I screwed up (Ryder)

Sa tête est un immense bordel. Il n'est plus capable de penser, plus capable de réfléchir, et il sait encore moins ce qu'il est censé faire avec le tournant soudain que vient de prendre sa vie. Totalement déboussolé, Ezra toque trois coup à la porte de Ryder. Il ne sait même pas si il aura le courage de lui parler, de déverser tout ce qu'il a sur le coeur, mais il sait au moins que son ami est toujours très doué quand il s'agit de lui remonter le moral. La porte finit par s'ouvrir au bout de quelques secondes. « Hey, je te dérange pas ? » Il vient de réaliser qu'il commence à se faire tard, et qu'il n'a même pas prévu qu'il venait. Lui qui a pourtant toujours été doué pour cacher ses sentiments, il est facile de voir qu'il n'est actuellement pas en grande forme. Il a le teint pâle, des cernes sous les yeux, les joues creuses. Il tente de sourire, mais n'arrive à offrir à Ryder qu'un pauvre rictus peu convainquant. Ses mains plongent dans les poches de sa veste en jeans et il attendant que Ryder le fasse entrer, ou le rejette. Dans ce cas-là, Ezra ne sait pas ce qu'il ferait. Il n'arrivera pas à dormir, et finira sûrement dans un bar seul, comme un pauvre alcoolique, à noyer ses pensées incontrôlables.

La journée était bien tranquille pour moi. J'avais passé mon après midi à étudier le script que m'avait donné Arthur, pour pouvoir voir ce que je pouvais faire des plans avec les scènes proposées. Mais au bout d'un moment je commençais à saturer d'avoir fait ça tout l'après-midi, j'avais des feuilles partout dans le salon, à étudier comment j'allais faire. Une bière près de moi, je m'allumais une cigarette pour me décontracter. Et c'est alors que quelqu'un frappa à la porte. Je ne savais pas qui c'était mais cette personne venait de me sauver de mon ennui total. J'ouvrais la porte, la cigarette au bec et je trouvais mon ami Ezraël planté là.

"Tu ne me dérangeras jamais mon pote !" dis-je avec un sourire à mon ami.

Mais il avait l'air mal, les joues creusées, le visage perdu et des cernes interminable. Je ne pouvais pas le laisser comme ça, et en plus de ça, il devait avoir envie de parler à quelqu'un s'il s'était pointé chez moi comme ça. Je me mis derrière la porte pour le faire entrer et je fermais après qu'il soit passé. En le voyant comme ça, je commençais un peu à m'inquiéter.

"Mec, qu'est ce qui t'arrives ? Ca va ?" demandais-je un peu inquiet à Ezra. "Tu veux quelque chose à boire ?" continuais-je en esquissant un sourire à mon ami avant de reprendre une bouffée de ma cigarette.

Des nuits qu'il dort mal. Des nuits passées à se retourner dans tous les sens, à étudier toutes les possibilités et surtout, à éviter à peu près tout le monde de son entourage. Sauf que là, la solitude le pèse. Il a besoin d'un avis extérieur, de quelqu'un qui pourra le conseiller, l'aider à y voir un peu plus clair. Ryder lui propose quelque chose à boire et Ezra s'empresse de hocher la tête. « Je veux bien, si t'as quelque chose d'assez fort pour me remettre d'aplomb. » Il rit, sauf qu'il a du mal à ne pas laisser entendre la détresse dans sa voix. Le regard perdu, il jette un coup d'oeil à la cigarette de Ryder. Ezra n'a jamais fumé, c'est une idée qui ne lui a même jamais traversé l'esprit. Pourtant, il a l'impression que ce soir, n'importe quel remontant serait le bienvenu. Il finit par aller s'asseoir dans le canapé du salon, attend que son ami soit de retour, puis lève les yeux vers lui. « J'ai fait une connerie, » lâche-t-il en jouant nerveusement avec la manche de son gilet à capuche. « Enfin, c'est pas vraiment une connerie, mais c'était absolument pas prévu. Et je sais pas comment gérer ça. » Son regard s'affole, se posant sur à peu près tous les objets présents dans la pièce.

Mon ami avait l'air dans un sale état, ça m'étonnait de le voir comme ça car d'habitude, il était du genre tout sourire et tout enjoué. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, alors je le laissais entrer. Il avait surement besoin d'un ami à qui parler, alors je lui serais d'une bonne oreille ou du moins j'essayerais. Il était hors de question qu'il soit dans le même état en sortant de mon appartement. Alors, je lui proposais un petit remontant et il me demanda quelque chose d'un peu corsé pour le remettre sur pieds. Je traçais dans ma cuisine assez rapidement pour pouvoir nous servir à boire et j'optais pour deux verres de whisky, le meilleur des remontant. Ensuite, je retournais dans le salon pour lui apporter son verre et m'assoir à côté de lui dans le canapé.

"Qu'est ce que tu as fais Ezra?" demandais-je à mon ami après qu'il m'ait dit avoir fait une connerie.

C'était pas son genre de débarquer comme ça sans prévenir, ça ne me dérange pas mais ça m'inquiète. Alors j'attendais sa réponse en prenant une première gorgée de mon verre de whisky.

Déjà, rien que de le savoir là pour lui suffit à le soulager d'un poids. Au moins Ezra n'aura pas à supporter ça seul. Il a failli pourtant, il a eu envie pendant un temps de tout garder pour lui, mentir quand on lui demandera si tout va bien, se contenter d'un "oh la routine" quand on le questionnera sur les nouveautés de sa vie. Et pourtant, ça en est tellement loin. Alors que Ryder lui sert un verre, il prend le sien entre ses mains et laisse l'odeur de l'alcool fort monter jusqu'à ses narines. Ezraël n'a jamais été très familier avec l'alcool fort. Il s'est souvent contenté de bière, parfois spéciales pour les grandes occasions. Mais là, il sent qu'il peut en avoir besoin. « Merci, » dit-il simplement avant de boire une gorgée qui vient lui brûler l’œsophage. Allez, parle. Les mots restent calés dans sa gorge. Il a l'impression que les dire tout haut rendrait la situation trop réelle. Mais pourtant, au bout de quelques secondes à faire tourner son verre entre ses doigts, il finit par se lancer. « Y a une fille avec qui j'ai... Enfin, on a... Voilà. Et... » Il inspire, puis pousse un soupir avant de lever vers Ryder un regard rempli de détresse. « Elle est enceinte. » De lui, évidemment. Il a fallu d'une fois, d'un seul écart, une seule soirée et le voilà, Ezra, destiné à devenir père. Pour encaisser le choc, il boit une nouvelle gorgée, plus longue, et grimace à la chaleur de l'alcool.

Nous étions assis, tous les deux sur le canapé et j'attendais de savoir ce que mon ami voulait me dire mais se ne devait pas être facile à dire. Alors j'attendais le moment qu'il allait choisir, on aurait pu rester là toute la nuit à ne pas parler mais je voulais être là pour lui. Il commençait à boire, doucement et tranquillement. Ca y est, il se lançait. Mon ami Ezra m'avoue alors qu'il avait couché avec une fille, mais il n'osait pas continuer et je m'attendais au pire. Et je pense que je savais ce qu'il voulait me dire mais je ne voulais pas que ce soit ça. Malheureusement si, cette fille est enceinte de lui. J'en restais bouche bée. Mon verre allait tomber de mes mains quand il m'annonça la nouvelle mais je ne savais pas comment réagir. Alors je posais une main sur son épaule.

"Mec, je ... Cette fille, tu la connais bien ou pas ? Je veux dire... Tu sais si elle va le garder ?" demandais-je naïvement à mon ami.

Dans ce cas là, je ne sais même pas comment moi même je réagirais face à une telle nouvelle. Alors je comprends tout à fait pourquoi il est comme ça et pourquoi il avait tant besoin de parler à un ami. Certes, je ne serais peut-être pas de bons conseils mais je serais toujours une bonne oreille.

La question que lui pose Ryder lui semble sans réponse. Petit à petit, Ezra se recrée toute la scène de l'annonce. Thiago assise dans l'herbe, face à un pic-nique parfaitement préparé. Elle qui lui demande si il veut des enfants, lui qui répond ne pas en être vraiment certain. Puis bam, le plot twist. Il déglutit, s'accrochant à son verre comme à une bouée de sauvetage. « Je sais pas. » Il tourne la tête vers Ryder. « Mais je veux pas qu'il meurt. C'est un bébé, pas un objet qu'on peut simplement jeter. Puis, c'est le mien. » Sa gorge se noue, et il prend une autre gorgée de son verre pour s'empêcher de laisser la tristesse l'envahir. « Tu trouves sûrement ça bizarre comme réaction, peut-être même totalement irréfléchie. Mais maintenant qu'il est là, j'ai l'impression que j'en ai la responsabilité. Je peux pas le laisser se faire tuer. » Bien qu'il réalise que ce fameux enfant n'est pour le moment qu'un minuscule petit haricot dans le ventre de Thiago, Ezra en devient malade de l'imaginer en train de se faire découper en morceaux. Sauf que comment pourrait-il s'occuper d'un enfant alors qu'il n'est même pas capable de s'occuper de lui-même ?

C'était une chose compliqué à avaler. Je ne me voyais pas à sa place, c'était quelque chose à laquelle je n'avais jamais pensé que ça pouvait m'arriver alors je ne sais pas comment je réagirais à sa place. Mais mon ami avait besoin d'aide, il avait besoin de conseil et surtout d'un ami alors je voulais qu'il sache que j'étais là pour lui quoi qu'il arrive. Malgré mes conseils nuls, je voulais le consoler. Alors Ezra m'expliqua qu'il ne savait pas ce qu'il voulait et qu'il imaginait déjà ce petit bout grandir dans le ventre de cette fille. Il ne voulait pas à avoir à le détruire, à le tuer. Il s'imaginait déjà père de cet enfant, alors il avait peur de le laisser échapper.

"Non, je trouve pas ça bizarre. C'est tout à fait normal de penser comme ça, tu as une énorme pression sur les épaules et c'est normal, mec. Il faut que tu te poses, et que tu fasses une liste des points positifs et négatifs à propos de cet enfant. Ca va être dur, mais on peut en parler si tu veux, j'serais toujours là pour t'aider, tu sais ?" annonçais-je à mon ami avec un sourire.

Il n'avait pas à faire ça tout seul, et je voulais l'aider et qu'il se sente en confiance avec moi, qu'il sache qu'il pouvait me parler de tout. C'était mon ami, un très bon ami et je ne le laisserais pas tomber.

Évidemment, il ne mentionne pas tout. Ezra ne sent pas encore capable de parler à qui que ce soit de son histoire avec Devan, du fait qu'il pourrait être potentiellement bi, ou gay, ou il ne sait quoi d'autre. Et puis, il doit bien avouer que pour le moment, il pense plus à Thiago qu'à lui. Il se remémore cette journée où elle lui a annoncé la nouvelle, où elle s'est mise à pleurer avant de se plaindre de douleur au ventre. Actuellement, c'est le sien qui est totalement en vrac. En entendant les mots de Ryder, Ezra a l'impression qu'enfin, une halo de lumière vient éclaircir son obscurité. Et d'un coup, toute cette tension qui lui endolorit les épaules s'échappe doucement. Un fin sourire vient même étirer le coin de ses lèvres, et il termine le fond de son verre avant de le poser sur la table devant lui. Ezra s'appuie sur le dos du canapé et se tourne vers Ryder. « Merci, vraiment. Je penses pas que tu réalises à quel point ça compte pour moi. » Il sourit à nouveau puis pousse un léger soupir. Assez parler de lui. Même si sa tête est encore en bordel total, il a besoin de s'accrocher à autre chose et d'enfin penser à du plus positif. « Je m'excuse d'avoir déboulé comme ça, comme une furie. Je t'ai même pas demandé comment toi tu allais. » Il lève les yeux vers son ami et lui accorde toute son attention, arrivant à doucement se calmer.