La ville lumière + Fleur

Paris tu nous ouvres ton cœur. Et tout dans Paris est bonheur.

Deux jours que Léo était arrivé à Paris, en ce mois de Janvier la température contrastait totalement avec Bowen et il avait revêtu des habits chauds. Voilà quelques années déjà que le jeune homme n'était plus venu en France, alors au diable le froid, il était heureux d'être ici, comme à chaque fois qu'il se rendait dans ce pays si cher à son coeur. Il y avait emmené son fils, le premier grand voyage de Jonathan, une semaine et demi tous les deux à sillonner les routes de France pour présenter le jeune garçon au restant de la famille maternelle de Léo qui ne l'avait encore jamais vu, ceux qui n'avaient pas pu faire le déplacement jusqu'en Australie, soit une bonne partie au final. Cela s'annonçait comme un séjour plutôt éprouvant parce qu'il devait en passer par des repas à table interminables avec une ribambelle de plats, tous très bons, de bonne tradition française en soi. Mais Léo était heureux de retrouver les siens qu'il n'avait pas vu depuis un moment et fier de leur montrer son fils. Aujourd'hui pourtant il avait quartier libre, sa grand mère étant trop heureuse de pouvoir rester seule avec son arrière petit fils, il décida de s'octroyer une balade en solitaire dans les rues de la capitale. Il faisait froid mais un beau soleil rendait l'atmosphère magique. Muni de son reflex il essayait de capturer de belles photos de la ville aux détours de ses flâneries. Et sans trop s'en rendre compte il s'était rendu dans ce quartier qu'il affectionnait particulièrement, Montmartre. Il s'attarda place du Tertre qui, même si elle était trop touristique, gardait tout de même un charme particulier pour l'artiste que Léo était. Puis il passa son chemin pour retourner derrière le Sacré Coeur où il s'installa à une minuscule terrasse de café et commanda un expresso.

La neige n'avait pas fait son apparition sur la ville lumière mais on l'avait annoncé à la télévision, Léo n'avait pas hâte, non pas qu'il ne trouve pas ça joli, mais il devait prendre la route d'ici quelques jours et il n'était pas vraiment habitué à conduire sur un manteau blanc, en plus, avec son fils à ses côtés il n'allait pas s'amuser à jouer le cascadeur. Aujourd'hui il profitait de ce froid sec qui lui gelait les doigts et la pointe de ses oreilles, beaucoup trouvaient ça désagréable et peu de téméraires s'attablaient en terrasse, la plupart se ruaient bien au chaud préférant le confort des banquettes et la chaleur intérieurs. Mais lui il était bien, là, à observer la vie, son café qui lui réchauffait les mains et la fumée blanche qui sortait de ses lèvres gercées, un chauffage d'extérieur adoucissait tout de même l'atmosphère. Il eut l'envie de s'allumer une cigarette, ça complétait le tableau parisien. Il sortit alors son paquet qu'il gardait toujours dans sa poche en cas où et s'en grilla une, c'était un moment parfait de solitude et de contemplation, il aimait cet anonymat lorsqu'il venait en France, il n'était plus le fils Emerson, il devenait un touriste parmi tant d'autres. Dans son champ de vision il y avait cette petite boutique de souvenir un peu plus loin, il observait le balai des badauds, asiatiques pour la plupart, qui entraient et ressortaient les bras chargés de babioles, ça le faisait sourire, lui n'aimait pas ces cadeaux tchips et de mauvais goût, mais il en fallait pour tout le monde. Il songea qu'il devrait malgré tout rapporter quelques cadeaux à ses proches en rentrant à Bowen. Une jeune femme retint son attention alors qu'elle sortait de la boutique, elle était couverte des pieds à la tête, seule une partie de son visage et ses mains semblaient visibles, il l'observa un instant sans trop savoir pourquoi, comme si sa démarche lui semblait familière, comme s'il avait reconnu son regard. Il s'attarda encore alors qu'elle allait passer devant lui, plissant les yeux et le coeur battant plus que de raison, il tenta le tout pour le tout, au pire il se trompait, au pire elle l'ignorerait, de toute façon il était persuadé d'avoir tort, parce que la trouver ici était quasiment impossible. Fleur, c'est toi ? Osa-t-il alors qu'elle arrivait vers lui.

Les volutes de fumée et l'extrémité rougissante de la cigarette réchauffaient un peu plus notre homme, il aimait l'odeur du tabac et le fait que la nicotine lui pique la gorge parce qu'il ne fumait pas assez régulièrement pour y être habitué, c'était son petit plaisir coupable, parfois une échappatoire lorsqu'il était en colère, mais aujourd'hui il n'y avait aucune rage en Léo, juste l'envie de profiter de l'instant. Lorsqu'il remarqua celle qu'il pensait être une connaissance, il fut piqué au vif, curieux et effrayé à la fois, même s'il affichait son éternelle fausse désinvolture alors qu'elle s'approchait de lui et qu'il osa prononcer son prénom, au risque d'affoler une parfaite inconnue. Et puis elle se retourna et il comprit qu'il ne s'était pas trompé. Il l'observa un instant, un sourire aux lèvres et sa clope entre les doigts, silencieux, songeur. La vie pouvait être bien joueuse quand elle voulait, les mettre encore une fois sur le chemin de l'autre, ici, à Montmartre, dans ce quartier plein de charme et de souvenirs, près de l'endroit exacte où, à quelques années de là, ils avaient joué les enfants romantiques en piquant quelques mots à Apollinaire et ses semblables pour paraître plus français, plus sérieux, du haut de leur jeune âge. C'était assez coquasse finalement. J'ai pris quelques jours pour m'échapper de Bowen et venir rendre visite à ma famille. Tu veux t'asseoir ? Tu as l'air frigorifiée ! Ils avaient la terrasse pour eux, ils pourraient même se rapprocher du chauffage si elle le souhaitait. Ce serait bête qu'elle refuse, l'occasion était trop belle de pouvoir passer un peu de temps ensemble, malgré leurs dernières retrouvailles, les larmes de de Fleur et son chagrin d'amour, il espérait qu'elle était passé à autre chose.

Ses grands yeux en amande de chaton effrayé posés sur lui faisaient toujours un petit effet à Léo, ils l'attendrissaient, ils le réchauffaient en quelque sorte. Mais non, ils n'étaient plus dans la séduction, même s'il avait voulu, même s'il avait pu, la cueillir à nouveau, sa Fleur, il ne se l'autoriserait pas, parce qu'il savait que pour lui ça ne serait que pour un moment, ça serait répondre à un désir plus qu'à des sentiments alors qu'elle semblait s'agripper à lui dès le moindre signe de faiblesse de notre homme. Et il ne pouvait pas lui offrir plus que quelques moments de plaisir, contre l'amour, ça ne faisait pas le poids, au contraire, ça faisait bien trop de dégâts. Et puis il était amoureux d'une autre et il se promettait tous les jours qu'il ne jouerait pas au salop avec cette fille-là. Restait tout de même entre Fleur et Léo de bons souvenirs d'enfance, une tendresse particulière et une complicité qui crevait les yeux, rien que ça, c'était déjà énorme et ça donnait à l'australien l'envie de parcourir Paris avec la jolie française, de partir bras dessus bras dessous et de laisser parler l'insouciance qui les caractérisait si bien à une époque. Il la laissa alors s'installer, retirer son bonnet, il sourit à la vision de ses cheveux qui s'envolaient avec l'électricité statique. Lorsque le serveur arriva il commanda un deuxième expresso parce que sa tasse était vide. Je suis arrivé il y a deux jours, j'ai encore une semaine et demi à de rab ! Je vais sillonner un peu la France, voir un peu ma famille, lui présenter mon fils. Tu es arrivé quand ? Il regardait la rue et son agitation, il y avait toujours quelque chose à voir, des promeneurs à observer. C'est toujours aussi magique par ici. Je suis content de te voir ! Déclara-t-il, avec un sourire sincère aux lèvres.

Leurs cafés arrivèrent rapidement, la chance d'être à la terrasse d'un tout petit troquet en pleine après-midi. Il remarqua que Fleur ne cherchait pas à s'attarder sur le sujet de Jonathan et ça lui allait très bien, même s'il aimait son fils et qu'il n'évitait jamais le sujet lorsqu'on lui en parlait, il appréciait aussi de n'être que Léo parfois et pas père de famille. Lui qui aimait profiter de sa liberté d'homme, il n'aimait pas qu'on lui attribue des étiquettes, qu'on le rentre dans une case bien définie, il était tellement plus qu'un père, qu'un photographe, que le fils de son paternel, qu'un homme avec une soi-disant belle gueule,...
Sa réaction quant à la magie de Paris, de ce quartier surtout, arracha un sourire à notre homme, tellement de beaux souvenirs lui revenaient en mémoire, de belles découvertes, d'envie de rester ici pour toujours, de ne jamais rentrer en Australie, de devenir Parisien pour pouvoir avoir la classe de ces hommes et pouvoir embrasser ces belles femmes qu'il croisait tous les jours dans les beaux quartiers. Il aimait cette ville, il l'idéalisait, parce qu'il n'en avait toujours vu que les bons côtés, de ceux qui font carte postal, qui font la réputation du Paris mythique et romantique. Lui aussi il y avait vécu une romance à sa façon, avec envolée de colombes -pigeons- odeur de Guerlain et goût de croissant au beurre. Il rit à l'anecdote de Fleur, il s'en souvenait très bien, de cet hivers là, un mois de février où toute la ville était gelée, où ils avaient fait une bataille de boule de neiges même s'il y en avait peu et qu'elle fondait déjà, où ils avaient trouvé une planche en bois pas très solide mais qu'ils sen foutaient pas mal de se blesser, parce qu'à cette époque ils étaient immortels et inconscients, ils avaient dévalé les marches du grand escalier en se faisant mal aux fesses mais encore plus au ventre à force de rire aux éclats. Ils en avaient vécu des moments comme celui-ci, de pure bonheur, de ceux qu'on ne vit que durant l'enfance, juste avant de perdre toute innocence. Ta mère t'avait privé de sortie après ça... et menacé que je ne t'accompagne plus durant tes voyages. Elle croyait que j'étais certainement le garçon le plus infréquentable au monde. Et après, malgré l'interdiction, je t'ai fait faire le mur. Pour l'amener manger une gaufre chaude qui sentait bon le chocolat. Il était plein d'imagination et il avait cette chance qu'ici et seulement ici il perdait toute sa timidité légendaire, avec Fleur il devenait tout autre, comme le héro de ses meilleurs romans, il se voyait chevaleresque et romantique, il l'enlevait pour mieux la garder pour lui. Elle n'avait sûrement pas tort au fond... Avoua-t-il un sourire coupable aux lèvres alors qu'il y portait sa tasse fumante.

Léo n'aimait pas ressasser le passé d'habitude, il avait tendance à le laisser de côté, il passait à autre chose, il trouvait ça inutile. Pourtant en présence de Fleur c'était différent, se remémorer ces souvenirs qu'il pensait oubliés et qui pourtant restaient si frais dans sa mémoire lui faisait beaucoup de bien, certainement parce qu'ils étaient les plus heureux de son adolescence. Il rit la réaction de son acolyte, il l'imaginait parfaitement rouge comme une pivoine devant sa mère qui la sermonnait, tout ça à cause de lui. Et pourtant il ne regrettait rien, s'il devait revivre cette période il ferait exactement les mêmes bêtises parce qu'elles étaient signe d'une liberté bien trop précieuse à ses yeux. Fleur termina sa phrase, de la même façon qu'il l'aurait formulé, il la fixait comme hypnotisé, par le souvenir, par ses yeux, par une émotion toute particulière qu'il ne savait expliquer, le regard empli d'une tendresse étrange, pour la Fleur qu'il avait face à lui aujourd'hui, pour ce souvenir, pour l'atmosphère particulière qui régnait ici, à la terrasse de ce café où étrangement il semblait faire moins froid tout d'un coup...
Elle conclut qu'elle se faisait facilement emboucané en ponctuant sa phrase d'un rire nerveux totalement charmant, dans les intonations de sa voix on percevait encore son accent même si elle en avait perdu beaucoup depuis plus de dix ans qu'elle vivait en Australie. Léo termina sa tasse rapidement et déposait déjà un billet de dix euros sur la table. Viens, on va se balader un peu, on va voir si tu es toujours aussi influençable. Promis, ta mère n'en saura rien ! Il avait ce sourire espiègle du gamin qui prépare un mauvais coup, même s'il ne savait pas bien où il allait l'entraîner, juste l'envie de retrouver l'insouciance.

Ils quittèrent le confort douillet de la terrasse chauffée, une Fleur emmitouflée sous ses couches de vêtements et Léo qui enfonçait ses mains gelées au fond des poches de son manteau, en effet ils étaient bien mieux assis, mais il fallait profiter du soleil parisien, alors ils se rapprochèrent l'un de l'autre comme pour profiter de la chaleur humaine et marchèrent avec le sourire, heureux malgré le froid de se retrouver à arpenter les rues qui avaient été leur terrain de jeu à une autre époque. La bonne humeur de la jeune femme était revenue, Léo avait eu peur, la dernière fois qu'il l'avait vu et qu'il l'avait éconduite, qu'elle ne soit plus vraiment la même avec lui, mais visiblement elle ne devait pas être très rancunière et c'était tant mieux. C'est d'ailleurs plus complice que jamais qu'elle lui confia les amours de sa mère. Léo était ravi pour elle, qu'elle ait trouvé quelqu'un qui la rende heureuse, c'était tout ce que cette femme méritait. Pourtant la suite de sa confidence le fit rire, amusé par cette situation plutôt atypique. Vraiment ?! Comme quoi... Et ça ne te dérange pas ? Mais vu le sourire radieux de Fleur il en doutait bien, de toute façon la belle avait depuis longtemps appris à vivre avec une famille différente des autres alors il ne doutait pas qu'elle savait s'adapter à cette nouvelle-là. Il rit avec elle avant d'oser poser une question bien plus personnelle et qu'elle pourrait peut-être mal interpréter, dont la réponse ne le regardait pas vraiment. Et toi tu n'as jamais essayé avec une femme ? Après tout voir ses parents heureux pouvait peut-être lui donner des idées puisqu'elle semblait toujours déçue par les hommes.

La famille de Léo était bien trop conservatrice pour qu'il ne puisse imaginer l'un de ses parents partir pour quelqu'un du même sexe, d'ailleurs il ne pouvais les imaginer partir tout court, malgré les tromperies de son père, malgré l'ennuie de sa mère, ils restaient soudés, ce mariage comme un vernis de façade qu'il était impossible de retirer. S'ils s'aimaient encore, ça n'était pas vraiment sur, bien que le jeune homme espère que si, à leur façon, d'une façon tordue et inexplicable peut-être, mais qu'ils s'aiment malgré tout, envers et contre tout... Léo n'était pas homophobe, loin de là, il se moquait bien de l'orientation sexuelle des gens, ça n'était pas important, mais il aurait sûrement eut du mal à accepter que ses parents ne changent, les parents c'était toujours différent, on les voyait sous un autre angle. En tout cas ça n'avait pas l'air de gêner Fleur le moins du monde et c'était bien le principale au final, elle avait même l'air vraiment heureuse de la nouvelle alors Léo aussi était content, il savait combien elle se sentait démunie de savoir sa mère seule et de ne pas pouvoir l'aider à soulager sa peine, au moins, à présent elle n'avait plus à s'en faire pour elle.
Sa réponse, donnée le plus naturellement du monde décontenança notre homme, ça n'était pas évident pour tout le monde de se dire qu'on pouvait avoir des expériences homosexuelles ! Léo lui-même ne se voyait pas du tout avec un homme, bien qu'il ait tenté la chose, quelque peu contre son gré, dans sa jeunesse et ça s'était cantonné à un baiser, rien de plus. Ça ne l'avait pas marqué plus que ça, du moins ça ne lui avait pas donné l'envie de recommencer ni poussé à approfondir. Ça je peux le confirmer, trop jalouses, trop pénibles ! On devrait tous se mettre en couple avec un homme, ça éviterait tellement de problèmes ! Et il rit à sa bêtise tout en tournant dans une petite ruelle pleine de charme. Le regard que lui lançait Fleur était sans équivoque alors qu'elle avouait avoir simplement envie de rencontrer la bonne personne. Il lui offrit un sourire timide, ne sachant trop quoi répondre parce que ce qu'elle venait de lui dire ramenait les pensées de Léo à une jolie blonde qu'il avait laissé à Bowen et qui lui manquait déjà un peu. C'était donc parfaitement incompatible avec les sentiments que la jeune française semblait éprouver pour lui. Pas trop tôt ma jolie, après tu t'ennuieras...