the beat of our young hearts (bonnie)

Face à la mer, les pieds plongés dans le sable, Théia remue ses orteils en admirant les vagues qui viennent et repartent lentement. Ses cheveux volent au rythme des brises de vent chaud, et sa main plongée dans la poche de son short en jeans caresse machinalement un bracelet qu'elle portait quand elle était enfant. Une simple ficelle de couleur rouge, un symbole d'amitié qui la liait avec Bonnie à l'époque. Nostalgique, elle repense à son amie et à toutes les raisons qui les ont séparées. Elle songe à elles enfants, elles ados, puis elles loin l'une de l'autre. Elle lui a envoyé un message, seulement quelques phrases pour lui demander si elle serait d'accord de rattraper le temps perdu et de profiter une nouvelle fois de cette si belle plage. Il n'y a pas tant de monde que ça autour d'elle, la soirée est déjà entamée et le bleu du ciel a laissé place à des tons orangés. Le sable n'étant pas bruyant quand on le piétine, Théia n'entend pas Bonnie arriver. Ce n'est que lorsqu'elle se trouve à sa hauteur que la brunette remarque sa présence, faisant un demi-tour sur elle-même qui balaie ses longs cheveux vers l'arrière. Lentement, un petit sourire vient étirer ses lèvres. Bonnie et elle ont partagé beaucoup de beaux moments, beaucoup de secrets, pourtant aujourd'hui elle ne sait même plus comment la saluer. Elle ne sait pas si son amie est en colère contre elle, ou même si elle la considère encore comme une amie. « Hey, » dit-elle d'une voix basse, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille en même temps. « Ça me fait plaisir de te voir. » Elle est sincère, et beaucoup savent que Théia n'est pas le genre de fille à prononcer ce genre de phrases sentimentales sans le penser réellement. Son regard se plonge dans celui de Bonnie pendant que ses pensées divaguent, se demandant si elle aussi a toujours le bout de ficelle qui les a liées autrefois.

Bonnie avait été surprise de recevoir un message de Théia. Si elles avaient été très proches lors de leur adolescence, elles ne s'étaient pas vues depuis un moment et la coiffeuse ne s'attendait pas à avoir de ses nouvelles maintenant. Elles se connaissaient depuis une éternité et avaient partagé des tas de trucs toutes les deux. Leur amitié lui manquait beaucoup mais elle n'avait jamais eu le courage de faire le premier pas pour essayer de reprendre contact. En réalité, elle avait l'impression de s'être éloignée de toutes les personnes qui lui étaient chères au fil du temps. Sa relation avec Elijah prenait tellement de place qu'elle avait négligé ses amis sans même s'en rendre compte. Elle s'en voulait parfois. Elle y pensait souvent et concluait toujours qu'elle était une amie vraiment lamentable. Alors avoir la possibilité de rattraper un peu le temps perdu avec Théia lui faisait vraiment plaisir. Arrivée sur la plage, elle repéra bien vite la silhouette de la jeune femme et s'approcha d'elle d'un pas volontaire. Elle ignorait comment la saluer. Est-ce qu'elle devait se contenter d'un "salut" basique ou lui donner une accolade amicale comme avant ? Laissant sa spontanéité parler, elle lui sourit doucement et se contenta d'un simple : « Hey... » Cette situation était un peu surréaliste mais Bonnie était contente de pouvoir passer du temps avec elle. Son sourire s'agrandit quand Théia lui dit que la voir lui faisait plaisir. « Moi aussi. Je pensais souvent à toi mais j'osais jamais t'envoyer de message... » Elle avait l'impression que tout le monde lui en voulait. Elle était tellement habituée à ce que tout le monde l'engueule à cause de sa relation avec Elijah qu'elle s'était imaginée que Théia ne voulait sûrement plus lui parler. Mais ça ne l'empêchait pas de penser à elle très souvent. Elle avait gardé tous les souvenirs de leur amitié et tenait tout particulièrement aux bracelets qu'elles avaient échangé autrefois. Elle posa son regard sur l'horizon, enfonçant les mains dans la poche de sa veste, puis elle tourna la tête vers son amie, un petit sourire étirant ses lèvres. « Comment tu vas ? » C'était une question débile, oui. Mais Bonnie ignorait comment faire pour rattraper le temps perdu. Commencer par lui demander comment elle allait, c'était un bon début, non ?

Comment en vouloir à Bonnie pour une chose qu'elle a elle-même faite ? Devoir faire face à la perte de son meilleur ami l'a totalement coupée du monde réel et de ses habitants jusqu'à ce qu'elle aussi finisse par ne plus voir personne. Pendant une période sombre de sa vie, Théia était seule et ne s'en plaignait pas. Il lui aura fallu un an pour renouer des contacts sociaux, un an pour rappeler que non, elle n'était pas encore morte. Et il lui aura fallu plus d'un an et demi pour renouer avec Bonnie, une de ses plus proches amies. En la voyant arriver, Théia voudrait pouvoir la prendre dans ses bras comme elles le faisaient autrefois. Elle aimerait s'asseoir sur le sable à ses cotés, l'entendre lui parler d'elle, de la vie, rire en parfaite union. Sauf qu'à la place, elles restent toutes les deux à une distance raisonnable l'une de l'autre et ne prononcent qu'un simple mot de trois petites lettres, chacune à tour de rôle. Théia voit Bonnie sourire et, immédiatement, sent les coins de ses lèvres se relever automatiquement. « Je t'en veux pas, » lui répond-elle simplement, sans dire qu'elle aurait pu envoyer ce foutu message. Car Théia n'est pas en colère, et qu'elle est sincèrement ravie de revoir Bonnie. À cette question qui entame toute discussion entre deux personnes, l'habituel "comment tu vas", Théia décide d'y répondre sans trop rentrer dans les détails. Du moins, pas tout de suite. « Je vais bien ! La vie se montre sans arrêt pleine de rebondissements avec moi, mais je fais avec, » ajoute-t-elle avec un léger rire avant d'à nouveau relever les yeux vers son amie d'enfance. « Et toi ? Qu'est-ce que tu deviens ? » Pour ne pas faire du sur-place plus longtemps, Théia fait un pas dans le sable et incite Bonnie à faire de même d'un simple geste discret de la tête. Elle se met ensuite à marcher entre elle et les vagues de l'océan, écoutant leur mélodie tout en attendant la réponse celle qu'elle n'a plus vue depuis bien trop longtemps.

L'anxiété disparaissait peu à peu à mesure qu'elle renouait avec son ancienne amie. La crainte qu'elle lui en veuille avait totalement disparu et la boule qui s'était formée dans son ventre à mesure qu'elle s'était approchée de Théia diminuait. Elle avait l'impression que tout était comme avant. Comme si leur amitié avait été mise sur pause pendant quelques temps et qu'elles pouvaient la reprendre là où elle s'était arrêtée. C'était ce qu'elle espérait en tout cas. « Merci... » Ce n'était pas un merci dit comme cela, juste pour meubler la conversation. C'était un merci sincère. Elle lui était vraiment reconnaissante de bien vouloir lui reparler malgré tout ce qu'il s'était passé entre elles. Elle lui adressa un petit sourire en l'écoutant lui parler de ce qu'elle était devenue. Elle était impatiente de l'entendre lui raconter tout ce qu'elle avait loupé. Maintenant qu'elles avaient renoué contact, il était hors de question qu'elle la laisse à nouveau s'éloigner. Voyant son amie se mettre à marcher dans le sable, Bonnie la suivit en laissant son regard se perdre sur l'horizon. Qu'est-ce qu'elle devenait ? C'était une bonne question. Au final, rien n'avait vraiment changé... Elle était toujours la même et sa vie était toujours aussi monotone. Aucun changement radical, aucun événement incroyable, rien qu'une petite vie bien rangée - dans laquelle elle s'ennuyait un peu pour être honnête. Elle marqua un temps d'arrêt et tourna la tête vers son amie, lui adressant un petit sourire. « Je vis avec Elijah depuis quelques mois. Mais à part ça... Rien de neuf. Toujours cette bonne vieille routine ! » Elle essayait de prendre un air détaché, de faire comme si sa vie lui convenait. Mais ce n'était pas le cas. Ces derniers temps, elle avait l'impression d'étouffer et se posait pas mal de questions sur son avenir (qui lui paraissait bien incertain). « Et toi alors ? Quoi de neuf ? Je suis sûre que tu as plein de trucs à me raconter ! » Elle avait hâte de l'écouter lui raconter ses aventures et se perdrait volontiers dans son récit. Comme au bon vieux temps, quand elles étaient inséparables et qu'elles partageaient tous leurs secrets. Comme si elles n'avaient jamais été séparées.

Théia n'a jamais été quelqu'un de rancunier, avec qui que ce soit. Elle est bien souvent partie du principe que la vie était trop courte que pour rester fâchée, surtout la sienne. Avec Bonnie, il est évident qu'elle ne peut lui en vouloir bien longtemps. Malgré le temps passé, malgré la distance qu'elles ont instaurée entre elle, elle n'oubliera jamais l'amie qu'elle a été et encore moins la place qu'elle a un jour eu dans son coeur. Place qu'elle aura d'ailleurs toujours, dans les bons comme dans les mauvais jours. Théia est une amie fidèle, le genre d'amie qui ne pourra pas concevoir de couper si facilement les ponts avec une personne qu'elle a tant appréciée. Tout en marchant dans le sable, elle écoute Bonnie lui parler de sa vie et hausse les sourcils, surprise d'apprendre qu'Elijah et elle vivent déjà ensemble. Ça ne la choque pas, elle se doutait même que cela finirait pas arriver. Mais pas si tôt, pas si vite. « Si vous êtes heureux, c'est tout ce qui compte. » Elle lui offre un sourire avant que la question ne lui soit retournée. C'est à présent à elle de parler, et il y a tellement de choses à dire que Théia ne sait même pas par quoi commencer. « Clairement, j'en ai des choses à te raconter, » répond-elle en riant avant de reprendre son sérieux. « Mais je risque un peu de plomber l'ambiance alors interdiction de prendre pitié ou de me regarder avec des yeux de cocker, d'accord ? » Elle soutient le regard de son amie le plus sérieusement du monde avant de reporter son attention sur l'horizon. « Tu sais que je n'ai jamais été très douée avec les relations amoureuses. Je sortais avec un gars, je le quittais, il me quittait, ça durait jamais longtemps. » Elle pousse un léger soupir. « J'ai récemment dû me faire opérer pour une transplantation cardiaque, premier malheur de ma vie. » Elle rit légèrement, histoire d'alléger son récit. « Et il y avait ce garçon, Oliver. Photographe mystérieux, attachant, adorable avec moi. Il a été là durant toute ma convalescence et on a décidé de se mettre ensemble dès que je fus sortie. Sauf que du jour au lendemain et bien, pouf, plus d'Oliver. » Elle hausse les épaules avant de regarder en direction de Bonnie pour guetter sa réaction.

Théia ne jugeait pas sa relation avec Elijah - et c'était bien la seule. Cela aurait dû la soulager mais au lieu de cela, Bonnie se sentait encore plus perdue. Alors elle se contenta de répondre un : « Ouais... » qui se voulait enjoué - mais qui ne l'était pas. En réalité, elle était bien incapable de dire si elle était heureuse ou non et c'était ça le problème. Elle ne savait plus. Elle doutait de tout, tout le temps. Elle ignorait ce qu'elle voulait, ce qu'elle ne voulait pas... Sa vie était un vrai casse-tête. Mais bref. Ce n'était pas le moment de penser à cela. Elle venait de retrouver l'une de ses meilleures amies et il était hors de question qu'elle laisse ses états d'âme gâcher ce moment dont elle se souviendrait longtemps. Elle était impatiente d'entendre ce que Théia avait à lui raconter mais son avertissement n'était pas très rassurant. Interdiction de prendre pitié ou de la regarder avec des yeux de cocker ? Qu'est-ce qu'elle allait bien pouvoir lui raconter ?! Acquiesçant d'un hochement de tête silencieux, Bonnie enfonça ses mains dans ses poches pour se donner une contenance alors qu'elle se préparait mentalement au pire. Elle accueillit la première confession de Théia sans rien répondre, lui lançant un regard approbateur pour la pousser à continuer. Ses confessions sur sa vie sentimentale n'étaient qu'une introduction, un moyen d'amener la suite habilement. Les mots "transplantation cardiaque" ne tardèrent pas à sortir de la bouche de Théia et Bonnie s'arrêta brusquement de marcher. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ?! Elle regarda son amie d'enfance dans les yeux, perturbée par cette annonce plus que surprenante. « Quoi ?! » Pure question rhétorique. Elle n'attendait pas de réponse. Ou plutôt, elle ne voulait pas de réponse. Elle n'avait pas envie d'entendre la jeune femme lui annoncer une nouvelle fois ce qu'elle avait subi. Elle tenta de se concentrer sur la suite de son discours mais tout ce qu'elle retenait, c'était "transplantation cardiaque". Bordel. Une putain de transplantation cardiaque. Ignorant malgré elle la partie sur Oliver, elle regarda Théia et ouvrit légèrement la bouche. Elle était incapable de formuler une phrase correcte. Toutes ses pensées se mélangeaient dans sa tête à une vitesse folle. « Putain mais... » Elle baissa la tête une seconde pour tenter de reprendre le dessus et elle regarda à nouveau son amie. Elle éprouvait des tas d'émotions en même temps. Elle était désolée pour elle, évidemment, mais aussi en colère contre elle-même pour ne pas avoir pu la soutenir dans cette épreuve qui n'avait pas dû être facile. « Je suis désolée, Théia. » Elle mourrait d'envie de la serrer dans ses bras mais elle ne savait pas si elle pouvait. Est-ce qu'elles étaient suffisamment proches pour cela ? Elle l'ignorait. Elle la regarda un instant puis esquissa un léger sourire pour essayer de détendre l'atmosphère, comme Théia l'avait fait quelques minutes plus tôt. « Well... J'ai fait des yeux de cocker, pas vrai ? » Plaisanterie très moyenne, certes, mais c'était tout ce qu'elle pouvait faire après une nouvelle comme celle-là. Elle avait beau essayer de ne pas prendre des "yeux de cocker" ni un air plein de compassion, elle n'y arrivait pas. Elle était profondément triste et sincèrement désolée par tout cela.

D'habitude, Théia est capable de voir lorsqu'on lui ment. Elle a ce don pour discerner le moindre changement d'humeur, d'expression du visage, la capacité aussi de leur faire sortir les verres du nez et la détermination de celle qui refuse de voir une ombre de tristesse sur le visage de ses amis. D'habitude, Théia ne parle pas d'elle. Elle reste vague ou silencieuse, s'oublie, toujours par crainte d'inspirer la pitié. Elle ne mentionnait que très rarement l'état de sa santé, de son coeur, de toutes ces visites chez différents médecins et de son état qui ne faisait toujours qu'empirer. Et pourtant, face à Bonnie, ce poids si lourd qu'elle porte depuis trop longtemps lui a paru soudainement devenir insupportable. elle ne pouvait plus mentir ni se voiler la face, et il a fallu que ça tombe sur elle. Bonnie, l'amie qu'elle n'a plus vue depuis si longtemps, celle qui peut-être n'a que faire de ses piètres lamentations. Peut-être est-ce leurs retrouvailles qui ont fait réagir l'étudiante, l'impression qu'enfin, elle n'est plus toute seule. Et face à elle, cette vieille amie l'écoute avec la même attention que si elles ne s'étaient jamais perdues de vue. Evidemment qu'elle est désolée, comment ne pas ressentir une once de pitié devant toutes ces bombes lâchées en à peine quelques minutes de conversation ? Regrettant un peu de s'être ouverte si vite et si facilement, Théia baisse les yeux en direction du sol et esquisse un demi-sourire. Elle hausse les épaules, mimant un désintérêt total pour sa propre situation qui la ronge un peu plus jour après jour. « T'as pas à être désolée, » répond-elle simplement avant de relever les yeux dans sa direction. Oui, la vie a souvent joué les garces avec elle et pourtant, elle s'en est toujours remise. Elle le refera, elle se relèvera, parce qu'elle a toujours eu cette force et détermination qui la caractérisent depuis qu'elle est gamine. Parce qu'elle est Théia. Un léger rire amusé s'échappe de ses lèvres à la question de Bonnie. « Je t'en veux pas, au moins ça prouve que t'en a quelque chose à faire. » Elle pousse ensuite un long soupir. « Damn, depuis quand je me plains comme une veuve qui tente de se faire remarquer ? La prochaine fois que je fais ça, secoue-moi un bon coup. » Nouveau rire discret, un peu maladroit, comme si elle marchait sur des oeufs. Elle veut quitter ce moment émotions trop intense pour elle, le genre de moment qui pourrait faire resurgir ces blessures qu'elle essaie tant bien que mal de cacher derrière d'éternels sourires. « Mais je vais bien maintenant ! Alors je suppose que je ne suis plus vraiment à plaindre. » Cette fois, c'est un sourire angélique qui vient étirer les coins de ses lèvres. « Arrêtons de parler de moi ! Je suis sûre que t'as commencé des trucs passionnants genre.. de l'art contemporain, du violoncelle à trente mètres de hauteur. » Théia sourit de plus belle, tentant du mieux qu'elle le peut d'effacer les quelques paroles plus tôt prononcées.