Welcome to my life + Opale

Je ne sais pas trop comment j'ai fait pour me retrouver avec une cinquième femme dans la maison, mais étrangement ce n'est pas pour me déplaire. Je note rapidement que je suis le seul dans la pièce à ne pas arborer un sourire débordant de joie, et à éviter tout contact physique, contrairement à Stella et Opale qui se font déjà la bise. On ne tarde pas à lui mettre un chapeau sur la tête, ouf, au moins je ne suis pas le seul à avoir l'air ridicule. Enfin, à mes yeux, ça n'amoindrit en rien le niveau de beauté dont parle ma sœur.

Elle réussit à me faire esquisser un sourire amusé quand elle parle de mes goûts sûrs niveau femmes. Stella, elle, hausse un sourcil sans réellement chercher à comprendre. De toute façon, elle est bien trop enchantée par le compliment pour penser que c'est louche. « Normal, c'est ma version féminine. » dis-je, laissant mon regard se promener sur ses cheveux bouclés, ses yeux océan et sa peau pâle. A la deuxième phrase d'Opale, les doutes de Stella se précisent, elle comprend vite ce qu'il se trame mais décide de jouer le jeu, me lançant son habituel regard "tu me conduiras au ciné les deux prochains mois ou je te balance". Je roule des yeux intérieurement mais accepte, pas le choix. « C'est mes sœurs. »

Une des princesses prend Opale par la main et la guide vers le canapé, tout sourire : « Mais pour nous, il est plus qu'un frère. » Oh, je crois que je suis touché pour une fois qu'elles reconnaissent mes efforts... je dresse les oreilles, m'attendant à ce qu'elle dise que j'avais endossé le rôle de père, de mère et de frère à la fois ces six dernières années - le besoin de passer pour un adulte responsable devant une jolie femme, quoi - mais au lieu de ça... « C'est la caisse de la maison, et un rabat-joie par excellence. Mais on l'aime. » Ha-ha. Stella s'assied aux côtés de notre invitée, et je crains le pire comme elle n'a pas sa langue dans sa poche.
« En fait, son père s'est enfui avec sa secrétaire, et sa mère a été victime d'un accident après une overdose d'alcool. Du coup Collin s'occupe de tout. Te sens pas mal pour lui, il avait pas réellement d'ambitions. » Elle me fait un clin d’œil, pensant m'aider à passer pour un mec exemplaire. C'est gentil, je crois... mais je me serais passé de sa taquinerie.  

« Et... » Je mets ma main sur sa bouche.
« Assez parlé, j'ai plus rien à raconter sur moi, princesse. » Je détache ma main, m'asseyant sur un fauteuil en soupirant. « Vite, la tarte et les cadeaux. » Je suis tout à coup très mal à l'aise, j'aime pas qu'on me prenne pour un type pathétique, une victime de ma vie.

Ah bah bravo, je crois qu'elles ont réussi à l'effrayer vu sa tête. J'essaie donc de sauver ce qui peut l'être en proposant de passer directement à la tarte et aux cadeaux, qu'on en finisse vite. Mais tout ce que je réussis à faire, c'est me foutre la responsabilité du découpage sur le dos. « Hein ? » Elle me tire vers la cuisine sans que je puisse placer un mot de protestation. En proposant, je pensais tranquillement regarder la télé pendant qu'elles se chargent de tout pour être honnête...

La voir croiser les bras me fait comprendre qu'on est pas là pour découper la tarte finalement. Curieux, j'attends qu'elle lâche le morceau avant de me masser maladroitement la nuque. « Elles sont quatre en fait, faut compter Stella aussi. Et c'est pas si pénible que ça, sauf quand j'ai envie de ramener une fille à la maison... » Petit sourire. Je l'observe silencieusement s'affairer dans la cuisine, mon sourire ne me quittant pas pour une raison obscure. Et c'est tout aussi mystérieusement que je me retrouve à contourner l'îlot, pour l'approcher, m'arrêtant à quelques centimètres de la belle. Je détaille son visage avant d'ajouter d'une voix faiblarde que je me connais pas : « C'est pas trop tard pour fuir, tu sais. »

« Pourquoi ça prend si longtemps, j'ai faim ! » nous interrompt ma sœur en me sautant sur le dos. Son ventre pouvait pas attendre avant de se manifester, juste un petit peu ? « Pourquoi t'as l'air dégoûté ? Enfin plus que d'habitude je veux dire. » ajoute Stella en goûtant à la tarte. Je choisis de les ignorer, impassible à souhait, m'emparant simplement d'une autre bière aussitôt collée aux lèvres. Comme je viens de le dire, ramener une fille ici n'est pas une bonne idée. Car oui, la source de mon "dégoût" ou peut-être frustration, c'est bien ça en l'occurrence. Avec toute la mauvaise foi du monde, il me serait impossible de dire que ne suis pas attiré par Opale. Eh oui, je ne suis plus un gamin, ni le personnage d'une série mexicaine de 200 épisodes avec des histoires de cœur démesurément compliquées pour ne pas m'en rendre compte.

Son détecteur de mensonges se manifeste et je réprime l'envie de m'en frapper le front avec la paume de ma main. Le temps d'un très bref instant, j'avais oublié que pour elle, je suis un homme en couple... avec ma sœur. Je recule brusquement de quelques millimètres par réflexe, une fois le couteau pointé dans ma direction. Ouai, c'est peut-être pas le meilleur moment d'avouer que j'avais menti. « Parce que je suis difficile à satisfaire, peut-être ? » Mon amusement se dissipe en moins que rien lorsque ma vaine et pathétique tentative de l'approcher tombe à l'eau. Et mes sœurs ne sont fautives qu'à 50% : Opale semble complètement insensible à mon charme. C'est donc avec une désagréable sensation oscillant entre la frustration et l'envie de m'en foutre une, que je me redirige vers mon canapé.

Qu'est-ce qui m'arrive, sérieusement ? J'ai pas tant que que ça besoin d'un coup d'un soir. Et pourtant, j'y tiens à être proche d'elle - physiquement parlant hein, on va pas déconner non plus. Vexé, j'entame silencieusement ma part de tarte, faisant presque la moue suite à sa remarque. Oui, j'ai déjà remarqué qu'elle est particulièrement courageuse. « Je constate. » Stella commence à déballer ses cadeaux, je garde un œil sur les filles pendant que le boucan dans le salon se fait de plus en plus intense. Huh, hallucinant comment elles ont l'air de se connaître depuis longtemps. On dirait que l'ambiance de quand notre mère était là est de retour dans la maison.

« Oh mon Dieu... » Stella me saute directement dans les bras, manquant de nous faire tomber tous les deux et le canapé avec. « Il est magnifique ! » Son grand sourire débordant d'amour fait apparaître le mien, pendant que je pose ma main sur son dos. Elle se redresse, examinant encore et encore l'appareil photo sous tous ses angles. « T'as vraiment assuré, pour une fois que tu as trouvé le bon cadeau... » J'ignore ses sarcasmes et commente, désignant Opale du menton : « C'est elle qu'il faudra remercier. » Confuse, Stella se tourne vers notre invitée : « C'est vrai ? »

Dans le genre "rencontre inattendue", on pourrait difficilement faire mieux. Voilà à quoi se résument mes pensées pendant qu'elle raconte aux filles comment on a fait connaissance, en omettant bien entendu les détails intéressants mais gênants. Je les vois hocher la tête, comme si elles reconnaissaient bien mon comportement. Demander, spontanément comme elle dit, à quelqu'un son avis sur un cadeau d'anniversaire est tout à fait dans ma personnalité. Je suis assez random par moments. Suite à sa révérence, les filles applaudissent. Stella et comme émerveillée, mais moi je secoue la tête comme pour dissimuler un petit sourire naissant. Stella n'est pas très expansive, mais voir cette petite larme au coin de son œil me rend heureux. A en juger, je pense pouvoir dire qu'elle aime Opale, beaucoup même.

Soudain, elle parle de paiement. Hum, j'y avais pas encore pensé. « Bah, tu peux demander ce que tu veux. Comment tu veux être payée ? » parce que je doute qu'elle soit intéressée par de l'argent, allez savoir pourquoi. Un flash attire mon attention et je me détourne légèrement d'Opale pour constater que Stella vient de nous prendre en photo. « Vous êtes choux ! » elle rigole toute seule en contemplant la photo, moi je m'y intéresse moins. Je sursaute encore lorsqu'elles déclenchent une musique bien trop joyeuse à mon goût. Je porte une main à mon oreille, grimaçant : « Éteignez-moi ça ! Je trouverais pas drôle que les voisins appellent les flics à cause du bruit. » en vrai, la musique n'est pas si assourdissante. « Dansons ! » au moins je lui aurais appris une chose : ignorer les gens. Elle me tire néanmoins par la main puis prend celle d'Opale, m'incitant à me lever, ensuite elle s'éloigne un peu, nous invitant silencieusement à danser. Oh non, pitié.

Je ne ris pas ouvertement mais on devine au grand sourire et au tressaillement de mes épaules que je suis fortement amusé. Un paiement en nature, hein ? « T'as de la chance qu'il y ait des mineures dans la pièce. » Je ne suis pas un pervers mais j'en reste pas moins un homme, même si mon tableau de chasse n'est pas aussi glorieux que ceux de mes potes. Avoir une invitation aussi explicite ne me laisse pas indifférent, même si elle est lancée sous couverture de sarcasmes. Néanmoins, je reste sage, c'est l'exemple que je dois donner aux filles.

Je les regarde interagir tout en souriant, admiratif. Et c'est là que mes yeux se plaignent d'un second flash. Oh je sens que je vais vite regretter de lui avoir offert un appareil photo... « Je rêve ou t'es en train de sourire ? » deuxième clin d’œil de la soirée, je sais ce qu'elle insinue mais j'ai rien à dire là-dessus. Je suis simplement attiré par Opale, chose qui est loin d'être bizarre - il suffit d'avoir deux yeux pour s'en rendre compte, quoi - et ce serait le cas de n'importe quel autre homme hétéro. « Pas besoin de sur-analyser la chose, idiote. »

Elle hausse simplement les épaules puis active sa caméra il me semble, au moment où Opale me tend la main. Je soupire simplement, bah génial, il n'y a aucune échappatoire ? Je saisis sa main, la tenant à une hauteur raisonnable puis place la deuxième sur son dos alors qu'elle devrait se positionner bien plus bas. Comme je viens de l'expliquer, je ne suis pas un pervers, encore moins un profiteur. Après quelques instants à regarder nonchalamment le plafond, ma timidité s'envole et je détaille encore son visage. L'air calme et serein. Je commence à mener la danse, y prenant - peut-être - même un peu plaisir, sans la quitter du regard. «  Tu l'as rendue heureuse. Je crois que je te dois aussi un paiement en nature pour ça. » dis-je pour briser la sensation qui me submergeait, peu importe sa nature.  

« Et comment ! » réponds-je du tac au tac, d'une voix bien trop excitée pour l'immense boule d'énergie noire que je suis. J'espère qu'elle ne s'attendait pas à ce que je refuse une offre aussi alléchante, alors que mes pensées y sont focalisés plus que de raison depuis notre rencontre. J'emmerde encore mon mode de fonctionnement en acceptant de danser avec elle, devant la caméra de Stella. Ah bah génial, je viens de lui offrir un truc pour me foutre les nerfs. Mais comme cette dernière activité est son passe-temps préféré... elle doit être heureuse. J'en remercie la principale responsable d'ailleurs, et aussi cheesy que cela puisse paraître, j'esquisse un autre sourire. Elle dit que la dette sera énorme, et c'est franchement pas pour me déplaire. « On peut régler ça ici maintenant, si tu veux. »

J'espérais qu'elle ne plaisantait pas, mais elle envoie valser mes espoirs à l'autre bout du salon avec ses remerciements. Et, encore une fois, je n'en suis pas mécontent. « Je me suis attendu à ce qu'elles t'effraient en fait. » Traduction : tu m'en vois aussi content. Impossible d'être aussi expansif qu'elle. « Bah du coup, te gêne pas pour revenir. Je suis sûr qu'elles te donneront la clé de la maison avant la fin de la soirée de toute façon. » et je plaisante même pas. Elles viennent de se faire une nouvelle amie. Pour moi ? Je ne sais pas ce que ça voudrait dire. En parlant de la fin de soirée... « Il est tard, besoin de quelqu'un pour te raccompagner quand tu iras ? » Et des "oooh"
du groupe de fangirls derrière nous se font entendre.

C'est vrai que je pousse la plaisanterie assez loin avec ma proposition de régler le compte sur-le-champ, mais elle me fait carrément de la concurrence en entourant mon cou de ses bras. Oh oh. Je sens son haleine fraîche contre mon visage, additionnée au clin d’œil et au mot "chambre", cette petite comédie n'est plus sans effet. « Tu viens de mettre le pied sur un terrain très dangereux. »  Je ne suis qu'un homme après tout, dont le degré de self-control est relatif aux personnes présentes dans la pièce et au niveau de beauté de son vis-à-vis. Elle n'a donc pas intérêt à y mettre le deuxième. Je réinstalle une distance de sécurité entre nous, c'est qu'il y a des caméras en plus et je n'ai pas envie de m'exposer à des taquineries sans fin avec des preuves en vidéos en prime.

« Super. »  dis-je nonchalamment, bien que je sois content de savoir qu'elle compte revenir. Elles l'ont pas fait fuir en courant, c'est déjà ça. « Très bien, mais Bowen est une ville assez tranquille. Je ne peux pas dire que mon travail est très passionnant. »   Meaning, il n'y a aucun tueur en série qui se balade librement en ville, juste quelques petits cons qui n'ont rien de mieux à foutre que d'embêter le monde. Et une poignée de voleurs, pas très dangereux non plus. Je sais qu'en m'écoutant, on se demande pourquoi je tiens à la raccompagner... parce que c'est... galant ? Bon d'accord, la galanterie, ça ne me connait pas spécialement. Il suffit de demander à Tahlia, ma partenaire. Mais ça tient la route comme excuse.

La danse terminée, et la soirée avec, je vais chercher ma veste et mes clés. « Reviens vite, d'accord ? »   j'en doute pas, comme elles ont échangé leurs numéros de téléphone. « Je suis de retour dans une demi-heure max. »   dis-je, espérant qu'elles seraient toutes dans leurs lits. « Elle est comment ma petite amie ? »   demande-je une fois dehors, marchant tranquillement. Oui, je peux être un connard par moments, mais je n'aime pas mentir. Il est peut-être temps d'éclaircir les choses.