Le début de la fin / F&E&Q

Est-ce que vous connaissez-vous cette étrange sensation, où, vous sentez votre cœur s'embraser, votre pouls s’accélère et un sentiment d'angoisse vous paralyse? Comme si, un signal d'alarme se mettait à sonner, à vous prévenir d'un danger.

Ce matin-là, Fleur s'était réveillé avec cette affreuse boule au ventre. Elle qui fuyait les professionnels de la santé, elle ne pouvait y échapper cette fois. ll y a plusieurs jours, maintenant plusieurs semaines, qu'elle manquait atrocement de souffle. C'en était douloureux. Elle avait donc pris rendez-vous pour un check-up complet : prise de sang, radio, IRM.

Sa voiture étant en panne, elle avait demandé à son amie Eleanor de l'accompagner. Sur le chemin, Fleur était silencieuse. Elle se sentait coupable de l'avoir embarqué là-dedans.

- Tu sais, t'es pas obligé de rester. Je peux me débrouiller pour rentrer, lui dit-elle de sa toute petite voix.

Il ne t'a fallu que quelques minutes pour rejoindre le domicile de Fleur, en voiture. Alors que tu te gares devant chez elle, tu klaxonnes pour lui signifier de ta présence et elle te rejoint assez rapidement. Tu remarques tout de suite l'air anxieux qui trouble son beau visage si détendu habituellement. A sa place, tu serais sans doute dans le même état. Un check-up complet, c'est toujours effrayant même si là, tu es persuadée que rien de grave ne peut arriver à ton amie. Dans la voiture, le silence s'installe entre vous jusqu'à ce que Fleur le brise. Tu secoues la tête lorsqu'elle dit qu'elle peut se débrouiller seule et que ta présence n'est pas obligatoire. Toi, en la voyant anxieuse comme ça, tu es davantage persuadée que ta présence est nécessaire. « Arrête de dire n'importe quoi, bien sûr que je vais rester. » Réponds-tu le regard rivé sur la route avant d'ajouter : « Et puis, sans moi, tu risques de t'ennuyer entre tes divers examens. » Tu dis ça d'une façon plus légère comme pour détendre l'atmosphère et pour détendre ton amie.

Elle refuse, et au fond elle est bien contente qu'Eleanor insiste pour rester auprès d'elle. Efictivement cela risquait de prendre du temps et toute seule, l'attente serait plus longue.

- Merci c'est vraiment gentil. Je te revaudrais ça.

Elle la gratifia d'un sourire et reporta son regard sur la route. Le temps semblait long. Peut-être parce qu'elle était anxieuse. Pourtant Fleur essayait d'avoir des pensées positives, mais cette boule au ventre revenait au galop. Quand elles arrivèrent à destination, elle avait la nausée. L'envie de vomir.

- Tu sais à quel point je n'aime pas les médecins. Je me sens pas bien.

Fleur regarda Eleanor et devinait qu'elle devait paraître livide.

Lorsque tu considères une personne comme une amie, tu es prête à beaucoup pour elle. Tes amis se comptent sur les doigts d'une main alors à tes yeux, ils ont de l'importance. Du coup, lorsque Fleur te donne la possibilité de t'en aller, tu ne peux pas accepter. Il est évident que tu vas rester à ses côtés pour la soutenir. « Tu ne me dois rien du tout, va. » Dis-tu, un sourire aux lèvres, le regard toujours concentré sur la route. Une fois à l'hôpital, le visage de Fleur est davantage pale même presque livide et ça t'inquiète. Tu sais ce que c'est des examens de routine, c'est toujours inquiétant mais il n'y a rien qui dit qu'ils seront mauvais, après tout. « Tout va bien se passer. » Réponds-tu pour rassurer la jeune femme. « Plus vite ce sera fait et plus vite tu seras tranquille, non ? » Ajoutes-tu comme pour donner de la motivation à Fleur. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer après tout.

Arrivées à l’hôpital, Fleur se sentit mal. Les hauts de cœur, tout ça. C’était plus psychologique. Eleanor la rassura. Plus vite ce sera fait, plus vite elle sera tranquille, avait-elle dit. Fleur approuva d’un signe de tête. Ensemble, elles se dirigèrent vers l’accueil pour annoncer sa présence. Bien longtemps après, l’infirmière prit sa tension et lui fit une prise de sang. Par chance, Eleanor eut l’autorisation d’être près d’elle et de lui tenir la main. Ainsi elle évita sans doute de tomber dans les pommes. Après quelques minutes, Fleur retourna à la salle d’attente auprès d’Eleanor. Plus tard, un médecin lui informa qu’elle devait monter au deuxième étage afin de se rendre au service radiologie. De nouveau, elles attendirent longtemps dans la salle d’attente. Entre temps, Eleanor leur ramena un café et quelques viennoiseries.

Trois quart d’heures s’était écoulé, et Fleur se sentait de plus en plus coupable d’avoir embarqué Eleanor dans cette longue attente. Au bout d’un certain temps, une infirmière vint enfin à sa rencontre lui expliquer le déroulement de l’examen. En cabine de préparation elle devra retirer ses chaussures, sa montre, ses bijoux, son soutien-gorge, tout objet métallique, téléphone portable ou carte magnétique. Elle se chargea alors à Eleanor de garder ses affaires personnelles.

Quinze minutes plus tard, on appela son nom, et Fleur se rendit en cabine. Elle fut installée sur un lit d’examen qui se déplaça doucement dans l’ouverture d’un appareil. Les indications n’étaient pas difficiles. Il fallait ne pas bouger et ne pas respirer  quand on le lui demandait. Un médecin lui posa un casque sur les oreilles, et elle entendait Bruno Mars chanté Uptown Funk. Elle en oubliait presque qu’elle passait un examen IRM. Il y avait une équipe médicale derrière une vitre, qui discutait sérieusement. Parfois Fleur jetait un bref coup d’œil vers eux, puis se remit à faire le vide dans sa tête. Quand elle sortit de l’examen, Fleur se montra soulagée.

- Enfin terminée ! Il n’y a plus qu’à attendre les résultats et on va enfin pouvoir rentrer… C’était long, hein ? Je suis vraiment désolée ! s’excusa t-elle sincèrement auprès de son amie.

Lorsqu'on fait une multitude d'examens, il est assez évident que l'attente sera longue. Tu sais à quel point les hôpitaux sont surchargés et ce, dans tous les domaines. De ton côté, tu évites cet endroit comme la peste tant que tu peux. Néanmoins, venir ici et soutenir Fleur c'est différent, les circonstances sont autres. Après la prise de sang de la jeune femme, tu sais que vous risquez d'attendre un moment alors, tu décides d'aller vous chercher de quoi patienter : des viennoiseries et du café. Le combo parfait pour toute femme qui se respecte. Finalement, après une attente assez longue, Fleur est appelée pour passer ses premières radios. Là-bas, tu sais que tu ne pourras l'accompagner alors tu te charges de garder ses affaires le temps de quelques minutes. Une fois terminé, vous retournez dans la salle d'attente histoire de ne pas partir sans les résultats. « Aucun problème, je te l'ai déjà dit ! Soulagée ? » Réponds-tu en souriant à la jeune femme. « Est-ce que tu penses qu'ils vont venir te donner les résultats rapidement ? » Ajoutes-tu en regardant autour de vous l'agitation des médecins.

Oui, durant toute cette journée d'examens, tu t'étais promis d'être une amie exemplaire. Tout simplement parce que Fleur le mérite et parce que c'est dans ton caractère, de te comporter de la sorte. Lorsque quelqu'un rentre dans ton coeur, il en sort difficilement. Et la jeune Delacroix y tient, sans aucun doute, une grande place. « De la musique ? Quel genre de musique ? » Demandes-tu, amusée par cette révélation. Tu ne savais pas que c'était possible dans ce genre de situation. Mais il faut dire que tu n'as jamais passé un seul IRM de toute ta vie. Alors que vous discutez du fait que l'attente risque d'être longue, une infirmière intervient pour venir chercher Fleur. Cette fois-ci, tu as le droit de l'accompagner et alors que ton amie te demande de venir, sa voix est bien plus inquiétante que quelques secondes auparavant. Elle a peur et ça se voit. « Bien sûr. » Réponds-tu en te levant. Tu parviens aux côtés de la jeune femme, frottant amicalement son bras pour lui donner du courage et lui montrer que tu es là. Toi aussi, tu commences à être inquiète maintenant. Des résultats arrivant si vite, ce n'est jamais bon signe... Mais tu ne veux pas partir défaitiste, ce n'est peut-être rien après tout. Tu soupires pour te donner du courage et entres dans une pièce aux côtés de Fleur, prêtes à voir le médecin.

Fleur n'avait pas eu le temps de s'étaler dans les détails du déroulement de l'examen. A sa grande surprise une infirmière l'avait interpellé au bureau du médecin. Pour le résultat de ses examens sanguins, l'infirmière ne l'avait pas convoqué. C'est ce qui lui mettait la puce à l'oreille.

L'infirmière avait insisté pour qu'elle soit accompagnée et Fleur ne se fit pas prier. Elle tenait à ce qu'Eleanor soit près d'elle. En un échange de regard, elle comprit qu'elle aussi avait l'air inquiète. Elles s'installèrent toutes les deux face au bureau du Docteur Ludsthorp. Tétanisée par la peur, Fleur se tut. Elle attendait le verdict du médecin.

Lorsque vous entrez dans la pièce, l'atmosphère te semble lourde et tu ne sais pas vraiment expliquer pourquoi d'ailleurs. D'un coup, tu sens ton coeur accélérer lorsque vous saluez le médecin et vous installez en face de lui. Il s'agit en fait d'une femme, plutôt jeune, blonde et assez jolie, tu dois bien l'avouer. Après quelques phrases de politesse, tu attrapes la main de Fleur pour la soutenir dans ce moment difficile à passer et attends le verdit du docteur. De tout coeur, tu espères qu'il ne s'agit rien de grave mais là, ça te semble plutôt mal parti. Mais tu ne veux pas penser négatif, pas encore.

Le verdict tomba. Fleur se demanda alors comment un diagnostic aussi moche pouvait provenir d'une femme aussi belle. Et puis elle regarda à sa droite, où Éléanor était assise. Elle aussi était sous le choc, mais Fleur, elle, semblait être ailleurs. Aucune larme ne sortait.

Cancer du poumon? Comment peut-on avoir un cancer du poumon quand on fume moins d'un paquet de cigarettes par semaine? Fleur n'y croyait pas. C'était un cauchemar, tel qu'elle en faisait parfois. Rien de grave. Elle allait finir par se réveiller.

- Viens Éléanor. On s'en va.

Elle se leva brusquement de sa chaise, l'oeil vide, comme dans un état second.

- On rentre, on s'en va, répéta t-elle, insistante.

Son ton devenait un peu plus autoritaire, un ton qui ne lui ressemblait pas. Elle était dans le déni total.

Tu écoutes attentivement le médecin mais tu as l'impression que toutes les informations ne parviennent pas jusqu'à ton cerveau. Un cancer. C'est tout ce que tu retiens et si tu ne te retenais pas pour Fleur, tu serais déjà en train de pleurer. Mais tu ne peux pas, pas ici, Eleanor. Tu dois être forte pour ton amie qui semble accablée par la nouvelle. Finalement, sa réaction est à l'opposé de ce que tu avais imaginé. Partir ? Maintenant, tout de suite ? Vous êtes à présent toutes seules dans la pièce étant donné que le docteur préférait vous laisser du temps pour avaler la nouvelle. Voyant que tu ne bouges pas, Fleur insiste. Tu te lèves, hésitante. « Tu... Tu es sûre ? Il faudrait... peut-être... attendre d'autres informations, non? » Oses-tu demander. Tu ne sais pas trop comment te positionner, là. Il faut dire que la réaction de la jeune femme te déconcerte totalement et que tu ne sais pas comment réagir face à cela. Fleur semble totalement dans le déni mais tu n'es pas certaine alors tu préfères ne rien dire par sécurité. Tu ne voudrais pas qu'elle se braque et qu'elle s'en aille, seule...

Fleur semblait dérailler, comme si ses neurones n'avaient pas saisi le diagnostic que le médecin lui avait donné. Le Dr Ludsthorp était sortie de la salle de consultation pour qu'elles se recueillent à cette lourde annonce mais Fleur avait décidé très brusquement de s'en aller.

- Oui on s'en va, je n'ai pas envie de rester.

Debout, ses mains commencèrent alors par trembler. Elle avait peur, son souffle lui faisait mal.

- Je peux pas... Tu vois.... C'est pas possible... Parce que... Je peux pas, tu comprends?

Les larmes montaient, montaient. Le mot cancer lui faisait peur. Que signifiait le cancer? Une maladie qui ronge de l'intérieur. Le crabe. Ce n'est pas possible, elle qui fume si peu, elle qui ne boit qu'occasionnellement. Pourquoi elle? C'était très égoïste de penser ça, mais pourquoi elle?