lennox ∇ allez viens j't'emmène au vent, je t'emmène au-dessus des gens (hot).

Les gémissements d’Andreas brisaient le silence environnant, ne se souciant guère de qui pourrait les entendre puisqu’ils étaient si éloignés dans leur petit chalet que ça ne risquait pas d’arriver. Lennox ne tarda pas à le rejoindre, trouvant son plaisir dans l’acte. Pour le moment, mis à part le corps masculin de son amant, l’expérience était très similaire à celle vécue avec une femme. Lennox découvrait en douceur les joies de l’homosexualité, ne voulant pas plonger tête première dans l'inconnu puisque, tel qu’il se connaissait, il pourrait y aller trop vite et gâcher ce qui s’annonçait précieux. Il se concentrait donc sur ses sensations mais aussi sur le corps nu d’Andreas, question de s’habituer à cette vision lorsqu’il ferait dorénavant l’amour. Et quelle vision ! Ses muscles se contractaient sous les mouvements du notaire mais aussi sous le plaisir qu’il semblait ressentir lui aussi, même si Lennox ne se l’expliquait pas encore. À chaque baiser, le notaire restait encore surpris par les poils de la barbe de l’homme qui chatouillait sa peau, ce à quoi il n’avait pas encore l’habitude non plus. Puis, les paroles d’Andreas qui furent entrecoupées de gémissements eurent l’effet d’une bombe des plus explosives. Il l’aimait, qu’il venait de lâcher sans prévenir, alors que Lennox faisait des vas-et-viens en lui de plus en plus rapides. Évidemment, suite à ces mots, la cadence ralentit, Lennox étant surpris par ce que son amant venait de lui dire. Pourtant, le trentenaire était le pire des cœurs d’artichaut, il avait lui-même dévoilé son amour pour Lou alors qu’ils se connaissaient à peine. Et c’était sans doute là le blocage. Il s’était si vite attaché à Lou, pour être blessé tout aussi rapidement. Et elle venait à peine de mourir. Lennox ne pouvait pas, pour le moment, gérer de nouveaux sentiments amoureux. Même si ce qu’il ressentait envers Andreas s’en rapprochait dangereusement, et qu’il aurait sans doute répondu moi aussi dans des circonstances différentes, là, Lennox ne le pouvait pas. Pas alors qu’il avait enterré sa fiancée quelques jours auparavant. Pas alors que la souffrance était encore bien trop vive. Pas alors que tout était encore si nouveau pour lui, dans l’amour envers un homme. Andreas s’était recouché sur le matelas et, visiblement lui-même gêné par ses propos, s’excusa entre deux gémissements, puisque bien que Lennox ait baissé le rythme, ne s’était pas retiré de lui. Il le regarda un moment, interdit, ne sachant pas quoi répondre, avant de finalement retirer son sexe et de se reculer … pour faire pivoter Andreas et le retrouver à quatre pattes devant lui, d’où il recommença la pénétration, une vue sur le dos de son amant. La vérité était qu’il n’aurait pas pu continuer à lui faire l’amour tout en sachant son regard posé sur lui après ces paroles. Lennox n’arrivait pas à gérer, alors il préférait fuir, d’une certaine façon. Il atteignit l’orgasme quelques minutes plus tard, s’empressant de le faire, se concentrant pour y arriver. Il se retira d’Andreas et se coucha à ses côtés, laissant son amant en reste. Il n’avait pas su continuer. Le souffle court du rythme effréné à laquelle il avait terminé sa course, Lennox fixa le plafond un moment, avant de réaliser son égoïsme mais aussi la situation. Il tourna la tête vers Andreas. « Je m’excuse … je ne m’attendais pas du tout à ça. Ça m’a pris par surprise … » Il passa une main dans ses cheveux, en sueur. Il soupira discrètement. « Andy … j’ai encore besoin d’un peu de temps … » Pas pour vivre leur relation, pas pour lui faire l’amour, pas pour lui tenir la main et l’embrasser ici alors qu’ils étaient cachés. Mais du temps pour retomber amoureux, et pire encore réapprendre à aimer, à aimer de la bonne façon.

Andreas fuyait son regard, et avait les yeux tourmentés. Lennox le regardait, dans l’espoir de pouvoir attraper ses yeux une seconde et lui montrer toute la culpabilité qui régnait dans les siens, mais au lieu de ça, le norvégien se leva et annonça qu’il allait se doucher. « Andy, attends … » Mais il était déjà parti, filant vers la salle de bain sans rien prendre au passage. Lennox s’était relevé, une main relevée, mais il la laissa lourdement retomber en attendant la porte se refermer fermement. Il ramena ses genoux vers lui, posa ses coudes sur ceux-ci et enfoui sa tête entre ses mains. « Putain de con. » Il avait paniqué, avait réagi comme le pire des égoïstes et des salauds, prenant Andreas par derrière comme s’il avait honte de le regarder dans les yeux. Pourtant, ce n’était pas du tout ça. Il avait eu peur, peur des sentiments d’Andreas mais surtout peur de ses propres sentiments qu’il ne savait pas s’expliquer encore. Il se sentait tellement horrible envers Lou, peu importe où son âme se trouvait maintenant, peu importe si elle pouvait le voir de là où elle était ou si elle n’existait tout simplement plus. Rien que pour sa mémoire, Lennox avait l’impression d’être un traître. Alors de se sentir tomber amoureux d’un autre, ça lui donnait l’impression d’être dégueulasse, de ne rien valoir. Sa culpabilité se décuplait maintenant qu’il avait également l’impression d’avoir cette image auprès d’Andreas. Il l’aimait, lui aussi, putain, que les paroles du norvégien aient été sincères ou pas, dites dans le feu de l’action ou réfléchies, il s’en fichait, elles étaient sorties d’entre ses lèvres et ça voulait dire quelque chose. Lennox n’avait pas su comment réagir et sa réaction avait sans doute été la pire. Il l’avait réduit à un simple objet dans lequel Lennox avait assouvi ses désirs trop longuement contenus en lui. Après avoir versé quelques larmes de honte, de honte envers lui-même, et d’une tristesse inégalée, Lennox se releva du lit. Il enfila ses caleçons et son chandail, et alla vers la salle de bain. Il cogna trois fois. « Andy … je peux entrer ? S’il-te-plaît ? » Aucune réponse, seul le bruit de l’eau qui coulait sans doute sur son corps se rendait jusqu’à lui. Il tenta d’ouvrir la porte, mais réalisa bien vite qu’Andreas l’avait verrouillée sur son passage. Sa gorge se noua, et il baissa la tête, appuyant le dessus de celle-ci contre la porte. Dans un murmure, il dit : « Je suis désolé. » Puis, relevant la tête, il le répéta un peu plus fort. « Je suis désolé, Andy. » Toujours rien. Il soupira et s’éloigna, laissant à l’homme le temps et l’espace dont il avait visiblement besoin. Il poussa la porte menant à l’extérieur, et se dirigea vers le quai, pour aller s’asseoir au bout de celui-ci, fixant le lac sans vraiment en saisir la beauté. Il avait perdu celle d’Andreas, et c’était tout ce qui le préoccupait. Le cœur serré, Lennox laissa ses pieds bouger doucement dans l’eau, alors qu’il disait à voix basse : « Je suis désolé, Andreas. J’ai paniqué. J’ai agi comme un idiot. Pardonne-moi. » Il pratiquait le discours qu’il rentrerait lui donner dans une dizaine de minutes, si le norvégien était sorti de sa cachette à ce moment-là. « Je t’aime aussi ? » S’essaya-t-il, peu convaincu de comment les mots sortiraient, même si au fond il les savait vrais. Il n’avait pas paniqué pour rien, Lennox. Il avait été placé devant le fait accompli sans y avoir été préparé.

En entendant la porte s’ouvrir et les pas d’Andreas s’approcher, Lennox cessa de faire son théâtre en récitant les lignes qu’il se préparait au fur et à mesure. Il essuya les larmes qui perlaient encore au coin de ses yeux et fit mine d’être seulement perdu au beau milieu de la nature, alors que c’était en lui-même qu’il était complètement perdu. Le norvégien s’assit à côté de lui, sur un quai d’une largeur qui ne permettait pas beaucoup de distance entre eux. Et heureusement. Il y en avait déjà assez comme ça. Leurs yeux étaient rivés sur le lac droit devant eux, comme s’ils essayaient d’y déceler une route qu’ils pourraient emprunter sans avoir à dire quoi que ce soit. Mais aucun mirage n’apparut, parce que la vie n’était pas un long fleuve tranquille dans lequel on pouvait se laisser porter. Il fallait savoir créer ses propres courants, suivre sa propre vague. Lennox tourna finalement la tête vers Andreas. « Je suis désolé, Andreas … J’ai paniqué … J’ai agi comme un idiot. Pardonne-moi. » Il répéta exactement les mêmes mots qu’il avait prononcé à lui-même quelques minutes plus tôt, pensant qu’il s’agissait des meilleurs dans la situation. Le problème était que là, il ne laissait pas parler son cœur, il laissait parler le robot en lui qui avait pensé ces paroles au moment où Andreas se trouvait toujours sous la douche. Là, Andreas était à côté de lui, et ça changeait tout, au final. Lennox soupira doucement. « Tu sais … avec Lou … on était fiancés. » Il ne se souvenait même plus s’il avait mentionné ce détail à Andreas. Enfin, détail, pas vraiment. C’était même un très grand morceau de l’histoire de Lennox. La seule femme à qui il avait été fiancé. La seule femme avec qui il s’était imaginé un avenir. « Elle était la femme que j’imaginais marier, avec qui je comptais fonder une famille. » Expliqua-t-il. Il voulait qu’Andreas le laisse terminer, parce que Lennox se lançait rarement dans de telles confidences. Ça lui prenait tout ce qu’il avait. « Et même si ça n’allait pas bien, entre elle et moi, même si au final, je ne croyais plus vraiment en nous … il reste que tout ce monde-là que je m’étais imaginé, il a été réduit à néant le jour de sa mort. » Et ce jour-là était encore tellement récent. Un mois ne s’était pas encore écoulé depuis et le voilà qui passait le week-end dans les bras d’un autre homme. « J’ai mal, Andreas. J’ai tellement de peine … Si je te dis tout ça, c’est parce que … je veux que tu saches que … que si j’ai réagi de cette façon, c’est parce que j’ai pris peur. J’ai pris peur parce que je m’attache à toi, moi aussi. Je tombe amoureux et ça me fout la frousse parce que ça arrive tellement vite et je sais pas comment gérer. Et t’as rendu ça tellement concret … j’ai fait le con, peut-être pour gagner du temps, peut-être pour te faire fuir, inconsciemment. » Il eut un petit rictus, même si l’humour n’était pas au rendez-vous, pour ensuite ajouter : « Si c’était ça le plan de mon subconscient, il a gagné. » Il soupira de nouveau. « Est-ce que tu me pardonnes ? » Demanda-t-il. Il aurait voulu le lui dire, qu’il l’aimait, comme il l’avait répété avant son arrivée au quai. Mais ce n’était pas le moment, trop d’incertitude tremblait dans sa voix quand il prononçait ces mots à voix haute. Quand il les dirait à Andreas, ce serait avec conviction, passion et surtout, avec amour.

Quand, d’une voix de détresse mêlée à la culpabilité, Lennox avait demandé à Andreas s’il lui pardonnait sa réaction déplacée, il ne s’attendait pas à une réponse négative. Jusqu’à maintenant, le norvégien s’était montré des plus compréhensifs vis-à-vis de l’attitude de Lennox. Il avait été prêt à l’accepter comme il était, sous toutes ses coutures déformées. Malheureusement, le notaire sembla avoir franchi une limite dans ce qu’Andreas était capable d’accepter. En si peu de temps, il avait déjà blessé l’homme au point de ne pouvoir recevoir son pardon. Lennox baissa les yeux, s’imaginant déjà regagner Bowen en levant son pouce en l’air sur le bord de la route, attendant que quelqu’un daigne le ramasser au passage, tel le déchet qu’il était. C’était ainsi qu’il se sentait, alors il n’osait même pas imaginer comment Andreas s’était senti, lui, quand Lennox avait fait de lui un animal. « Arrête, c’était pas du tout mon intention, Andreas. T’as énormément de valeur pour moi, peu importe quand je te blesse ou quand je suis à la hauteur … t’as de la valeur dans tous les moments … » Ce n’était certainement pas assez pour le réconforter, ces paroles-là elles ne valaient rien, contrairement à tout l’amour qu’il portait pour l’ambulancier mais qu’il était incapable de lui transmettre.

Andreas lui expliqua alors que c’était sorti tout seul, que lui-même ne savait pas que c’était ce qu’il ressentait. Il lui dit aussi ce que Lennox aurait dû faire, et le notaire détourna le regard, soupirant. « Oui et bien je n’ai jamais su faire la bonne chose. Je fais tout de travers et je suis incapable d’agir comme tous les autres le font. » Il était une malformation, il était une erreur, ça il le savait bien. Andreas ne lui apprenait rien en lui disant qu’il n’avait pas agi correctement. Lennox ne correspondait jamais aux attentes. Son ton sec le fit fermer les yeux pour se calmer, parce qu’il ne voulait pas s’emporter contre Andreas, pas alors qu’il était le seul responsable de sa peine actuelle. Et puis, le norvégien avait fait l’effort de le rejoindre sur le quai, ce qui voulait dire que tout n’était pas perdu. Ce n’était donc pas le moment de tout envoyer en l’air. « J’ai pas envie de ralentir, Andreas … » Pourtant, c’était ce qu’il semblait avoir dit, même demandé, dans la chambre à coucher, après avoir entendu ces trois petits mots. Il soupira, de nouveau. « Et tu ne peux même pas t’imaginer à quel point j’avais besoin de me retrouver ici, avec toi … Justement pour arrêter de culpabiliser. Mais c’est plus difficile que je pensais … » Il n’arrivait pas à clairement expliquer sa pensée, et son esprit tout entier le ramenait toujours à Lou, puis à ce qu’il avait fait à Andreas, lui rappelant incessamment à quel point il était une ordure de première classe.

L’ambulancier sembla lire dans ses pensées puisqu’il lui dit que Lou aurait sans doute voulu qu’il soit heureux. Et il avait raison. Ça avait beau être cliché, cela s’appliquait complètement à Lou. Maintenant qu’elle était partie, elle aurait voulu que quelqu’un prenne la relève à sa place pour tenter de guérir les blessures invisibles de Lennox. Et il n’y avait personne de mieux placé qu’Andreas pour le faire. Malheureusement, il semblait l’avoir perdu, puisqu’il lui avoua qu’il ne commettrait plus avant longtemps l’erreur de ressentir quoi que ce soit pour lui. Du moins, c’était de cette façon que Lennox l’interpréta, ce qui lui brisa le cœur. « Ce ne serait plus jamais une erreur, Andy … » Le notaire passa une maison dans ses cheveux, lâchant une triste plainte alors qu’il tentait désespérément un moyen de se rattraper. « Préfères-tu que je m’en aille ? » Demanda-t-il alors que ses yeux s’embrumaient, le notaire arrivant à la conclusion que si Andreas n’arrivait pas à le pardonner, alors ça ne servait à rien de continuer. Son cœur lui criait pourtant d’essayer encore plus fort, mais Lennox n’avait pas la confiance pour le faire. Pour lui, la partie était terminée ; et il avait royalement perdu.

Le reflet de la Lune dessinait une belle ligne blanche sur l’eau calme du lac, et Lennox s’y perdait dans l’attente de savoir si Andreas désirait son départ ou non. Si le notaire partait maintenant, le cœur lourd de regrets et de culpabilité, il ne reviendrait sans doute jamais. Banni du cœur d’Andreas, il n’aurait plus l’impression d’avoir le droit de remettre les pieds dans sa vie. Au bout d’interminables secondes d’attente, Lennox enleva un pied de l’eau, prêt à partir, au même moment où son amant posait sa tête sur son épaule. Surpris par cette réponse bien tardive qu’il n’attendait même plus, Lennox tourna doucement la tête pour le regarder du coin de l’œil, posant ses yeux sur le dessus de sa tête. Andreas soupira avant de refuser qu’il s’en aille. Tout d’un coup, une vague de soulagement traversa Lennox, qui avait été tellement tendu depuis qu’il avait posé la question. Ses muscles se détendirent tout d’un coup, et il s’autorisa à appuyer sa propre tête contre celle du norvégien, et de fermer les yeux, l’écoutant attentivement. « Mais nous deux, toi et moi ensemble, on est pas une connerie. C’est ça l’important … Et je m’empêcherai pas de tomber amoureux de toi, je ne m’en suis jamais empêché jusqu’à maintenant, c’est pas une embrouille qui va faire en sorte que je vais freiner l’évolution de mes sentiments à ton égard … » Andreas reprit alors les propos de Lennox, lui disant que ce serait une erreur de lui redire à nouveau. Encore une fois, le soulagement s’empara de lui, puisque dans sa tête le norvégien considérait que l’aimer était une erreur. Il avait mal compris, encore une fois, preuve que la communication était importante. Entre eux plus que jamais. « D’accord. Je pense que j’ai réagi par surprise, surtout, mais je comprends que tu veuilles m’attendre là-dessus … » Dit-il, sachant fort bien à quel point il avait blessé Andreas. À sa place, lui non plus n’oserait plus jamais répéter ces trois mots pourtant si doux mais qui avait bien failli les briser en éclats. La main d’Andreas vint se poser sur celle de Lennox, et ce dernier emmêla ses doigts dans les siens, heureux que ça se soit mieux terminé que dans ses pensées. Le norvégien lui rappela alors la position sexuelle adoptée par Lennox pendant sa panique, et celui-ci rougit en entendant sa remarque. Il balbutia, gêné : « Euh … o-oui … en-encore désolé. Je … » Mais il s’arrêta là, parce qu’il avait tellement honte que les mots ne sortaient plus. Andreas proposa d’oublier les vingt dernières minutes. Lennox hocha la tête. « Volontiers. » Il avait rouvert les yeux, relevé sa tête, et regardait l’eau devant lui. La nuit était fraîche, mais avancée. « On ferait mieux d’aller dormir. Demain est un autre jour. » Un meilleur, il l’espérait. En dormant cette nuit, si Andreas voulait bien qu’ils se blottissent l’un contre l’autre, le couple retrouverait sans doute sa complicité et sa proximité.

La tête posée sur l’oreiller, revisitant ce lit avec le cœur plus léger, Lennox profitait de la main d’Andreas qui caressait ses cheveux et laissait cette douce berceuse physique l’emporter dans les bras de Morphée. Il s’endormit rapidement, poussé vers le sommeil par les douces paroles de son petit ami qui lui souhaitait bonne nuit.  À chaque fois qu’il s’était réveillé dans la nuit, pour des raisons diverses, le norvégien était toujours collé contre lui, et quand la distance lui semblait encore trop grande, Lennox se blottissait contre son homme. Son torse et son dos étaient chauds, réchauffés par les lourdes couvertures qui les emprisonnaient l’un contre l’autre. La dernière fois qu’il se réveilla, le soleil était levé et Andreas n’était plus dans le lit. Il l’avait bien senti quand sa main avait voulu se poser sur son corps, pour reprendre contact avec lui comme si une seule seconde sans aurait pu le tuer, et n’avait rencontré qu’un drap se souvenant vaguement de son corps dans ses plis. Lennox se frotta distraitement les yeux avant de se relever à moitié, se retenant sur ses coudes, entendant de l’agitation dans la cuisine. Ce qui le força à s’extirper plus rapidement du lit, c’est le blasphème de l’ambulancier et le bruit d’un objet qui tombe sur le comptoir sans retenue. Il ne prit pas le temps d’enfiler un chandail ou des pantalons, demeurant dans ses boxers noirs de la veille, et rejoignit son homme près du comptoir de préparation. Il avait sa main sous l’évier, et de l’eau rougeâtre s’écoulait de son doigt. « Laisse-moi voir, ce n’est pas trop profond ? » Lennox s’approcha de lui, se postant derrière lui, son torse touchant au dos de l’homme alors qu’il prenait sa main dans la sienne. « Enfin, c’est toi l’ambulancier, c’est toi qui me dis … » Il esquissa un mince sourire, avant de demander : « Je vais aller chercher ce qu’il faut dans la salle de bain pour s’occuper de ça. » Il le quitta à regrets, se rendant dans la petite pharmacie des toilettes, et en sortit quelques bandages de différentes tailles. Andreas choisirait bien celle qu’il jugeait la plus adéquate. En revenant, le notaire prit le temps de regarder ce que son petit ami était en train de leur concocter. Et dire que la veille, il s’était promis de se rattraper en étant aux petits soins avec lui, en étant le plus romantique possible afin de lui montrer que lui aussi était impliqué dans leur relation et qu’il l’aimait. Ce serait sa façon de le lui transmettre, s’il n’était pas encore capable de le dire en mots. « C’est le karma, c’est moi qui voulais te surprendre avec un petit-déjeuner au lit … » Avoua-t-il avec une pointe de déception dans la voix, visiblement attristé de ne pas avoir su se réveiller plus tôt et filer en douce à la cuisine. Il était sans doute trop confortable dans ce lit où ils s’étaient enlacés toute la nuit. Lennox étala les différents bandages sortis de la boîte et prépara une compresse froide pour l’enrouler autour du doigt de l’homme, question de faire cesser l’écoulement du sang d’abord. « Tu ne touches plus à aucun couteau, toi. C’est moi qui cuisine aujourd’hui. » Un sourire aux lèvres, il leva les yeux vers lui et le regarda tendrement, amoureusement.

Les bandages disposés sur la table, le notaire s’assit en face de son petit ami et prit sa main, qu’il déposa sur sa cuisse le temps de choisir le bandage approprié. Lennox esquissa un sourire quand Andreas lui dit que le lendemain, il ferait semblant de dormir tard. D’ailleurs, le notaire consulta sa montre et réalisa qu’il était tôt, pour un week-end tranquille. Sept heures trente du matin, pour un samedi matin, c’était assez lève-tôt ! Il nota intérieurement que le norvégien se levait en même temps que le soleil. « Au moins comme ça on pourra rester collés plus longtemps … » Il sourit. Il était vrai qu’il aurait bien profité de quelques minutes de plus sous les couvertures avec lui, mais il savait aussi qu’ils auraient toutes les occasions du monde pour le faire. Ils devaient vivre, un peu, aussi, même si ce n’était que d’eau fraîche et d’amour. « Par contre tu dois promettre de pas venir fouiner dans la cuisine avant que je revienne avec un plateau ! » L’avertit-il. Il avait beau attendre que Lennox se lève pour arrêter de faire semblant, il fallait jouer le jeu jusqu’au bout aussi, même si ce ne serait plus une surprise. Quand le notaire eut terminé d’envelopper le doigt d’Andreas d’un pansement, il déposa ses lèvres sur celui-ci en se sentant franchement niais, mais si le norvégien se montrait lui aussi sous ce visage, alors il s’autorisait à le faire. Pour le remercier, l’ambulancier l’embrassa sur les lèvres, cette fois. « Tout le plaisir est pour moi, beau brun. » C’était étrange. Deux beaux bruns, voilà ce qu’ils étaient. Deux hommes qui s’aiment. Si Lennox avait toujours su au fond de lui qu’il n’aimait pas que les femmes, il n’avait jamais pensé qu’il serait aussi bien avec un homme. C’est alors que le notaire avertit son homme de ne plus cuisiner aujourd’hui. Le pansement n’était pas des plus solides et n’était pas non plus très pratique pour bouger les doigts aisément, alors Lennox s’occuperait de tout. Déjà, le petit-déjeuner semblait complet. À sa remarque, Andreas répondit que la seule condition était qu’il devait cuisiner nu sous son tablier. Lennox éclata d’un rire franc ; ce n’était pas du tout son genre, mais pour lui, pourquoi pas. « Rêve toujours. » Conclut-il, avant de filer au lit comme Andreas venait de lui demander. Il tourna la tête une dernière fois, prenant en flagrant délit le norvégien en train de regarder ses fesses dans son boxer, et sourit en retrouvant la chaleur du lit. Andreas ne tarda pas à l’y rejoindre. Buvant lui aussi quelques gorgées de café, il répondit à la question de son petit ami : « J’aimerais bien faire le tour du lac à pieds, tu crois que c’est possible ou c’est trop grand ? J’profite pas assez du plein air, à Bowen, je pense que ça me ferait du bien … » Proposa-t-il, avant de manger une fraise et de continuer : « Et puis tant qu’à avoir un lac pour nous, on pourrait aussi se baigner … » Nus, pensa-t-il, rougissant légèrement rien qu’à cette pensée pourtant bien gardée pour lui.

Il est vrai que les horaires de Lennox étaient tellement fixes, réglés au quart de tour, qu’il en oubliait que ce n’était pas le cas pour tout le monde. Il se doutait bien qu’à force de fréquenter Andreas, il se ferait à cette réalité – ou ne s’y ferait pas du tout, peut-être bien. Il serait du genre à l’attendre peu importe l’heure, à ne pas aller dormir même s’il travaillait un quart de nuit. Il ne tiendrait pas ce rythme bien longtemps, mais ce ne serait pas par manque de volonté. Quand venait l’amour, Lennox pouvait se montrer très intense, dépendant et fusionnel. Bref, l’homme rit quand Andreas proposa qu’il cuisine nu, question de faire un compromis. « D’accord, d’accord … » Il accepta avec un petit sourire, passant ses mains sous l’eau avant d’aller retrouver le lit où il y attendrait son homme. Ce dernier ne tarda pas à le rejoindre avec le délicieux petit-déjeuner, et les questions de planification de leur journée. « Ah parce que directement c’est moi qui me fatiguerai en premier, hein !? » Demanda-t-il, faussement offusqué de cette affirmation. Il sourit. Ils parlèrent ensuite d’une éventuelle baignade. « Non, se baigner nus, ça va … » Lâcha-t-il avec un sourire gêné, ce qui n’arrangeait en rien la coloration de ses joues. « C’est pas comme si c’était la première fois que ça m’arrivait en ta présence … » Releva-t-il, constatant qu’effectivement, Andreas lui faisait souvent cet effet. Avec le temps, sans doute cesserait-il de se gêner à chacun de ses commentaires.

Après cela, les deux hommes terminèrent de manger et se blottirent dans les bras l’un de l’autre, parfois en silence, parfois en parlant, jusqu’à ce qu’une heure plus tard, ils décidèrent à finalement profiter de la nature. Un lit, ils en auraient un peu importe où ils se trouvaient. Ils marchaient tranquillement le long du lac, Lennox essayant de prendre des photographies mentales de ce moment pour s’en rappeler plus tard quand tout retomberait, quand son moral retournerait là où il s'était habitué d’être. Andreas lui proposa de revenir ici plusieurs fois par moi. Lennox le regarda, un moment, avec un sourire, avant de demander : « Le propriétaire est raisonnable dans ses prix ? » Après tout, cela pourrait revenir cher à force. Peut-être que la solution la plus simple serait … « Parce que sinon, moi j’m’imagine bien propriétaire d’un endroit pareil. » Dit Lennox, sans trop songer à tout l’engagement que cela représentait. Pour lui seul autant que pour eux deux. Pourtant, ça lui semblait être une idée tellement agréable. Il s'imaginait, venir ici avec Andreas, encore pendant des années. Là où tout avait commencé, là où tout se terminerait, bien plus tard, il l'espérait.