Why I care? [Chaisling]

Il ne répondait plus à ses messages, plus du tout. Et ça l'énervait, beaucoup. Elle n'avait pas l'intention de le harceler, de ressembler à sa copine folle qui lui envoyait cinq cents messages secondes et qui l'appelait deux mille fois par jour. Elle n'était pas censé en avoir quoique ce soit à foutre même. Ca aurait été n'importe qui d'autre qui l'ignorait, elle n'y aurait même pas fait attention. Elle se serait sûrement agacée, un peu, aurait effacé le numéro et aurait oublié. Elle aurait aimé que ce soit aussi simple avec Chase. Elle n'arrivait pas à passer au-dessus, à se dire que ça n'avait aucune importance et bordel, elle écrasait déjà assez sa fierté en lui envoyant de timides messages sans avoir besoin de faire quelque chose de plus.

Finalement, après plusieurs semaines sans nouvelle, elle avait fini par être dans le juste équilibre entre la colère et l'inquiétude. Il fallait absolument qu'elle mette les choses au clair. En sortant de cours, au lieu de se rendre chez elle, elle s'était rendu chez lui. Au bout de deux fois, elle commençait à connaître les lieux... Montant les marches de l'immeuble, elle s'arrêta devant la porte de son appartement, inspirant un grand coup avant de toquer. Il avait intérêt à être là, vraiment parce qu'elle était capable de camper devant sa porte.

J’étais occupé. C’était vrai et faux à la fois. Avec toutes les sagas qui se déroulaient dans ma vie dignes des films hollywoodiens, je tentais de désceller l’ordre au mieux dans lequel faire les choses. Après avoir lancé une recherche de colocataire puisque mon frère s’était tiré dans un de ses fameux coups de têtes qui n’avait pas réellement avancé, j’avais décidé de mettre fin au contrat de l’appartement. J’avais donc fait des boîtes, beaucoup de boîtes. J’avais jeté des trucs, beaucoup de trucs. Et j’avais décidé de mettre mes sentiments et mes états d’âme de côté. Faire du ménage aide à en faire mentalement? Jamais l’appartement n’avait autant resplendit et je le quittais... Je descendais des boîtes dans ma voiture aujourd’hui, une des rares journées de répit que j’avais. J’ouvrais la porte avec un carton en main quand je croise Aisling. Je ne l’avais même pas entendu cogner alors que logiquement, elle devait l’avoir fait. Je la regardais quelques secondes pour dévier son regard, refermer la porte et aller porter le tout dans la voiture. Je revenais sans rien dire à la blonde qui semblait me suivre.... J’étais occupé. Non, c’était faux. J’étais simplement blessé parce qu’il y en avait un autre et que j’m’attachais. J’étais devenu l’une de ces femmes que je courtisais pour qui je ne ressentais rien du tout, sauf que cette fois, j’étais loin d’avoir le beau rôle.

Aisling se tenait devant la porte, un peu angoissée. Elle ne savait pas à quoi allait ressembler cette discussion, à supposer que discussion il y aurait. Mais il fallait bien qu'elle ait lieu cette discussion parce que moralement, elle en avait besoin, même si au final elle devrait juste passer à autre chose.
Les bruits de pas sortirent la blonde de ses pensées. La porte s'ouvrit sur Chase, un carton dans les bras. Un vif coup d’œil à l'intérieur de l'appartement lui montra qu'il y en avait beaucoup d'autres, des cartons. Surprise, elle s'écarta pour le laisser passer, le regardant marcher jusqu'à sa voiture quelques secondes avant de le suivre puis de revenir avec lui. Il l'ignorait, vraiment, royalement. Il n'avait pas le droit... Qu'est-ce qu'elle lui avait fait ?

-Tu t'en vas ?

Pour toujours ? Ces derniers mots n'avaient pas franchis le seuil de ses lèvres mais elle les avait penser très fort. Elle avait peur. Peur de ne plus le revoir. Rien que dans le ton de sa voix, dans ses yeux bleus perdus, il pouvait lire l'inquiétude.

« Tu t’en vas? » qu’elle me demandait alors qu’elle me suivait alors que je poursuivais mes voyages dans le but de compacter ma voiture avec des boîtes. « Oui, je pars. » lui dis-je simplement sans même la regarder parce que je savais qu’autrement je craquerais et que j’aurais envie de la baiser sur des boîtes et je ne pouvais pas le faire. Je ne pouvais plus le faire. J’aurais voulu lui donner plus d’explications, mais je n’en avais étrangement pas la force et l’envie encore moins comme si rester dans un monde idyllique m’aiderait. « Je déménage. » Lui confiais-je comme s’il elle ne l’avait pas déjà compris. Je continuais de vacquer à mes occupations avec la blonde sur les talons. « Oh et Perry se porte bien? » lui demandais-je en lui lançant un regard en coin, noirci par la colère. L’intérieur de moi, tétanisé par la peur. Que voulait-elle que je fasse? Que je me batte contre Perry? Ce site Web s’en chargeait déjà pour moi avec tous les ragôts. Je détestais qu’Aisling fréquente ce type et qu’elle baise derrière mon dos avec un autre homme, mais en même temps comment pouvais-je l’espérer? Je n’allais certainement pas lui demander l’exclusivité ou de sortir qu’avec elle, elle avait déjà l’autre type. Je m’interdisais de lui demander. Je ne battrais pas non plus ce Perry. J’allais simplement laisser les choses aller, le long cours d’une rivière.

Son affirmation ne fit que rapprocher un peu plus Aisling de la réalité. Il s'en allait... pour de vrai. Ils ne feraient plus rien sur son lit, ni sur la table de la salle à manger. Elle secoua la tête avant de lever de nouveau les yeux vers lui. Peut-être qu'ils ne feraient plus rien tout court mais rien que d'y penser elle sentait un bout de son cœur se tordre de façon désagréable.

-Où ?

Il ne la regardait pas et il n'arrêtait pas ses aller-retours non plus. Alors, comme un enfant encore trop attaché à sa mère, Aisling le suivait sans réfléchir.

-Tu retournes à Sydney ?

C'était ça qu'elle redoutait surtout, qu'il s'en aille loin. Parce que même si pour l'instant il lui en voulait, pour une raison encore obscure, s'il restait, elle pouvait essayer d'arranger les choses. Cette idée semblait très inédite dans sa tête, faire des efforts, aller vers les autres, tout ça, ce n'était pas vraiment elle.
Sa question eut l'effet de la paralyser. Son regard pendant quelques secondes levé vers lui, dans son dos, comme si elle voulait être sûre d'avoir bien entendu, finit par fixer le sol. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien lui dire ? Elle avait envie de lui mentir effrontément, de faire celle qui ne voyait pas de quoi il parlait. Elle pourrait même prétendre ne pas connaître de Perry. Ca ne pouvait qu'arranger les choses, pas vrai ? Mais en relevant les yeux vers lui, elle comprit qu'elle était seulement incapable de lui mentir. Elle se mit alors à se mordre la lèvre avec violence, tentant de retenir tous les cris qui pouvaient bien sortir de sa gorge. Mais comment est-ce qu'il savait ? Et qu'est-ce qu'il savait ?

-C'est pour ça que tu ne m'adresses plus la parole ?

Ses doigts étaient venu s'enrouler entour d'une de ses mèches de cheveux dans un geste nerveux qu'il connaissait déjà. Elle n'avait jamais voulu lui en parler parce qu'elle se doutait bien que tout ça allait à l'encontre de tous ses principes, et puis parce que ça ne le regardait pas.

-Je ne fais rien de mal.

Dieu ce qu'elle avait peur. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois de sa vie où elle avait aussi peur de mettre quelqu'un en colère. Elle ne voulait pas qu'il crie, qu'il l'insulte, qu'il se mette à marcher plus vite pour la fuir. Elle voulait juste qu'il lui accorde deux minutes pour qu'elle puisse au moins espérer arranger un peu les choses.

« Où? » me demandait-elle. J’avais l’impression d’avoir des comptes à rendre à la blonde et je haussais bêtement les épaules parce que pour le moment je n’en avais pas la moindre idée. Et pour être franc, en avoir une, je ne lui en ferais pas part. « Tu retournes à Sydney? » « J’en sais rien. » C’était une possibilité que j’avais envisagé pour être honnête. J’allais rester chez Conchobáhr Rosenbach quelques temps, il avait accepté de m’héberger lorsque je lui avais expliqué ma situation un peu chaotique avec mon frère qui avait foutu le camp à Sydney sans m’en aviser. Ma mère m’avait dit que mon jumeau était un peu froissé et un peu en colère, mais que ça lui passerait. Je tentais de ne pas m’en faire de ce côté là, mais c’était plus fort que moi. De mon côté, je lui avais demandé comment allait Perry et elle s’était paralysée. J’avais eu un fin sourire malgré moi, j’éprouvais un profond sentiment de méchanceté à ce niveau là. « C’est pour ça que tu ne m’adresses plus la parole? » « Peut-être. » lui avais-je répondu encore une fois en haussant les épaules feignant l'indifférence. Oui, en majeure partie pour ça. L’autre partie étant que j’avais des choses à gérer suite au départ de mon jumeau. Financièrement, je devais faire beaucoup plus d’heures au boulot pour gérer et j’envisageais accepter un poste de cadre pour les besoins actuels. Partir quelques jours chez mon ami Concho ne pouvait qu’être bénéfique à l’heure actuelle. « Je ne fais rien de mal. » « C’est toi qui sait. » lui avais-je répondu simplement du tac-au-tac et c’était vrai. Je continuais de charrier mes boîtes d’un côté et de l’autre sans avoir la moindre envie de lui parler. Je n’étais pas en colère, j’étais surtout déçu, je crois. Et de toute façon, le silence faisait bien plus peur que tout le reste. Les réponses ambigües également et étrangement, elles me faisaient du bien parce que tout l’était actuellement. J’aurais voulu aller rejoindre Jake Carter pour accepter ses offres alléchantes financièrement, mais il s’était exilé je-ne-savais-où et je détestais ça. Je détestais tout ce sur quoi je ne pouvais pas avoir le moindre contrôle. Et avec Aisling, c'était 50/50....

Il ne savait pas ? Aisling doutait que ce soit la vérité. Il devait bien avoir une petite idée... Il n'allait pas dormir au milieu des cartons, dans sa voiture pendant des jours. Mais elle ne dit rien et se contenta de détourner le regard. C'était froid, tellement froid... Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait fait pour qu'il lui en veuille autant.
Mais elle n'eut pas à demander pour qu'il mette des mots sur le malaise. Sa réponse à sa question était une évidence, ça voulait dire oui. C'était ce qu'elle redoutait, un peu, beaucoup. Elle n'avait pas pensé une seule seconde aux rumeurs, au fait qu'il pourrait les voir. Mais ce n'était que des rumeurs et lui... il avait l'air assez sûr de ce qu'il avançait. Elle n'avait pas le courage de lui mentir, et puis, de toute façon ça n'avait pas d'intérêt. Il la laissa là, désemparée face à ses réponses, à continuer de déplacer ses boites. Aisling restait là, débout au milieu du couloir, totalement perdue. Il la faisait se sentir tellement mal, elle qui, pourtant, était convaincue qu'elle en faisait rien de répréhensible. A un de ses passages, elle posa la main sur son épaule, espérant l'arrêter, ou du moins le ralentir, juste attirer son attention. Elle leva vers lui ses yeux bleus de chaton qui n'arrive pas à redescendre de son arbre.

-On n'est pas vraiment en couple, c'est plus compliqué...

Puis elle secoua la tête, se rendant compte de ce qu'elle racontait.

-Non, en fait, c'est plus simple. J'ai le droit de coucher avec qui je veux, et lui aussi.

Elle sentait que ces mots là n'était pas ce qu'il rêvait d'entendre, enfin, si tenté qu'il veuille entendre une justification venant d'elle... Il l'avait beaucoup trop déboussolée pour qu'elle sache ce qu'il voulait qu'elle lui dise, ce qu'elle était censée faire. Elle ne contrôlait rien du tout, encore moins les pas que Chase faisaient entre son appartement et sa voiture.

-Chase...

Elle avait soufflé doucement, comme si ça pouvait arranger un peu les choses, comme si ce pseudo cri de détresse pouvait lui montrer qu'il lui faisait du mal.

Lors d’un de mes voyages entre l’appartement et la voiture, elle posait sa main sur mon épaule. Mon regard se tournait vers le sien alors qu’elle ne niait pas l’existence du dénommé Perry, comme quoi ils n’étaient pas véritablement en couple – ou pas vraiment – qu’importe. Elle me disait que c’était compliqué et je haussais les épaules ne donnant qu’une vaste réponse pour la lui laisser. « C’est pas nouveau, avec toi y’a jamais rien de simple. » Puis, je poursuivais mon voyage parce qu’il n’était pas question que je reste immobile plus longtemps. J’avais besoin d’extérioriser tout ce qui se passait. Puis, Aisling reconsidérait ses choix de termes en me disant que c’était simple et qu’elle pouvait coucher avec qui elle voulait et lui pareillement. Je haussais les épaules en me disant que ce n’était que ce qu’elle voulait, coucher avec des hommes point barre. Adieu les relations, adieu les moments de calme et de tranquillité, adieu les moments de tendresse, les caresses et tout ce qui venait avec. Est-ce que ça avait de l’importance pour elle ce que nous partagions? Je préférais taire toutes ces questions en me disant qu’au fond, mes espérances pouvaient me combler. « Chase... » avait-elle soufflé doucement alors que je me retournais vers elle. « Tu veux que je te dise quoi, Aisling? » lui demandais-je d’un ton neutre, pas de colère, pas de tristesse, pas d’affection, de quoi m’aider à y voir clair. « Tu baises bien qui tu veux de toute façon, c’est pas comme si j’allais t’en empêcher. » Et bien que cette réplique me faisait du mal autant qu’à elle, elle était toutefois véridique. J’avais envie de lui dire de m’oublier, j’avais envie de lui dire de tout faire pour qu’elle reste dans mes bras le temps d’une éternité. Et pourtant, ce n’était que le silence qui parlait et qui en disait tellement long sur mon état d’esprit. Je mettais la boîte dans la voiture pour m’adosser à mon véhicule, elle voulait parler, bien qu’elle parle. Je l’observais, pourquoi cherchais-je une justification à tout cela? C’était inutile. Je ne restais pas immobile bien longtemps, je cherchais à canaliser mon énergie en empilant les boîtes pour en faire un niveau de Tetris.

C'était comme ça qu'il la voyait ? Comme une fille qui compliquait toujours les choses ? Ce n'était pas ce qu'elle voulait, elle ne s'était jamais prise la tête avec les sentiments ou quoique ce soit d'autres auparavant. Et entre eux ? Qu'est-ce qu'elle avait bien plus compliquer ? Qu'est-ce qu'il lui reprochait exactement ? D'avoir céder à la soirée du casino, faisant d'eux autre choses que des amis qui se parlent dans des langues étrangères ?

Il lui accordait à peine deux minutes d'attention. Il continuait de marcher, bougeant ses boites, la blessant seulement un peu plus à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Elle aurait dû partir. Elle était lâche, c'est ce qu'elle aurait fait en temps normal. Non même, normalement, elle ne serait jamais venu, elle aurait simplement tourné la page.

-Encore heureux.

Elle lui avait répondu du tac au tac, sans même réfléchir une seconde à l'effet que ça pouvait bien lui faire. S'il ne savait pas quoi lui dire, elle non plus ne savait. La seule chose qu'elle savait c'est qu'elle n'avait pas l'intention d'intervenir dans ses relations avec les autres femmes et elle était bien aise qu'il ait les mêmes intentions. Elle soupira, baissant son regard alors qu'il s'était appuyé contre sa voiture avant de se mettre à ranger ses boites.

-Pourquoi est-ce que tu m'en veux ?

Parce qu'il était bien là le problème, il lui en voulait, sinon il n'éviterait pas le dialogue, il ne lui répondrait pas de cette façon là. Elle ne savait pas si elle se rendait compte que pour faire tout ça il fallait qu'elle tienne un tant soit peu à lui. Elle se rapprocha un peu, observant son jeu de tétris sans rien dire, espérant juste qu'il ne s'enfuie pas encore.

« Encore heureux. » Je me retournais vers elle et pour la première fois depuis son arrivé, j’esquissais un sourire en coin parce que le sarcasme d’Aisling me plaisait bien, comme elle en fait. Puis, je retrouvais une mine neutre en me rappelant le genre de situation dans laquelle j’m’étais mis. Encore. « Pourquoi est-ce que tu m’en veux? » me demandait-elle alors beaucoup trop perspicace. « Je ne t’en veux pas. » lui mentais-je alors habilement. Quelle importance ça avait. « J’ai d’autres préoccupations, Aisling. » lui dis-je simplement. Et c’était vrai, le boulot, le fric, le frangin, le déménagement. « Parce que moi j’peux pas dormir quand mon patron m’attend le matin. J’ai un appartement à payer, des tas de factures à payer seul, maintenant. J’ai plus le temps de m’amuser. » lui dis-je finalement, comme si la blonde n’était qu’amusement et distraction pour moi. C’était pas faux, pas entièrement. Je tournais mon regard vers elle quelques instants et je me surprenais à la trouver triste et belle à la fois. Je retournais mon regard sur mes cartons en soupirant. J’savais pas la suite pour moi, comment j’saurais la suite pour un potentiel nous deux, s’il y en avait... « J’ai encore quelques plats dans le frigo à finir. Je te les laisse, si tu veux. » Parce que ouais, y’avait que ça qui restait de moi, le peu de nourriture que je faisais. Si elle les refusait, j'irais les porter à l'itinérant au coin de la rue. Après avoir réussi à placer les boîtes, je refermais la valise et je regardais les sièges arrière qui avaient encore de l’espace. Je recommençais mes aller-retours en plaçant ce qu’il y avait à placer. J’ignorais encore Aisling, peut-être était-ce la meilleure façon d’aller mieux : de l’ignorer et de passer au travers?

Il ne lui en voulait pas ? Mais il l'ignorait, la fuyait, lui faisait habilement comprendre que sa présence n'était pas désirée. Il fallait bien qu'il ait quelque chose contre elle pour faire tout ça, ce n'était pas dans ses habitudes d'être aussi froid avec les autres, avec elle.
Chacun de ses mots venait se glisser dans son oreille, parvenant à son cœur pour lui foutre un coup bien placé. Il avait habilement choisi chaque mot, chaque allusion pour lui faire mal, pour lui rappeler son âge, sa maturité, son statu, ses habitudes. Il venait de la rabaisser plus bas que terre en moins d'une minute, de piétiner tout ce qui pouvait lui rester d'espoir et d'ego en venant ici.

-Désolé.

Réajustant son sac de cours sur son épaule, elle détourna le regard quand lui tourna le sien vers elle. Il venait de la blesser beaucoup trop profondément pour qu'elle se permette de se laisser attendrir par un regard lancé en coin.

-J'avais pas l'intention de te faire perdre ton temps avec une gamine comme moi.

Parce que ça, c'était bien ce qu'il venait de lui faire comprendre. Il n'avait pas de temps à perdre avec des futilités comme elle, sans oublier qu'elle ne pouvait absolument pas comprendre ce qu'il ressentait, elle, du bas de ses vint ans. Elle avait la chance d'être un peu trop en colère pour éclater en sanglot. Heureusement, son ego en avait déjà eu assez sans qu'elle se mette à pleurer devant lui.

-Tu me prends pour ta poubelle ou quoi ?

Elle avait grogné, agressive. Il n'avait pas le temps de lui parler non, mais puisqu'elle était là et qu'elle le faisait chier, autant qu'elle serve à quelque chose, c'est ça ? Au fond, peut-être qu'elle le savait, que ça partait d'une bonne attention, qu'il savait qu'elle ne se faisait pas à manger. Mais il avait eu la délicatesse de choisir le pire moment.

-J'suis pas encore assez désespérée pour avoir besoin de toi.

La blonde se mordit la joue avec violence pour retenir un quelconque hoquet de tristesse, serrant le poing à s'en faire rentrer les ongles dans la peau, avant de faire un pas en arrière pour le laisser passer dans un de ses énièmes voyages. Elle n'avait vraiment plus rien à faire là.

La situation avec mon frère me rendait hors de moi. La situation avec Aisling me rendait hors de moi. Alors qu’Aisling venait de s’excuser un peu platement, elle constatait qu’elle ne voulait pas me faire perdre mon temps ce qui me faisait soupirer un peu bruyamment parce que je manquais définitivement de tact et encore plus de talent. « T’es pas une gamine. » lui soufflais-je avec uniquement la moitié de ma voix, parce que j’avais besoin d’elle plus que de quiconque actuellement. Puis, elle s’offusquait alors que je lui avais proposé quelques plats et je la regardais les yeux ronds. « J’croyais que tu appréciais ma cuisine, mais ça va. Te vexe pas. » lui dis-je alors qu’elle me déclarait qu’elle n’était pas suffisamment désespérée pour avoir besoin de moi et je soupirais en cachant mon regard triste quelques instants. Je la laissais partir quelques pas le temps de poser un carton. Puis, je m’arrêtais en réalisant qu’elle n’était plus là et je la voyais partir. D’un côté, j’avais envie de la laisser partir, mais pas de l’autre. C’est une force intérieure qui me prit par surprise et qui a fait en sorte que je courrais rapidement la rejoindre. J’attrapais sa mâchoire quelques instants en la regardant droit dans les yeux. « T’as peut-être pas besoin de moi, mais moi oui. » lui dis-je en chuchotant pratiquement la dernière phrase. Et comme pour réprimer toute phrase ultérieure, je posais mes lèvres sur les siennes pour l’embrasser passionnément. Pas avec une envie sexuelle, ce baiser c’était bien plus que ça. C’était de la passion, de l’intensité, des excuses, un profond mal être et encore plus. Après quoi, je relevais le regard vers elle. Je passais doucement un doigt sur sa joue. « J’ai pas envie d’encore perdre quelqu’un à qui j’tiens. » lui confiais-je alors. Mon père. Alana. Joshua. Aisling. Mon cœur ne le supporterait plus. Je reprenais ses lèvres en otage quelques secondes pour lui poser un nouveau baiser question de me sécuriser davantage, puis je me rappelais qu’elle était en couple. Je me reculais doucement en passant maladroitement la main dans mes cheveux. « Je... Je pense pas que Perry apprécie, tu sais. »

Pas une gamine ? Pourtant c'est ce qu'il venait exactement de sous-entendre en parlant de payer ses factures seul et d'aller travailler à l'heure. Alors quoi ? Il allait lui dire qu'il ne le pensait pas ? La blonde soupira, comme ça au moins ils étaient deux à la faire.
Evidemment qu'elle l'appréciait, mais il venait de beaucoup trop l'exaspérer, la vexer, la mettre en colère, la blesser pour qu'elle ne prenne pas mal la moindre de ses paroles.
La blonde avait fini par tourner les talons pour s'éloigner. Peut-être qu'elle en faisait trop, qu'elle était trop susceptible mais il n'y mettait pas du sien non plus. Elle ne fit pas attention aux bruits de pas qui se rapprochaient d'elle. Son cerveau était bien trop concentré sur sa colère, sur ce qu'elle était censé faire maintenant. Ne plus lui parler, plus jamais ? Soudain elle le sentit saisir sa mâchoire et son regard se perdit dans le sien pendant quelques secondes. Ses mots mirent un certain temps avant de toucher son cerveau, lui faisant l'effet d'un choc électrique. Elle ne le repoussa pas, elle n'en était pas capable. Ses doigts vinrent doucement glisser le long de son cou, répondant à son baiser presque timidement, de peur de casser quelque chose.
Elle n'avait réussi à articuler un seul mot entre ses deux baisers et même elle se sentait trembler. Il la troublait. Il arrivait à mettre le bordel dans sa tête en moins d'une minute, à mettre son cœur en vrac. Il lui faisait faire l'ascenseur émotionnel.

-Je...

C'était un début. Mais elle se rendait bien compte qu'elle était incapable d'exprimer quoique ce soit d'autre. Non ça ne plairait pas à Perry, sûrement pas. Mais est-ce qu'il ne faisait que des choses qui lui plaisait lui ? Se déculpabiliser comme ça c'était facile, trop facile. Ne voulant pas qu'il l'abandonne là, seule avec toutes ses émotions qui vibraient au fond d'elle, elle fit un pas en avant, autant qu'il en avait reculé, pour venir se glisser contre lui, enfouissant son visage contre son cou. Qu'est-ce qu'elle avait encore fait ? Qu'est-ce qu'elle était entrain de faire ? Est-ce que ça l'amusait de jouer avec les sentiments des gens ? Non, non, ce n'était pas ce qu'elle voulait.

-T'as pas le droit de me faire ça. De... de me faire ressentir ça et de me rappeler que j'suis qu'une pseudo-copine indigne.

Elle n'avait jamais voulu faire de mal à Perry, elle avait essayé de le protéger en le repoussant, parce que ça, ça avait toujours été la solution de facilité chez elle. Elle ne voulait pas faire de mal à Chase non plus, et pourtant lui, elle ne l'avait pas repoussé. Elle était tellement perturbée qu'elle sentait les larmes lui monter aux joues mais non, elle n'avait pas le droit de faire ça, elle n'avait pas le droit pleurer alors que c'était elle le monstre des deux. Elle avait voulu se protéger en réclamant à Perry le droit de lui être infidèle, mais fallait croire que ça, ça ne suffisait pas.

-Je veux pas te perdre non plus.

C'était pour ça qu'elle était là, parce qu'elle l'appréciait trop pour faire une croix dessus sans explications. Et maintenant son cœur battait fort, trop vite, parce qu'elle avait peur, de lui faire du mal, qu'il la repousse, de juste faire tout foirer, avec tout le monde.

Alors qu’elle tentait de s’exprimer, je l’en empêchais avec mes baisers. Et vu sa confusion, ça semblait fonctionner. J’avais peut-être un peu honte de moi quant à ma communication, mais ce n’était pas mon fort à moi, au petit génie. Je la regardais se rapprocher de nouveau alors que j’allais me reculer. Elle se glissait contre moi et mes bras ne pouvaient que l’entourer trop tendrement. Elle me disait que je n’avais pas le droit de faire ça Aisling alors que je lui rappelais la réalité et qu’elle était une pseudo-copine. Je soupirais doucement en passant une main sur mon front en la poussant vers mon crane en soupirant. « C’est plus que toi dans ce jeu, Ais... C’est toi, c’est moi... Et c’est lui. » Je lui adressais un sourire navré alors que je devais l’être beaucoup plus qu’elle. Elle me confiait qu’elle ne voulait pas me perdre et pourtant, c’était en processus. « Tu ne me perdras pas. » lui dis-je simplement en la regardant droit dans les yeux, de quoi y trouver une sincérité absolue. Je lui caressais le dos tendrement comme l’autre fois dans le lit à l’exception que nous étions debout. « Le truc Ais’... C’est que tu me plais. Et j’suis pas certain de bien savoir gérer ça. » Et voilà. Je l’avais dit, elle me plaisait. « Et j’ai beaucoup de pression dans la vie ces temps-ci... » C’était ma justification en lien avec l’aveu précédent. Le travail, la famille, les amours, les amis, les emmerdes...

Il ne semblait pas la repousser et ça la soulageait au moins un peu. Elle savait bien que maintenant il y avait plus qu'elle, plus que ses intérêts personnels à prendre en compte. Et pourtant elle avait toujours vécu comme ça. Elle n'avait toujours pensé qu'à elle. Elle avait toujours été égoïste et aujourd'hui elle n'avait plus le droit de l'être. Elle finit par lever les yeux vers lui.

-Je sais mais... c'est de ma faute.

Parce qu'elle était encore qu'une gamine inconsciente, parce qu'elle ne réfléchissait jamais aux conséquences de ses actes. Parce qu'elle s'était attachée alors qu'elle avait promit que ça n'arriverait jamais.
Elle sourit quand il lui dit qu'elle ne le perdrait pas, parce qu'elle le croyait, parce qu'elle lui faisait confiance. Elle sourit quand il lui caressa tendrement le dos parce qu'elle aimait ça, parce qu'il savait la rendre faible.

-T'as des goûts douteux en matière de femme tu sais.

Lui qui était adulte, lui qui savait ce qu'il voulait, lui qui avait des principes, comment pouvait-il s'attacher à elle ? Elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir de ne pas savoir le gérer, y avait qu'à voir comment elle se comportait pour comprendre qu'elle savait encore moins gérer ses sentiments et leurs conséquences. Elle n'était même pas capable de lui dire ce qu'elle ressentait. Doucement elle appuya sa tête contre son épaule, fermant les yeux l'espace de quelques secondes. Elle voulait rester prés de lui avant qu'il reparte ranger ses cartons.

-J'avais pas l'intention de mettre la pagaille dans ta vie.

Plus que celle qu'il semblait déjà y avoir. Redressant la tête, elle glissa ses lèvres contre les siennes, peut-être pour se venger de la confusion dans laquelle il l'avait plongé il y a quelques instants.

-Tu n'es plus fâché ?