sais pas si ça fait comme dans les films et que tu m'entends... Y a peu de chance que ce soit le cas en fait...

La blonde ne réussit pas à retenir ses larmes une seconde de plus. Elle éclata en sanglot, la main de Chase toujours dans la sienne.

-Moi aussi je m'attache.

Ses mots avaient été dit dans un espèce de couinement inaudible.

Si c’était foule à l’hôpital, je ne m’en rendais pas compte. Pas réellement tout du moins. Je n’avais qu’un espèce de sixième sens qui se développait peu à peu. « Comment est-ce qu’il va? » avais-je entendu et cette voix, je la reconnaissais d’entre mille. Mon cœur devait s’être emballé même en l’entendant. Il devait s’être accéléré en sachant que le médecin avait déclaré mon état comme comatique. J’en étais encore tout retourné mentalement. Des mains froides mais frêles attrapaient la mienne. « Chase... Je sais pas si ça fait comme dans les films et que tu m’entends... Y a peu de chance que ce soit le cas en fait... » Oui Aisling, je t’entends. Je t’entends! Je t’attends, je t’attendais. Et probablement que je t’attendrai encore longtemps. Je l’implorais mentalement de m’attendre, que toute cette saga reprendrait bientôt! Que ce n’était qu’une question de temps, de patience... Et j’entendais ses sanglots. Je ne les voyais pas, je les entendais et je devais avoir le cœur à l’envers. « Moi aussi je m’attache. » Mon cœur s’emballait. Tout était silencieux que je l’avais entendu. Encore heureux... Enfin, je crois? La machine déterminant mon état cardiaque s’agitait, comme s’il mon cœur allait lâcher. Comme si c’était la fin, ma fin. Ma vie me filait entre les doigts. Une horde d’infirmières et d’auxiliaires entraient et se bousculaient pour me réanimer. C’était ce qu’elles semblaient dire. Je me sentais si loin et si près en même temps. Aisling... avais-je envie d’hurler. Je ne voulais pas qu’elle m’abandonne, je ne voulais pas l’abandonner, pas une fois de plus. C’était moi le maître dans toute cette saga. Le maître qui n’avait plus de contrôle, ni sur moi, ni sur elle. Je sentais les différentes machines me réanimer et en un seul coup, mes battements redevenaient normaux. Une seule décharge avait suivi ce qui avait semblé soulager l’équipe. Les infirmières se questionnaient à savoir si elles augmentaient ma dose de sédatif ou si au contraire, elles attendaient. Et après près de 4 minutes, j’ouvrais les yeux. Comme si j’avais été le perdant d’un combat de boxe. Je ne parvenais plus à parler, la gorge était sèche. J’avais eu l’impression de déranger... « Eau » avais-je articulé difficilement, presque inaudible.

Alors que les larmes roulaient sur les joues d'Aisling, elle serrait la main de Chase un peu plus fort dans la sienne. Elle avait peur, si peur qu'il meurt alors qu'elle l'avait presque mit dehors la dernière fois qu'ils s'étaient parlés, si peur de ne plus jamais le revoir. Alors que sa main étaient serrée dans les siennes, le bipbip de l'appareil qui donnait les signes vitaux de Chase commença à s'affoler, ce qui eut pour effet de faire débarquer une équipe médicale. La blonde fut poussée sans ménagement à l'arrière de la salle, ne comprenant pas ce qui arrivait, ce qui lui arrivait. Elle regarda effarée les infirmières s'escrimer à le réanimer. Elle sentait son propre rythme cardiaque s'accélérer. Est-ce que c'était sa faute ? Est-ce que c'était parce qu'elle était là qu'il était dans cet état ? Est-ce qu'il avait vraiment senti sa présence ? Ou était-ce juste une coïncidence ?

Il n'avait fallu que quelques minutes pour que le cœur de Chase reparte. Aisling s'appuya contre le mur, soulagée quand elle comprit qu'il était hors de danger. Momentanément du moins. Ils semblaient discuter entre eux de ce qu'il fallait faire et alors qu'elle les observait, elle surprit un regard assassin de la part de son médecin. Oui, ça devait être sa faute.
Puis une infirmière semble surprise, Aisling est loin, trop loin pour avoir entendu mais elle veut voir ce qu'il se passe, elle veut savoir ce qui arrive au pompier. Alors elle se rapprocha, le plus discrètement possible pour ne pas être de nouveau dégagée. L'infirmière en question tentait de faire boire Chase qui semblait en demi conscience. Finalement, l'équipe sortit se mettant à discuter devant la porte après avoir ordonné à Chase de rester calme et de se reposer. Doucement, la néo-zélandaise prit la main du malade, scrutant son visage, sentant son cœur s'emballer alors qu'elle comprenait peu à peu qu'il n'était plus dans le coma.

-Chase ? Tu... Enfin, je devrais pas te faire parler. Je suis désolée, je vais juste... rester là.

Ma main, elle l’avait serrée un peu plus fort. Et bien que je n’étais pas réellement conscient, j’avais le coeur gros. Oui, le coeur gonflé de peine et d’empathie. Je n’avais pas le droit de lui faire le coup. Je n’avais pas le droit d’abandonner Aisling, je me le refusais catégoriquement. Je n’avais pas le droit de quitter et donc de donner le droit à ma mère de devoir abandonner un deuxième enfant. C’était dans un état vaporeux que je réapparaissais, enfin. C’était ce que je croyais. L’infirmière m’avait ordonné de rester calme et de me reposer. Ce n’était pas dans mon vocabulaire de me reposer. M’ordonner de rester calme relevait carrément d’un monde parallèle. Peut-être était-ce le seul combat intérieur qui me chassait? Je scrutais la chambre de gauche à droite sans même bouger la tête. La blonde reprenait ma main et mes yeux se dirigeaient vers elle. Elle me disait qu’elle ne devait pas me faire parler et effectivement, je gardais le silence. Ce même silence qui me connaissait tant. Elle s’excusait sans même que je comprenne la nature de ce désolement. Je regardais la blonde dans l’incompréhension. J’ouvrais la bouche pour mieux la refermer malgré l’eau. Puis, tout ça n’avait plus de sens… Plus rien n’avait de sens sans elle. « Je suis désolé. » lui dis-je d’une voix rauque alors qu’une larme perlait le coin de mon oeil. Je détournais le regard vers la fenêtre pour éviter qu’elle ne me voit dans cet état, elle n’en avait pas le droit. Je me l’interdisais, encore une fois. Je déglutissais, le regard perdu au loin. Je ne m’autorisais plus à lui parler. Pas cette fois, je devais penser à moi cette fois. Je ne devais pas lui dire le fin fond de mes pensées. Je ne devais pas lui confier mes sentiments. Je devais véritablement penser à moi. À mon rétablissement. Mon pouce se contentait de bouger pour caresser le dessus de sa main. Grey n’avait pas le droit d’admettre son amour pour Anastasia. Chase n’avait pas le droit d’admettre son amour pour Aisling. Et c’était comme ça.

Elle était là, debout prés de son lit, à tenir sa main, toute chamboulée par ce qu'il venait de se passer. Elle la vit ouvrir la bouche avant de la refermer de nouveau. Il ne devait pas faire d'effort, même pas parler. Aisling ne volait pas le forcer à ça, il était trop faible il sortait du coma... Et vu l'état dans lequel était son corps, il devait vraiment souffrir.

-Désolé de quoi ? D'avoir été dans le coma ?

Ses excuses étaient ridicules. Ce n'était pas comme s'il l'avait fait exprès. C'était les risques du métier comme on dit... Et il ne pouvait pas s'imaginer à quel point elle était soulagée qu'il se porte bien. Elle avait bien vu la larme au coin de son œil et son regard qui se détournait d'elle. Mais elle ne dit rien. Elle se pencha doucement sur lui pour lui embrasser le front. Ils n'avaient pas besoin de mots, il savait très bien lire en elle sans qu'elle ne dise rien. Doucement, elle s'assit sur le coin de son lit sans lâcher la main de Chase. Elle esquissa un sourire en sentant qu'il la caressait. Son cœur s'était calmé. Il n'était plus en danger et même s'il ne semblait pas être tout à fait dans son assiette au moins il allait se remettre.

-Tu as reçu beaucoup de fleurs et de mots... Tu veux que je te les lise ?

Elle attendait juste un signe de la tête, un clignement d'yeux, quelque chose pour l'encourager à se lever et lire ces mots pour lui remonter le moral

Je me souvenais de ses mots, de son regard, de ses actes quand j’avais décidé de partir. J’aurais voulu les oublier, ça aurait été impossible. Et pas seulement qu’à cause de ma mémoire... Parce que je ne voulais pas coucher avec elle, je voulais faire l’amour, je voulais retenter l’expérience qui, trop souvent, avait été ignorée. À sa question, je secouais la tête négativement. Elle devait savoir de quoi je parlais. Je me raclais la gorge pour parler de nouveau. « Tu sais pourquoi. » admis-je alors que je reprenais de l’eau, toujours dans les vapes. Lorsque j’avais détourné la tête, elle me donnait un baiser sur le front. Ça me faisait mal, ce baiser enterrait davantage ce cœur meurtri qui renfermait des sentiments. « Tu as reçu beaucoup de fleurs et de mots... Tu veux que je te les lise? » Je hochais la tête positivement. C’était vrai, on aurait dit un jardin et j’ignorais qui avait pu envoyer tout ça, mais j’en étais reconnaissant. Ça égayait très clairement la chambre. J’en pointais une au hasard comme si c’était par celle que je voulais commencer. J’ignorais qui pouvait autant m’apprécier et ils étaient clairement trop nombreux. Puis, lentement, la mémoire me revenait et mon regard s’assombrit. Je tapotais la main d’Aisling avec un regard inquiet. « Lou? » demandais-je à la blonde en retrouvant cette mémoire. « Lou! » répétais-je avec difficulté alors que ma voix déraillait de plus belle alors que je m'emportais. Je tentais de retirer ma main puis les couvertures.

Quand il lui répondit, Aisling le regarda quelques secondes sans rien dire. Est-ce qu'il s'excusait pour le jour où ils s'étaient disputé, où il était parti de chez elle ? Sans trop savoir pourquoi, certainement parce qu'elle avait eu son lot d'émotions pour aujourd'hui, elle sentit les larmes lui monter au yeux. Ce fut à son tour de détourner le regard pour qu'il ne le remarque pas.

-Tu ne devrais pas parler.

C'était tout ce qu'elle avait trouvé à dire. Elle était incapable d'exprimer ce qu'elle ressentait, de lui dire qu'elle acceptait ses excuses ou même d'admettre que sa réaction avait été stupide. Elle serra un peu plus fort sa main dans la sienne, peut-être inconsciemment pour lui faire comprendre qu'elle tenait à lui.
Il approuva d'un signe de tête qu'elle lise un des mots et il lui pointa un bouquet de fleur. Alors qu'elle tendait le bras pour attraper la carte, Chase commença à s'agiter. Lou ? Aisling mit quelques secondes avant de se souvenir de cette fille. Elle avait dû la croiser une fois ou deux à des fêtes organisées par la ville.

-Je sais pas mais... non !

Le voyant vouloir se lever, Aisling rattrapa ses mains pour le forcer à se recoucher. Il n'était pas question qu'il mette davantage sa santé en danger.

-Je vais aller chercher l'infirmière mais toi tu restes là. Sinon je ne serais pas sûre de pouvoir accepter tes excuses.

Sur ce elle se leva, réussissant à attraper une infirmière dans la couloir, la convaincant de venir parce qu'il voulait s'échapper.

-Il voudrait savoir où est Lou.

La blonde la regardait avec le regard implorant. Qu'elle raconte un mensonge, n'importe quoi mais qu'il arrête de se faire du soucis pour cette fille, sinon il risquait de partir à sa recherche.

Elle détournait les yeux avec les larmes à son tour. Cette journée était définitivement trop éprouvante pour ce qu’elle aurait dû être. « Tu ne devrais pas parler. » avait-elle dit, je hochais donc la tête pour ne pas l’écouter quelques minutes plus tard et m’agiter davantage. « Je sais pas mais ... non! » Je commençais à hyper ventiler et Aisling me remettait au lit alors que j’angoissais mon existence complète. Elle me disait qu’elle allait chercher l’infirmière et que je resterais là. J’allais la contredire en me levant, mais elle me retirait toute en vie en me disant qu’elle ne pourrait pas accepter mes excuses. Je restais penaud quelques instants pour me lever avec difficulté et lenteur. J’attrapais d’ailleurs le poteau de soluté que j’entraînais avec moi. Je rejoignais les deux femmes dans le corridor sous les gros yeux des deux femmes. « Lou. » répétais-je comme si c’était elle qui était essentielle à ma vie. Je faisais un signe de main à Aisling en lui disant d’oublier tout ça. Je me tournais d’ailleurs vers Aisling pour lui dire en langage des signes « Accident de voiture, j’étais avec elle. » « Mademoiselle St-Vincent est dans un coma. » avait-elle completé en regardant mes main d’un drôle d’air. « Pardon? » avais-je articulé en me crachant presque dessus. « Je ne peux pas vous en dire davantage. Je suis désolée, mais je dois y aller. » Je fronçais les sourcils méchamment en me tournant vers Aisling pour tapoter son bras rapidement et lui demander dans la langue des signes. « Où? Quelle chambre? » Je voulais qu’elle le demande à l’infirmière pour retrouver Lou. Si elle ne me le disait pas, je le saurais par moi-même. J’irais lire les fiches médicales du lit de la brunette. J’entamais donc quelques pas dans un nouveau couloir, avec ou sans réponse, j’allais retrouver Lou. Je me mettais à tousser et c’était ce qui m’arrêtait. Ma gorge était irritée à son maximum et je mimais donc le signe de la soif. Bordel, ce n’était qu’un calvaire qui ne s’achevait plus.

Alors qu'Aisling tentait d'avoir des informations par l'infirmière, Chase arriva vers elle. La blonde l'accueilli alors par un grand regard noir. Elle lui avait dit de pas bouger, non ? Alors c'était quoi son problème ? Il voulait aggraver son cas ? Son attitude lui donnait réellement envie de le cogner. Il commença à lui expliquer qu'ils avaient eu un accident de voiture ensemble, et même si elle comprenait bien qu'il s'inquiète, elle ne supportait pas qu'il se mette à courir partout dans l'espoir d'aller la voir. Bon, dans le coma. Elle se doutait bien que cette information n'allait pas améliorer l'état d'anxiété de Chase.

-Mais arrête putain !

La néo-zélandaise avait hurlé sans vraiment le vouloir. Mais elle ne savait plus se contenir. Il l'exaspérait à tousser tout le temps et à s'agiter malgré tout dans tous les sens. Merde. Il venait de se réveiller d'un coma il ne pouvait pas juste rester calmement dans son lit ? Elle recula d'un pas, s'éloignant de lui, c'était un peu trop d'émotion pour elle et en bonne égoïste elle se foutait bien qu'il ait soif et qu'il veuille retrouver Lou. Elle aurait fait des efforts pour lui si seulement il en avait pour elle. S'il était resté dans son lit à préserver sa santé. S'il lui avait laissé le temps d'aller chercher un fauteuil roulant ou quelque chose du même genre.

-Je t'aiderais pas si tu continues comme ça. Je t'aiderais pas à te tuer.

Elle se fichait bien de Lou, elle la connaissait à peine. Elle aurait pu mourir dans cet accident que ça ne lui aurait fait ni chaud ni froid. Poussant un soupire elle retourna dans la chambre chercher le verre de Chase avant de le remplir et de revenir lui donner. Ca au moins, elle pouvait le faire, pour son bien.

-Retourne dans ta chambre.

Son regard noir je l’avais croisé à l’instant où je m’étais levé de mon lit. Mentalement, ce regard y était et physiquement aussi. « Mais arrête putain! » avait-elle hurlé alors que les gens dans les salles adjacentes nous regardaient maintenant. Un véritable spectacle. Alors qu’ils retournaient à leurs occupations respectives, je me contentais de répondre alors d’un ton normal : « Non. » Après tout, c’était ma faute si Lou était dans le coma. Lennox ne me le pardonnerait sans doute jamais. Je toussais de plus belle alors que cette fois, c’était Aisling qui semblait prendre la fuite. Et je n’étais pas dans un état mental pour de secondes excuses. En fait, je devais à tout prix trouver Lou. « Je t’aiderais pas si tu continues comme ça. Je t’aiderais pas à te tuer. » J’avais donc fait un signe pour qu’Aisling laisse tomber. Je m’en moquais. Je trouverais la chambre de Lou avec ou sans elle. Je croyais qu’elle serait partie et je L’aurais bien mérité. Je prenais le verre d’eau que je buvais d’un coup alors qu’Aisling me disait de retourner dans ma chambre. Et je parlais, encore. Parce que visiblement, c’était l’une des rares façons qu’elle ne comprenne. « C’est ma faute. Je l’ai tué. » dis-je sans contrôler mes mots alors que mes yeux s’embuaient d’eau. Je ne pouvais pas faire autrement que de me dire que je lui avais fait plus de mal que de bien au final. Et je devais me rendre à l’évidence que ce serait la même chose avec Aisling tôt ou tard. Je regardais les visages dans les chambres voisines puis je m’arrêtais en voyant celui de Lou trois chambres plus loin. J’entrais donc presque rapidement. « Lou. » chuchotais-je plus pour moi qu’autre chose. Je la regardais dans son sommeil, un sommeil provoqué sans doute. Je m’approchais du tableau de bord que je lisais. Mon regard se tournait vers le sol alors que cette fois, les larmes coulaient.

Le regard des gens, même dans cette situation, n'était pas le genre de choses qui importait à Aisling. Ils pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient, Chase méritait qu'elle se fâche contre lui. Quand il lui répondit, non seulement son ton calme l'énerva d'autant plus, mais rien que le fait d'entendre sa voix alors que visiblement parler ne lui ferait pas du bien n'arrangeait pas les choses à la base.

-Tais toi.

C'était un ordre, un vrai ordre, elle ne voulait pas qu'il se fatigue plus, qu'il se mette à cracher ou à vomir ou elle ne savait trop quoi encore.
En voyant le signa que lui faisais Chase, en comprenant qu'il se fichait totalement qu'elle l'aide ou non, Aisling serra les poings. Elle s'énervait, elle ne saurait pas dire exactement pourquoi mais elle était vexée.

-Tu ne l'as pas tuée, elle est dans le coma abruti !

Et une fois de plus, elle se mettait à hurler. Lever le ton ne résout rien, hurler encore moins mais ça n'avait aucune importance. Elle n'était pas rationnelle. De plus, elle n'avait absolument aucune idée de la situation mais elle doutait fortement que tout soit seulement sa faute. Il n'y pouvait rien s'il y avait eu un séisme, même s'il était pompier. Alors qu'elle le voyait s'éloigner à la recherche de sa douce, elle ne put s'empêcher de coller son poing dans le mur. La violence ne résolvait rien, pas plus que les hurlements, mais ça la soulageait. Enfin, non, là elle sentait quelque chose lui couler le long du bras, portant son regard dessus elle reconnu la couleur du sang. Elle venait d'ouvrir une de ses plaies, ces mêmes plaies qui étaient la cause de sa venue ici puis qu'elle devait se les faire bander. Et au lieu de ça, elle était venue se coller au chevet de Chase, quelle belle connerie. Lui qui courrait juste après Lou. Elle aurait dû attendre que ce soit l'aveugle qui le réveil, ça lui aurait certainement été plus doux.
Regardant quelques seconde sa plaie dont le sang avait commencé à couler, elle finit par secouer la tête avant de rejoindre Chase. Elle le vit, là, entrain de pleurer au chevet. Il y a quelques minutes, elle était à sa place, à son chevet mais étrangement, cette vision ne lui faisait clairement ni chaud ni froid.

-Je te laisse. Prends soin de toi.

Elle avait au moins l'obligeance de lui signaler, parce qu'elle ne voulait pas qu'il se remette à courir partout, des fois qu'il se mette à la chercher. Elle tourna les talons, se dirigeant vers la file d'attente des urgences. Elle ne pouvait pas juste partir comme ça, elle avait promit à Ciàran de se soigner, elle le ferait. Elle n'avait pas envie de le voir en colère, et puis elle lui devait bien ça, s'il n'avait pas été là, elle serait certainement morte.

« Tais-toi. » m’avait elle ordonné. Hors de question de lui donner raison. « Non. » répliquais-je à voix basse de nouveau. Les ordres, c’était moi qui les donnait, pas elle. Mon regard soutenait le sien. J’étais fatigué par toute cette saga, mais ça m’était égal. Elle avait encore hurlé et ça me rendait dingue. Je n’avais pas pour habitude de lever le ton, alors qu’elle visiblement oui. Même si elle me disait que je ne l’avais pas tuée et qu’elle était dans le coma. Je me tournais vers elle. « Les gens peuvent mourir dans le coma, Aisling. » lui avais-je dit à voix basse, toujours en colère contre elle. Je me retrouvais devant Lou quelques instants plus tard alors qu’elle me disait qu’elle quittait. J’avais opiné avec l’idée de la laisser partir. De mon côté, je m’étais approché de Lou. J’avais pris sa main. « N’abandonne pas et j’en ferai tout autant. » lui confiais-je en la regardant les yeux mouillés. J’embrassais sa main doucement. « Je reviendrai. » lui confiais-je alors que je repartais de mon côté, le cœur gros comme l’univers. Je quittais la triste chambre et je regardais autour de moi à la recherche d’Aisling c’était une putain d’emmerdeuse, mais elle me plaisait malgré tout. Je me dirigeais donc où mes pieds me guidaient avec lenteur, cette lenteur forcée. Je regardais autour de moi et je voyais la blonde. J’allais la rejoindre. « T’es qu’une emmerdeuse, Callaghan. » Je reprenais des forces pour la suite, parce que ça m’en prenait clairement. Je soupirais. J’inspirais puis j’expirais. « Mais je t’aime malgré tout. » Je déglutissais avec ce que je venais de dire. Quelque part, je me sentais plus léger. Mais de l’autre, je me sentais réellement brisé. J’savais qu’elle n’était pas faite pour les sentiments et j’étais clairement pas fait pour m’acharner, ni avoir mal. Je haussais les épaules et je quittais les urgences sagement avec mon poteau de soluté qui me suivait depuis quelques temps déjà. Au moins, lui me serait fidèle.

Aisling fronça les sourcils à ce refus. Mais est-ce qu'il se rendait bien compte que ce qu'il faisait nuisait à sa santé ? Il voulait quoi, perdre l'usage de ses cordes vocales ou quelque chose comme ça ? Elle était sûre qu'il lui disait non par principe en plus, juste parce qu'elle levait le ton, juste parce qu'elle était en colère.

-Les gens peuvent mourir n'importe quand Chase.

Peut être qu'elle était trop froide, peut être que ça se voyait un peu trop qu'elle se fichait éperdument des personnes qui ne lui étaient pas directement liées. Néanmoins ça ne retirait pas le sens de sa réplique. Oui, les gens pouvaient mourir dans le coma, mais dans tous les cas, elle ne l'était pas encore, morte alors ça ne servait à rien de se flageller d'avance. Ni même de se flageller tout court, ça ne la ferait pas revenir.
Alors qu'il était parti veiller sur Lou, vraisemblablement, Aisling s'était remise dans la queue des urgence pour qu'on s'occupe enfin de ses plaies. Elle savait que ça risquait d'être long et que ça ne ferait que la faire penser à ce qu'il venait de se passer. Et si ça continuait elle serait capable de culpabiliser même. Mais Chase la coupa dans ses réflexions. Elle leva les yeux vers en l'entendant et haussa simplement les épaules. Ce n'était pas vraiment une nouveauté.

-Je ne sais pas trop qui est le pire de nous deux.

Après tout, si elle était aussi chiante avec lui, là, c'était pour son bien. Elle le vit inspirer et expirer et l'observa, assez intriguée. Est-ce qu'il allait mal ? Est-ce qu'elle devait appeler l'infirmière ? A ses mots, elle le fixa quelques secondes, essayant d'imprimer ce qu'il venait de dire. Aimer. C'était un verbe tabou chez Aisling, un verbe qu'elle n'utilisait pas, qui portait malheur. Un verbe qu'elle n'avait pas l'habitude d'entendre non plus. Est-ce qu'il le pensait ? Est-ce qu'il le concevait comme elle ? Elle était toujours perdue et tremblante quand il tourna les talons certainement pour s'enfuir vers sa chambre. Le cœur de la blonde s'était mit à battre de plus en plus vite. Elle ne savait pas quoi faire, comment réagir. Le laisse partir et continuer d'attendre pour ses mains ? Elle n'était tout de même pas si insensible. Elle lui emboîta le pas alors qu'un peu de sang coulait le long de son avant-bras. Alors qu'il pénétrait dans sa chambre elle le rattrapa.

-Attends Chase !

De nouveau ses yeux bleus croisèrent les siens, lui coupant la respiration pendant une seconde.

-Tu... tu ne devrais pas dire ça alors que tu sors du coma.

C'était vrai après tout, il ne devait pas encore avoir les idées claires. Il délirait peut-être même.

« Les gens peuvent mourir n’importe quand, Chase. » avait-elle alors répondu et je lui tournais le dos parce que je le savais. Parce qu’avec mon père et Alana, j’avais suffisamment souffert. J’avais déjà trop donné dans le domaine des morts, des comas aussi. Elle était partie puis j’étais revenu. Je lui avais dit la vérité et elle avait simplement haussé les épaules en disant qu’elle ne savait pas qui était le pire de nous deux. C’était elle, évidemment, mais je me gardais bien de le lui dire. S’en suivait des mots les plus terrifiants de ma vie, ceux qui démontrent de l’attachement, de la tendresse. J’avais quitté, comme j’avais quitté Sydney. J’étais misérable. Elle me disait d’attendre, mais elle m’emboîtait le pas alors ça s’annulait. Je m’arrêtais alors que nous étions à l’entrée de ma chambre. Elle me regardait et me disait que je devrais pas dire ça alors que j’sortais du coma. Elle avait raison. Je devrais pas dire ça point avec Perry et Ciàran. Je haussais donc les épaules à mon tour et je regagnais mon lit gentiment, cette fois. Je m’assoyais sur celui-ci. « C’est pas le coma, Ais. » avais-je alors chuchoté, comme si de cette façon j’allais éviter ses cris. Et il y avait une autre façon aussi d’éviter ses mots... Je me relevais et je l’embrassais doucement, avec attachement et tendresse. Un peu d’amour aussi même, question d’apprivoiser le tout. Puis, je retournais sur mon lit ou je m’asseyais sagement pour jeter un coup d’œil à la pièce autour de moi.