Tell me and I forget, teach me and I may remember, involve me and I learn + Léace

Trois mois plus tôt. Ce fut à priori l'un des séismes les plus violents qui avaient frappé le pays depuis des décennies, les dégâts matériels étaient énormes, autant que les pertes humaines, surtout pour une petite ville comme Bowen. Léo, pour sa part, s'était trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, refusant d'écouter les mises en garde, préférant le sensationnel à sa propre sécurité, comme toujours. Il n'avait pas réellement senti cette faille s'ouvrir sous ses pieds ni qu'il tombait de tout son poids dans les gravas. Il n'avait encore moins cherché à se protéger lui-même, alors qu'il plaquait ses mains contre son appareil photo qui valait une petite fortune, comme un réflexe inutile. De toute façon tout avait valsé, comme son objectif réduit en miettes, avec une bonne partie du boitier et comme son crâne, qui s'était écrasé avec fracas, le laissant inerte. On avait mis un peu de temps à le retrouver, parce qu'il n'avait prévenu personne de sa petite escapade et puis on avait encore attendu avant de savoir qui prévenir une fois à l'hôpital mais c'était finalement Zephyr qui avait débarqué, tout chamboulé de voir son ami dans un état pareil. Léo avait quelques gros bleus au visage et un bon pansement autour du crâne, un bel œuf de pâques en somme ! Mais surtout, le plus préoccupant pour les médecins c'était cette perte de mémoire assez illogique. Après que Zephyr soit parti retrouver Cameron il avait passé une batterie de tests, les médecins s'accordaient tous pour dire qu'il avait subit un trauma crânien avec une légère commotion cérébrale, quelque chose d'assez commun vu la gravité du choc que le photographe avait subi, une légère perte de mémoire, un état confus était tout aussi normal. Mais pourquoi alors une absence de plus deux mois, comme s'il refusait de se rappeler de quelque chose, comme un blocage. Et dans ce cas là, c'était à Léo lui-même de faire un travail sur son état, peut-être que ça reviendrait tout seul, dans quelques heures, quelques jours, on ne savait pas bien. On l'avait laissé dans sa chambre avec une forte dose de calmants et pour seule compagnie son téléphone portable, survivant, miraculé du choc. Il jouait avec, cherchant à trouver des souvenirs dans des messages, des photos, des mails, mais tout cela créait plus de confusion encore dans l'esprit de notre homme. Avec Zephyr ils avaient parlé brièvement de Grace, elle semblait avoir pris une place importante dans la vie de Léo, ce qu'il trouvait étrange puisqu'il se souvenait surtout de cette soirée au bar puis de cette gifle monumentale à l'anniversaire de Lily. Dans son esprit c'était Andrea qui devait avoir la part belle, en témoignait quelques photos prises lors de l'anniversaire de John. Pourtant il y avait des messages échangés avec Grace qui montraient que leur relation était tout sauf amicale et puis une poignée de photos dans sa galerie, principalement d'un voyage, en Afrique ? Dans la tête de Léo ça tournait à plein régime, il n'y comprenait rien, ça cognait fort, malgré les calmants. Il ferma les yeux et appuya sa tête contre son oreiller alors qu'on frappait doucement à la porte de sa chambre.

Elle était rentrée chez elle sans passer voir quelqu’un pour se soigner. Elle avait un peu de mal à marcher, ça la démangeait quand elle pliait la jambe, mais rien de plus. Grace refusait de se dire qu’elle était blessée, parce que comparée à d’autres, elle estimait n’avoir rien. Une longue égratignure à la jambe et même si ça faisait mal, ça passerait avec le temps, elle n’allait pas s’arrêter à l’hôpital pour ça. Elle l’aurait bien fait s’ils ne faisaient pas des prises de sang à tout va, pour chaque interrogation, elle ne voulait pas qu’on lui pose la question de savoir si elle se droguait, elle refusait de le dire, que d’autres puissent en être informé. Elle faisait passer sa douleur avec les anti-douleurs qu’elle trouvait chez-elle. Accumuler à ça le stress de ne pas avoir de nouvelles de ses proches ou bien très peu. Et finalement, un message disant que Léo était  l’hôpital la faisait se lever en vitesse. Il n’y avait rien de plus dans ce message, elle se montait un tas de film et lui inventait un tas de blessures. Elle l’imaginait presque mort et la vision d’horreur de la personne morte sous ses yeux, alors qu’elle s’accrochait pour le faire vivre lui revenait en tête, c’était pas le genre de truc qu’elle pourrait oublier, juste un cauchemar continuel. Elle laisserait le temps faire son travail, masquer ce qu’elle avait vu en se créant d’autres souvenirs. Toujours est-il que même s’ils s’étaient un peu disputés avant le séisme, elle n’allait pas l’éviter pendant des jours encore. Parce que ça devait bien être habituel avec Grace ce genre d’histoire. La blonde essayait d’arriver rapidement à l’hôpital, essayant de masquer son regard sur les autres parce qu’il n’y avait que Léo qui comptait à ses yeux. Après s’être renseigné pour savoir dans quelle chambre il se trouvait, elle se pressa pour se retrouver avant de se retrouver devant la porte. Elle toquait doucement à la porte, pour ne pas refléter directement dans ses gestes l’inquiétude se lisait déjà assez dans ses yeux. Même sans réponse, elle ouvrait la porte, jetant directement son regard sur lui, le détaillant pour voir où est-ce qu’il était blessé. Elle refermait la porte derrière-elle puis s’approchait ensuite de lui, tentant de montrer un sourire réconfortant. « J’ai eu tellement peur que … que tu aies pire que … Quand on m’a dit que tu étais à l’hôpital, je pensais que … » Grace n’arrivait pas à aligner une phrase correctement, elle se sentait tellement maladroite. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il avait, en fait. Enfin, elle ne savait rien du tout. « J’avais peur de te perdre. »

Notre blessé s'attendait à voir entrer une infirmière ou quelqu'un du corps médical, voilà pourquoi il n'avait pas répondu. Aussi peut-être parce que ça cognait trop fort dans sa tête à tel point qu'il en avait la nausée. Dans tous les cas il resta interdit lorsque la jolie blonde fit son entrée, elle prenait son temps, comme marchant à pas de loups, ou peut-être était-ce dû à une boiterie. Il la suivit des yeux sans rien dire jusqu'à ce qu'elle atteigne le lit. Elle lui souriait, de ce genre de sourire qui se veut réconfortant alors qu'on est mort de trouille, parce qu'elle avait l'air de l'être, Grace, totalement effrayée. Léo ne s'était pas, vu, heureusement pour lui, parce qu'il n'était pas vraiment beau à voir avec ces yeux au beurre noir violacés qui se dessinaient un peu plus au fil des heures et le haut de sa lèvre fendue, un vrai guerrier ! Voilà peut-être pourquoi la belle déglutissait, lui gardait un regard empli de curiosité braqué sur elle. Depuis qu'il tentait de retrouver sa mémoire il n'avait que des souvenirs assez flous qui lui venaient en pensant à Grace, ceux de leur premier voyage ensemble, de cette rencontre qui s'était imposée à lui comme une évidence quelques années plus tôt, de son départ soudain et inexpliqué, de leurs retrouvailles inattendues, dans ce bar quelques mois auparavant dont le goût délicieux lui était revenu, celui d'un baiser échangé, presque interdit. Et puis de cette gifle qu'il avait mérité mais qu'il avait du mal à expliquer. Pourtant en la dévisageant ce qui s'imposait à lui c'était cette profonde douceur qui l'envahissait même s'il ne l'expliquait pas, c'était qu'il la trouvait belle à s'en rendre fou, assurément. Il comprit même sans pouvoir mettre un nom dessus qu'il se passait quelque chose entre eux, parce que c'était flagrant, comme palpable. Léo se redressa comme il put dans son lit en grimaçant, on lui avait dit qu'il n'avait que la tête de touchée pourtant il avait l'impression que tout son corps souffrait. Et puis il tenta de lui sourire, bien que ça ne soit surement pas convainquant. Les mots de Grace le touchaient parce qu'il sentait à quel point elle s'inquiétait pour lui. J'suis là, rien de bien grave, c'est ce qu'on m'a dit. Il hocha la tête comme pour la rassurer, mauvaise idée, ça lui fit un mal de chien. Il ne savait pas encore comment lui dire qu'il n'avait plus de souvenirs de ces deux derniers mois. Assieds-toi, tu es blessée toi aussi, non ? Elle pouvait s'asseoir à côté de lui, sur le lit, sinon elle devrait tirer une chaise qui était contre le mur au fond de la pièce.

Il avait une mauvaise mine mais c'était toujours mieux que ce qu'elle s'était imaginée, elle était contente de le voir en un seul morceau. Et ceux uniquement parce qu'elle pensait à lui et son amour pour la photo, ça l'handicaperait d'avoir de la difficulté à se déplacer s'il avait été amputé d'une jambe et pareil s'il s'était fait amputé un bras, il aurait mit du temps avant de reprendre un appareil photo entre ses mains. Mais encore une fois, il n'avait rien de tout ça, c'était juste son imagination qui avait fait lui avait mis en scène quelque chose de grave. Quelques ecchymoses, des coupures et même si ça semblait beaucoup, vu ce qu'il y avait dehors, elle était plutôt heureuse de le voir dans cet état. « Ne te fais pas plus mal ... » Disait-elle en le voyant se réveiller et quelques expressions qui passaient sur son visage, même s'il était possible qu'elle les interprète mal. « Tu pourras bientôt sortir d'ici, alors ? » Elle ne voulait pas le précipiter, c'était une question comme une autre que tout le monde posait à ses proches, du moins c'est ce qu'elle supposait, encore plus s'ils lui avaient dit qu'il n'avait rien de grave. Ils voudront peut-être laisser les chambres aux "vrais" blessés. Même si elle ne niait pas que lui aussi avait l'air mal en point. Elle baissait la tête pour regarder sa jambe puis ensuite regarder la pièce à l'autre bout de la pièce. « Mh ... Trois fois rien et je suis beaucoup mieux debout. » Elle avait décidé de laisser place à sa propre médecine en mettant qu'un simple bandage autour de sa jambe, ça ne servait à rien, mais psychologiquement, elle se disait que ce n'était que pour le mieux. Plié sa jambe était beaucoup plus douloureux que rester debout et se reposer sur sa jambe qui était en forme. Il ne fallait pas que Léo s'inquiète pour elle. « Où est-ce que tu étais quand il y a eu le tremblement ? » Elle ne pourrait pas lui faire de remarque comme quoi il aurait fallu faire attention parce que rien n’avait prévu un tel carnage. Mais elle s’était sentie presque obligée de poser cette question, elle voulait savoir s’il avait été loin d’elle quand ça s’est passé, savoir si elle allait se sentir coupable ou non. Elle n’aurait rien fait de mieux, si elle le savait, de toute manière. C’était Maxence qui s’était occupée d’elle malgré sa blessure à lui, lui la protégeait et la remettait sur terre, l’empêchait d’aller vers le danger.

Le garçon semblait vouloir jouer au caïd, à minimiser ses symptômes, mais au fond c'était une toute autre histoire parce que la douleur le tiraillait, ça se voyait sur sa tête et surtout parce qu'il était totalement paumé, perdu dans des souvenirs qui dataient de quelques mois et incapable de se rappeler des dernières semaines, incapable de comprendre pourquoi c'était Grace qui accourait à son chevet alors qu'il pensait avoir femme et enfant qui attendaient sagement de ses nouvelles. Il se demandait bien où il avait pu déconner, encore une fois. Et bien qu'il ne trouve pas la situation normale, Léo se sentait apaisé par la présence de la blonde. Je ne sais pas quand je pourrais sortir, on ne m'a pas encore dit. Surement parce qu'on avait encore quelques examens à lui faire passer, aussi parce qu'on ne laissait certainement pas sortir quelqu'un qui avait perdu la notion du temps quelques heures plus tôt. Grace n'était pas mieux que Léo pour minimiser les choses, alors qu'elle semblait avoir clairement mal à la jambe, elle affirmait pourtant avec aplomb que c'était trois fois rien, il se permis d'en douter mais n'osa rien répondre. Le tremblement de terre, le médecins lui en avaient parlé, Zéphyr aussi, notre homme n'en avait pourtant aucun souvenir, c'était une étrange sensation, cependant un frisson le parcouru, depuis quelques heures qu'il était dans cet hôpital, il avait bien compris que c'était grave, un séisme comme on n'en avait peut-être jamais vu à Bowen, avec énormément de blessés et de morts, il comprenait petit à petit qu'il avait surement été chanceux de s'en sortir si bien. Et alors que Grace abordait le sujet, un frisson le parcouru, il ne savait pas si son fils était en sécurité et un voile d'effroi passa devant ses yeux alors qu'il imaginait le pire. Il allait devoir appeler Andy, il devait savoir si son enfant allait bien. Je... hum, je n'en sais rien Grace. Il pris un instant pour rassembler ses idées, il avait bien remarqué son appareil photo bien amoché qui avait été posé sur sa table de chevet, surement qu'il devait se trouver au mauvais endroit, surement qu'il avait voulu jouer au reporter de guerre, comme toujours, il s'était cru plus fort que tout et voilà où il se trouvait à présent. Il planta alors un regard triste dans celui de la belle. Les médecins m'ont dit que j'avais une commotion cérébrale, j'ai... comme un trou de mémoire. J'ai oublié quelques semaines de ma vie à priori. On m'a dit que ça reviendrait surement avec du repos, mais la vérité c'est qu'on n'en sait rien ni eux ni moi. Il laissa échapper un rire jaune, preuve de son angoisse quant à ce qu'il venait de lui dire et ce qui allait suivre, il avait peur de la blesser, il ne voulait pas qu'elle quitte cette pièce, pourtant il avait besoin de réponses et son esprit confus ne l'aidait pas à faire preuve de douceur, il savait que ce qu'il allait dire serait dur et vexant et que Grace n'apprécierait certainement pas. En fait... je ne me souviens pas de... nous. J'comprend pas pourquoi tu es là, pourquoi ça n'est pas Andrea qui est à ta place ni ce que ça signifie. J'ai... oublié. Il n'avait que quelques messages, des photos qui ne lui disaient pas grand chose. Et il espérait que Grace lui donnerait ces réponses qui lui rendraient peut-être la mémoire.

Peut-être qu'elle lui posait trop de questions et que ça le saoulait d'y répondre ou peut-être qu'il lui en voulait encore par rapport à leur dispute. Elle ne savait pas trop, elle ne voulait surtout pas l'embêter, les médecins devaient déjà le faire assez dans la journée. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter pour lui, même si elle l'avait sous les yeux. La blonde essayait de se calmer intérieurement. « Qu'importe. » Maintenant il était là et il n'y avait plus de soucis à avoir, du moins, pas s'il n'y avait pas des nouvelles secousses qui s'étalaient sur plusieurs jours, mais ça Grace n'y connaissait rien, ce n'était pas le genre de truc sur lequel elle se renseignait quand elle était toujours religieuse. Le regard de Léo changeait rapidement, elle ne saurait trop dire si c'était la douleur ou autre chose, elle montrait un léger sourire maladroit avant de l'écouter. Mais au fur et à mesure qu'il parlait, la blonde perdait de son éclat dans ses yeux et son sourire s'effaçait. Lui riait et elle ne savait pas ce qu'il y avait de drôle dans tout ça. Combien de semaines exactement ? Elle tentait de camoufler ses quelques traits d'incompréhensions qui pouvaient paraître sur son visage avec quelques difficultés, puis elle jetait son regard ailleurs pendant quelques secondes. Qu'est-ce qu'elle pouvait lui dire ? De se reposer pour retrouver tout ce qu'il avait perdu ? Ça semblait plus qu'évident. Alors elle préférait ne rien se dire, se disant que quelques semaines, ce n'était pas si grave finalement. Du moins, avant qu'il se remette à parler et c'était à elle se s'y perdre, de s'y sentir presque blessée et gênée. « Hein ? » Elle se demandait si ce n’était pas finalement une blague, même s'il serait très mal placé pour le faire, peut-être qu'il voulait dédramatiser la situation. C'était penser à ça qui la rassurait le plus, se dire que finalement. Mais elle comprenait bien vite en restant le regarder que ce n’était pas une blague. Elle riait sans doute trop nerveusement, croisant les bras et jetant son regard dans la pièce. Le malaise s’installait dans son crâne et elle se sentait terriblement bête d’être ici, même si elle n’y pouvait pas savoir, personne ne lui avait dit. S’il ne se souvenait pas d’eux, s’il attendait plus Andrea à son chevet qu’elle et qu’il ne retrouvait pas la mémoire, alors elle pouvait tirer un trait sur l’histoire qu’ils commençaient à s’écrire. Il n’y aurait plus qu’elle a entretenir ces souvenirs d’eux deux, du voyage. Elle espérait qu’il ne l’abandonnerait pas, bien qu’involontairement. « Oh ... » Soufflait-elle en reposant son regard vide sur lui. « Je suis là parce que … enfin … » Elle avait plus l’impression d’avoir oublié elle aussi, elle se sentait si mal et presque désolée de ne pas être Andrea, celle qu’il attendait. « On est ... ensemble, Léo. Depuis un peu plus d’un mois. » La blonde avait peur de sa réaction, elle avait peur de voir de la déception dans ses yeux. Même si ça en dirait beaucoup sur leur avenir. « C’est quoi ton dernier souvenir de … de nous ensemble ? »

Ce n'était pas dans ses habitudes, à Léo, de blesser les gens, du moins ça n'était jamais intentionnel. Malgré tout il avait un don certain pour trouver les mots qui touchaient et qui pouvaient détruire. Il en avait pour preuve la jolies blonde face à lui qui se décomposait au fur et à mesure qu'il parlait. Ca ne lui faisait pas plaisir, à notre amnésique de lui dire tout ça, mais il n'avait pas le choix. Peut-être aurait-il simplement dû s'abstenir de dire qu'il attendait Andrea à sa place, d'ailleurs c'était faux, il ne s'était pas forcément attendu à la voir à son chevet, il était simplement surpris que des femme qu'il connaissait, ça ne soit pas elle qui ait accouru, parce que selon ses souvenirs, ils étaient bien, elle et lui, ils partageaient enfin à nouveau ce quelque chose si fort qui les avait unis à Bangkok. Mais visiblement il se trompait. Il se perdit dans des spéculations étrange, craignant d'être devenu ce genre d'homme qui jouait un double jeux avec deux femmes différentes. Parce qu'il voulait bien croire qu'il pouvait aussi se passer quelque chose entre Grace et lui, après tout elle avait toujours été son fantasme, son rêve inaccessible, alors peut-être qu'enfin il avait réussi à  l'atteindre. Il offrit à la sainte sa mine la plus dépitée, ce qui, avouons-le, ne devait pas être bien difficile avec sa gueule amochée ! Elle, elle passait par toutes les émotions, de l'air décontenancé au rire nerveux en passant par le regard perdu, Grace ne savait visiblement plus où se mettre et Léo ne savait pas comment l'aider à être plus à l'aise, il en avait trop dit. Pourtant il voulait des réponses, un brin de quelque chose qui le mette sur la piste et lui rende ses précieux souvenirs. Elle se mit enfin à table, cherchant ses mots pour lui dire la chose la plus simple mais évidemment la plus difficile, surtout alors que lui venait de prononcer le prénom d'une autre. Alors ils étaient ensemble... Léo la fixa, surpris et pourtant étrangement soulagé de l'entendre. Tu veux dire, toi et moi ? On... Un mince sourire se dessina sur ses lèvres, pas forcément flagrant mais bien là. Parce qu'il se souvenait d'elle, de ce qu'il avait pu éprouver pour cette fille lorsqu'il était plus jeune, c'était resté gravé. Et puis il avait encore en tête leurs retrouvailles, cette soirée mémorable où elle avait réveillé quelque chose en lui. Il l'avait toujours vu comme un rêve interdit, parce qu'elle s'était construit une forteresse pour se protéger du monde et des hommes en particulier, alors Léo éprouvait une sorte de fierté en se disant qu'il avait réussi à faire tomber ses barrières pour pouvoir l'atteindre enfin. ...Et je l'ai quitté ? Pour toi ? C'est... Evidemment que ses paroles étaient confuses parce que dans sa tête ça tournait à plein régime en même temps que ça continuait de cogner, il souffrait pourtant il cherchait par tous les moyens, fouillait à la recherche d'une bribe de mémoire enfouie. Il trouvait injuste d'avoir oublié ça, pour elle, pour lui, parce que ça devait être épique, même si leur relation semblait naissante il voulait s'en rappeler. La question de Grace le surpris, mais elle n'avait pas tord, il fallait peut-être procéder par ordre. Alors il fronça les sourcils un instant puis sourit, amusé par ce qui lui revenait en tête, même s'il ne comprenait pas vraiment. Le dernier souvenir c'est pas forcément quelque chose de joyeux... c'est une gifle, de ta part, lors d'une fête... l'anniversaire de Lily je crois. Au point où ils en étaient Léo était d'avis qu'ils pouvaient surement en rire, de cet incident, après tout il s'en était déjà pris, des baffes, des critiques quant à son comportement envers les femmes, parce qu'il avait toujours ce don pour se mettre dans de mauvaises postures, alors il n'était pas à ça près. Il repris doucement, cherchant à détendre la douce. Même si je ne sais pas bien pourquoi ni comment l'interpréter, je crois bien que je suis content que tu sois là et soulagé que tu ailles bien. Il sourit dans sa barbe, un peu gêné, les déclarations comme ça, à froid, ça n'était pas trop son fort. J'aimerais bien me souvenir de nous, avoir plus que quelques photos sur mon téléphone... D'ailleurs, on a fait un voyage, toi et moi ? Demanda-t-il, piqué par la curiosité.

Elle appréhendait sa réaction, voir une mine déçue sur son visage, parce qu'il voulait peut-être se dire qu'il était avec Andrea et qu'ensemble et leur fils, ils formeraient enfin une famille. Grace avait l'impression de tout gâcher en pensant à ça. Mais elle espérait que dans le fond, Léo se souvienne rien qu'un peu de ce qu'ils avaient vécus, qu'il restait un souvenir d'eux bien ancré quelque par, juste sous des montagnes de souvenirs qui s'étaient envolés, il fallait simplement tout rassembler, même si ça prendrait du temps, si ce n'est toute la vie. Elle ne voulait pas passer à la trappe, elle voulait exister pour lui, autrement que pour quelqu'un qui ne savait pas céder. Elle l'avait fait, céder à la tentation qu'il était, mettre de côté cette petite voix qui lui disait que c'était une mauvaise idée parce qu'elle voulait croire à une histoire et pas qu'à celle qu'ils se créaient par à-coup, quand ils se croisaient. Elle avait voulu durer. Grace ne savait pas comment interpréter sa réaction, elle supposait que c'était positif, ce qui lui arrachait de nouveau un sourire, bien que timide. La blonde fronçait des sourcils quand il disait l'avoir quitté. Il lui avait bien dit qu'ils n'étaient pas en couple pourtant, que ça y ressemblait, mais que ce n'était pas ça, parce que c'était compliqué. Elle se souvenait de la fois où il disait que rien n'était simple dans les relations. Alors, elle restait un peu froissée et se sentait encore plus mal. Elle finissait même par avoir mal pour Andrea, mais elle ne voulait pas renoncer à lui, même si après l'oubli des dernières semaines, c'est sans doute lui qui finirait par renoncer à Grace. « C'est ... ? » Elle essayait de garder son maigre sourire coller aux lèvres, elle ne savait pas ce qu'il voulait dire par la suite. « Tu ne l'as pas quitté pour moi ... Tu m'as uniquement dit que vous n'aviez jamais été un couple ... vous deux. » Elle était un peu confuse et en même temps elle ne voulait pas en savoir plus. Quand ils se sont retrouvés, il lui avait bien dit qu'il ne tromperait personne, ensuite à deux reprises, à l'anniversaire de Lily-Anaëlle et à Bénin, il avait dit qu'Andrea et lui c'était plus compliqué qu'un couple. « C'est ce que tu m'as dit ... toujours. » Elle essayait de le dire sans trop paraître déçue ou vouloir le remettre en question. Elle avait confiance en lui, mais ce qu'il disait la laissait perplexe. Parce qu'il parlait comme s'il était des semaines en arrière, des mois. Il ne pouvait pas se rendre compte des conséquences et des interrogations que ça laissait dans la tête de la blonde. Elle hochait honteusement la tête quand il évoquait le souvenir. « Oui ... l'anniversaire de Lily. » L'anniversaire qu'elle avait fini par fuir sans parler à celle qui fêtait son année de plus. Finalement, ça avait été une catastrophe ce soir-là. « Je ne peux pas l'interpréter à ta place ... » Disait-elle tentant de rire un peu, bien que ça sonnait triste. Elle pouvait essayer de faire comme si eux, il n'y avait jamais rien eu pour le mettre plus à l'aise. « Tu m'as traînée jusqu'à Bénin pour un voyage humanitaire. Parce que ton collègue avait annulé ou quelque chose comme ça. Et que ça faisait longtemps que tu y pensais. » Elle souriait un peu plus franchement en y repensant. « Tu voulais me supporter pendant deux semaines faut croire. » Et cette fois elle était restée tout le long, mais ça il ne s'en souvenait pas non plus.

De toute évidence Grace guettait la réaction de notre homme. C'était peut-être la première fois que Léo se montrait si honnête envers elle finalement, il était sans filtre, perdu et déboussolé il ne pouvait pas mentir, il ne pouvait pas se cacher derrière des artifices, de jolis mots ou des sourires enjôleurs, il était lui-même, à nu. Ne prenant pas encore conscience des répercutions qu'un tel comportement pouvait avoir, il parlait sans réfléchir, posait des questions parfois blessantes selon ce dont il pensait se souvenir ou ce qu'il croyait interpréter, comme de dire qu'il avait quitté Andrea pour Grace. Parce qu'en vérité c'était faux et la blonde avait raison de préciser, Léo et son ex n'avaient jamais formé un couple, pas de façon classique en tout cas, ils s'étaient aimé de façon dévorante puis déchiré. Puis ils avaient tenté de recollé les morceaux parce qu'il existerait toujours une attirance entre eux-deux et qu'ils voulaient croire que ça pouvait marcher, pour eux, pour leur fils, pour qu'il ait peut-être la chance de connaitre la vie d'une famille unie et aimante. Mais ça n'avait pas fonctionné, Léo était retombé sur Grace qui avait faussé le jeu et ébranlé les certitudes du garçon et Andrea avait de son côté échangé un malheureux baiser avec un autre, s'attirant les foudres d'un Léo jaloux comme pas deux. Mais cette dernière partie était dans le lot des souvenirs disparus, c'était la pièce manquante qui l'empêchait de comprendre pourquoi il avait tout envoyé valsé pour s'enfuir avec sa sainte. Visiblement Grace s'y accrochait, au fait que Léo et Andrea n'avaient jamais été ensemble, comme si elle avait besoin d'être sur qu'il avait été parfaitement honnête envers elle, comme si elle avait peur que ça ne soit pas le cas. Oui, c'est ce que je t'ai dis. Et je ne t'ai pas menti. Elle et moi on a essayé... mais ça ne marchait pas. Il haussa doucement les épaules, résigné. On s'est juste voilé la face en croyant qu'on pourrait effacer les rancœurs et tout le reste d'un claquement de doigt. Mais faut croire que t'avoir retrouvé ça a tout chamboulé. On ne s'était rien promis avec Andrea, on ne se devait pas fidélité, voilà surement pourquoi je t'ai dis que je ne tromperais personne. Mais c'était bien la preuve qu'un truc devait clocher... Après il y a peut-être des choses que j'oublie, des choses qui m'échappent encore. Et visiblement je ne devais pas être très bavard sur le sujet parce que maintenant tu doutes de moi, n'est-ce pas ? Il se cala contre son oreiller, tout ça le fatiguait mais il ne voulait pas s'écouter, il devait lutter. Il sourit doucement quand elle riposta ne pas pouvoir interpréter les choses à sa place, elle avait surement raison. Et puis un sourire plus franc, bien que douloureux à cause de sa blessure à la lèvre, s'étira sur son visage. La préparation de ce voyage il s'en souvenait, ça avait été périlleux et long, plein de changements et d'incertitudes, jusqu'au bout visiblement. Il hocha doucement la tête. J'ai commencé à planifier ce séjour quelques jours après notre soirée au bar. J'avais envie de repartir depuis un moment mais je ne voulais pas lâcher mon fils. Je crois que dès le départ j'ai voulu que ça soit toi mon acolyte, comme lors de notre premier séjour... et j'voulais pas que tu fuis cette fois-ci. Mais... mais je n'ai pas eu le courage de te le demander, j'avais peur que tu refuses, surement à cause d'Andrea aussi... peut-être à cause de cette gifle, j'ai ma fierté tu sais ! Enfin, visiblement j'ai changé d'avis et tu as accepté. Il soupira doucement. Tu dois déjà connaitre toute cette histoire ! Mais la réflexion de Grace semblait signifier le contraire, bon sang mais pourquoi lui cachait-il tout ça ? C'était autant de preuves qu'il était attaché à elle, qu'il se trouvait bête de ne pas lui avoir parlé un peu plus à cœur ouvert, simplement parce qu'il devait avoir la trouille de se révéler totalement à elle. Il rit doucement et son cœur se souleva, léger. A priori j'ai réussi à te supporter plus que deux semaines ! Il posa sur elle un regard plein de douceur, ouais, pas de doute, cette femme il y tenait drôlement. Et c'était bien ? Le Bénin... il faut que je retrouve la mémoire, je veux m'en souvenir ! Il aurait aimé qu'elle lui raconte leur séjour, en long, en large et en travers, il voulait l'écouter lui conter cette histoire, leur histoire, mais il ne voulait pas qu'elle ait l'impression de se répéter, ça devait être fatiguant pour elle aussi.

Elle avait sans doute dû avoir un air décomposé en entendait parler d'Andrea et ça lui faisait encore plus bizarre d'en parler. Parce que c'était elle qui ne voulait pas que Léo lui parle d'elle, qu'elle était constamment jalouse. De toute façon, elle doutait aussi que Léo veuille lui parler de sa pseudo-ex. Quand il lui demandait si elle doutait, la blonde restait muette toujours en le regardant dans les yeux, son regard voulait sans doute tout dire. Elle voulait avoir confiance en lui, se dire qu'elle avait pas été une sorte de maîtresse, elle ne se pardonnerait pas de ça, elle ne voulait pas non plus qu'il lui mente sur ce genre de sujet, mais là il semblait sincère. Et même si elle n'y comprenait absolument à la relation qu'il avait avec Andrea, elle voulait bien le croire, elle espérait que rien ne lui échappait, qu'entre eux-deux, il n'y avait vraiment rien. « ... Non. Non, je ne doute pas de toi. » Elle ne pouvait croire que ses paroles de toute manière, elle ne vivait pas avec eux. « Et sincèrement ... ça ne me dérangeait pas plus que tu ne sois pas bavard à ce sujet. Vous ... avez une relation bien trop bizarre. » S'il voulait avoir des crises de jalousie continuelle, alors il savait de quoi parler. Celle avec qui il avait eu un passé, un enfant, tout. Grace savait qu'elle ne pouvait pas l'empêcher d'avoir un passé, mais elle n'arrivait pas à passer outre, comme si elle voulait que Léo soit "pure". Comme tout son entourage voudrait, finalement. La blonde finissait par parler de Bénin, du moins, du pourquoi ils avaient tous les deux été là-bas. Elle ne lui avait pas dit qu'elle avait hésité pendant un moment, qu'elle était arrivée à la limite d'ailleurs, d'ailleurs c'était peut-être mieux pour lui qu'elle ne lui dise pas non plus les histoires qu'ils avaient eus et surtout le fait qu'il avait été proche de la violer parce qu'elle n'osait rien dire. Finalement, il n'y avait pas que du mauvais dans cette perte de mémoire, pour lui, du moins. Lui commençait à parler longuement, mais dès le début, elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire sans doute comme une abrutie, heureuse. Il avait pensé à ça après leur rencontre et ça la touchait, même si leur premier voyage n'avait pas été une réussite. « Je connaissais la fin de l'histoire. » Elle souriait doucement, elle comprenait un peu mieux pourquoi elle plutôt qu'une autre. « Encore désolée pour la gifle. Je n'ai pas recommencé depuis, je te le promets. » Son rire venait combler la pièce. Elle s'en voulait toujours de l'avoir giflé ce soir-là, d'avoir sorti une insulte même. Peut-être qu'elle n'est pas totalement prête à se dévergonder totalement comme elle voulait. Parce qu'elle avait l'impression d'avoir commis deux crimes dans la même soirée et sur la même personne. « Il paraît que tu es courageux, oui. » En essayant de se mettre à la place de tout le monde et se confronter à elle, il fallait avoir plus que du courage pour ressentir quelque chose pour cette personne. Elle n'attirerait qu'un croyant, au fond. Ce que Léo n'était pas. « Ce n'est pas comme si tu avais voulu oublier. » Elle essayait de le rassurer. « Puis peut-être que tu te souviendras de tout un jour. Et c'était très bien, je te rassure. » Ce n'était qu'entre-deux que ça avait été ambiguë tout le long, mais ça ne devait pas le préoccuper maintenant. « Si on enlève toute la partie humanitaire ... tu as été invité à un mariage ! Tu avais rencontré une femme ... Vivi je crois, puis je sais pas de quoi vous avez parlé, mais toujours est-il que tu as dû te montrer bien convaincant pour qu'elle t'invite au mariage de sa soeur. » Elle, elle souriait, avant de penser que ça pourrait peut-être l'attristé qu'il ne se souvienne pas de ça. « Enfin voilà ... » Elle soupirait, se disant que même en lui disant tout ça, ça ne ferait rien revenir de sa mémoire à lui. Il fallait du repos et du temps, comme il l'avait dit.

En l'espace de quelques minutes, Léo semblait s'être confié à Grace bien plus que ce qu'il avait fait depuis quelques mois. Il se connaissait, il se savait secret, il se savait menteur, parfois, pas forcément pour faire du mal aux autres mais plus par omission, parce que c'était souvent plus simple de dissimuler la vérité que d'être parfaitement honnête. Souvent ça lui jouait des tours, évidemment, il ne pouvait pas toujours s'en sortir avec une pirouette, mais des fois c'était stupides, parce qu'il n'y avait rien de mal à s'ouvrir aux autres, quitte à blesser sa fierté, sur le principe il était parfaitement en accord avec ça, mais dans la pratique il fallait avouer qu'il avait encore du mal à l'appliquer. Pourtant sur ce lit d'hôpital les langues se déliaient et il se montrait parfaitement juste, il mettait les choses à leur place, peut-être un peu trop, cela semblait secouer la pauvre Grace. Un rictus amusé se dessina sur ses lèvres après sa dernière réflexion. Bizarre, c'était peu dire quand on parlait de l'histoire de Léo et Andrea, hors du commun c'était certain. Mais surtout ça ne concernait pas la belle en face de lui, la seule chose qu'elle avait à avoir il venait de lui dire, il n'avait pas trompé son ex avec elle, parce qu'il n'y avait personne à tromper, elle pouvait être rassurée. Je ne compte pas m'étendre sur le sujet, rassure-toi. Sa seconde confession sembla plaire davantage à la blonde, déjà elle souriait en le regardant avec douceur, comme attendrie. Il y avait du bon à ce que Léo lâche un peu du lest finalement. Il n'arrivait pas encore à se dire que cette perte de mémoire pouvait être positive, il avait encore trop mal, il était encore trop confus pour pouvoir penser ce genre de choses, mais peut-être que ça pourrait les rapprocher, peut-être que ça les obligerait à se dire ces mots qu'ils n'avaient jamais osé dire, pour notre homme en tout cas... Il essaya de rire parce qu'elle revenait sur l'épisode de la gifle, en effet c'était son tout dernier souvenir, mais il ne le prenait pas mal pour autant, même si Grace semblait toujours s'en vouloir. J'en ai pris d'autres... elle était sûrement méritée. En déduit-il dans un sourire amusé. Il n'ajouta rien mais n'en pensait pas moins, une gifle c'était généralement donné sous le coup de la colère et surtout parce qu'on était blessé, c'était la preuve qu'on ressentait quelque chose finalement, qu'on n'était pas indifférent. Et si ce geste avait pu mener à ce que Léo se pose les bonnes questions concernant les femmes qu'il côtoyait, si elle avait aidé à ce qu'il prenne son courage à deux mains et entraîne Grace en mission avec lui alors c'était plutôt positif au final. La jeune femme était toujours debout en face tout près de lui, ses mains traînaient sur le lit et Léo vint poser la sienne par dessus, c'était assez instinctif et il s'en rendit à peine compte. Il l'écouta parler du séjour, pendu à ses lèvres il essayait de s'imaginer les sensations, les visages de ces personnes rencontrées, comme si cela pouvait l'aider à se rappeler, mais ça n'était pas si simple et ça lui coûtait beaucoup d'énergie. En tout cas il semblait que leur voyage fut plutôt chouette, ce qui fit plaisir à Léo, même si Grace occultait parfaitement le fait qu'elle était là à ses côtés. Et cette fois tu es resté jusqu'au bout. Cette simple idée lui plaisait déjà beaucoup. Il soupira, fermant les yeux pour essayer de chasser la migraine mais ça n'aidait pas beaucoup, il avait besoin de repos, il le savait. Pourtant il ne voulait pas que Grace s'en aille. Dans tout ce flou elle apportait un peu de douceur et il avait peur de se retrouver seul. Il se sentait mieux depuis qu'elle était arrivée, ses rires même timides emplissaient la pièce d'une joie chaleureuse et contagieuse. Il ne pouvait s'empêcher de la dévisager, de la trouver belle, de se dire qu'il était chanceux qu'elle soit là, elle, de ne l'avoir que pour lui.

Plus il pourrait parler d'Andrea, plus ça pourrait faire mal à Grace, parce qu'elle se rendrait compte de la place plus qu'importante qu'elle occupait, même si elle se faisait déjà une petite idée qu'elle prenait soin de ne pas ressortir. Et même s'il disait qu'ils ne s'étaient rien promis, ça n'empêchait pas que ça paniquait la blonde. Elle souriait, gênée, elle ne savait pas lui dire si elle était méritée ou non, elle n'avait jamais levée la main sur quelqu'un, personne n'avait levé la main sur elle non plus. Ils disaient tous de laisser Dieu punir s'il avait à le faire. Mais ça, c'était parti de sa main et eux non plus ne s'était rien promis, ils ne s'étaient qu'embrasser un soir et elle s'était fait trop de film. Elle avait été déçue de le voir heureux avec une autre fille, même s'il en avait pu être avec pleins d'autres finalement, il n'y avait pas qu'elle dans sa vie, ça elle en avait conscience. « Admettons que oui ... » Disait-elle honteusement. Elle n'aimait pas parler des choses qu'elle regrettait, parce qu'elle ne finirait jamais de parler ces derniers-temps. Elle baissait les yeux vers la main de Léo qui venait frôler ses doigts. Ses doigts glissaient sur celle-ci avant de se refermer de peu, elle ne voulait pas le blesser. Grace appuyait un regard rempli de tendresse sur lui, souriant timidement. Elle ne voulait pas le perdre, cet homme-là, elle s'y accrochait doucement et tomber toujours un peu plus amoureuse, même si cet amour n'allait qu'à sens unique maintenant. Elle se mise à parler du voyage, essayant de lui donner quelques moments qui auraient pu être marquant pour l'aider. Elle ne disait rien de ce qui avait pu se passer après le mariage, elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise comme elle avait pu l'être. Soit il s'en souviendrait, soit non. « Je n'avais pas de raison de partir. » Elle lui avait déjà dit ça, quand ils étaient là-bas. Elle avait fini par s'y sentir bien à ses côtés, elle avait juste peur pour la suite, que l'histoire qu'ils s'étaient crée ne soit vraie qu'à Bénin. Et encore, s'il venait à se souvenir de leur relation là-bas, il pourrait peut-être penser que tout n'était que faux, parce qu'elle avait tout construit elle-même pour une stupide histoire. Mais son mensonge avait tellement bien tourné qu'elle aurait recommencée maintenant. Elle aimait se dire que peut-être, il n'y avait qu'elle dans ses pensées à lui, maintenant c'était un désordre ou peut-être Andrea en tirerait du bon et ça déchirait la blonde. « Je te raconterai le reste plus tard. » Si lui voulait bien croire qu'avec Grace, il se passait quelque chose. « Tu veux que je te laisse te reposer ? Je n'ai pas pensée ... si tu étais fatigué ou non en arrivant ... » Elle voulait juste le voir, s'assurer qu'il allait bien, faire calmer son coeur qui s'emballait trop.

On avait fait comprendre à Léo que sa perte de mémoire pourrait être parfaitement normale et temporaire ou bien être due à un blocage, quelque chose survenu au cours de ces deux mois d'absence, voir même des derniers jours, qui l'empêcherait de se rappeler, dont il ne voudrait pas se rappeler. Pourtant, plus il écoutait Grace, plus il avait l'impression qu'il était heureux depuis quelques temps, que tout allait bien pour lui. Il avait fait en sorte de la faire rester dans sa vie, de lui donner une place importante, à la blonde et, même si ça n'était surement que les prémices d'une histoire, ils semblaient êtres heureux. Il prit peur, un instant, dans tous ses questionnements silencieux, d'avoir vécu le plus gros traumatisme qu'il soit, à savoir que quelque chose de grave soit arrivé à Jonathan, durant le séisme ou même avant, elle le prenait à la gorge, cette peur sourde qui grondait en lui. Pourtant il essayait de se rassurer en se disant qu'instinctivement il le saurait, si son garçon n'allait pas bien il le sentirait, pourtant il était conscient que, pour faire taire cette terreur là, il devrait appeler son ex. Et ça aussi ça lui foutait la frousse, parce qu'il semblait que les choses ne se soient pas bien terminé entre elle et lui alors il redoutait d'appeler Andrea. Il oscillait donc entre cette peur inexplicable et le bien-être que lui procurait la présence de Grace à côté de lui, la douceur de la main qu'elle venait de glisser dans la sienne et qui le réchauffait, c'était déroutant, tout ce mélange de sensations contradictoires. J'espère que tu n'auras pas à me le raconter. J'espère m'en souvenir, vraiment. Souffla-t-il avant de lui offrir un sourire las. Il était à bout de force, ça se voyait sur lui, sur les traits tirés de son visage, pourtant il serra la main de Grace qu'il tenait toujours. Non, reste. Demanda-t-il tel un gosse terrorisé. Reste encore un peux, s'il te plait. En plus de tout le reste, Léo n'aimait pas les hôpitaux, ils lui rappelaient trop de mauvais souvenirs, d'une époque où il était à la place de Grace, serrant la main de sa petite amie mourante. Il en avait gardé tous les souvenirs, les odeurs insupportables de ce lieu, les heures interminables lorsqu'il attendait qu'elle revienne d'un examen, le temps qui filait trop vite lorsqu'il lui parlait, encore et encore de tout et de rien, pour lui faire oublier sa peine, la douleur atroce de son dernier souffle et ce sourire rayonnant qu'elle avait gardé vissé aux lèvres, jusqu'à la fin. Il avait les hôpitaux en horreur, parce que c'était signe de tristesse pour lui et l'idée même d'y passer une nuit seul l'angoissait totalement. Pourtant il savait que Grace devrait bien partir tôt ou tard, mais le plus tard possible, quitte à ce qu'il tombe d'épuisement. Parce que pour l'instant il tenait encore bon et il savait que sa présence n'était pas étrangère à ce qu'il se sente à peu près serain. Dis-moi, toi, tu étais où, durant le séisme ? Tu faisais quoi ? De tous les mystères que constituait sa perte de mémoire, ce tremblement de terre en était un gros, était-ce arrivé sans crier gare ? Et pourquoi est-ce que Léo était dehors à ce moment-là ? Pourquoi n'avait-il pas accouru auprès d'elle, s'il l'aimait tant que ça ?

Elle espérait aussi qu'il se souvienne des quelques moments là-bas, des gens qu'il avait rencontrés, du travail qu'il avait fait, ce qu'il avait ressenti quand il avait accompli tout ça. Parce qu'elle ne pouvait pas raconter ça, ils étaient séparés et c'était des émotions personnelles. « Tu t'en souviendras. » Elle affichait un sourire sincère. Si elle ne voulait pas se détacher un peu de Dieu, si lui avait été un minimum croyant, elle aurait bien suppliée le Grand, pour que ça arrive vite, pour que Léo reste moins dans le doute. Mais elle ne voulait pas qu'il se rappelle de certains détails, ça semblait pourtant être un tout ou rien. Il fallait simplement laisser le futur faire son travail. Quand il finissait par resserrer dans main, quand il disait vouloir la voir rester, son coeur se remit à bouillir. Elle n'aurait pas aimée être seule ici alors elle ne voulait pas lui infliger ça, mais elle aurait compris s'il avait fini par lui dire qu'il voulait qu'elle s'en aille. Mais elle n'avait pas envie de partir non plus, ça lui faisait tellement de bien de pouvoir le voir, s'assurer qu'il allait bien après ce qu'il s'était passé. « Je reste. » Il serait même plus probable que ce soit un médecin qui finisse par lui dire qu'il faudrait s'en aller. Parce qu'elle ne pourrait pas veiller toujours sur lui, qu'il avait sans doute beaucoup de choses à voir avec le corps médical. Elle fronçait les sourcils quand il demandait ce qu'elle faisait elle, où qu'elle était. Et elle finissait par l'envier d'avoir tout oublié. Parce qu'elle aurait voulu oublier tout ce sang, ces regards inquiets, ces cris. Ça la terrorisait la blonde. « J'étais dans un immeuble ... pour voir des gens. » Elle parlait rapidement, comme si elle avait quelque chose à se reprocher. C'était uniquement qu'elle se sentait stupide de ne pas avoir été dans plus sécuritaire, elle s'en voulait de ce qu'elle avait vu, de cette personne qu'elle n'avait pas pu sauver et qui continuait de la faire frissonner. Grace s'en voulait tellement et elle n'aurait plus été là pour s'en plaindre si Maxence n'était pas intervenue.« Et j'ai vu une de ces personnes mourir. » Elle retenait un sanglot, elle ne voulait pas pleurer devant lui, elle l'avait déjà assez fait. Son coeur se serrait un peu plus, elle n'osait plus le regarder, comme si elle avait peur de son jugement. « Je n'ai pas envie de parler de ça. C'est trop ... récent. » Ce n'était pas vraiment le mot qu'elle voulait utiliser, mais elle ne trouvait pas d'autres. Elle, elle n'avait rien oubliée, c'était plus difficile de parler avec la peur et l'angoisse.

Elle restait. Léo soupira de soulagement, il aurait pu comprendre qu'elle ne souhaite pas s'éterniser, qu'elle n'aime pas le regarder avec des bandages et des bleus partout, ça n'était pas donné à tout le monde de supporter ça, même quand on aimait une personne. Et puis elle aurait pu avoir d'autres choses à faire, d'autres personnes à voir, de la famille, qu'en savait-il, au final il ne savait pas grand chose de Grace, mis à part ce qu'il ressentait pour elle au plus profond, c'était bien mince pour connaitre quelqu'un. Mais elle ne le quittait pas et le blessé lui en fut reconnaissant. Assurément ce séisme avait causé beaucoup de dommages autant matériels qu'autre chose, il avait endeuillé des familles et traumatisé ceux qui se trouvaient au mauvais endroit. Léo n'en prenait pas encore conscience, parce que des dégâts de telle ampleur étaient difficiles à imaginer lorsqu'on ne s'y attendait pas. Et bien que lui ne soit pas très bien en point, il n'arrivait pas à prendre la mesure de tout ce qu'il venait de se passer. Pourtant les mots de Grace le firent frémir, elle dégageait une telle émotion, une telle détresse, il s'en voulu de lui avoir infligé de se le remémorer, il s'en voulu aussi d'avoir joué l'aventurier et de se retrouver ici, la replongeant encore dans l'horreur de cette journée qui devait sembler interminable à la blonde. Il la sentait prête à craquer et il ne lui en aurait pas voulu de le faire, voir quelqu'un mourir devant ses yeux c'était atroce, personne n'avait à subir une telle chose. Malgré son corps qui lui faisait mal il l'attira vers elle pour qu'elle se cale contre lui, il la serra doucement, essayant de la bercer comme il pouvait, de l'apaiser avec ses maigres moyens, il s'était toujours vu comme un homme fort, un homme protecteur et celle qu'il aimait avait besoin de cette protection alors il essayait au mieux de la lui apporter. Ça va aller ma belle. Ce surnom qu'il avait pris l'habitude de lui donner en français depuis quelques temps, juste après leur séjour humanitaire, qu'il aurait dû oublier mais qu'il sortait des tréfonds de sa mémoire sans même s'en rendre compte, preuve que tout n'était pas perdu et qu'instinctivement il se souvenait d'eux. Je suis désolé, je ne voulais pas t'obliger à... c'est terminé à présent, tu n'as pas à en parler si tu ne veux pas. Tout ira bien maintenant.. Il espérait que cette personne qu'elle avait vu mourir ne soit qu'un inconnu pour elle, ça serait peut-être plus simple à oublier, du moins à accepter, avec le temps. On toqua à la porte alors que Grace était toujours dans les bras de Léo, une infirmière entra, un paquet garni dans les bras. Bonsoir monsieur Emerson, un cadeau, de vos parents il me semble, ils font dire qu'ils espèrent que tout va bien, ils viendrons vous voir demain si vous êtes toujours avec nous. Je le pose sur la table, là. Elle allait partir lorsqu'elle se retourna et regarda Grace. Bonsoir sœur Darwin, je ne vous avais pas reconnu... sous ses airs surpris de la trouver ici, l'infirmière semblait se retenir d'ajouter quelque chose. Mais elle se contenta d'un sourire coincé. Reposez-vous Léo. On viendra bientôt vous apporter de quoi manger. Une fois qu'elle fut parti Léo rit, un peu amusé. Sœur Darwin, hum... Puis il soupira doucement en regardant le panier sur la table. Mes chers parents, toujours aussi attentionnés... peut-être que si j'avais été mourant, ou amputé, ils auraient daigné se déplacer... Enfin. Il y a du chocolat dans ce panier ? Demanda-t-il avec curiosité et un brin d'envie même s'il n'était pas certain d'être capable de manger quoi que ce soit.