in another life, I would be your girl (whut ?) - alfie.

Son regard se posa dans celui d’Alfie, alors qu’ils se préparaient dans une salle connexe à la salle principale de l’église. Il allait se marier. August allait se marier. Il allait se marier avec Willow, eux qui avaient fêté leur sixième année de couple cette année. Il avait imaginé ce moment tellement souvent et pourtant, aujourd’hui, August avait l’impression que ce n’était pas la bonne chose à faire. Qu’il se mentirait à lui-même s’il allait jusqu’au bout. Parce qu’August se mentait à lui-même depuis cette journée au centre nautique, où il avait rencontré Alfie, qui était maintenant son garçon d’honneur. « Tu crois que je fais une gaffe ? » Demanda August en plongeant son regard dans celui de son meilleur ami, avant de secouer la tête et de se retourner vers le miroir, replaçant sa moustache en glissant ses doigts dedans. Dans la glace, le trentenaire – qui approchait de la quarantaine – croisa le regard de son ami, et son cœur se serra. Les papillons qui volaient autrefois dans son cœur, August les avait mis en cage.

Il va se marier. C'est réel à présent, pas seulement quelques mots lâchés avec un sourire niais devant lesquels on force une fausse joie. Pendant qu'August se prépare, Alfie le regarde sans arriver à le quitter des yeux. Il voudrait lui dire qu'il est heureux pour lui, qu'il sera là pour le soutenir si il a un blocage, ou un trop plein d'émotions. Sauf que sur le moment, c'est lui qui a bien du mal à gérer les siennes. Sûrement presque plus nerveux que le futur marié, Alfie passe une main dans ses cheveux comme il le fait à chaque fois qu'il est anxieux. Il fixe le sol, essaie de ne pas se perdre dans la contemplation de son ami en costume et de sa moustache qui lui va un peu trop bien à son goût. En l'entendant prononcer ces quelques mots qui pourraient laisser entendre une quelconque hésitation, un quelconque désistement, Alfie lève rapidement les yeux vers lui. Il voudrait hocher la tête, lui dire de ne pas s'unir pour toujours à Willow, de ne pas l'abandonner comme il est sur le point de le faire. Sauf qu'à la place, il se contente de lui sourire malgré le pincement qu'il a au coeur. « Nan, tu vas tout déchirer. » Il hoche la tête, cherchant plus à se convaincre lui qu'August. Plus que quelques minutes, seulement quelques minutes pour parler ou se taire à tout jamais. « Nerveux ? » lui demande-t-il sans le regarder, trop occupé à fixer ses pieds.

À force de traîner avec lui, de faire les cons et les clowns ensemble, August avait appris à connaître Alfie par cœur. Alors quand il passa une main dans ses cheveux, le futur marié savait que son meilleur ami était nerveux. Aussi nerveux que lui. Et il osa alors espérer qu’après lui avoir demandé s’il n’était pas en train de commettre une gaffe monumentale, Alfie lui répondrait que oui. Qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Que c’était avec lui qu’il devait être. Mais Alfie n’en fit rien, et la déception se dessina lentement dans les yeux d’August. Il détourna alors le regard, cachant son trouble à son ami. Il avait été stupide d’espérer que ses sentiments soient réciproques, assez pour qu’Alfie tente de l’empêcher d’unir sa vie à une autre personne que lui. Ils n’avaient jamais eu cette proximité qu’August se surprenait à imaginer, à fantasmer, alors à quoi s’attendait-il aujourd’hui ? « T’as même pas idée. » Déclara August quand Alfie lui demanda s’il était nerveux. « Ça doit être normal, pas vrai ? » Il tentait de rattraper le coup, de mettre fin à ce malaise. Se convaincre lui-même que ces sentiments qui avaient évolués à travers les années n’était qu’une amitié des plus intenses. Rien de plus. « Bon, c’est l’heure. » Constata August après avoir jeté un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur. Le trentenaire descendit de la marche et fit les quelques pas qui le séparaient de la porte. « Le garçon d’honneur d’abord. » Il lui sourit et le laissa passer. Willow et August avaient décidé de n’avoir qu’un témoin chaque, et c’était Nevaeh de son côté, ce qui tombait plutôt bien pour Alfie. « Et c’est maintenant que ma nouvelle vie commence. » Lança August tout en rentrant dans l’église, marchant vers l’autel où il se positionna, avant de tourner vers les grandes portes derrière lesquelles Alfie et Nevaeh se tenaient, prêts à rentrer. Suivis de Willow. Cette nouvelle vie, August n'était pas certain d'être prêt à l'entamer.

Ces dernières années ont été pour Alfie un véritable carnage. Son histoire avec Jordan s'est terminée dans des mots violents, cassants, brisant en lui le peu d'espoir qu'il avait de peut-être un jour avoir une vie à peu près normale. Mais August, il a toujours été là. Pour le soutenir, le faire rire, combler le vide dans sa vie et l'empêcher de s’accommoder de sa solitude. Il s'est rapidement rendu compte qu'il n'était plus capable de se passer de son ami, mais s'est toujours dit que ce n'était qu'un truc de best mate, que tous vivent à un moment ou l'autre de leur relation. Sauf que pour Alfie, c'est constant. Il se sent mieux avec August, plus heureux, plus complet. Il lui donne cette impression d'être un type bien, et d'être capable de réaliser de grandes choses alors qu'à ses yeux, Alfie s'est toujours considéré comme moins bien que les autres. Et bien qu'il veuille le retenir, lui demander comme seule promesse que rien ne changera jamais entre eux, il craint trop de finir par s'interposer entre August et celle qu'il aime. Qu'il aime. Ces mots résonnent dans sa tête et le font déglutir. « Ouais, je suppose que ça l'est. » Incapable de se montrer plus réconfortant, il fuit son regard et force un sourire. C'est l'heure, oui, l'heure de dire au revoir à August. Son coeur se serre sans qu'il n'en comprenne trop la raison, puis il s'avance devant le futur marié. « On se voit de l'autre coté, » lâche-t-il avec un sourire pendant que, dans son torse, son coeur bat à tout rompre. Il a l'impression de contenir et son stress, et celui d'August en même temps. Il n'a pas envie, il ne veut pas franchir cette porte et voir Willow avec sa belle robe. Pas qu'il ne l'apprécie pas, au contraire, mais il craint qu'elle soit la raison de leur futur éloignement, à August et lui. Une fois placé face à Nevaeh, si féminine dans sa robe de demoiselle d'honneur, il suit August du regard ainsi que chacun de ses mouvements. Leurs regards se croisent, et Alfie lui offre un énième sourire tout en jouant nerveusement avec son bouton de manchette.

August aurait préféré qu’Alfie se monte plus enthousiaste, qu’il lui offre le plus beau de ses sourires – parce qu’il le savait capable de mieux que ça, beaucoup mieux que ça, le genre de sourire à rallumer toutes les lumières du monde – et qu’il lui dise que, putain, il mariait la femme de sa vie. Que c’était le plus beau jour de sa vie et qu’il devait en profiter sans laisser la nervosité tout gâcher. Seulement, Alfie ne fit rien de ça. Au contraire, son regard était fuyant, son sourire forcé, ses muscles tendus. Comme s’il se retenait de lui crier quelque chose et bordel, ce quelque chose, August voulait l’entendre. Willow était peut-être la femme de sa vie, oui, mais Alfie était aussi devenu l’homme de sa vie au fil de leurs années d’amitié. Et dans la balance, il avait de plus en plus l’impression que son histoire avec son meilleur ami était si forte, si intense, qu’elle pesait plus que n’importe quoi d’autre. C’était si intense que ni l’un ni l’autre n’était capable d’en saisir l’ampleur. « Ouais, de l’autre côté. » Lâcha August en hochant doucement la tête, se disant que lui avait déjà changé de côté, mais pas de cette façon-là. Il soupira en regardant les portes s’ouvrir devant lui, devant tous ces invités. Il croisa le regard de tous ces gens qui avaient accompagné et son histoire avec Willow, et son histoire avec Alfie. Ces amis avaient été témoins de l’évolution d’August dans la vie. Et pourtant, aujourd’hui même, ils ignoraient tout. August lui-même avançait dans le brouillard, ne sachant même pas si ses pas le mèneraient jusqu’à l’autel ou jusqu’à la fuite. Il se retrouva toutefois devant les rangées de banc, à sa place, et se tourna sur le côté pour voir Nevaeh et Alfie rentrer, ensemble. Ils se positionnèrent chacun de leur côté, et le regard d’August se posa directement sur son meilleur ami, qui lui offrit un ultime sourire, celui dans lequel il aurait voulu lire toutes les réponses à ses questions. Cette nervosité qu’il lisait en lui n’était-elle que le fruit de son imagination ? La matérialisation imaginée de ses souhaits les mieux gardés ? Il n’eut pas le temps de s’y attarder davantage, car la musique débuta et Willow fit son entrée. Son cœur se serra en la voyant dans sa robe, si magnifique, si heureuse. Elle était belle, tellement belle. La plus belle des mariées. À ce moment-là, August sentit son cœur se déchirer en deux. Sa fiancée vint se placer devant lui et attrapa ses mains alors que le prêtre commençait à lire ses lois, raconter son charabia. Paroles qu’August n’écouta même pas, jusqu’à ce que Willow dise enfin le oui, je le veux tant attendu. Le trentenaire sortit de ses pensées et, quand tous les regards furent rivés sur lui, il figea. Après d’interminables secondes de silence, il lâcha un : « Je suis désolé. Je suis désolé Willow. J’peux pas. » Il tourna la tête vers Alfie, toute la détresse dans ses yeux. « J’peux pas. » Répéta-t-il.

Il n'a jamais aimé les mariages. Il a toujours trouvé ça surfait, faux, avec des préparations tellement exagérées qu'elles ne semblaient faites que pour impressionner, et non pour réellement célébrer quelque chose. Alfie se souvient encore du dernier mariage où il s'est rendu quelques années plus tôt, celui de Lily, mariage où il ne s'est d'ailleurs senti à sa place que lorsqu'August s'est décidé à le rejoindre. Il a toujours été là, dans les bons comme dans les mauvais moments, prêt à être celui-ci qui l'empêcherait de s'ennuyer à mourir. Et plus le temps passait, plus Alfie aimait ça, de pouvoir compter sur lui. Savoir qu'il ne serait jamais loin, qu'il pouvait le contacter quand il le voulait, s'arranger une sortie à la dernière minute sans risquer de le déranger. Avant. Avant tout ça, avant les fiançailles, avant qu'il ne décide de se lier à Willow pour l'éternité. Alfie sent sa tête tourner. Il voudrait aller s'asseoir, mais il ne veut pas faire foirer le grand jour de son meilleur pote. En réalité, il est même carrément tenté par l'idée de partir en courant. Son regard se porte cette fois sur Willow dans sa robe blanche et à cet exact moment où elle fait son entrée, le visage d'Alfie se voile d'une ombre de tristesse qu'il n'arrive pas à cacher. Son sourire s'efface, ses yeux se baissent pour fixer le sol, ses doigts se figent. C'est parti. Le prêtre parle, Alfie ne l'écoute pas, et il décide cette fois de regarder en direction de Nevaeh pour voir comment elle s'en sort. Elle a l'air si heureuse contrairement à lui. Elle aussi est mariée, et Alfie se rend petit à petit compte qu'il est le seul dans son entourage à ne faire que tourner en rond. Il pourrait s'en foutre comme il l'a toujours fait, sauf que ce n'est plus le cas. Plus à trente ans, plus maintenant qu'August est sur le point de faire le grand saut lui aussi. Les mots prononcés par ce dernier tirent Alfie de ses pensées. Lentement, il lève les yeux vers lui et arrive facilement à lire toute la détresse dans son regard. C'est cette fois lui qu'il regarde, et Alfie comprend qu'il est le mieux placé pour régler ce "problème". « Je m'en occupe, » dit-il en s'interposant entre les deux, se tournant d'abord vers Willow. « Je te le ramène, désolé padré, » ajoute-t-il ensuite en direction du vieillard avant de cette fois faire face à August. « Toi, suis-moi. » Il pose une main sur son épaule et le dirige vers la pièce où ils se trouvaient tous les deux un peu plus tôt sous le regard inquiet des nombreux invités. Et de Willow, qui doit certainement être dans tous ces états derrière eux. Alfie ferme la porte une fois à l'intérieur et plante son regard dans celui d'August. Même si il sait qu'il devrait le ressaisir, le forcer à y retourner et à épouser cette femme merveilleuse qui l'attend, il ne peut s'empêcher de ressentir cette fichue excitation qui accélère les battements de son coeur. « T'es sûr que tout va bien Gus ? » lui demande-t-il sans quitter ses yeux.

Le regard d’Alfie ne retrouvait pas le sien alors qu’August étant dans une détresse totale. Son cœur battait la chamade, ses jambes étaient tellement molles qu’il avait l’impression qu’il allait s’effondrer devant tous ces regards rivés sur lui. Comment avait-il osé faire ça à Willow, à la seconde même où ils allaient s’unir ? Pourquoi avait-il attendu aussi longtemps ? Et pourquoi y avait-il mis un stop d’ailleurs ? August avait la tête qui tournait et ce ne fut que lorsqu’Alfie leva enfin les yeux sur lui qu’il réussit à retrouver un peu ses sens. Son ami s’interposa alors entre August et Willow, et le professeur d’histoire croisa le regard de sa fiancée qui ne comprenait rien de ce qui était en train de se penser. Il arriva à lire toute la tristesse dans son regard, la déception, la confusion. Ça brisait le cœur d’August, parce que malgré ses doutes, il aimait Willow. Mais il aimait aussi Alfie. D’un amour fort et intense qu’il avait du mal à saisir malgré son immensité. Alfie s’excusa auprès du prêtre, parla à Willow, avant de diriger August vers la salle dans laquelle ils se préparaient dix minutes plus tôt. August avait des sueurs froides, il tremblait, son regard fuyait à gauche et à droite. Il planta alors son regard dans celui d’Alfie, pour essayer de retrouver un peu de contrôle. « Non, non ça va pas du tout. » Lâcha-t-il, la voix tremblante. Puis, d’une voix un peu plus assurée, il dit : « Je ne peux pas marier Willow. » Il essaya de lire en Alfie quoi que ce soit pour le rassurer, pour l’encourager à aller de l’avant. À tout avouer. Mais peu importe, il n’avait plus le choix de toute façon. « Parce que pense que je suis en train de tomber amoureux de toi. Ou alors c’est déjà fait depuis longtemps, je sais pas, je ne sais plus … » Et ayant trop peur de la réaction de son ami, il lui tourna le dos, posant une main sur son front et s’éloignant de quelques pas.

Jamais il n'aurait cru August capable d'une chose pareille. Alfie pensait qu'il aimait Willow de toutes ses forces, toute son âme, et qu'il n'hésiterait pas à crier un grand "oui" lorsque le prêtre lui aurait demandé si il voulait l'épouser. Mais non, à la place, son ami avait totalement perdu ses moyens pour il ne sait trop quelle raison. C'est une chose qui arrive après tout, le stress du grand saut. Voir sa vie se transformer devant ses yeux, se dire qu'on sera forcé de vivre avec la même personne pour le reste de sa vie en acceptant ses qualités, mais aussi ses défauts. Cependant, Alfie ne s'attendait absolument pas aux mots qui sortent de la bouche d'August. Amoureux de... lui ? Non, impossible. Et pourtant, même si sa tête tente de le convaincre que Gus ne fait que délirer, son coeur fait un bond immense dans son torse. Il garde la bouche entre-ouverte pendant plusieurs quelques secondes, ne sachant que dire. Et puis, quand ses idées arrivent à se remettre en place petit à petit, il sent malgré lui un sourire venir étirer les coins de ses lèvres. Il sait qu'il ne devrait pas, que ce n'est pas la réaction à avoir quand ton meilleur ami t'annonce qu'il est prêt à foirer son mariage pour...  toi. Pour lui. « Tu plaisantes là... » Sa voix est incertaine, mais son sourire se fait de plus en plus grand à tel point qu'il est obligé de se mordre la lèvre pour au moins tenter de le contrôler. « August, j'sais pas quoi te dire. Tu dois... » Il lève les yeux vers les portes fermées, là où l'attendent tous leurs amis et sa fiancée. Et puis merde. Son regard se braque à nouveau sur August et il secoue négativement la tête. « Tu sais quoi ? Tu vas pas te marier. Non, tu vas pas te marier parce que c'est pas la bonne pour toi. » Il lève un doigt pour lui dire d'attendre là, entre-ouvre la porte, et crie à l'assemblée : « Mariage annulé, rentrez bien chez vous ! » avant de se tourner à nouveau vers August. « Je sais que je devrais pas faire ça mais putain Gus, tu m'as déjà vu faire un truc censé ? » Alfie attrape sa main, le tire vers la sortie de la pièce qui mène au parking derrière l'église. Avant de franchir la porte, il plante une dernière fois son regard dans les pupilles d'August et pousse un soupir. « Pour nous donner du courage. » Il plaque ses deux mains sur les joues de son ami et, sans réfléchir, l'embrasse avec toute la passion du monde.

Il aurait dû se la fermer, il aurait dû déguerpir loin d’ici, loin de Willow, loin d’Alfie, loin de ces sentiments contraires qui l’habitaient depuis des années maintenant. August n’avait pas toute sa tête, sans doute même l’avait-il complètement perdue depuis belle lurette. Il avait le cœur à l’envers, et le regard un peu perdu d’Alfie après sa déclaration des plus improvisées ne faisait que lui donner l’impression que son mal de cœur était un mal de mer, tellement tout tournait. Son cœur et sa tête avaient des vertiges. Il naviguait dans le brouillard et il n’avait aucune idée d’où le courant le porterait. « J’aimerais bien te dire que je plaisante, ouais, du coup ce serait pas mal plus drôle, on pourrait en rire et passer à autre chose. Mais non, j’plaisante pas Alfie, alors bordel dis quelque chose … » Quelque chose d’autre que ses paroles qui ne faisaient qu’appuyer son air ébahi. Son sourire à la con que le professeur d’histoire n’arrivait pas à interpréter. Qu’il le frappe, à la limite, au moins August sortirait de sa torpeur. Alfie regarda les portes fermées, regarda August de nouveau, avant de confirmer à ce dernier qu’il ne se marierait pas aujourd’hui, pas à Willow. Sans qu’il ne puisse réellement assimiler ce qui était en train de se passer, Alfie le quitta un moment pour aller crier à l’assemblée que le mariage était annulé. « J’crois que de toute façon, y’a rien de censé en ce moment … » Alors un acte incompréhensible de plus ou de moins ne changerait rien à la donne. Il attrapa donc la main d’Alfie à son tour, même si ce geste n’était pas encore assez significatif pour lui enlever ce nœud qu’il avait à la place du cœur depuis qu’il avait avoué ses sentiments autrefois si profondément enfouis au fin fond de lui-même. Une fois dans le parking, Alfie arrêta sa course dans l’entrebâillement de la porte et se tourna vers son ami, posant ses mains sur ses joues et l’embrassant avec passion. Pour lui donner du courage, qu’il lui dit. Pour August, ça lui donna bien plus que du courage. Ça lui donna un tourbillon de papillons qui virevoltèrent dans tous les sens, qui confirmèrent que ce n’était pas une invention de son imagination débordante, cet amour imprévu. Il était bien là, ce sentiment, bien vrai. « Est-ce que tu fais ça juste pour me réconforter ? J’te connais, t’es assez gentil et généreux de ta personne pour le faire, pour moi en tout cas, même si ça fait très gay. » Releva August, un sourire naissant sur son visage, sourire qu’il tentait de retenir du mieux qu’il le pouvait, ne voulant pas exploser de bonheur si ce n’était pas pour les bonnes raisons.

Il plaisante pas. Ok, respire Alfie. Des centaines d'images surgissent soudainement dans sa tête comme des pop-up, lui rappelant toutes ces fois où il s'est trouvé avec Gus et Willow, le coeur déchiré de le croire heureux avec elle. Il se remémore toutes ces fois où, après un verre de trop, il a fallu tout lui avouer, mais sans jamais le faire. Ces fois où ils ont ri ensemble, refait le monde ensemble, comme si ils étaient les deux derniers êtres vivants sur Terre. Une fois de retour vers son meilleur pote, Alfie hausse les épaules. « Ouais, c'est vrai, alors autant aller jusqu'au bout de l'insensé. » Alfie le tire jusqu'à dehors. Il a l'impression  que ses poumons sont sur le point d'exploser et que, si il ne s'empresser d'inhaler l'air de dehors, il va imploser de l'intérieur. Puis sans réfléchir, sans se demander si ce geste sera bien perçu, il l'embrasse jusqu'à en perdre le peu de souffle qu'il lui reste. Un élan impulsif, qui pourrait les rapprocher comme les éloigner à tout jamais. Ses mains toujours sur les joues d'August, il recule son visage du sien et fronce d'abord les sourcils avant d'éclater de rire. « D'abord, je suis loin d'être "assez gentil" pour faire ça. Sérieux, tu crois vraiment que je suis du genre à embrasser les gens pour leur remonter le moral ? » Il hausse un sourcil avant de le lâcher, baissant les yeux pour fixer le sol d'un air nerveux. « J'veux juste pas laisser cette occasion s'envoler, et risquer de te perdre pour de bon. » Il relève les yeux vers lui, une mèche de cheveux retombant devant ses yeux. « J'suis amoureux de toi Gus. » Il pousse un long soupir. « Bordel ça fait du bien de le dire. » Un bruit de porte qui s'ouvre se fait entendre venant de la chapelle et le ramène sur Terre. « Grouille, » lâche-t-il avant de trottiner jusqu'à sa voiture garée à une des places les plus proches. Il ouvre la portière, s'assied derrière le volant, et allume le contact une fois qu'August l'a rejoint. « J'ai aucune idée d'où on va, mais ce sera très loin d'ici. » Et il démarre vite, pressé de quitter l'endroit où il aurait dû vivre le pire jour de sa vie.

Ils allaient jusqu’au bout de l’insensé, oui. Ils couraient tout droit vers le chaos, le déséquilibre, l’inconnu. Pourtant, malgré qu’il ait eu la peur au ventre alors qu’ils s’apprêtaient à quitter l’église, August ne s’était jamais senti aussi libéré. La chanson de Frozen prenait alors tout son sens dans les yeux d’Alfie. Il était délivré d’un amour qui ne lui convenait pas. D’un amour qu’il avait tenté de s’infliger pour oublier celui qu’il pensait interdit. La réaction d’Alfie lui prouvait le contraire, lui montrait qu’il aurait dû tenter sa chance bien avant de se laisser aller aussi creux dans le mensonge. Peut-être auraient-ils moins blessé les autres autour d’eux s’ils avaient agi avant. Peut-être August n’aurait-il pas laissé la femme de sa vie à l’autel, pour rejoindre l’homme de sa vie. Suite au baiser d’Alfie, le professeur d’histoire essayait encore d’y voir clair, de comprendre ce qui se passait, et pour cela il avait besoin d’entendre son meilleur ami que leurs sentiments étaient vrais. Que c’était réciproque. « Pas les gens. Juste moi. T’as toujours été "assez gentil", ou plutôt trop gentil avec moi. Alors sérieux, je pense que tu serais prêt à tout pour me remonter le moral. » Avoua August. Et en prononçant ces paroles, il réalisait que si Alfie agissait ainsi à l’égard d’August, c’était parce qu’il l’aimait lui aussi. Tous les deux auraient été prêts à faire n’importe quoi pour soulager l’autre, rendre l’autre heureux. Un sourire se dessina alors sur les lèvres du trentenaire quand son meilleur ami avoua être amoureux de lui. « T’as même pas idée de comment ça fait du bien de l’entendre. Je t’ai imaginé tellement souvent le dire. » Sans jamais y croire. Sans jamais même penser que ça pourrait un jour se réaliser. C’était trop fou, trop beau pour être vrai. Et pourtant, les voilà qui prenaient place dans la voiture, qu’Alfie démarra dès que leurs ceintures furent bouclées. Les gens allaient quitter l’église bientôt, ou du moins venir à l’arrière pour tenter d’assister à la fuite du marié. Tenter de comprendre ce qui se passait. Alors qu’eux-mêmes ne saisissaient pas encore l’ampleur de ce qui venait de se passer. « C’est tout ce que je demande, peu importe où c’est, tant qu’on est loin de cette ville. Tant qu’on est ensemble. » Il tourna la tête vers Alfie et posa sa main sur la sienne, celle qui ne tenait pas le volant. « Ensemble, enfin. » Souffla-t-il.

C'est de la folie. Il n'aurait jamais cru à ça avant de franchir les portes de l'église, il n'aurait même jamais pu penser qu'August puisse ne pas autant aimer Willow qu'il le laissait croire. Et surtout, qu'il puisse l'aimer lui. Alfie n'est pas gay, du moins il n'a jamais douté de son orientation sexuelle et s'est toujours cru à cent pour-cents attiré par les femmes. Mais ça, c'était avant August. Avec ses sourires en coins, ses blagues qui le faisaient rire jusqu'à en avoir mal aux joues, et ses foutus regards en coin qui lui nouaient l'estomac à chaque fois qu'Alfie le surprenait en train de le regarder. Et voilà que ça tombe comme ça, comme une cage qui s'ouvre après des années passées à être bloquées, comme une porte qui se déverrouille et qui donne tout droit accès au paradis. « Pas à faire semblant d'être gay. T'aurais pu être Obama que j'aurais jamais fait un truc pareil. » Un léger rire s'échappe d'entre ses lèvres. Alfie a toujours eu tendance à raconter n'importe quoi lorsqu'il est nerveux. Sans réfléchir, sûrement pris dans un élan d'adrénaline que rien n'arrête, il prononce ces quelques mots qui lui font l'effet d'un poids qui se retire de ses épaules. Alors qu'il redoute dans un premier temps la réaction d'August, ce qu'il répond lui tire un énième sourire abruti. « Si j'avais su, j'aurais pas attendu ton mariage. » Une fois dans la voiture, il s'empresse de rouler en direction de la route principale avant de voir la future mariée sortir en trombe de l'église pour le supplier de lui rendre son époux. Alfie n'a aucune idée de ce que les autres vont penser. Ils pourraient se dire qu'August a juste eu le trac, qu'il l'emmène prendre l'air pour lui remettre les idées en place. Sauf qu'au final, quoi qu'ils pensent, il n'en a strictement rien à faire. Il est heureux là, avec lui à ses cotés, des rêves pleins la tête. En sentant la main d'August posée sur la sienne, son coeur s'emballe et menace d'imploser. Il ne dit pourtant rien, se contente de sourire tout en regardant la route devant lui. Au bout de plusieurs minutes de route, il repère un motel et décide de se garer devant le temps de savoir ce qu'ils feront, où ils en sont. Le moteur à présent coupé, il se tourne vers August. « Je pense pas qu'ils viendront te chercher jusqu'ici, » lâche-t-il avant de se remettre à sourire du coin des lèvres. « On est libres, putain. »

August éclata d’un rire franc quand Alfie compara la situation à s’il avait été Obama. C’était bien de savoir que peu importe la tête qu’il avait, son meilleur ami ne jouerait jamais avec ses sentiments au point de lui faire croire qu’il l’aimait. « C’est bizarre de t’entendre dire que tu ne fais pas semblant d’être gay … » Ce n’était pas exactement ce qu’Alfie avait dit, mais au fond, c’était tout comme. August pouvait bien se permettre de l’interpréter de cette façon, maintenant qu’ils venaient de s’échapper tous les deux du mariage d’August. Pour être ensemble. Alors ils n’étaient peut-être pas complètement gays, pas comme l’étiquette qu’on mettait à certains, mais ils étaient gays l’un pour l’autre ça, ça ne faisait plus de doute. Pas dans la tête d’August, du moins. S’ils avaient su plus tôt, il aurait effectivement été préférable de ne pas avoir attendu jusqu’au mariage. Le trentenaire esquissa un sourire. « Ça m’aurait épargné quelques milliers de dollars, c’est vrai … » Mais surtout, ça aurait épargné le cœur de Willow, du moins un peu plus que présentement. Au fond, il s’en foutait bien de la réception qui allait tomber à l’eau, de l’énorme gâteau, des bouchées et de l’alcool déjà payé. Ce n’était que du matériel. Le cœur de sa fiancée, ou plutôt ex-fiancée, par contre, ça n’avait pas de prix. Et August venait pourtant de le jeter comme un vulgaire déchet. Il ne se le pardonnerait sans doute jamais. Mais il ne se serait jamais pardonné d’avoir épousé cette femme alors que son cœur appartenait à cet homme qui se tenait devant lui. Qui l’avait accompagné pendant toutes ces années. Une fois dans la voiture, ils roulèrent sur la route principale sans regarder en arrière. Ça n’aurait servi à rien sauf à les freiner, à les faire douter. Valait mieux filer droit devant, vers un futur inconnu, vers un avenir incertain. Vers la folie de leur amour. Alfie quitta finalement la route pour rejoindre le stationnement d’un motel en bordure de la route. « Un motel délabré et louche. C’est peut-être ici que la mère de Willow viendra m’assassiner dans mon sommeil. » L’endroit était propice à ce scénario. Il déglutit difficilement, son cœur se serra après avoir prononcé ces paroles, mais il retrouva le sourire quand Alfie lui rappela qu’ils étaient libres. Il souffla. « J’ai aucun plan, Alf’. On pourra pas se cacher éternellement, nos vies sont à Bowen. » Ils venaient peut-être de faire une grosse connerie. Pourtant, être avec lui maintenant, être libéré de cette promesse de mariage dont il ne voulait pas, c’était un tel soulagement.