I'll tell you my sins and you can sharpen your knife. ➽ Jake

Malou répondit par un sourire quand son interlocuteur lui dit qu'aller voir les aurores australes était une chose à faire dans sa vie. Noté, ce serait dans sa bucketlist. Mais cette liste de choses à faire avant de mourir était désespérément grande par rapport au budget ridiculement petit dont disposait la jeune femme aux cheveux de feu. Elle pouvait toujours rêver. Sait-on jamais, peut-être qu'un jour elle pourrait aller jusque là. Comme Jake le disait, le spectacle devait être indescriptible, au-delà de ce qu'on pouvait imaginer.

« Ça se voit. Que vous aimez votre travail. »

Remarqua Malou avec un sourire pétillant. Pour être aussi sympathique et prévenant, il devait vraiment aimer ce qu'il faisait. La rouquine aurait aimé pouvoir en dire autant, mais généralement, les prostituées n'aimaient pas plus que ça leur travail. Haha. Elle écouta les explications de Jake. Cela faisait quand même un certain temps qu'il travaillait ici, du coup ! Malou avait effectivement vu les affiches, mais elle ne prêtait pas plus d'attention que cela à ce genre de choses. Il s'agissait toujours de fêtes et autres célébrations, réunissant plein de personnes heureuses. Et la jeune fille n'aimait pas se mêler aux gens, elle préférait les éviter et rester dans son coin, elle n'avait pas vraiment d'amis. Bon, Jake serait peut-être l'exception.

« Bon anniversaire en retard. »

Fit la jolie rousse avec un petit sourire amusé. Elle se rendit bien vite compte qu'elle s'était aventurée sur un terrain glissant. Elle avait posé des questions au jeune homme à propos de son métier, il était donc normal à ce qu'il lui en pose en retour sur le sien. Chose à laquelle la jeune femme n'était pas préparée. D'habitude, elle n'avait pas honte de dire qu'elle était une pute. Elle n'en était pas fière, mais refusait de baisser les yeux devant l'attitude hautaine et dénigrante du commun des mortels avec les prostituées. Ici, elle mit un temps à répondre, un peu mal à l'aise, se réfugiant dans la fin de son café. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais elle n'avait pas envie que Jake découvre sa situation très précaire et ce qu'elle était obligée de faire pour joindre les deux bouts. Elle n'aimait déjà pas parler de sa vie aux gens, mais ici c'était différent. Ils avaient fini par avoir une conversation agréable et normale, elle se sentait à l'aise avec lui et elle avait peur de gâcher ça. Pas qu'il la jugerait forcément, elle avait rencontré des personnes qui ne jugeaient pas et se moquaient bien de ce qu'elle pouvait faire. Ou il y avait ceux qui la prenaient en pitié, chose qu'elle détestait même si cela partait d'un bon sentiment. Dans tous les cas, elle n'avait pas le temps de réfléchir et choisit l'option la plus simple : ne rien dire.

« Infirmière. J'ai commencé à travailler à l'hôpital de Bowen il y a peu. »

C'était la première chose qui lui était venue à l'esprit. Malou n'était pas une très bonne menteuse, mais elle savait s'en tirer. Infirmière, ça lui était venu parce que si elle le pouvait, c'était sûrement ce qu'elle ferait maintenant. Son rêve, plus jeune, était de devenir médecin dans un hôpital, elle ne savait pas quelle spécialisation. Désormais, vu son âge et sa situation, elle pouvait laisser tomber cette idée. Mais qui sait, si un miracle se produisait, elle pourrait faire des études et devenir assez rapidement infirmière, les études étant beaucoup moins longues que celles de médecine. Et puis, ça collait avec l'image que Jake devait avoir de son boulot : il la voyait débarquer à toute heure du jour et de la nuit, une infirmière a des horaires très changeants. L'hôpital de Bowen était grand et si elle n'y travaillait que depuis peu de temps, il était vraiment normal qu'elle n'y ait jamais croisé Jake, eût-il déjà eu besoin de se rendre à l'hôpital.

Et merde. Quelle était la probabilité que Jake ait une petite amie, qui travaille elle aussi en tant qu'infirmière, à l'hôpital de Bowen ? C'était sûrement son karma qui tentait déjà de la punir pour ce mensonge. Malou passa nerveusement la main dans ses cheveux, jouant avec une mèche couleur flamme. Mais son calvaire n'était pas fini car le jeune homme enchaînait déjà sur le sujet.

« Oh je... Je n'aime pas vraiment aller vers les gens, alors je ne connais quasiment personne à l'hôpital. Oui, ça a été très stressant. »

Ce n'était pas tout à fait un mensonge, la jeune femme n'étant effectivement pas très sociable. Et les gens allaient rarement vers elle vu qu'elle mordait à la première tentative. La rouquine ne savait toujours pas ce qui lui avait pris de mentir, surtout maintenant qu'elle se rendait compte qu'elle allait s'enfoncer dans un tissu de mensonges. Elle n'aurait jamais dû aborder le sujet. Elle n'aurait même jamais dû répondre positivement à l'approche de Jake. Il était gentil et elle s'en voulait de penser ça, mais les choses étaient plus faciles quand on restait dans son coin d'ombre et elle en avait la preuve pour le moment. Surtout quand Jake poursuivit en mentionnant qu'il passait parfois à l'hôpital et qu'ils pourraient éventuellement se croiser un jour. Putain, merde merde merde merde merde. Malou se mordit la lèvre qu'elle se concentra à fendre en un sourire.

« Oh oui, je vois ! Ça pourrait être sympa, mais je... »

Malou n'eut pas le temps d'aller au bout de sa prestation de théâtre. Elle s'interrompit au milieu de sa phrase, un éclair de panique dans le regard. Un client était entré dans la boutique, dans le dos de Jake, et malheureusement ce client était aussi celui de Malou. De cette nuit. Il la reconnut immédiatement, se préparant déjà à aller vers elle. "Hey, salut toi ! Quelle coïncid..." Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase non plus, la jeune femme avait déjà pris son manteau sur le bras et son sac à main, prenant rapidement congé de Jake.

« Désolée, il faut vraiment que j'y aille. Merci pour tout. »

Souffla-t-elle au pâtissier d'une voix rapide, remettant la chaise en place en toute hâte et passant à côté du client en coup de vent pour enfin sortir dans la rue. La porte ne s'était même pas encore refermée que Malou était déjà dix mètres plus loin, la tête baissée vers le sol, marchant d'un pas vif, paniquée à l'idée que les deux hommes discutent de cette sortie de scène étrange. Karma is a bitch. Ouais, pour le coup c'était vraiment ça. Malou ne ralentit qu'une fois qu'elle fut presque arrivée à son appartement, où elle pouvoir s'effondrer sur son matelas et dormir.