if you want another kind of love, i'm your man (andreas)

Quand Andreas lui demanda s’il y avait seulement une seule personne qu’il connaissait ici, dans ce restaurant, Lennox regarda autour de lui, surtout par réflexe. Il savait bien que la question du jeune homme ne requérait pas forcément une réponse précise, qu’il s’agissait plutôt de lui faire réaliser que ces gens-là étaient eux aussi des inconnus, mais il chercha quand même un visage familier autour des tables. Aucun. Il secoua négativement la tête, un peu honteux, sans trop savoir pourquoi. Il avait l’impression qu’Andreas marquait des points et qu’il n’arrivait pas à tenir cette cadence. « Non, je ne connais personne, c’est vrai. Mais … » Parce qu’il y avait toujours un mais, avec Lennox. Il ne se laissait jamais tout à fait convaincre, il ne se laissait jamais vraiment aller. « Mais les regards et les jugements peuvent durer plus longtemps qu’une personne qui me dévisage quelques secondes dans la rue. » Compléta Lennox, sachant fort bien qu’ils tournaient un peu en rond, tous les deux, sur cette question. Il se sentait tellement bête de ne pas être capable d’adopter la vision d’Andreas. Il se sentait égoïste, aussi, parce qu’il avait l’impression d’imposer ses demandes démesurées sur leur couple alors que tout ce qu’il voulait, c’était la simplicité. Il avait bien du mal à l’atteindre, celle-là. Au moins, Andreas faisait toujours preuve d’énormément de compréhension, malgré ses tentatives de le faire changer d’avis. Il se ravisa et proposa des sorties au cinéma, dans le noir, et des repas au restaurant qui ne s’éternise pas trop … comme actuellement. « C’est une bonne idée, le cinéma, oui … Je … je crois que je serais davantage à l’aise, c’est vrai … » Admis Lennox. Il fallait bien qu’il donne quelques petites victoires à son homme.

Suite à la remarque du norvégien, Lennox sentit bien que cette sortie au restaurant n’était peut-être pas aussi parfaite qu’il aurait aimé qu’elle le soit, alors il mangea un peu plus rapidement son plat, se disant que plus vite ils sortaient d’ici, plus vite ils rejoindraient une zone de confort pour tous les deux. Le notaire écouta Andreas lui parler de sa sœur adoptée, et il hocha la tête avec un sourire. « C’est touchant. » Dit-il. Il n’avait jamais connu l’amour fraternel, de sang ou pas, Lennox n’avait jamais eu cette relation avec qui que ce soit. L’enfant unique, l’enfant tragique. « Je vais essayer de faire bonne impression. » Si Lila lui sautait au cou, Lennox risquait d’être mal à l’aise, mais il tâcherait de se montrer plus sociable qu’à l’habitude. Il s’agissait de l’entourage de l’homme de sa vie, après tout. C’était important pour eux deux. L’ambulancier proposa finalement de lâcher prise à une fête foraine. Lennox rigola légèrement, surpris par cette proposition. Il s’imaginait bien mal dans des petites attractions du genre. « Pourquoi pas … Si j’ai autant rigolé dans un château gonflable pour enfants, peut-être bien que c’est ça la solution … » Dit-il en se souvenant de son après-midi avec Sacha, passé à rire comme des gamins en sautant dans ledit château, à la fête d’une amie. Il ignorait s’il avait déjà parlé de ce moment à Andreas, mais peu importe. « Je suis pas rancunier non plus tu sais, enfin pas pour des commentaires ou des gestes comme ceux que tu pourrais craindre … Je t’aime bien trop pour laisser ça se mettre entre nous … J’réagis peut-être pas toujours bien et j’me referme mais ça, c’est moi … c’est pas contre toi … » Il haussa doucement les épaules. Ce n’était sans doute plus à redire, que Lennox manquait de confiance en lui et qu’il laissait n’importe quoi et n’importe qui le détruire. Sauf qu’Andreas voulait tout le contraire, et pour ça, Lennox ne pouvait que l’aimer davantage de jour en jour.

Lennox avait l’impression de se retrouver dans le bureau de sa psychologue, à être mis dans des situations hypothétiques pour lui faire comprendre que sa façon de réagir et de se sentir était complètement irrationnelle. Mais il le savait, ça, il savait que ses barrières s’érigeaient face à lui pour n’importe quoi, en autant qu’elles le gardent prisonniers de cette pseudo zone de confort qui l’étouffait plus qu’autre chose, en fait. Lennox aurait bien voulu s’envoler pour être bien plus haut que tout ça, mais malheureusement, il avait passé tellement d’années à mettre brique par-dessus brique de peur de voir l’autre côté, que son mur était bien trop grand maintenant pour être si facilement surmonté. « Non, bien sûr que non, j’t’aimerais pas moins … Et je te quitterais pas non plus, sans toi j’sais même pas ce que je ferais … » Avoua-t-il. Et voilà que sa dépendance affective refaisait surface, à la simple pensée de ne plus être avec Andreas. Il avait pris la relève de Lou, doucement, sans prévenir, se substituant à elle pour devenir son oxygène, sa raison de vivre. C’était dangereux mais c’était tellement bon. « Mais j’serais pas bien avec moi-même si on venait nous dire ça. J’me détesterais encore plus et … » Et c’était à force de se détester que Lennox en était venu à vouloir mourir. C’était à force de ne pas être capable de vivre avec lui-même vingt-quatre heures sur vingt-quatre qu’il avait voulu éteindre la lumière. Alors même s’il disait vrai quand il disait qu’il ne quitterait pas Andreas à proprement parler, il le quitterait peut-être quand même, d’une manière que ni l’un ni l’autre ne voulait s’imaginer présentement. Lennox laissa sa phrase en suspens, soupirant. Ne voulant pas s’aventurer sur ce terrain-là. Putain, ça devait être leur première sortie officielle, belle et romantique. Comme quoi il était incapable de rendre qui que ce soit d’heureux, autant lui-même que les autres. « T’es gentil. » Dit Lennox avec un sourire quand Andreas lui dit qu’il pourrait vivre à travers son regard à lui, plutôt que ceux des autres. Comme ça il s’y verrait beau et intelligent. Ça faisait du bien à entendre.

Un peu plus tard, ils parlèrent des éventuelles rencontres et présentations de l’entourage de l’un et de l’autre. Quand Andreas releva qu’il bafouillerait sans doute, Lennox eut un rire gêné. Il le connaissait que trop bien là-dessus. « Je te fais confiance. » Déclara-t-il, contre toute attente. Après tout, Andreas connaissait mieux ses amis et sa famille que lui, alors s’il disait qu’ils l’apprécieraient, alors il voulait bien y croire. C’était moins anxiogène, en tout cas. Le norvégien évoqua alors la possibilité de sortir en fête foraine, ou un endroit festif du genre, ce qui remémora à Lennox l’anniversaire de Lily, où il avait joué aux gamins dans le château gonflable. Qui aurait cru que ça lui en prendrait aussi peu, en fait. « J’aurais jamais cru dire ça un jour mais … c’est vrai que ça pourrait être chouette. J’en ai bien envie. » Retomber en enfance avec Andreas, c’était une idée plutôt enthousiasmante, après tout.

Ils terminèrent leurs assiettes plutôt rapidement, ayant sans doute compris suite à leur précédente conversation, que cette sortie était sans doute un peu trop prématurée pour Lennox. « On a qu’à aller se chercher une glace et la ramener chez moi, enfin si tu veux … » C’était une chaude soirée, ça se prêtait bien à la situation. « Et j’t’apprendrai à danser volontiers. » Son sourire illumina son visage alors qu’il les imaginait. Et puis, après avoir été en public, Lennox ne refuserait pas cette tranquillité avec son homme, leurs corps collés l’un à l’autre pendant qu’ils suivraient le rythme de la musique.

Tous les deux aussi dépendants de l’autre … Lennox ignorait si c’était une bonne chose, ou s’ils finiraient tous les deux par foncer dans un mur. Seul le temps le dirait, sans doute, parce que pour le moment il semblait que ni l’un ni l’autre ne voulait se raisonner. Un sourire se dessina donc sur les lèvres du notaire, aux paroles d’Andreas, parce qu’il se foutait de tout le reste, il se foutait du signal d’alarme qui aurait dû sonner. Il aimait. Il l’aimait comme il n’avait jamais aimé. Alors tant pis si ça n’était pas sain pour lui. Il se sentait en sécurité quand il se trouvait avec le norvégien. Parce qu’il ne le laisserait jamais tomber. Lennox n’aurait plus jamais à tomber aussi bas qu’il l’avait un jour été. Quand le trentenaire parla de son dégoût de lui-même, le pied de son amoureux vint rejoindre le sien sous la table. Lennox s’y colla sur toute la longueur de son pied, pour y puiser la force, pour ressentir tout l’amour du geste. Son cœur battait la chamade alors qu’Andreas lui faisait des promesses qui, malgré les belles intentions, étaient probablement intenables. Ce n’était pas de son ressort, que Lennox s’aime ou non. Mais le simple fait qu’Andreas y tienne autant faisait du bien à Lennox, malgré la nervosité qui s’emparait de lui dès qu’on parlait de ce qu’il ressentait par rapport à lui-même. Le notaire voulut ajouter quelque chose comme j’espère que t’es prêt à vivre longtemps ou un truc pessimiste du genre, parce qu’Andreas allait devoir se montrer plus que patient s’il voulait atteindre son objectif, mais il se retint. Il s’était montré assez rabat-joie pour la soirée. Il commenta plutôt sur le discours suivant d’Andreas. « T’en fais pas, je comprends ce que tu veux dire … Parce que je ressens la même chose, enfin, j’imagine … C’est fort et indescriptible, aucune parole, aucun geste, ne me semble être à la hauteur … rien ne rendrait justice à l’intensité de mon amour pour toi. » À son tour gêné, Lennox sourit avant de baisser les yeux vers la table. C’est qu’ils devenaient un peu fleur bleue, là.

L’idée du parc d’attractions sembla plaire à tous les deux, contre toute attente puisque Lennox ne donnait franchement pas l’impression d’être du genre à s’amuser dans ce genre d’endroit. Autant physiquement que psychologiquement, il était plutôt froid, réservé, sérieux. Son attitude, son non-verbal, tout indiquait qu’il ne se sentirait pas à sa place dans ce lieu de rires et de cris d’enfants. Pourtant, Lennox se réjouissait lui aussi rien qu’à l’idée de faire ce genre d’activités avec son homme. Son éternel désir de se laisser aller, de s’abandonner un peu à la vie, plutôt que ce soit elle qui l’abandonne. Peut-être que pour une fois, son souhait se réaliserait. Au bon endroit, avec la bonne personne. Une bonne fois pour toute. « On n’aura qu’à y aller ce week-end alors. Je compte pas attendre plus longtemps pour une prochaine sortie avec toi … » Lui dit-il avec un sourire. Cette soirée n’était peut-être pas celle à laquelle Lennox s’attendait, il s’était lui-même déçu, mais cela ne voulait pas dire qu’il abandonnait. Lennox baissait les bras devant bien des aléas de la vie, mais pas devant Andreas. Pour lui, il se battrait contre lui-même.

Les assiettes terminées et la facture payée, Lennox et Andreas retournèrent au parking, regagnant la voiture. Au passage, Andreas s’arrêta sur le trottoir pour poser ses mains sur les hanches du trentenaire et l’embrasser. Lennox se laissa faire avec plaisir ; après tout, personne ne les voyait d’ici. Le stationnement était désert et les buissons ornant l’entrée du restaurant bloquaient la vue de l’intérieur. Oui, il avait tout analysé. « Ça me fait plaisir. Je te promets qu’un jour … on y arrivera. J’y arriverai. » Il esquissa un mince sourire avant d’embrasser Andreas de nouveau, et de reprendre sa marche jusqu’à la voiture, reprenant la main de l’ambulancier dans la sienne. Si ce simple geste pouvait pardonner le reste, ce serait déjà ça. Le couple arrêta en route pour acheter des glaces, comme prévu, mais décidèrent de les ramener au logement de Lennox. L’un comme l’autre avaient sans doute hâte de regagner leur petit nid d’amour où tout était permis. Une fois la porte franchie, et refermée, toute la nervosité de Lennox retomba. Il était passé au travers, même si ça n’avait pas été jusqu’au bout. C’était un grand pas pour lui.

Oh, pour être rentré dans sa petite bulle de confort, Andreas y était rentré, oui. À tel point que Lennox ne l’imaginait jamais en sortir. D’ailleurs, dès que cette idée lui effleurait l’esprit, son cœur se serrait, sa gorge se nouait, et la panique l’envahissait. De simples pensées hypothétiques dans lesquelles son homme le laissait, que ce soit pour un autre ou parce qu’il n’en pouvait plus de Lennox, ce dernier angoissait et se tourmentait. Certes, il ne parlerait pas de ces craintes envahissantes à Andreas de sitôt, parce qu’il était déjà un freak show sans avoir à en rajouter avec une paranoïa qui n’avait pas lieu d’être. Lennox réfléchissait trop, voilà tout. S’il désirait garder Andreas auprès de lui, il faudrait qu’il apprenne à gérer un peu mieux ses sentiments, ses peurs de l’abandon, car le contraire ne ferait que pousser le norvégien vers la porte. Lennox l’avait fait pour bien d’autres, mais cette fois, il ne supporterait pas que l’ambulancier quitte son appartement, et sa vie, à tout jamais. Cette bulle, Andreas et Lennox la quitteraient ensemble, oui. Peu à peu, pas à pas, quand le temps viendrait. Ce soir, ils avaient osé mettre leurs orteils à l’extérieur, avaient vu de quoi ça avait l’air de l’autre côté, et avaient aussi bien rapidement compris que Lennox n’était pas encore prêt. Encore une fois, Andreas respectait les limites du notaire, et ce dernier lui en serait éternellement reconnaissant. Ils étaient donc de retour au condo du trentenaire, bien plus tôt que prévu, mais ils en étaient soulagés. Plus besoin de se cacher, plus besoin d’épier les réactions des autres dès que leurs corps s’effleuraient, accidentellement ou non.

Une fois la porte refermée, ils prirent chacun le temps de retirer leurs vêtements de trop, de se mettre confortables dans la chaleur et le confort du logement. Puis, Andreas s’approcha de Lennox et posa ses lèvres sur les siennes, profitant cette fois du temps qui pouvait s’étirer autant qu’ils le désiraient. L’ambulancier proposa alors de lui faire un massage, mérité après une soirée aussi stressante pour lui. Il sourit. « Toi, et tes petites attentions … » Souffla-t-il, le regard brillant. « J’dois franchement avoir été quelqu’un de vachement bien dans une autre vie pour avoir droit à quelqu’un comme toi. » Parce que ce n’était certainement pas dans cette vie-ci que Lennox pouvait se mériter une telle récompense, un tel homme qui l’aimait pour qui il était. Ils allèrent finalement s’asseoir au salon pour déguster leurs desserts. Lennox baissa timidement les yeux, rougissant, alors qu’Andreas le complimenta encore une fois. Un sourire gêné mais touché illuminait son visage alors qu’il tentait de reprendre le contrôle. À chaque fois que le norvégien le lui disait, Lennox perdait tous ses moyens. Parce que dans sa voix vibrait une sincérité qui lui faisait comprendre qu’à ses yeux, il était réellement beau. Et ça le rendait à la fois confus et heureux. Léger. Quelques minutes plus tard, Andreas se leva et tendit sa main vers lui, lui réclamant sa danse. Lennox sourit et déposa sa main dans celle de l’homme, avant d’aller le rejoindre au centre du salon. « Avec grand plaisir, Monsieur Eriksen. » Lennox sortit alors son IPhone de ses poches et le connecta à son petit stéréo portatif, posé sur une tablette de l’étagère, et choisit la chanson de James Arthur, Say You Won’t Let Go, parce que même si les paroles n’étaient pas forcément parfaitement adaptées à leur situation, le message qu’elle passait avait toujours laissé Lennox croire à ce genre de futur avec Andreas. « Pose-ta main ici. » Dit-il en prenant ladite main et en la portant jusqu’au milieu de son dos. Il fit de même avec sa main opposée. Leurs deux autres mains demeurèrent liées l’une à l’autre, relevées au niveau de leurs épaules. « Et maintenant tu me suis, et tu te laisses aller. » D’abord lentement, les deux fixant leurs pieds pour bien comprendre où les mener, ils prirent rapidement leurs aises, Andreas aussi, et se laissèrent porter par la musique, occupant l’espace, traversant la pièce, aussi légers que leur amour grandissant.

Lennox s’attendait évidemment à cette réponse de la part d’Andreas. Le contraire aurait été étonnant. Il saisissait chaque occasion de rappeler à Lennox à quel point il était quelqu’un de bien, à quel point il était beau, et surtout qu’il ne devrait pas être aussi dur avec lui-même. Un jour, peut-être que le message cesserait de rentrer par une oreille pour mieux en sortir de l’autre. Je dis bien peut-être. Lennox était ce genre d’homme tellement brisé par la vie que la reconstruction de soi pouvait prendre bien des années. Et des dizaines d’années de travail introspectif étaient déjà passées. Encore trop gêné par la vision qu’avait Andreas de lui, le notaire ne répondit rien, se contentant de sourire bêtement. C’était plus facile de se taire que d’accepter ce à quoi il ne croyait pas. Toutefois, quand le norvégien releva le fait que s’il le massait, c’était aussi pour mater ses fesses, Lennox rit de bon cœur. « T’es incorrigible. » Il aurait bien ajouté que de toute façon il n’y avait pas grand-chose à mater, mais le notaire faisait véritablement des efforts de ce côté-là, à cesser de se dénigrer constamment. Il ne voulait pas être trop lourd, constamment. « Faudra que je t’en fasse un aussi, alors. Sinon ce n’est pas juste … » Il sourit. Le corps d’Andreas était bien plus musclé que le sien, et ses fesses n’échappaient pas à la règle. Il pourrait effectivement se rincer l’œil s’il massait son homme.

Pour le moment toutefois, l’heure n’était pas à la détente mais bien à la danse. Il fallait bien qu’ils le méritent, leur repos, leur massage. Je te suivrais au bout du monde, avait dit Andreas alors qu’ils commençaient à se déplacer à travers la pièce, leurs pas d’abord incertains et mal accordés, puis de plus en plus légers et agiles. Un sourire ne quittait plus les lèvres du notaire, alors que cette phrase résonnait dans sa tête tout en se perdant à travers les paroles de la chanson d’amour sur laquelle ils valsaient. Ce moment était inoubliable, et Lennox s’accrochait à chaque détail, les imprimant dans sa mémoire afin de pouvoir s’en remémorer chaque seconde lorsque la solitude l’envahirait, lorsque le vide se ferait sentir. Il voulait pouvoir s’accrocher à de tels moments, si forts, si beaux. Mais comme toute bonne chose avait forcément une fin, la radio poussa les dernières notes de la chanson, avant que le silence ne s’installe de nouveau dans le logement. Logement perdant tout d’un coup toute sa magie, même si celle-ci demeurait constamment entre Andreas et Lennox. « C’était … tu étais génial, Andy. Ce n’est pas demain qu’on participera à des concours, c’est vrai, mais je danserais avec toi encore longtemps comme ça. » Il sourit. Puis, avec le temps viendrait l’amélioration, aussi. Inévitablement. Andreas le complimenta à nouveau, ce qui le fit rougir. « C’est gentil. » Répondit-il, devant bien en accepter quelques-uns de temps à autre. « Alors on dansera ensemble, encore et encore. » Dit Lennox, puisque Andreas avait tout autant aimé l’expérience. « Mais pour le moment … Je le prendrais bien, ce massage. » Lâcha-t-il en arquant tout légèrement le sourcil, un sourire en coin, peu à l’aise avec ce genre de mimique, mais s’essayant quand même. Ils relâchèrent finalement leur position de danse et, main dans la main, se dirigèrent vers la chambre de Lennox à l’étage.

Lennox sourit. « J’ai cru remarquer, oui. » Là-dessus, Lennox et Andreas étaient aux antipodes. Lennox avait abandonné bien souvent sa lutte, avait baissé les bras depuis longtemps face à sa propre vie. Andreas, lui, semblait toujours prêt à soulever des montagnes, poussé par une force intérieure que le trentenaire n’avait jamais trouvée en lui-même. Bref, leur séance de danse terminée pour ce soir seulement, Lennox osa réclamer son massage promis. Ce n’était pas dans ses habitudes d’imposer ce genre de requête, de se montrer intentionnellement aussi égoïste, mais à la simple idée d’avoir les mains du norvégien contre son dos, il fondait. Il avait besoin de ce contact, après une soirée entière passée loin de lui malgré la proximité, après une soirée à éviter les caresses et les regards amoureux, il avait envie de retrouver son homme. Pleinement. Complètement.

Ils se dirigèrent donc vers la chambre de Lennox après qu’Andreas eut accepté, sans la moindre hésitation. Ce n’était pas surprenant, le notaire avait compris à force, que son petit ami raffolait de ces moments où il pouvait faire plaisir au trentenaire. Même s’il n’était pas forcément toujours à l’aise avec toutes ces attentions, surtout lorsqu’elles nécessitaient des dépenses, Lennox se laissait de plus en plus faire lorsqu’il s’agissait de telles offres. Mais il refusait également de plus en plus ce qui était dispendieux. Il se sentait encore coupable de lui avoir demandé de cesser d’être escorte pour d’autres hommes ou d’autres femmes, et même s’il ne regrettait pas sa décision, même s’il se sentait bien mieux depuis qu’Andy avait cessé ce genre d’activité, Lennox ne pouvait s’empêcher de vouloir compenser en lui payant leurs sorties, en l’invitant à dîner souvent … Bref, passons. C’était un sujet délicat, entre eux, le budget, l’argent, alors Lennox tentait d’être subtil pour ne pas réveiller une conversation qu’il préférait endormie. Il retira donc son chandail ainsi que ses pantalons, pour plus de confort, et se coucha à plat ventre sur le lit, dans ses boxers. « Je sens ton regard sur moi … » Lâcha Lennox avec un sourire qui se sentait jusque dans sa voix. Andreas le rejoignit finalement, s’asseyant à califourchon sur lui, son entre-jambe contre ses fesses. Cette simple position pour le moment chaste malgré les apparences avait tout de même fait frissonner Lennox. D’autant plus que les rôles étaient inversés, vêtements ou pas sur le dos, c’était la première fois que c’était Andreas qui avait une pleine vue sur son dos de cette façon. « Si tu l’offres … je serais prêt à sortir plus souvent, pour cette récompense de fin de soirée … » Oui, décidément, Lennox était de plus en plus à l’aise dans cette relation. Il ne cachait plus ses désirs à son homme, il ne gardait plus pour lui ce qui le faisait vibrer. Il était prêt à partager, bien plus que ce qu’Andreas devait s’imaginer. Le massage débuta et Lennox ferma les yeux, laissant ses pensées se concentrer sur les mains de l’ambulancier contre sa peau, réveillant ses muscles, les détendant, et bien vite cette proximité entre eux eu raison de lui. « Andy ? » Demanda-t-il d’une voix timide. Il attendit un moment sa réponse, et de toute façon cette attente était bénéfique, parce que son cœur s'emballait et il devait gérer sa respiration en même temps. « J'aimerais ... j'aimerais t'avoir en moi ... te ... te sentir en moi. » Osa-t-il. Et malgré son hésitation, malgré sa gêne, cette fois il le voulait vraiment.

Un rire s’échappa d’entre les lèvres de Lennox. « J’ai dit que je sentais que tu me regardais, je n’ai jamais dit où tu me regardais ! » Releva-t-il avec humour. « C’est toi qui viens de te trahir, là. » Ajouta-t-il en remontant la couverture jusqu’au bas de son dos, comme s’il était choqué de son voyeurisme alors qu’au fond, il était toujours flatté quand Andreas le regardait. Malgré son insécurité autant par rapport à qui il était que par rapport à son physique, Lennox pouvait s’aimer seulement à travers le regard du norvégien, seulement parce qu’il comprenait à quel point il était sincère. Son regard l’épousait, ses yeux ne le jugeaient jamais. Ça faisait du bien de pouvoir être à ce point confortable, plus confortable même que lorsqu’il se retrouvait seul avec son corps qu’il ne trouvait pas attirant. Si Lennox se détestait quand il se regardait dans le miroir, l’histoire était toute autre quand il était nu devant Andreas. Cela expliquait pourquoi il était dorénavant si à l’aise de se dénuder devant lui. Son amoureux releva alors le fait que de toute façon, Lennox lui-même s’était bien rincé l’œil ce matin. Il sourit, gêné. Busted. « Si tu te voyais, aussi … Difficile de garder les yeux fermés. » Devant un tel spectacle, devant un tel corps. Chaque seconde à pouvoir scruter chaque parcelle de sa peau valait de l’or.

Un massage en tant que tel pouvait être bien loin de la sensualité, c’est vrai, mais le fait qu’Andreas soit ainsi assis contre ses fesses réveillait en Lennox un désir inavoué. Il songeait depuis quelques jours maintenant à inverser les rôles, à tenter ce plaisir qu’il n’aurait jamais cru un jour vivre, et la situation présente était en train de le convaincre de se laisser aller à ça, à Andreas. C’est ainsi que, après de longues minutes passées à apprécier les mains d’Andy contre son dos, à laisser l’excitation et l’envie le submerger, Lennox demanda à son amoureux de l’avoir en lui. Pour la toute première fois, il voulait qu’il le comble. Complètement. Maintenant assis à côté de lui, un sourire illumina le visage de l’ambulancier. Il vint l’embrasser, délicatement, Lennox s’étant légèrement tourné pour faire face à son amoureux. « Oui, je suis prêt. J’ai même … j’ai même très envie de vivre ça avec toi. » Avoua-t-il. Quelques semaines seulement s’étaient écoulées depuis leur conversation à ce propos, mais les blessures de Lennox étaient guéries, maintenant, concernant Lou, concernant ses problèmes. Andreas faisait son effet, et permettait à Lennox d’avancer un peu mieux. Avec lui. Le notaire hocha la tête quand le jeune homme lui assura qu’il pourrait l’arrêter à tout moment. « D’accord. » Il le remercia d’un sourire et d’un regard amoureux. « Je t’aime aussi, Andy. » Murmura-t-il à son tour, avant de s’approcher de ses lèvres et de les attraper au passage, l’embrassant avec plus de passion et un peu moins de délicatesse – même si la douceur régnerait toujours entre eux. Il caressa Andreas, retirant ses vêtements à lui pour enfin les mettre au même niveau, et alla même jusqu’à descendre ses lèvres jusqu’au sexe d’Andreas, pour l’exciter, lui l’étant déjà en raison des égarements de ses pensées pendant le massage, en raison de tout ce qu'il s'apprêtait à vivre.