Tell me and I forget, teach me and I may remember, involve me and I learn + Léace

Elle essayait de s'enlever ça de la tête, simplement penser à autre chose, ses amis, sa famille, tout ce cumul de stress qu'elle pouvait se donner pour ne pas penser à son propre malheur. Elle ne devait pas être la seule à voir des corps tomber, des vies arrachées, quelqu'un avait sûrement pire qu'elle. Des gens seraient plus déchirés qu'elle à cause de la perte de personnes chères. Ce qu'elle savait pour le moment était que sa famille allait bien, une partie du moins et elle ne cessait de remercier tous les esprits bienveillantes qui avaient fait que sa famille se retrouve au bon endroit, meilleur qu'elle. Elle ne voulait pas se plaindre non plus, elle l'avait déjà fait une tonne de fois, il devait en avoir marre, même s'il ne se souvenait pas de tout ce qu'elle avait pu dire pour le moment. Grace ne voulait de la pitié de personne.Et elle pouvait le voir dans les yeux de Léo, il avait ce regard qu'elle n'aimait pas sur elle, mais elle lui avait tendu la main pour le faire, parce qu'elle même parlait avec une souffrance dans la voix et les mots. Elle n'arrivait pas à montrer un air détaché alors qu'elle larmoyait à l'intérieur. Mais lui ne la laissait pas dans la détresse longtemps, même si elle ne voulait pas le blesser plus qu'il ne l'était déjà, elle se calait à ses côtés. Même si elle forçait sa jambe, la douleur mentale effaçait celle physique. Et elle ne pouvait qu'apprécier cette chaleur humaine qu'il lui offrait, comme si c'était nouveau pour elle. Ça doit l'être bien plus pour le Léo actuel. « “Ma belle” ... » Son accent était plus approximatif, elle essayait de le retenir quand lui le disait, tout comme elle voulait le mettre de côté. Elle aurait râler si ce surnom n'était pas si récent, si ça ne redonnait pas un peu d'espoir à la pessimiste qui montait en elle. « Ça ira mieux. » Avec le temps, parce qu'elle ne pouvait pas dire maintenant que tout allait bien, une personne qui l'accrochait à son passé était morte sous ses yeux, l'homme qui prenait un peu plus d'importance dans sa vie l'oubliait. Alors, sur l'instant, elle ne voyait quand ça irait mieux, mais elle arriverait à caser ça un jour, dans les parties oubliées de son esprit, celles qui finissent toujours par ressurgir un jour parce qu'elles ne s'effacent jamais. « Tu ne m'obliges à rien. » Elle aurait aussi pu se passer de lui donner des détails, simplement dire qu'elle n'avait rien, qu'elle était dans un endroit sûr, lui mentir. Elle détournait la tête quand une infirmière faisait son apparition dans la pièce. Grace s'intéressait plus à celle-ci qu'à ce qu'elle tenait entre les mains à vrai dire, parce qu'elle la connaissait, parce que d'un coup, elle se sentait mal à l'aise et son malaise s'amplifiait quand l'infirmière l'appelait "Soeur Darwin". « Ris pas, je dois passer pour la pire Soeur au monde. D'ailleurs ... m'appelle pas comme ça, même si ce n'est que pour répéter ! Je te l'ai déjà dit ça, j'suis certaine que tu t'en souviens. » Même si elle essayait d'égayer sa voix et y mettre un rire, elle s'inquiétait vraiment au fond. Ça faisait des mois qu'elle n'était plus venue ici. Maintenant, elle passait pour la Soeur qui consolait les gens de manière un peu trop tactile. Et c'était d'autant plus dégradant qu'en le pensant. « Tu as vraiment envie de manger ... dans ton état ? » Elle ne se moquait pas, elle s'interrogeait vraiment, parce qu'elle, même si elle n'était pas vraiment blessée, elle se passerait bien de manger pendant des jours. « Je ne savais pas que c'était le genre de cadeau qu'on faisait aux blessés ... Enfin, je suis nulle en cadeau. » Elle se redressait doucement, passant une main légère sur sa jambe qui lui tirait.

Grace releva ce surnom avec un accent adorable, Léo ne comprit pas vraiment. Ces mots étaient sortis d’eux-même, comme un réflexe, comme quelque chose de parfaitement naturel. Pourtant il n’avait pas vraiment l’habitude de parler aux femmes en français, en vérité il n’aimait pas trop, ça lui donnait l’impression de jouer au charmeur de bas étage qui utilise la langue de Molière histoire d’en jouer pour impressionner ces dames, sauf qu’il n’en avait rien à faire de les impressionner, il y avait d’autre moyens que celui-ci pour leur plaire. Grace l’avait donc regardé de façon réprobatrice mais avec les yeux brillants également… pourtant il n’eut pas le temps de s’attarder plus sur cette question qui resterait un mystère pour l’instant, parce qu’elle s’était calé docilement contre lui et qu’il tentait de la réconforter comme il pouvait et que c’était bien plus important, à ce moment-là, que ses menues questions existentielles. Il y avait quelque chose de bon à sentir cette femme là contre lui, à sentir sa chaleur et son parfum délicat, quelque chose de rassurant et de naturel, même si Léo ne se souvenait pas, même s’il ne comprenait pas tout, il se sentait à sa place et la simple présence de la jolie blonde lui faisait du bien, il se sentait presque mieux. Non, je ne t’oblige à rien. Du moins il l’espérait, qu’il avait été dans leur début de relation ce même homme avec elle qu’il l’était à ce moment là, présent, à l’écoute et protecteur, parce qu’il savait qu’il pouvait aussi se montrer brusque et blessant parfois, même si ça n’était pas intentionnel. Notre malade la serra un peu contre lui, malgré les ecchymoses, il faisait fi de la douleur pour apporter un peu de douceur. Il sentit la belle se crisper alors que l’infirmière entrait et puis s’éloigner un peu de lui alors qu’elle lui adressa la parole. Il comprit qu’elle n’était pas à l’aise, pas du tout mais il ne pu s’empêcher de railler gentiment les paroles de celle qui venait de quitter la pièce, parce que pour lui ce devait être de l’histoire ancienne cette histoire de sœur et qu’il pensait que Grace assumait son changement, surtout si elle avait accouru à son chevet. Pourtant il avait dû se tromper parce qu’elle le réprimanda directement, avec le sourire, certes, mais un sourire forcé. Léo souriait encore, se forçant à le garder le plus mince possible alors qu’il avait clairement envie de rire. Oui, tu as surement dû me le répéter plus d’une fois… et tu continueras peut-être encore un peu. Ne t’occupe pas de cette femme, on s’en moque, c’est ton choix, c’est un excellent choix. Tu t’es occupée des autres toute ta vie, tu peux bien penser à toi un peu… c’est bien l’idée, non ? Il regardait le panier avec envie, espérant que Grace lui apporterait peut-être pour qu’ils puissent l’ouvrir et découvrir ce qu’il y avait dedans, ses parents n’étaient pas présents, certes, mais connaissant sa mère, elle ne lui aurait envoyé que des choses qu’il aimait. J’ai envie, j’en sais rien… je suis curieux ! Il se redressa un petit peu sur son lit, une bonne dose de morphine ne serait pas de refus pour dissiper la douleur… Il sourit à sa réaction, visiblement Grace ne devait pas être très au courant des relations que Léo entretenait avec sa famille. C’est un cadeau comme un autre. C’est un bon moyen de dire on est heureux que tu sois en vie, on pense à toi, mais on n’a pas envie de se déplacer pour venir te voir. Il haussa les épaules, désabusé, depuis le temps. Mes parents sont… originaux. Il n’avait rien de plus à ajouter à leur sujet, il n’avait pas envie de se fatiguer en parlant d’eux, pas maintenant. Tu veux du chocolat ?! Demanda-t-il comme un gamin qui continuait son caprice en haussant un sourcil.

Se moquer des avis des autres c'était beaucoup plus difficile pour Grace, elle ne faisait pas attention à l'image qu'elle portait question physique, elle avait le sien, elle était complexée et timide sur ce point, mais sur ce que les gens allaient retenir d'elle, de quoi ils allaient parler sur la beauté de ses gestes et son esprit. Là ce n'était pas beau et elle en avait honte. Grace aimerait être différente et s'en foutre de tout, mais il y avait un trop gros fossé entre ce but et où elle se trouvait maintenant et même si les mots de Léo étaient encourageant et réconfortant, elle ne savait pas passer à autre chose, ça la travaillait encore. « Oui ... je crois. » Elle voulait voir jusqu'à où elle pouvait être capable d'aller sans se soucier de Dieu et du reste de la religion, mais elle n'avançait pas énormément. La transition était longue mais c'était sans doute pour le meilleur et comme ça, ça ne choquait personne autour d'elle, d'un changement soudain. Quand il se relevait à son tour, elle se sentait bête, pendant quelques secondes elle avait complètement oublié qu'il était blessé, certes il y avait eu la présence de l'infirmière, mais elle ne l'avait plus vue comme une personne qu'elle connaissait de son passé. Elle s'inquiétait encore de s'il avait mal ou non, elle préférerait qu'il ne bouge pas, comme ça il n'y avait pas de risque, mais il n'était pas un objet et il n'était pas à l'agonie non plus, il semblerait. « Envie !? » C'était comme sorti tout seul, parce qu'elle savait que sa famille se serait déplacé si elle était dans le même état que Léo, même si elle avait moins, parce qu'elle était soudée à sa famille même si elle s'en éloignait. Et qu'elle ne comprenait que maintenant qu'elle n'aurait peut-être pas dû le faire autant en quittant l'Église, sa famille était importante et elle avait tellement peur pour elle. « Euh … pardon. Je veux dire … tu es à l’hôpital … ils devraient être en panique … ils ne t’ont même pas appelé ? Enfin, si tu as ton portable. » Elle ne connaissait pas vraiment les familles des autres non plus, elle n’avait qu’un seul exemple, le sien. Et le sien comparé aux autres, ce n’était pas vraiment un très bon exemple. Elle riait quand il lui proposait du chocolat, mais même pour ce genre de gourmandise, elle n’avait pas d’appétit. « Non … pas vraiment. Mais tu as l’air d’y tenir à ton chocolat, je te le laisse en entier ! » Elle faisait un geste de la tête, elle avait déjà l’impression de l’embêter à être là alors qu’il voulait voir Andrea, enfin ce qu’il laissait penser au début, alors elle n’allait pas commencer à lui voler ces cadeaux.

Elle n'état pas sûre d'elle, la jolie Grace, Léo le voyait bien. Pas sûre de son choix, ou bien de lui, de leur relation ? Il n'aurait su le dire et ça le mit mal à l'aise. Peut-être que tout n'allait pas bien entre eux, malgré le fait que la blonde ait accouru à son chevet, peut-être que ça n'était pas si idyllique que ce qu'il avait en tête, pas aussi beau que ça. Il se posait des questions à présent, de celles auxquelles il ne pourrait avoir aucune réponse jusqu'à ce que son esprit s'éclaircisse et qu'il retrouve la mémoire et c'était bien le pire. Cette amnésie pouvait avoir du positif, mais elle cachait bien quelque chose, on le lui avait fait comprendre, le tout était de savoir quoi et il le redoutait de plus en plus, au fur et à mesure qu'il passait du temps avec Grace, qu'il appréciait sa présence, qu'il se rendait compte à quel point c'était bon de la serrer contre lui, il savait déjà qu'il ne voulait pas la laisse filer et se souvenir lui faisait presque peur, peur que la vérité soit moche. Il caressait doucement sa main pour garder le contact, pour ne pas biser cet instant de douceur que l'infirmière avait dérangé en rendant la situation presque gênante. Et puis Léo détendit l'atmosphère en s'intéressant au cadeau de ses parents. Clairement  Grace ne les connaissait pas, Léo il n'en était pas plus surpris que ça, parce qu'il cherchait toujours à cacher ses histoires d'amour à sa famille, le plus longtemps possible, tant qu'il pouvait protéger ces pauvres femmes de son contexte familial si étrange, de son père, surtout. Oui, envie, oui, ses parents étaient aussi bizarres que ça, lui n'en faisait plus de cas, il les connaissait par cœur, mais ça pouvait choquer les autres, en effet. Il sourit, amusé par la réaction de la belle. Ne t'excuse pas, ça n'est pas de ta faute. Il haussa furtivement les épaules en écrasant un éclat de rire presque triste, il avait souffert toute son enfance du comportement de sa famille, aujourd'hui il avait pris le parti de ne plus s'en formaliser parce qu'il savait que rien ne changerait. Grace, elle, avait grandit dans une famille aimante et soudée, c'était une chance. Ils m'aiment... à leur façon. Même peu conventionnelle. Ma mère a dû paniquer. Quant à mon père... Bref, ils savent que je vais bien, je vais leur envoyer un message pour les remercier. Ne t'en fais pas, ils n'ont pas déteint sur moi. Moi je suis angoissé de savoir si John est en vie et dès que je sortirai d'ici j'irai le serrer contre moi. Ajouta-t-il avec un sourire en coin. Il fit une moue déçue alors que Grace déclinait son invitation à partager son chocolat. Il n'a pas le même goût quand on ne le partage pas... Le malade chercha alors à croquer un morceau mais le chocolat était trop dur et ça lui fit mal au crâne, sans parler de la nausée qui remonta immédiatement. Soupirant, il le mit de côté pour un moment où il l'apprécierait mieux. Et il attrapa son téléphone qui était près de lui. Il a survécu. J'ai pu lire quelques uns de nos messages... voir des photos. On va plutôt bien ensemble je trouve. Affirma-t-il avec un sourire en coin, presque fier.

Un léger mouvement de tête innocent. C’était sûr que ce n’était pas de sa faute, elle n’allait pas aller contre les parents de Léo non plus. Chacun sa manière de voir l’amour, de voir la famille, Grace voyait dans une famille quelque chose de soudé, de l’inquiétude pour chaque occasion. Ce genre d’amour étouffant que l’on veut se défaire mais qu’on s’y s’en mal une fois en dehors. Tout le contraire que la famille Emerson, il semblerait. « Chaque amour est différent, hm. » Comme disait le reste du monde, ce ne serait pas amusant si tout le monde était fait pareil, il n’y aurait plus rien à explorer. « Peut-être qu’il veut simplement pas le montrer ! Tu sais … les hommes … mon père devrait sans doute être pareil si ce n’était pas un tremblement de terre pareil. » En fait elle n’en savait rien, mais elle ne voulait pas non plus qu’il s’inquiète comme si elle était une enfant, elle avait bien grandit la petite Grace qui ne disait mot pour ne pas contredire Dieu. « Il viendra peut-être à toi avant. » Elle souriait tendrement. Elle ne devait pas être la dernière personne à lui rendre visite, elle pensait bien que son ex finirait par débarquer avec l’enfant. Sauf si elle avait d’autres personnes à voir, elle ne connaissait rien de la vie de cette femme et ça ne la dérangeait pas. Elle retenait un rire en faisant un semblant de moue quand il parlait de chocolat. « C’est psychologique ça ! Je vais finir par me sentir coupable. » Pas vraiment, ce n’était qu’un bout de chocolat qu’il ne semblait pas pouvoir manger en plus. Elle finissait par sourire un peu gênée de ce qu’il disait. « Ah … oui … » Elle espérait aussi qu’ils aillent bien ensemble, même si elle n’était pas des personnes des plus démonstratives. Elle distribuait son amour avec autre chose que des gestes parce qu’elle est maladroite et qu’elle avait peur de tout faire de travers. Elle découvrait simplement le concept sans se bloquer de trop. « Ça devait être gênant de lire et voir des trucs … quand on s’en souvient pas. » Enfin ça l’était pour elle, puisqu’il ne devait visiblement pas s’y attendre, même quand elle est arrivée, c’était comme s’il ne s’y attendait pas. Qu’importe, elle n’allait pas ressasser ça dans son esprit bien longtemps, puis ça ne changeait rien à la situation de maintenant. Est-ce qu’il se considérait vraiment en couple avec elle, maintenant ?  Elle laisserait de toute façon les choses se faire pour ne pas se sentir humiliée s’il était passé à autre chose.  

Un vague sourire en coin se dessina sur les lèvres de Léo, de ces sourires énigmatiques qui en disaient long sur sa pensée. Grace ne connaissait pas Peter, personne ne le connaissait vraiment, il passait pour un homme jovial en société, un homme bon sous tous rapports, il était investi dans des œuvres de charité et très bien vu des habitants de Bowen. Mais au delà de cette image là, une fois les portes de leur majestueuse demeure refermée, il devenait tout autre. Le père Emerson était un homme froid et calculateur, un homme mangé par ses ambitions et son amour de l'argent, du pouvoir, du contrôle. Il n'aimait personne d'autre plus que lui-même et il le cachait bien. Mais Léo savait, il l'avait pratiqué, il lui en avait réclamé de l'amour et de l'attention lorsqu'il était gamin, en vain jusqu'à ce qu'il comprenne, lorsqu'enfin il fut en âge, que même son propre fils ne pourrait le faire flancher. S'il avait eu un enfant, un garçon, heureusement, c'était pour compléter le tableau de la petite famille parfaite et aussi pour s'assurer d'avoir un héritier. Le problème c'était que Léo n'avait jamais voulu reprendre la suite de ses activités, voilà pourquoi ils étaient en froid aujourd'hui, Peter ne voyait plus aucun intérêt en son propre enfant. Voilà aussi pourquoi il avait repoussé Maxine, cette fille illégitime qui méritait malgré tout de connaitre ses origines... et peut-être d'autres, dont Léo n'avait pas connaissance, parce qu'en plus d'être un homme froid, il était infidèle, Léo se demandait souvent s'il avait un cœur... Et le pire dans tout ça c'était qu'il avait parfois l'impression de lui ressembler, d'avoir hérité de ses pires traits de caractère, comme le côté volage peut-être, ou égoïste. Et ça lui foutait une trouille monstre parce que plus que tout au monde, il refusait de ressembler à son paternel. Peut-être qu'un jour il expliquerait tout ça à Grace, peut-être qu'elle comprendrait mieux. Mais pas aujourd'hui, il devait avoir les idées claires pour lui parler de sa famille, son fardeau à lui.
Il douta sincèrement qu'Andrea se déplace jusqu'à l'hôpital pour venir le voir, même s'il en caressait l'espoir, pour pouvoir prendre son fils dans ses bras et pour la voir elle aussi, peut-être que ça l'aiderait à se souvenir, de voir une à une les deux femmes qui semblaient le tourmenter, peut-être que c'était la clé pour qu'il retrouve la mémoire. Oui, peut-être... Dans tous les cas je ne resterais pas bien longtemps ici, si je vais mieux je préférerais me reposer chez moi. Il n'attendit pas bien longtemps pour se consoler avec le panier de douceurs, jetant son dévolu sur le chocolat, évidemment. Souriant à la réponse de Grace, il lui tendit alors un morceau, mais elle déclina une nouvelle fois de la tête. Il se décida alors à en manger un morceau, mais ce fut une mauvaise idée visiblement, rien ne passait. Frustré mais résigné, Léo sortit alors son téléphone et tenta une nouvelle approche avec Grace, c'était tellement délicat, il ne savait pas à quel stade ils en étaient de leur relation, de leur complicité, il ne savait même pas s'il en était sincèrement amoureux avant d'oublier, ni si elle l'était aussi, en gros il avançait à tâtons et c'était compliqué. Même si tout son être, son ressenti et la tendresse qu'il semblait éprouver pour elle lui faisait penser qu'il l'aimait vraiment, il ne pouvait pas en être certain et la retenue dont la sainte faisait preuve ne l'aidait en rien. Il fit une sorte de moue faussement dubitative en regardant le téléphone. A priori rien de vraiment gênant, aucun sexto... aucune photo osée s'en est presque décevant... Il arqua un sourcil en relevant les yeux vers elle, évidemment elle piquait un fard et Léo sourit. C'est une blague, Grace ! Il resta silencieux un instant avant de reprendre la parole doucement. Je n'ai pas tout oublié. J'ai encore le souvenir de cette soirée au bar... Les sensations qu'elle m'a procuré. Le goût de ce premier baiser que tu m'as offert. Tout ça je m'en souviens très bien. Et je comprend pourquoi j'ai dû chercher à en avoir plus. A te vouloir pour moi. Je t'ai toujours voulu Grace, tu es mon caprice, mon idéal en quelque sorte, mon rêve inaccessible. Il lui sourit faiblement. Quand je te regarde aujourd'hui, même si j'ai oublié tout le reste, je n'ai qu'une envie, te prendre contre moi, t'embrasser à nouveau. Ça vaut tous les souvenirs du monde, je crois. Du moins ça lui suffisait pour l'instant, jusqu'à ce que sa mémoire revienne, même s'il en redoutait le contenu.

Elle comprenait qu'il voulait rentrer chez lui rapidement, qui voudrait rester ici surtout avec tous les patients qui étaient présents maintenant. Pas elle en tout cas. Alors, lui verrait bien quand il rentrerait chez lui, quand tout ça ira mieux et s'il retrouverait la mémoire. Et elle espérait de tout cœur que tout ça se passe rapidement, qu'elle ne reste pas à se restreindre de ses gestes ou ses paroles parce qu'elle ne savait plus vraiment ce qu'elle représentait de nouveau, elle se retrouvait dans le même problème dont elle avait été pendant un temps et parce qu'elle ne volait pas faire quelque chose qui pourrait le surprendre lui et la gêner elle par la suite. Comme cette histoire de portable et messages qu'il avait pu lire, autant ça ne la dérangerait pas si Léo savait ce qu'ils se passaient entre-eux, autant savoir qu'il avait un trou béant dans la mémoire et que tout ce qu'ils avaient pu vivre ces derniers-temps étaient passés dedans, ça la mettait plus mal-à-l'aise. « Euh … c'est … ce n'est pas … » Ce n'était pas son genre du tout, elle s'imaginait même pas le faire. Ses joues parlaient plus pour elle, piquant sur le pivoine alors qu'elle détournait le regard et le fait que Léo dise que ce soit une blague ne changeait rien, elle riait plus par gêne que parce que c'était drôle. Elle finissait par relever ses iris vers lui, souriant tendrement. Même avec le temps, elle n'arrivait pas à s'y faire aux compliments, elle avait toujours l'impression d'être une gamine au cœur qui flanchait un peu trop vite, à qui la chaleur montait sans doute trop vite aux joues. Mais elle n'était pas douée dans les mots, elle ne savait pas dire de choses mignonnes, même si elle le voulait. Peut-être qu'avec le temps elle saurait dire ce qu'elle pensait de lui exactement, ces sentiments qu'elle avait eut et qui l'avait forcé à fuir, celui qui fait qu'elle devenait plus jalouse des autres ou bien qui faisait qu'elle n'avait jamais réussi à faire une croix dessus ; mais elle ne trouvait pas son nom, à ce sentiment. Et elle ne pouvait pas dire tout simplement que malgré le peu de temps qui avait passé, elle avait fini par vraiment l'aimer parce qu'elle trouvait ça trop facile et gênant par rapport à sa situation. Et alors qu'elle tâtonnait pour trouver ses mots, la sonnerie de son portable résonnait dans la pièce. Elle s'empressa de le prendre pour vouloir l'éteindre car elle avait l'impression de gâcher un beau moment, mais la vue du nom sur celui-ci la bloqua quelques secondes. La raison de leur dispute il n'y avait pas longtemps, la raison de cette deuxième bouffée d'inquiétude qui lui prenait à la gorge, mais elle ne pouvait rien dire ou rien faire à part décliner l'appel. Pourquoi est-ce que Jeremy l'appelait maintenant ? Elle relevait doucement la tête vers Léo, abordant un léger sourire aux lèvres. « C'était pas … important. » Pas plus important que lui, sûrement. Mais les traits d'inquiétude qui revenaient sur son visage trahissaient la blonde, alors elle essayait de se dépatouiller. Elle ne savait même plus quoi dire, alors, comme à chaque fois qu'elle paniquait, la blonde n'avait que quelques mots à la bouche. « Je vais te laisser te reposer … » Il était bien la dernière personne dont elle voulait s'éloigner sur l'instant, mais fuir était beaucoup plus simple. Puis elle avait toujours l'excuse de sa famille et tout ce qui se passait autour. Au fond, elle aurait préférée que ce soit une des infirmières qui la vire de cette place plutôt qu'elle le fasse soi-même.

Elle était adorable lorsqu'elle rougissait, Léo craquait complètement. Devant Grace il se révélait faible et c'était assez agréable de se laisser porter par des sentiments qu'il découvrait à nouveau, comme s'il retombait amoureux grâce à son amnésie. Il aimait cette sensation, il l'avait toujours aimé, celle de se laisser toucher au cœur par une femme, d'être ému et envoûté, ça n'était pas pour rien qu'il tombait amoureux à chaque coin de rue à une certaine époque. Aujourd'hui il s'était assagi et il prenait le temps de se laisser surprendre, il préférait la qualité d'une relation sincère à l'attrait de jolies filles qui ne le charmeraient que pour une nuit et dont il se lasserait au petit matin. Et clairement, avec la blonde il avait choisi la première option, il était conquit et c'étaient ses sentiments qui parlaient, pas besoin de souvenirs pour comprendre ce qu'il ressentait au plus profond. Il avait hâte de se rappeler ou bien d'apprendre à la connaitre à nouveau, il ne voulait plus perdre une seconde, surtout s'il avait perdu un mois et demi de mémoire. Il en était à sa rêverie lorsque le téléphone de la belle se mit à sonner. Gênée, elle regarda le nom et Léo, par réflexe, ne pu s'empêcher de lire lui aussi. Jeremy... Un nom parmi tant d'autres, un homme, certes, oui elle semblait perturbée, il l'observa du coin de l’œil alors qu'elle rejetait l'appel, lui ne comprenait pas bien pourquoi elle était si mal à l'aise, Jeremy ça ne lui disait rien, ça pouvait tout aussi bien être un quelconque ex que son frère, il ne savait plus rien d'elle de toute façon. Mais il lu sur son visage que Grace ne savait plus où se mettre, elle cherchait une échappatoire. Oui, d'accord, tu peux... Il aurait voulu qu'elle reste plus, qu'elle s'attarde, qu'elle lui parle, encore et encore, mais il voyait que déjà elle lui échappait. On toqua à la porte, l'infirmière entra. Elle s'approcha, déposa un plateau repas et puis pris la tension de notre malade tout en parlant. Votre dîner Léo. Mangez ce que vous pouvez mais il vous faut des forces. Un examen est programmé demain à neuf heure pour voir si votre hématome s'est résorbé dans la nuit. Hum, neuf, petite tension pour un gaillard comme vous, il faut vous reposer. Dit-elle en déposant son regard sur Grace, une vraie bouée de secours pour la blonde qui dû comprendre rapidement qu'on lui faisait comprendre qu'elle devait partir. L'infirmière sortit, laissant le couple se regarder dans le blanc des yeux. Vas-y, sauve-toi. Je te donnerai des nouvelles demain. Grace s'approcha de lui et pour la première fois il pu déposer un bisou sur ses lèvres, quelque chose de très doux, presque innocent, mais ce fut agréable et il eut l'envie de plus. Pourtant il n'insista pas. Il la regarda s'enfuir alors que ce prénom lui revenait en tête, encore et toujours, Jeremy. Ce soir là il ne mangea pas grand chose, il appela Andrea rapidement, John allait très bien, ce qui le rassura, elle avait été légèrement sonnée à cause d'un choc mais rien de bien méchant. Il s'endormi rapidement après son appel, son sommeil fut peuplé de cauchemars incompréhensibles et généralement il se réveillait en sueur. On prit sa tension régulièrement, sa température aussi, il n'était pas bien vaillant. Sur le petit matin il fit un rêve étrange, un mélange entre une dispute avec Grace alors qu'il la surprenait avec un autre homme dans la rue et les cris de son fils alors qu'il semblait trop occupé à faire les yeux doux à son ex. Les visages se mélangeaient, les noms et les sensations aussi, il se réveilla sur le souvenir de ce rêve qui le perturba un moment. Le jour n'était pas encore levé pourtant Léo n'avait plus sommeil, il resta un long  moment à fixer la nuit et puis ça lui revint. La veille du séisme il avait surpris Grace avec un dénommé Jeremy, comme prise la main dans le sac, la blonde n'avait su expliquer à Léo qui était cet homme et lui s'était fait tout un film, de là une dispute avait éclaté, la première vraie dispute du couple, la première fois que Léo comprenait que Grace lui cachait des choses. Ils s'étaient quitté en froid et notre homme n'avait pas su si cet homme était un ami, un amant ou tout autre chose et il s'était senti trahi par celle qu'il aimait, parce qu'il l'aimait, Grace, à en crever et ça le rendait malade de sentir qu'elle lui échappait peut-être. A partir de là tout était revenu par petites bribes, le séjour humanitaire, le bébé de Zephyr, l'anniversaire de John, la journée du séisme avant qu'il n'oublie tout et tant d'autres choses. On lui fit son examen, l'hématome semblait se résorber correctement, il allait mieux. On le garda quelques jours de plus en observation mais Léo avait retrouvé la mémoire et il se remit rapidement.