noally ◊ help me build my nest

Cela faisait désormais un peu plus d'un mois que j'étais revenu à Bowen. Tel un boomerang ayant virevolté le long d'un parcours pour le moins écorchant, je remettais les pieds dans ma ville natale. Les deux premières semaines avaient été pénibles, difficiles, le goût amer d'échec persistant au fond de ma gorge, et une colère aux apparences intarissable grondant inlassablement au fond de mon être. Je devais l'avouer, j'étais arrivé à Bowen exténué, et cela autant physiquement que mentalement. Aujourd'hui, je devais à nouveau une fière chandelle à mes parents qui avaient su faire en sorte que je remonte la pente, au moins physiquement, notamment par les petites attentions de ma mère éternellement poule qui vouait de grandes parties de ses journées à prendre soin de ses proches.

Autant cela pouvait être complaisant d'être logé, nourri, blanchi sans réellement avoir à offrir quoi que ce soit en retour, mon orgueil et mon bien-être ne pouvait toutefois pas supporter que je m'éternise dans la même maison où j'avais grandi. Je devais regagner mon indépendance, et j'avais un plan : me trouver un appartement et l'aménager à mon goût. Y créer mon chez moi, dont l'intérieur m'appartiendrait de A à Z. Je ne dépendrais de personne, je ne partagerai rien avec qui que ce soit. Et une fois que mon compte en banque aurait regonflé, j'investirai dans ma future demeure. J'avais déjà tout dessiné, ce qui composait probablement une erreur, mais ce qui me permettait également d'avancer. Je bâtirai la maison de mes rêves, et qui sait, avec un peu de chance, je trouverai mon âme sœur sur la route. Pour l'instant, cependant, ce n'était nullement dans mes priorités.

J'avais emmagasiné mes cartons et sacs poubelle emplis de mes affaires dans la deuxième chambre de mon appartement. Mon téléphone en main, j'avais envoyé un texto à Ally, lui annonçant la nouvelle officiellement ainsi que lui donnant l'adresse de mon nouveau lieu de résidence. Désormais, je n'avais plus qu'à m'installer, ce qui m'enthousiasmait comme m'imposait une sorte d'appréhension. J'ignorais par où commencer, et l'idée d'avoir enfin une toile blanche devant moi me déroutait un peu. C'était sans doute stupide, mais tous les choix ici seraient les miens : où je mettrais mes verres, mes couverts, mes chaudrons. Quelle chambre je garderai pour moi et laquelle serait réservée aux invités et au chat que j'avais hérité de ma dernière relation. Je croisais les bras, analysant l'espace devant moi, un fin sourire étirant enfin mes lèvres. Douce liberté, douce indépendance.

J’avais reçu l’adresse par texto alors que je venais de sortir du bureau des banquiers concernant la galerie et surtout Head Ahead. Les nouvelles n’étaient guère satisfaisantes. ‘J’arrive’ avais-je simplement répondu au message texte. Après une dizaine de minutes à chercher mes clés dans mon sac à main, portefeuille et finalement mes poches, je me rendais à l’endroit. Je cognais à la porte du dit appartement en constatant qu’il y avait un écho déjà. J’entrais, après tout, j’étais chez Noah comme j’étais chez moi. « Wow, l’appartement. » soufflais-je alors que je m’y avançais davantage. Je regardais autour de moi en constatant les différentes pièces, les deux chambres et le chat qui s’y plaisait déjà. « Rappelle-moi, ton chat aime mon chien? » demandais-je alors que Cinnamon était récemment arrivée dans ma vie et n’avait jamais sans doute rencontré ce chat. « Tu as besoin d’aide avec la déco? Lily-Anaëlle, tu dois te souvenir d’elle. Elle est maintenant décoratrice d’intérieur. Elle serait mieux placée que moi pour t’aider là-dedans. Mais je crois que ton logis a un cachet. » Je lui faisais un petit sourire.  « Et tu sais qu’en attendant, si t’as pas envie de retourner chez tes parents, la porte de ma maison t’est grande ouverte? Surtout si tu trouves les clés... » Isaiah avait dit qu’il me collerait un double des clés aux fesses et je crois que c’était ce que ça prendrait tôt ou tard. « Oh! J’allais oublier! » Je sortais une bouteille de champagne de mon sac à main avec un grand sourire. « Parce qu’il faut bien célébrer, non? »

J'avais relativement pris mon temps à choisir cet appartement. En fait, je savais pertinemment que le lieu que je louerai, je le garderai pour aussi longtemps qu'il le fallait. Ainsi, il me fallait quelque chose de bien dès le début. Je n'allais pas m'amuser à déménager à chaque fois que je trouvais quelque chose d'un peu mieux. Il me fallait quelque chose de très bien d'emblée. Et j'étais quasiment certain d'avoir trouvé ce qu'il me fallait. L'appartement était situé au deuxième étage et je n'avais pas de voisin au-dessus de chez moi. J'avais une assez belle vue et surtout, l'appartement était lumineux. Le mobilier était de bois clair, tout comme le plancher. Ça me plaisait tout particulièrement. Ce n'était pas parfait, mais je m'y sentais déjà bien. Il ne me suffisait que de m'y installer.

Je m'étais occupé des divers branchements m'assurant électricité, télévision, Internet et gaz lorsque j'entendais toquer à ma porte puis celle-ci s'ouvrir. Je me doutais d'emblée qu'il s'agissait d'Ally que j'avais textée il y avait peu. Je la rejoignais juste à temps pour entendre ce qui semblait être son approbation. Je souris doucement lorsqu'elle évoqua son chien et répliquais : « Je m'inquiéterai plutôt pour ton chien. Elle est du genre à exaspérer les autres plutôt que l'inverse. » J'avais hérité d'un chat affectueux qui aimait plus que tout l'attention, peu importe la créature en face de lui. « Merci ! » répondis-je fièrement, alors qu'Ally m'avouait qu'elle pensait que cet appartement détenait du cachet. J'en étais sûr, et de toute façon, il le fallait bien, vu que je pensais y rester un bon moment maintenant. « Je pense que ça ira pour l'instant niveau déco. Je veux vraiment l'aménager de manière à ce que ce soit... » Je marquais une pause, balayant la pièce principale du regard. « 100% moi. Et tu me connais, je serais incapable de dire non à Lily-Anaëlle et ça finira sans doute très beau, mais pas de mes mains. Quitte à faire des erreurs de goût, au moins ça sera de moi. » Bon, après, je me rendais aussi compte qu'il y aura probablement aucune décoration et que cet appartement sera arrangé de manière à être pratique, et uniquement pratique. Mais ce sera une question pour plus tard. Chaque chose en son temps comme on dit, et d'ailleurs, Ally faisait déjà péter le champagne. Je ris doucement, avant de remarquer : « Ça a beau faire plus de vingt ans que je te connais, je m'habitue jamais vraiment à ton sens des célébrations. » J'attrapais deux verres, pas les meilleurs pour le champagne, mais déjà mieux que le plancher. « On va dire que ça fera l'affaire pour l'instant ! » Les deux verres remplis, on trinquait, et je prononçais sincèrement : « Merci d'être là, Ally. » Je m'appuyais sur le canapé, avant de demander : « Comment s'est passé ton rendez-vous avec les requins ? »

Pour moi, lorsque j’étais de retour à Bowen, c’était important de récupérer la maison de mon père. Mais après tout, ce n’était pas tout ce qui me restait de mon père? Enfin, qui je croyais être mon père... C’était tellement complexe ces histoires qu’elles me créaient presque une migraine chaque fois que j’envisageais y penser. En attendant, Noah semblait avoir été fin connaisseur pour son appart et c’était très bien. Il semblait nettement moins l’être pour son chat... Lorsqu’il me décrivait le comportement du félin, j’échapais un sourire. « Cinnamon est un ange, ton chat est très clairement le démon. Tu me rappelles son nom, d’ailleurs? » lui demandais-je alors que la bête mentionnée venait s’installer sur mes pieds. Je fronçais les sourcils. « Et c’est un chat, ça? » demandais-je, véritablement perplexe. Lorsque je relevais le regard, il refusait l’aide d’une décoratrice et j’opinais sagement. « Sage décision. Si tu as besoin d’aide, fais-moi signe. Je crois que tu sais où me trouver. » Et après tout, peut-être que je pourrais lui faire une toile spéciale pour lui ou même une sculpture! Il me sortait de mes idées de cadeaux en me disant qu’il ne s’habituait jamais à mes célébrations. « Hey! Et le prends pas mal, mais c’est pas le plus dispendieux du Liquor Store.  Mes finances sont maintenant comptées... » Elles l’avaient toujours été. Je n’étais pas très dépensière, bien au contraire j’étais sage et je cherchais les aubaines. La galerie avait été la seule folie que j’avais fait... Et Levi avait investi pour toute la galerie. C’était déjà quelque chose d’énorme pour moi et je souhaitais tellement lui remettre la somme. Je me mordillais les lèvres en pensant que je n’avais pas eu de ses nouvelles suite au séisme. Mon ami prenait deux verres et je les versais dedans perplexe. « Depuis quand tu ne bois pas à la bouteille? » demandais-je, clairement amusée. Je trinquais avec Noah qui me remerciait d’être présente. Je hochais la tête en levant mon verre. « Fidèle au poste, comme toujours. » confiais-je avec un petit sourire.

« Comment s’est passé ton rendez-vous avec les requins? » Je déglutissais. C’était une sacrée bonne question. « Disons que c’est pas tourné exactement comme je le pensais. » Je prenais une gorgée pour me mettre à l’aise. Puis une deuxième pour me donner du courage. « L’investissement requis pour la galerie, pour combler les dommages, je veux dire est vraiment énorme. Financièrement et physiquement. » C’était triste. Ça me rendait très triste en fait... Cette galerie était le rêve de ma vie qui était maintenant réduit à néant. « Et pour Head Ahead, tu sais que c’est l’organisme de mon copain... Je me suis renseignée et ça coûtera une véritable petite fortune pour tout remettre sur pied. Et rajoute les dommages physiques et les personnes décédées... Je crains que Concho abandonne le projet. » Je déglutissais et je buvais une nouvelle gorgée. Je savais pertinemment que Head Ahead comptait pour lui. Beaucoup. « Je crois que je vais consacrer mon énergie à remonter son projet. Rebâtir, Head Ahead. Et on verra plus tard pour la galerie. » confessais-je avec un petit sourire qui se voulait être un peu triste. Une femme amoureuse pouvait déplacer des montagnes. J’impliquerais également Sara dans le processus. « J’envisage garder uniquement le café de la galerie, il n’a subit que quelques légers dommages. Et ça me permettra d’avoir un revenu et de ne pas licencier Sara. » admis-je alors que mon regard honteux se portait sur le plancher.  

Un léger rire fila entre mes lèvres lorsqu'Ally m'assurait que son chien était un ange et que mon chat était tout simplement démoniaque. Honnêtement, j'aurais pu facilement penser comme elle il y avait cela quelques mois, avant que je ne possède cet animal de compagnie. Je n'avais jamais apprécié les chats, et je n'y avais jamais trouvé quelconque intérêt non plus. En réalité, le chaton était présent dans ma vie à cause de mon ex, et maintenant, c'était moi qui m'en occupait. Pas que je m'en plaignais ou autre, j'avais appris à aimer la bestiole, et sincèrement, à mes yeux, elle jurait avec l'image des autres félins que j'avais pu me faire. Elle était affectueuse et douce, alors que les autres chats que j'avais pu rencontrer avait toujours semblé vouloir m'entailler les veines. « Rosie » répondais-je, avant de proposer : « Un jour tu apporteras Cinnamon, et on verra bien comment ils interagissent. » Un fin sourire étira mes lippes alors qu'elle m'interrogeait sur le fait que mon animal de compagnie était vraiment un chat, ce à quoi je répondis, moi-même y connaissant peu en la matière : « Il faut croire. » Et jusqu'ici, il fallait l'avouer, s'occuper d'un chat était moins prenant que d'un chien. Nul besoin de sortir pour ses besoins.

J'expliquais mon choix de décoration à Ally, et hochais la tête lorsqu'elle m'annonçait que si j'avais besoin d'aide, je savais où la trouver. « Et vice versa, comme d'hab'. » assurais-je alors que le champagne coulait dans nos deux verres et que la jeune femme évoquait ses difficultés financières. « Tu m'as déjà vu prendre mal quelque chose du genre ? » c'était une question rhétorique. Depuis mon adolescence, j'étais plutôt du genre à favoriser la quantité à la qualité au niveau de l'alcool. Difficile pour moi de faire la fine bouche. Et honnêtement, j'y connaissais que très peu en champagne. Je n'avais jamais fêté avec ma famille l'obtention de mes diplômes, ça avait toujours été avec Ally. Elle était réellement l'experte pour marquer les événements positifs de ma vie, sinon, ils passeraient aisément à la trappe. Je ris doucement lorsqu'elle me demanda si je ne buvais pas à la bouteille. « Je conserve un peu de bonnes manières. Et sans blague, samedi dernier je suis sorti, j'ai peur d'avoir passé un cap. A peine un pack de bières, et j'étais dans un piètre état. Tu crois qu'au bout d'un moment on franchit un cap où on est beaucoup moins tolérant à l'alcool ? Ça ou on m'a intoxiqué, va savoir. »

Installé sur le canapé, je questionnais mon amie sur son rendez-vous décisif de la journée, tout en installant ma table basse afin d'améliorer le confort du moment. De toute évidence, il ne s'était pas très bien déroulé. Grimaçant doucement, j'articulais une fois qu'elle me donnait les dernières nouvelles quant à sa situation : « En tout cas, si tu as besoin d'un coup de main qui soit dans mes cordes, n'hésite pas. » Je buvais quelques gorgées, songeur. « Vous allez réussir à vous retourner. Tu sais ce qu'on dit, les vents tournent, même lorsqu'on se retrouve dans des situations dans lesquelles on ne sait pas du tout comment on peut se dépêtrer. Et tu sembles déjà sur la bonne voie. Et vous n'êtes pas seuls. » Il faut dire que malgré les mauvaises expériences, je n'avais jamais perdu de ma faculté à souligner les points positifs.

Il y a toujours cette compétition entre chien et chat. Toujours. Et évidemment, j’appartenais du côté canin de la chose! Ce qui m’avait poussé à adopter Cinnamon rapidement et cette bête, je l’aimais comme un enfant. Qui plus est, mon chien s’entendait très bien avec celui de mon copain... Bien que Gambo, le pug de Concho semblait l’aimer plus que de raison. J’apprenais peu de temps après que Rosie serait le chat avec qui Cinnamon partagerait sa vie. J’échappais un sourire alors que Noah me proposait d’amener mon chien et je hochais la tête positivement. « Pourquoi pas. Cinnamon ne fait pas de mal à personne. C’est un gros bébé qui ne demande que caresses, eau fraîche et plein d’amour! » Mes yeux pétillaient presque à parler de mon chien ainsi... C’était presque à se demander qui de Concho ou de ma petite chienne j’aimais le plus. Noah ne tardait pas non plus à me rappeler qu’il était dans le décor et que je pouvais compter sur lui. « Tu m’as déjà vu prendre mal quelque chose du genre? » Je levais les yeux au ciel, il avait raison. Ce n’était jamais arrivé. Les bulles présentes convenaient amplement à la situation. À ma question, il me répondait qu’il conservait un peu de bonnes manières et je pouffais de rire. Sérieusement? Nous devions sans doute avoir pris nos premières cuites ensemble et c’était loin d’être de bonnes manières selon mes souvenirs... Noah me disait qu’il avait passé un cap différent et je soupirais doucement en secouant la tête, comme si je ne parvenais pas à le croire. « C’est clair! Mais c’est la vieillesse, Noah et tu le sais autant que moi! » lui confiais-je un sourire moqueur tirait le coin de mes lèvres. J’étais l’aînée entre nous deux et je remarquais déjà les courbatures les lendemains difficiles... Les retournements de l’estomac. « Mais encore une fois, t’offusques pas, mais je ne crois pas qu’on t’ait intoxiqué. T’es croquable, no worries, mais... tu sais t’es un homme, t’es grand... Donc moins vulnérable. » C’était vrai. Avec son mètre quatre-vingt et mon mètre soixante, il y avait très clairement une différence.

Je m’installais près de lui sur le canapé en croisant les jambes pour la suite des évènements ou plutôt, pour la suite des confessions. Il était mignon à me proposer son aide, j’échappais un nouveau sourire rapide ponctué d’un haussement d’épaules. « Je sais pas trop ce que je vais faire... Ou plutôt, je sais ce que je vais faire, mais je n’ai pas encore envie de me l’admettre. » confiais-je ouvertement. Mon optimiste meilleur ami ne tardait pas non plus à tenter de me remonter le moral. « C’est juste que... J’ai travaillé si fort pour enfin avoir ma galerie et lui pour son organisme. Et c’est de refaire le travail en double. » soufflais-je un peu découragée par l’ampleur de la situation. « C’est de mettre une croix sur tout ce que j’suis arrivée à faire, sur toutes les batailles... De tout effacer pour retourner à 0 et reconstruire. C’est pas facile. Mais saches que j’apprécie ton soutien. » Je lui faisais un sourire puis je me raclais la gorge. « Et j’apprécierais que tu n’en glisses pas un mot à Concho... Il est à l’hôpital et avec les décès des deux employées, je crois qu’il en a déjà plein les bras. Mais je veux tout reconstruire pour lui. J’ai envie de le surprendre, j’ai envie de le voir sourire. Et je sais que je devrai m’armer de patience pour tout ça. » Je repensais à la construction de ma galerie d’arts et comment ça avait été difficile avec les hommes de construction. Je devais tout gérer, une main de fer dans un gant de velours, dit-on. Exactement. C’était l’image parfaite. « Et toi, tes prochains plans, c’est quoi? » lui demandais-je en cherchant à chasser le négatif.  

Un fin sourire étira mes lèvres lorsqu'Ally commença à décrire son chien comme un animal très affectueux. Je m'imaginais déjà avec deux animaux de compagnie aussi demandant l'un que l'autre en terme d'amour et d'attention. « Dans ce cas-là, je pense que le seul risque sera qu'ils deviennent jaloux l'un de l'autre. » Puis la conversation dérouta sur l'alcool et les capacités qu'on pouvait avoir à l'ingurgiter sans trop en pâtir. Je confiais à mon amie d'enfance ma dernière soirée, tout en élaborant un scénario un peu rocambolesque. Je ris doucement lorsqu'elle m'apprit qu'elle ne pensait pas que qui que ce soit ait voulu m'intoxiquer, n'y ayant probablement que très peu d'intérêt. « Oh tu sais pas, j'ai aussi des ennemis ici ! » Je plaisantais, bien sûr. Je n'estimais pas que qui que ce soit ait de telles fins à mon égard.

Puis Ally me délivrait son ressenti sur son rendez-vous avec les banquiers de cet après-midi. Je tentais de remotiver les troupes et lui faire voir le bon côté des choses, tout en assurant qu'elle bénéficierait toujours de mon aide dans la mesure du possible. Cependant, je savais pertinemment qu'Ally n'était pas insouciante et que c'était un gros challenge qui se présentait à elle. Un défi aux apparences même de crève-cœur, vu comment elle s'était investie dans son projet. « Je comprends ce que tu veux dire. C'est injuste ce qui s'est passé. Mais qui sait, peut-être que ça va te permettre de reconstruire tout cela et qu'en bout de ligne, tu vas dire que ce que tu as maintenant vaut plus que ce que tu avais ? La vie est drôlement faite, parfois il nous arrive des malheurs desquels on pense on ne peut rien tirer, et finalement, plus tard, on se rend compte que ça nous a permis d'obtenir quelque chose de mieux. » Je me relevais pour attraper des amuses-gueules et autres aliments à grignoter dans un des sacs de commission que j'avais été cherchés un peu plus tôt dans la journée. Je comptais résider ici dès aujourd'hui, quitte à vivre plusieurs jours dans un léger chaos. Je ne pouvais m'empêcher d'être surpris lorsque mon interlocutrice m'avoua qu'elle voulait tout reconstruire pour son homme, démontrant à quel point elle pouvait l'aimer en seulement quelques termes. J'avais perdu foi en l'amour, et j'espérais sincèrement qu'Ally ne finirait pas le cœur brisé comme moi. « Ne t'en fais pas, tu as ma parole. En tout cas, on ne peut pas dire que tu n'es pas amoureuse de lui. J'espère qu'il est capable d'en faire autant pour toi. » Je déposais les quelques sachets sur la table, laissant à Ally le choix de ce qu'elle voulait grignoter ou pas. « Pour l'instant, mon plan c'est de me stabiliser professionnellement. Je sais, étonnant, n'est-ce pas ? » J'avais accumulé les postes un peu partout, mon diplôme me permettant de travailler dans plusieurs entreprises et dans plusieurs domaines. Néanmoins, désormais, je désirais m'ancrer quelque part et devenir important. « Et économiser pour me construire une maison. »

« Tu crois qu’ils seront jaloux? » risquais-je un peu inquiète que Cinnamon ne me réclame ainsi. Puis, il ne tardait pas à me confier qu’il avait réellement des ennemis et je le regardais l’air de ne pas le croire, comme s’il se jouait de moi. Il n’en avait pas ou ça n’arrivait pas à la liste d’ennemis de Carmichael. Je me raclais la gorge pour plutôt m’en amuser. « On t’a jamais mentionné sur The Writers... On ne t’a jamais détesté dans les commentaires, n’est-ce pas? » lui dis-je en lui tirant la langue. Je lui tendais mon téléphone après être allée chercher la page internet où ils croyaient bon de relater la vie privée d’Ally Carmichael. « En parlant des Writers, tu crois que c’est légal, leur truc? »

Il sortait un bon nombre d’amuse-gueule que je ne prenais pas. En fait, si, je lui en piquais un ou deux morceaux. Il me disait qu’il comprenait, que c’était effectivement injuste et c’était exactement ce que je voulais entendre. Je voulais qu’il ne me plaigne, ne serait-ce qu’un instant. Mais, il poursuivait avec son optimisme, me disant que ça me permettrait de tout reconstruire et que ça vaudrait plus que c’était avant. Il avait raison, je m’impliquerais dans tout ça. Et peut-être qu’on pourrait construire un café ou un truc pour l’alimentation où je pourrais employer Sara. Mes idées bouillonnaient encore un peu. Il ne tardait pas à me dire que la vie était drôlement faite et j’approuvais par un signe de tête. « T’as peut-être raison. On verra bien la suite des choses. » lui confiais-je avec un petit sourire en me disant que bientôt, j’allais devoir travailler pour amasser cet argent durement gagné. Et je me disais que mes nerfs étaient encore bien aiguisés et peut-être qu’un contrat d’espionnage pourrait être intéressant. Après tout, peut-être trouverais-je des contacts après la saga Wheeler. Intéressant.

En attendant, Noah m’offrait son support en me disant que j’étais réellement amoureuse, ce qui me créait un petit sourire aux lèvres. « Tu sais, ça aurait presque pu être pour toi que j’aurais construit ça, il y a quelques années. » Effectivement, il savait que j’avais eu un crush sur lui lorsque j’étais adolescente, un peu après la saga de Woody. Il ne manquait plus que Nevaeh et j’aurais fait le clan complet... J’avais déjà embrassé une fille – Lexi – qui était maintenant décédée... Elle avait emporté le secret avec elle. Ça me rassurait d’un côté, mais de savoir son frère au courant, ça m’angoissait davantage. « Concho est capable d’en faire autant pour moi, sinon plus. J’en suis persuadée. » lui confiais-je avec la lueur d’amour qui traversait mon regard le temps de quelques secondes. Je regardais les grignotines sur la table et je me laissais tenter par un ou deux bretzels. Il me confiait qu’il souhaitait se stabiliser ce qui me faisait sourire. « T’as toujours voulu la stabilité, Noah. » lui dis-je en gloussant doucement. Ce n’était pas un nouvel aveu. Néanmoins, économiser pour construire une nouvelle maison.... Ça c’était clairement plus intéressant. « Tu veux réellement la construire? » lui demandais-je en me disant que c’était beaucoup de boulot. Je n’étais passée que par le processus de la rénovation, mais c’était déjà beaucoup pour moi. Peut-être même un peu trop. Je repensais à ces hommes de construction, me forçant à me sortir ça de mon esprit. « Et sinon, tout se passe bien dans toutes les autres sphères de ta vie? Tu as des nouvelles de Woody? » lui demandais-je en rougissant et baissant le regard dû à notre dernière rencontre.  

Je ris doucement devant la mine inquiète d'Ally lorsque j'évoquais la possibilité d'une jalousie naissante entre les deux animaux de compagnie, s'ils venaient à cohabiter. « C'est probable. » répliquais-je toutefois sincèrement, avant de plaisanter sur le fait que je puisse avoir des ennemis à Bowen. Pour avoir eu des gens me détestant à Sydney, je savais que ce n'était pas le cas dans ma ville natale. Ici, les habitants m'appréciaient pour la plupart, ou demeuraient de simples connaissances. Mais jamais je n'étais resté en mauvais terme avec quelqu'un assez longtemps pour pouvoir le cataloguer d'ennemi. Ally me démontra la page Internet de The Writers, ce qui me fit lever les yeux au Ciel sans discrétion. Je trouvais ce site prodigieusement ridicule, et le pire, c'est qu'il attirait beaucoup de monde, ce que désirait particulièrement les bourreaux qui se cachaient derrière ces ragots, insultes, et autres. « Je ne pense pas qu'on y ait déjà parlé de moi, je ne visite pas vraiment ce site, tu sais. » Je réfléchissais à la question de légalité, avant de lui confier : « Quelqu'un attaqué sur ce site peut facilement porter plainte pour diffamation ou atteinte à la réputation, ça c'est certain. Et après, j'imagine qu'il y a enquête pour découvrir qui est derrière ce site puis réprimandes. » Mais je n'étais pas non plus avocat, alors je me contentais de délivrer que les quelques bases en droit que j'avais appris ainsi que mes suppositions sur cette mise en scène.

J'acquiesçais doucement lorsqu'elle conclut qu'elle verrait bien comment évolueraient les choses pour l'affaire qu'elle souhaitait reconstruire, après le drame du séisme qui avait happé notre ville. C'était comme ça qu'il fallait voir les choses, je pensais. Je remarquais à Ally qu'elle devait énormément aimer Concho pour agir de la sorte et désirer lui apporter autant, ce à quoi elle me répondit que j'aurais pu être à la place de ce dernier. Je ris sincèrement, avant de prononcer : « Non, je ne pense pas. » Je ne me moquais pas des sentiments qu'avaient pu avoir ou pas Ally à mon égard, mais je n'avais jamais cru qu'on était fait pour être amants. Entre nous, il y avait une très forte amitié, et ça ne pouvait pas aller au-delà à mes yeux. Je l'avais pensé lorsque nous étions adolescents, je le pensais encore une décennie plus tard.

Je lui offrais un regard un peu suspicieux quand elle m'affirma que son homme pourrait en faire autant pour elle. Je voulais bien la croire, et c'est pour cela que je conservais mon silence, mais j'avais perdu totalement foi en l'amour. Je savais que quelqu'un pouvait être capable de mouvoir des montagnes pour la personne qu'il ou elle aime. Mais je savais aussi que l'amour était aveugle, idiot, et plus que de raison à sens unique. J'espérais de tout cœur que ce ne soit pas le cas dans le couple d'Ally. Je lui annonçais que je comptais me bâtir une maison ici, et souris doucement lorsqu'elle me demanda si je souhaitais vraiment la construire de A à Z. Là était tout le défi, justement. « Oui. » articulais-je doucement. Ça ne me faisait pas peur, je savais que j'en étais capable. « Tu veux boire quelque chose ? » lui demandais-je par la suite, me rendant compte qu'il n'y avait plus de boissons sur la table basse.

Alors que je m'orientais vers le réfrigérateur, je l'entendais me demander si j'avais des nouvelles de Woody. Mon cousin et moi vivions une passe plutôt glaciale depuis des mois. Je le regrettais un peu, et je comptais bien voir si l'on pouvait arranger les choses entre nous. « Pourquoi cet intérêt soudain envers Woody ? » interrogeais-je, taquin, avant de reprendre mon sérieux : « Non, je pensais aller le voir dans les prochains jours. » Je marquais une pause, avant d'ajouter : « Et puis sinon, tu sais grosso modo tout sur ma vie actuelle. » Je fronçais les sourcils, me stoppant quelques secondes. Il y avait bien quelque chose qu'elle ignorait, mais sans doute valait-il mieux que je ne lui en parle pas tout de suite.

« C’est probable. » « Tu aimes ton chat et j’adore mon chien alors chacun devrait y trouver son compte. » N’était-ce pas logique? Probablement pas. À ma mention de The Writers, il me disait qu’on n’avait jamais parlé de lui. Je riais doucement. « Toi non, moi oui. Il paraît que j’suis une garce qui vole les copains des autres. T’en dis quoi? » le questionnais-je, très clairement amusée par cette fausse réputation. À ma question sur la légalité, il me faisait donc opiner. Je n’avais pas de temps et encore moins l’énergie pour les détruire. Après tout, ça ne m’avait affecté qu’une fois avec Concho, exact? Ça avait crée un tourbillon d’émotions que nous avions détruit à néant. « J’aimerais tant que quelqu’un qui ait du temps s’implique dans ce genre de trucs et les mette à terre. » Mais ce n’était que rêveries après tout.

À mon commentaire, il le niait. « Roh, t’aurais pu me laisser dire des âneries plus longtemps! » Je lui donnais un gentil coup dans les côtes, un peu moqueur. « Toute façon, tu le sais, j’ai jamais été faite pour les Rutkowski! » Il devait le savoir à force. D’ailleurs, Noah me confirmait qu’il voulait véritablement se construire une maison. « Tu veux boire quelque chose? » « N’importe quoi d’assez fort pour me faire oublier ce que tu viens de dire. » Je riais doucement. « Tu sais que c’est un tas d’épreuves? Des tas de permis? » le questionnais-je en espérant qu’il réalise l’ampleur du travail mentionné. « Je m’imaginais pas que construire la galerie d’arts m’aurait tant demandé et pourtant... T’as aucune idée à quel point ça a été difficile. Mais si c’est-ce que tu veux réellement, alors je te supporte. Et je t’aiderai en cas de besoin. » J’étais relativement bien manuelle et je m’en sortais très bien avec ma maison, mais loin de moi l’idée d’en construire une. D’ailleurs, il se dirigeait vers le frigo comme pour éloigner le sujet. Il me questionnait concernant mon intérêt et maladroitement, je frottais ma chevelure rousse. Je n’avais pas eu le temps de répondre ou tout du moins, de trouver mes mots qu’il me disait qu’il irait le voir bientôt. Such an ass. Quoi que je valais pas bien mieux... « En fait, je voulais savoir si tu avais des nouvelles depuis qu’une fille lui a vomit sur les pieds à la plage. » Je me raclais la gorge en me disant que j’allais peut-être lui présenter des excuses. Oui, j’en étais à ce point. « Et puis sinon, tu sais grosso modo tout sur ma vie actuelle. » « Grosso modo? » Questionnais-je un fin sourire aux lèvres alors que je le regardais alors qu’il me cachait quelque chose. Si une année complète d’espionnage ne m’avait rien appris, je pouvais au moins détecter quand les gens mentent. « Dis-moi tout. » Aucune idée c’est à quel sujet, mais je sais que je dois le savoir bientôt.

J'observais Ally avec un air dubitatif lorsqu'elle me dit que le fait que nous aimions chacun nos animaux devrait régler la question de jalousie. « Si on ignore complètement l'animal de l'autre, sans doute. » finis-je par concevoir. Après, il était vrai que Rosie n'était pas spécialement possessive, j'avais déjà pris soin d'autres animaux alors qu'elle était là, et le pire qu'elle avait pu faire était de m'ignorer pendant quelques jours pour se venger. Toutefois, maintenant, elle supportait mieux l'idée de me partager avec d'autres animaux. J'ignorais comment Cinnamon réagirait dans cette situation-là néanmoins.

Je ris doucement lorsque mon amie de longue date m'avoua que The Writers la cataloguait de garce voleuse de petite amie. Lorsqu'elle me demanda mon avis sur la question, je répliquais sincèrement : « J'en pense que la personne qui a écrit ça est cruellement jalouse de toi. » Je demeurais toutefois songeur lorsque mon interlocutrice me confia qu'elle aimerait beaucoup que quelqu'un prenne le temps d'anéantir le petit jeu de The Writers. Cette personne ne serait pas moi, mais il était vrai que je trouvais ça curieux que personne n'ait décidé de vouloir prendre les choses en main pour que ce site soit fermé. Est-ce que les habitants de Bowen aimaient malgré tout lire les articles amers d'un individu aussi mauvais que pervers qui prenait un malin plaisir à donner son avis sur l'existence de certains ?

J'attrapais une bouteille de vodka lorsqu'Ally me répondit qu'elle souhaitait quelque chose de fort afin d'oublier mon aveu de vouloir me construire ma propre maison. Je ne voyais pas ce qu'il y avait de si abominable dans ce fait. Je l'entendais me mettre en garde contre la charge de travail, notamment administrative. Haussant légèrement les sourcils, je la rassurais : « Ally, je suis urbaniste. Je peux difficilement être mieux placé pour savoir tout ça. » Mon métier me procurait plusieurs atouts, car j'étais au courant de toutes les aides présentes à Bowen, et de tout le chemin administratif pour quiconque désirant bâtir quelque chose. J'étais même celui qui signait les permis après que chacun ait donné son accord. J'acquiesçais l'air reconnaissant lorsqu'elle m'offrir son soutien toutefois, avant que la conversation prenne la direction de mon cousin. Je ne pus m'empêcher de rire de bon cœur lorsque la jeune Carmichael me demanda si j'avais entendu Woody parler d'une fille qui aurait vomi sur ses pieds. Inutile de demander l'identité de cette charmante jeune femme. « Non, mais j'aime beaucoup l'idée de m'imaginer la scène. » taquinais-je, avant de revenir avec l'essentiel de l'apéro qui s'annonçait. De toute évidence, le champagne ne suffirait pas. Je soupirais doucement lorsqu'Ally perça le fait que je ne lui disais manifestement pas tout. Je savais que si je lui dévoilais les derniers actes de ma vie, une conversation que je ne souhaitais pas s'imposerait. Néanmoins, je savais aussi qu'à Bowen, tout finissait par se savoir, et que c'était sans doute mieux que j'étais celui qui mettait mon amie au courant, plutôt qu'un vulgaire inconnu déblatérant des ragots. « On va dire que si t'entends parler d'un mec qui a voulu refaire la décoration des toilettes des hommes du Elm Street à l'aide de son poing, sache que ce type, c'est moi. » Je lui offrais un rictus qui se voulait rassurant, avant de décapsuler ma bière d'un geste plus brusque que de raison.

« Si on ignore complètement l’animal de l’autre, sans doute. » J’opinais en ce sens. Et de toute façon, mon petit chien était l’être le plus précieux – enfin, celui s’approchant le plus d’un enfant dans ma vie. S’en suivait des personnes qui me détestaient le plus au monde – the Writers. Il pensait que la personne était jalouse de moi. « Jalouse d’une fille qui vole les copains des autres? » Je levais les yeux au ciel, c’était trop facile de dire ça. « Et en plus, y’a plein de filles qui me détestent maintenant parce qu’elles me craignent. » Je soupirais doucement. C’était amusant de lire ce genre de trucs sur les autres, mais moi... A taste of my own medicine, j’imaginais donc. À mon sarcasme concernant l’alcool, Noah ne tardait pas à sortir la bouteille. Je grimaçais dans mon fort intérieur alors qu’il me rappelait sa carrière. « Parfait. Je ne faisais que gentiment te rappeler tout le travail nécessaire. » Avait-il réellement besoin d’un rappel? Je m’en faisais quand même un devoir de le lui dire. Tout comme lui se faisait le devoir de se moquer de ma saga avec Woody. « Et j’me demande si je devrais pas enterrer la hache de guerre. Et la scène alcoolisée par le fait même. » Je mettais ma main contre mon front, souhaitant tant bien que mal d’oublier la scène et le mal de tête qui avait suivi. Ce mal de tête me quittait du moment que j’entendais ses prochains mots. Il me disait qu’il avait refait la décoration des toilettes des hommes au Elm Street. Je fronçais les sourcils, ce n’était pas dans sa nature. « Et pourquoi t’as fait ça? » Le questionnais-je en sachant que c’était inhabituel. Il ouvrait sa bière et je regardais ce verre d’alcool sous mes yeux que je buvais. « Tu devais être hors de toi. » concluais-je en connaissant sa nature trop calme.

Je fronçais doucement les sourcils lorsque Ally se qualifia de la fille qui vole les copains des autres. La jeune femme m'avait mis au courant de son aventure avec Levi, mais c'était bien la seule relation dont j'étais conscient qui avait supposé que la jeune femme ait couché avec un homme déjà en couple. Ainsi, j'interrogeais, reprenant sa formulation : « Les copains des autres ? Il y en a eu d'autres que Levi ? » La relation s'orienta par la suite sur mon projet de bâtir une maison, et je ris doucement lorsque Ally me répondit qu'elle se contentait de me rappeler la charge de travail que cela pouvait représenter, bien que mon métier était le meilleur aperçu pour cela. « Et c'est bien gentil. » lui assurais-je toutefois, avant que nous n'évoquions mon cousin Woody. Il fallait l'avouer, avec toutes ses relations, il fallait vraiment être quasiment toujours dans la vie d'Ally pour parvenir à comprendre son quotidien. Je réfléchis quelques instants quant à ses réflexions sur comment elle devrait agir avec le Rutkowski, et je finissais par concevoir : « J'imagine que c'est toujours mieux de pas se faire la guerre. » Puis, je lui avouais à contrecœur et de manière plutôt détournée mon mauvais épisode dans les toilettes du Elm Street. Un rictus étira mes lèvres lorsqu'elle me questionna sur les motifs de cette folie passagère et ajouta que je devais être hors de moi pour avoir agi de la sorte. En effet, je n'étais certainement pas moi-même. Ou en tout cas, je n'étais plus en contrôle de ma personne. « C'est le moins qu'on puisse dire. » consentais-je, avant de croiser le regard de mon interlocutrice et de lui livrer la raison de ma colère en deux mots : « Mon ex. » Je soupirais, avalais quelques gorgées de ma bière, et m'enfonçais dans mon canapé. « Ça me rendait fou de toujours penser à elle et j'avais beaucoup bu. » Je me demandais si l'emploi du passé ici était juste.

« Les copains des autres? Il y en a eu d’autres que Levi? » Je me raclais la gorge et je prenais une petite voix. « En quelques sortes, oui. » Je détournais le regard et bien que je n’avais pas envie d’en parler, je savais que le sujet viendrait à être abordé d’une façon ou d’une autre. « J’ai couché avec Nelligan. Quand il était avec Lola. » Je me retenais de lui dire la suite... Celle où il lui avouait la vérité et qu’elle lui confiait qu’elle était enceinte. Bordel que j’en avais mal. Je savais que lui et Lola s’entendaient plutôt bien d’ailleurs. On changeait de sujet alors qu’il me disait que c’était bien gentil de le lui rappeler. Je haussais les épaules, c’était bien normal de le faire après tout. « J’imagine que c’est toujours mieux de pas se faire la guerre. » « Ça et tu crois que Trump sera éventuellement ami avec Hilary Clinton? Ouais pareil. » Évidemment, rien n’était comparable. Woody n’était pas Trump et j’étais loin de faire compétition à Clinton. En attendant, on revenait sur le coup de colère de mon ami qui me disait que c’était relié à son ex. J’opinais et je l’écoutais sagement. Je soupirais doucement et je posais ma main sur son épaule. « C’est normal d’avoir mal après une rupture. Même après ce temps. » Une rupture était une sorte de deuil. Peut-être était-il encore à l’étape de la colère, après tout?! Je lui frottais gentiment le dos. « Mais plutôt que de refaire la décoration du Elm Street, t’as pas envie de venir avec moi faire un peu de sculpture? Ébénisterie? » suggérais-je gentiment. « J’ai même des trucs pour faire du dessin, de la peinture... Et un peu d’aide pour Head Ahead ne serait pas de refus. » lui admis-je alors avec un petit sourire. Ouais, j’aimais bien le Elm Street tel qu’il était, les poings de Noah encore plus.

Étonné, j’entendais Ally m’avouer qu’elle avait couché avec d’autres hommes en couple. Je fronçais les sourcils, intrigué de la situation. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi ma meilleure amie ressentait le besoin d’avoir des aventures avec ces hommes, surtout qu’ils n’étaient pas libres. Ensuite, je blâmais aussi ces derniers et me disaient qu’ils ne devaient pas aimer leurs copines de l’époque pour aller sous les draps avec une autre. « Je vois » répondis-je ainsi simplement, passant rapidement à autre chose, comme si elle venait de me confier qu’elle avait mangé une salade au fromage de chèvre à midi. Après tout, tout le monde avait été consentant dans ces histoires. Je ris doucement lorsqu’elle compara sa relation avec Woody entre celle unissant Donald Trump et Hillary Clinton. « Allons, tu parles de mon cousin quand même ici. Je suis sûr que vous pouvez trouver un terrain d’entente, si vous le souhaitez tous les deux… » commentais-je gentiment. Woody n’était pas un homme parfait, mais il était loin d’être un monstre, tout comme Ally. Avec de la bonne volonté, ces deux-là pouvaient enterrer la hache de guerre.

Embarrassé, je lui énonçais à contrecœur mon incident au Elm Street. Bien vite, mon interlocutrice se montrait compatissante, rassurant que c’était normal d’agir violemment après une telle rupture, bien que cette mauvaise énergie pouvait être exploitée ailleurs. Je soupirais, j’en avais tristement conscience. Un fin sourire se dessinait sur mes lèvres tandis qu’elle me suggérait des options d’activité. Une chose était sûre, Ally était toujours présente pour ses amis. Ce qui m’interpella le plus toutefois, ce fut lorsqu’elle évoqua l’aide qu’elle nécessitait pour le Head Ahead. « Tu as besoin de quoi pour le Head Ahead ? » interrogeais-je ainsi, mordant presque instantanément à l’hameçon.