holding on to you -r.

Ce soir il y avait un ballet. Tu aimais la danse depuis ta plus tendre enfance et ces dernières années, tu ne pouvais même pas te souvenir de la dernière fois que tu avais été en voir un. Cela faisait au moins trois ans, c'était certain mais au delà de ça, tu ne saurais dire. La rencontre à Bowen d'une jeune ballerine que tu avais connu autre fois lorsque tu travaillais encore à Paris, avait réveillé de vieux souvenirs, de vieilles envies. Alors tu avais cherché des places, tu avais eu envie de sentir les sensations à nouveaux. De vibrer à la musique, de retenir ton souffle à chaque pas, de sentir ton coeur manquer un battement lors des sauts. Mais tu ne voulais pas vivre cette expérience seul, tu voulais la partager. Alors tu avais osé prendre le numéro d'Annushka sur son bordereau de commande de l'autre fois et tu avais laissé un message. Elle était d'accord pour t'accompagner. Tu lui avais fait livré le billet. Tu avais hésité à compléter l'envoi avec une robe mais tu trouvais que ça faisait peut-être trop extravagant. Tu ne voulais pas non plus paraître prétentieux. La dernière fois que tu l'avais fait, la jeune Tallullah n'avait pas voulu la porter. Lorsqu'elle s'approchait de toi, tu ne pu retenir un grand sourire. Elle portait la robe qu'elle avait choisi la dernière fois qu'elle était venue dans ta boutique. La fois où tu étais encore ivre, la fois où tu l'avais rendue triste.« Bonsoir Annushka, vous êtes ravissante ! » Tu attrapais sa main pour lui faire un baise-main. C'était ta façon de faire, tu cherchais toujours à être le plus galant possible et à éviter d'envoyer les mauvais signaux. Déjà que tu avais du mal à les voir, si toi tu montrais le contraire de ce que tu voulais, alors tu n'allais pas t'en sortir. « Est-ce que vous prendrez un truc à boire avant la représentation ? » proposais-tu poliment, passant l'entrée avec la jeune femme à ton bras.

Un ballet, Annushka n'en avait pas vu depuis un sacré moment. Sans doute pas depuis son accident. Elle avait regardé certaines de ses vidéos où elle dansait, mais c'était encore différent. Elle espérait qu'elle n'aurait pas envie de pleurer ou ce genre de choses. Avec de la chance, tout se passerait bien. Elle ne pouvait que prier pour le moment, et prendre sur elle une fois là bas. Mais, dans tous les cas, elle trouvait l'intention de Xavier plus qu'adorable. Et elle était vraiment heureuse de passer une soirée avec lui. Il avait quelque chose de charmant qu'elle appréciait beaucoup. Elle avait donc mis la robe qu'elle avait choisi dans la boutique de Xavier. Elle espérait qu'il la trouve toujours aussi jolie sur elle.
La brunette le rejoignit donc sur le lieu de rendez-vous. Elle eut un large sourire quand il lui fit un baise-main. Il avait un charme tellement propre à lui-même.

-Merci, vous êtes trop gentils. Vous êtes superbes vous aussi !

Et elle ne disait pas ça que par gentillesse. Elle glissa son bras dans le sien avant de réfléchir à sa question.

-Ah oui, pourquoi pas. Vous croyez qu'il y a des coupes de champagne ?

Elle avait envie de faire les choses en grand. Ca lui faisait un peu pensé à ses premières. A ses ballets à elle. Et ce n'était pas désagréable.

Ton regard ne la quittait pas, jusqu'à ce qu'elle vienne à toi. Elle était un peu comme une étoile dans la foule. C'était le cas, puisqu'elle avait été danseuse elle aussi dans une autre époque et peu de gens le savent. Quoiqu'il en soit, tu étais content qu'elle soit venue, content qu'elle t'accompagne pour ça. « Merci. » Tu avais les joues un peu rouges, tu n'avais pas l'habitude qu'on te complimente. En général on te félicitait pour ce que tu créais, mais pas pour ce que tu portais. Et puis, tu avais l'impression d'être un vieil homme grisonnant et non un charmant jeune homme capable de séduction. Tu ne préférais même pas y penser, c'était assez étrange pour toi.  « Oh je pense que oui ! » Tu hochais la tête de façon vigoureuse, tu n'imaginais pas une telle soirée sans coupe de champagne, ou alors c'était un gala de danse un peu bon genre mais pas trop et dans ce cas là, peut-être que c'était envisageable. Le plus simple dans tout ça, c'était d'aller voir par vous-même ce qu'il y avait au buffet avant de gagner vos sièges. « Et voilà pour vous ! » Tu attrapais une coupe de champagne pour elle, que tu lui tendais rapidement, ainsi qu'un verre d'eau pour toi. Tu n'avais même pas la moindre envie de toucher à une goutte d'alcool. Cette pensée pouvait être un vrai soulagement parce que ça voulait dire que tu étais passé au dessus et que peut-être tu pourrais boire un verre. Mais tu savais aussi de quoi tu étais capable avec un verre dans l'organisme et tu ne voulais pas non plus que ça arrive. Pas ce soir, pas auprès d'Annushka. « On va s'installer ? » demandais-tu doucement, en lui offrant un nouveau sourire.

Le sourire d'Annushka d'agrandit quand il lui dit qu'il y avait certainement du champagne. Ce soir, il n'en fallait pas beaucoup pour rendre la brunette heureuse. Elle était dans une magnifique robe, accompagnée d'un magnifique homme, dans un magnifique événement. Elle espérait vraiment s'en rendre compte jusqu'au bout et ne pas se laisser gagner par le chagrin.

-Merci beaucoup.

Elle se saisit de la coupe de champagne, la portant à ses lèvres avant de regarder interrogativement le verre d'eau de Xavier.

-Vous n'aimez pas le champagne ?

L'ex ballerine trouvait que c'était une bonne occasion d'en boire, même si elle comprenait que les goûts et les couleurs...
Elle hocha doucement la tête alors qu'il lui proposait d'aller s'installer.

-Je vous suis.

Ils s'approchèrent de la placeuse qui les guida jusqu'à leurs places. Annushka regarda autour d'elle avant de fixer ses yeux sur la scène.

-On est super bien placé ! J'ai hâte que ça commence. Vous venez souvent voir des ballets ?

C'était une question évidente, une question à laquelle tu ne pouvais pas couper. Qui vient voir un ballet et boit un verre d'eau ? Les femmes enceintes et encore, pas toutes mais pas les hommes en tout cas. Deux choix s'offraient à toi et tu choisissais celui qui te semblait le plus cohérent avec toi-même. « Pour être tout à fait honnête, j'ai plutôt un problème qu'une non-appréciation avec l'alcool. » La franchise était quelque chose de vraiment important pour toi, tu ne pouvais pas construire une relation autour de mensonges. Il pouvait y avoir des non-dits comme pour tes mariages mais tu savais que si elle abordait le sujet un jour, tu pourrais tout lui dire, sans exception. Quitte à la voir partir elle aussi parce que la vérité serait trop affreuse à supporter. Mais ce serait ton fardeau à porter, tout le long de ta vie. Et peut-être qu'un jour une femme t'aimera assez pour passer outre tout ça meme si tu restais encore perplexe sur cette idée là. « C'est la première fois en quasiment 5 ans ! Et je crois que ça me manquait vraiment. » Tu venais seulement de réaliser à quel point ça faisait vraiment longtemps que tu n'avais pas profité de tout cela. La dernière fois c'était à Paris, lorsque tu avais craque pour Teresa et que tu voulais absolument la faire rentrer dans ton monde. Ça n'avait pas marché ce soir là mais un peu plus d'un an après, tu l'avais retrouvé et les choses avaient évolués avec le dénouement qu'on connaissait maintenant. « Et vous ? » Elle était prof de danse, elle devait en voir un peu plus souvent que toi, meme si elle devait passer plus de temps dans les coulisses que dans les gradins.

Annushka resta quelques instants silencieuse, essayant de comprendre la signification de ses paroles. Un problème avec l’alcool ? Quel genre de problème ? Elle n’était pas sûre de bien saisir, mais elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise non plus.

-Vous devenez bizarre quand vous buvez de l’alcool ?

Il lui dit alors qu’il n’avait pas vu de ballet depuis cinq ans. Ça commençait à faire. Annushka était heureuse pour recommencer cette expérience avec lui.

-J’espère que ce ballet sera à la hauteur alors.

La brunette ne connaissait pas spécialement la troupe qui le jouait mais elle ne jugeait pas le talent des danseurs pour autant. Elle savait ce que c’était. A sa question elle se mordit légèrement la lèvre.

-Eh bien… Je n’en ai pas regardé depuis mon accident… Ça doit faire deux ans à présent.

Deux ans… Une période de sa vie qui n’avait, pour l’instant, pas été très heureuse, malgré quelques belles rencontres.

Devenais-tu bizarre ? Peut-être, en tant qu'homme ivre, tu ne savais pas vraiment comment tu te comportais. Pour toi, tu avais l'alcool festif, tu étais prêt à faire la fête jusqu'au bout de la nuit, mais peut-être qu'il en était autre chose. Et la seule pouvant vraiment répondre à cette question n'était plus de ce monde. « Je suis alcoolique. » Tu baissais doucement les yeux. Ce n'était pas une fierté et ce n'était pas non plus quelque chose de facile à dire. Surtout à une femme qui te plait. Tu admires Annushka, tu l'apprécies beaucoup et tu laisses aller ton imagination bien plus loin que tout ça, mais tu ne peux t'empêcher de penser que ce genre de révélations pourrait tout ruiner. Et ce serait légitime. « J'ai été abstinent pendant trois ans et j'ai fait une rechute l'année dernière. Cela fait presque 9 mois que je n'ai pas bu un verre. » Tu te souviens avec de l'anniversaire d'Abygaël, lorsqu'elle t'avait trouvé ivre sur ton parquet. Tu avais tout gâché. Et son anniversaire approchait à grand pas, cette année, tu serais à la hauteur de ses attentes. « Je pense que vous serez un meilleur juge que moi ! » Elle avait l'oeil de la professionnelle, pour avoir été dans le métier. Il y a parfois des faux pas que le spectateur ne voit pas, que le danseur sait mais qu'il ne montre pas mais ceux qui ont fait partis du milieu le savent. « J'imagine qu'être là, ça doit faire remonter certaines choses non ? » demandais-tu, peut-être un peu inquiet de tout ce qu'elle pouvait ressentir en cet instant même. Tu ne voulais pas qu'elle finisse en larmes à cause de la nostalgie, tu ne voulais pas que cette soirée soit un mauvais souvenir pour elle.

A la réponse de Xavier, les yeux d'Annushka s'agrandir. Alcoolique ? Elle ne s'était pas imaginer qu'il pouvait avoir une si mauvaise relation avec l'alcool. Mais elle comprenait. C'était sans doute cliché mais en Russie elle avait vu bien des gens de son entourage devenir alcoolique. Le froid, ça ne pardonnait pas. Annushka décida alors de finir très rapidement son verre pour le poser, tout en continuant à l'écouter.

-Neuf mois, c'est quelque chose qu'il ne faut pas gâcher.

La brunette n'était pas déçue par ce qu'elle venait d'entendre. Après tout, chacun avait ses problèmes. Elle, ça faisait plusieurs mois qu'elle prenait des anti-dépresseurs alors, elle était assez mal placé pour juger les autres.

-J'espère n'avoir rien perdu de mon expertise alors.

Elle esquissa un sourire. La seule chose qu'elle voulait ce n'était non pas juger mais être transportée par ce balai.

Assise au fond de son siège, l'ex-ballerine ne pu que hocher la tête. Evidemment, elle avait tout un tas de souvenir en tête. Tout un tas de regrets aussi. Et pourtant, si elle était dans cet état aujourd'hui, c'était bien loin d'être de sa faute.

-Oui... oui. Mais c'était inévitable. Ne vous inquiétez pas, ça va aller.

Elle l'espérait plutôt parce qu'avant le levé de rideau elle ne pouvait pas encore dire si elle allait fondre en larme à la première note de musique ou non.

Tu avais vraiment eu peur de lui dire la vérité, surtout peur de sa réaction. Ce n'était pas quelque chose de facile à avouer et encore moins facile à accepter. Mais elle semblait bien le prendre, ou en tout cas, elle ne semblait pas te juger. Ce qui était déjà une bonne chose en soit, surtout pour toi. Tu affichais un léger sourire lorsqu'elle s'empressait de terminer son verre. Comme si elle voulait te protéger de ta tentation de boire un verre. « Je suis bien d'accord. » Mais neuf mois ce n'était rien. Ton plus gros cap pour l'instant c'était trois ans et tu avais encore du chemin à parcourir pour y revenir. Pour le dépasser. Une fois installés, tu la regardais une nouvelle fois, elle était vraiment très élégante dans sa robe. Elle te coupait le souffle, un sourire en grand sur le visage. « On verra bien à la fin. » Vous n'alliez tout de même pas commenter pendant le ballet, sauf si c'était vraiment urgent parce que un mouvement était mal réalisé ou parce qu'il y aurait une chute. « Je pense que je m'inquiète un peu, c'est pas évident malgré tout. » Tu lui aurais bien attrapé la main pour la rassurer mais tu n'osais pas vraiment. Tu lui offrais juste un léger sourire, t'arrêtant de parler lorsque les lumières se tamisaient pour annoncer le début du ballet. Une musique douce commençait à résonner sur scène, et les premiers danseurs faisaient leur apparition. Tu ne pu t'empêcher de glisser le regard sur Annushka, pour voir si ça allait., pour être sûr qu'elle ne versait pas une petite larme.

Le problème de Xavier avec l'alcool n'était pas quelque chose qui faisait peut à Annushka. Elle avait juste peur de le tenter. Elle n'aurait pas voulu être la cause d'une nouvelle rechute.
Elle hocha la tête quand il lui dit qu'ils verraient à la fin. Après tout, elle n'était pas non plus ici en tant que critique mais bel et bien en tant que spectatrice. Elle voulait profiter de ce moment, elle voulait admirer la performance des danseurs et danseuses, pas seulement chercher la petite bête, le faux pas, l'erreur. Alors que les lumières s'éteignaient, Annushka retenait son souffle et quand le premier danseur fit son apparition sur la piste, dans un geste de panique incontrôlé, elle attrapa la main de Xavier. Son cœur battait la chamade. Est-ce qu'elle pourrait réellement regarder le ballet sans rien ressentir ?
Elle s'enfonça dans son siège, prenant une grande inspiration, sans lâcher la main de Xavier. Elle avait à peine conscience de son geste, elle se raccrochait juste à ce qu'elle trouvait, et avec lequel elle se sentait en sécurité.

La ballet avait débuté, la mélodie se faisait douce et harmonieuse, pour signaler l'ouverture. Et parce que c'était toujours mieux d'avoir une petite mélodie agréable pour l'oreille qu'un gros capharnaüm qui met directement le spectateur en haleine. Avant ça il fallait créer une ambiance sympathique et agréable, comme ça, quand viendrait le moment de la tourmente, le moment du drame, le spectateur sera au comble de son émotion. Il sera captivé, admiratif et peut-être craintif pour la suite du spectacle parce que c'est à ce moment que s'enchaîneront à une vitesse folle, des pas de danse périlleux et si c'est raté, la vie du danseur pourrait être mise en danger. Tu suivais avec grande attention ce qui se passait sur scène. Captivé par ce qui se jouait sous tes yeux. Revoir les pas, les costumes, la mélodie qui te prenait au passage et qui t'emmenait avec elle dans son univers. Tu avais alors l'impression d'avoir à nouveau huit ans, de regarder pour la première fois cet art que tu ne comprends pas mais qui te passionne déjà. Rien ne pourrait te faire quitter des yeux la scène. Et pourtant, tu avais tort. Lorsque tu sens la main d'Annushka se glisser dans la tienne, un frisson te parcours. Le temps que ça monte au cerveau, tu quittes la scène des yeux pour la regarder elle. Pour regarder les traits de son visage, pour y lire toute l'émotion qui s'y trouvait. Mais tu ne savais pas vraiment comment l’interpréter alors dans un léger sourire, tu marques une légère pression sur sa main et tu reposes ton regard sur les danseurs, tandis que la musique monte en crescendo, le moment qui indique que bientôt, ce sera le moment le plus poignant.

Ce que ressentait Annushka en regardant ce ballet devait être bien différent que ce que ressentait le reste de la salle. Elle y sentait l'émotion de la musique et des danseurs, comme tout le monde oui, son cœur s'emballait à cause du spectacle. Mais plus encore, elle savait qu'elle aurait pu y être, là, sur scène. Qu'elle aurait pu faire rêver tous ces gens, qu'elle aurait pu émerveiller Xavier. Est-ce qu'il l'aurait regardé de la même façon qu'il regardait les autres ? Est-ce qu'il l'aurait cherchée du regard, spécialement elle, pour admirer ses pas ? Est-ce qu'il l'aurait remarquée s'il ne la connaissait pas ?

Alors qu'elle avait posé sa main sur la sienne, il la pressa très légèrement. Pendant une demi seconde elle croisa son regard et elle eut un léger sourire. Il était sans doute celui qui comprenait le mieux comment elle devait se sentir. Elle tourna de nouveau son regard vers la scène, retenant son souffle. Sa main se serrait sur celle de Xavier au fur et à mesure que le spectacle s'intensifiait. Elle avait oublié ce que c'était d'être de l'autre côté, de regarder et non plus de jouer, de vivre et non pas d'analyser.

Le spectacle qui se déroulait sous tes yeux etait incroyable. La valse lente des corps, s'agitant l'un contre l'autre, l'un après l'autre, l'un dans l'autre. Une beauté sans nom mais rien de comparable à la femme qui partageait ce moment avec toi. Tu avais vu son regard, s'illuminer à chaque mesure qui passe. En regardant à nouveau la scène tu repérais une blonde et plutôt que de la voir telle qu'elle était, tu voyais Annishka, repassant de ta mémoire les images d'elle dansant. Des images que tu avais vu des années auparavant, quand tu étais encore dans la vingtaine. Un souvenir qui t'emouvait à chaque fois qu'il te revenais en tête depuis que tu l'avais revu dans ta boutique il y a quelques mois de ça. La musique montait petit à petit, annonçant qu'une tragédie approchait, tu sentais ton cœur se pinçait, te sentir ému au point de verser une petite larme. Puis la mélodie repart pour annoncer la fin, plus ou moins heureuse. Cela dépendait surtout de si on voyait le verre à moitié vide ou à moitié plein. Et sur la note finale, tu serrais la main d'Annushka dans la tienne, tournant ton regard vers elle. « C'était à couper le souffle. » Tu avais un grand sourire sur le visage. Tu sentais encore les papillons dans le ventre. Tu avais l'impression d'être un enfant qui recevait une glace. Même si pour toi c'est quand on te disait qu'une famille allait venir te voir. Un souvenir joyeux qui tournait vite en larmes de crocodile. Mais pas ce soir, parce que ce soir, il y avait Annushka et son visage te gardait en joie.

Le regard de l'ex-ballerine était rivé sur la scène. Elle retenait son souffle à bien des moments. Cet univers lui manquait, mais elle réalisait qu'elle pouvait encore y prendre part, encore vivre dedans rien qu'en assistant aux représentations. Elle n'avait pas tout perdu, même si ça faisait des mois qu'elle le pensait. Elle releva le regard vers Xavier avec un immense sourire alors qu'il lui dit que c'était à couper le souffle.

-Oui, c'était magnifique.

Les lumières se rallumaient. Elle regarda la salle qui prenait soudainement une autre dimension, une dimension ordinaire.
Tout le monde se levait, elle fit donc de même, la main de Xavier toujours dans la sienne. Elle rougit en s'en apercevant. Elle lâcha alors doucement sa main avant de baisser le regard.

-Pardon...

Elle avait tourné son regard vers toi et tu étais subjugué. C'était envoûtant de se savoir regardé, un peu comme une drogue. Tu aimais ça. Mais c'était aussi un poison. Comme l'alcool et il ne fallait pas remplacer une addiction par une autre. Surtout si c'était à sens unique. Tu avais connu ça avec Adilyn et surmonter ta peine avait été difficile. Tu ne serais sûrement pas prêt à surmonter au deuxième fois toute cette épreuve. Surtout que tu te sentais bien avec Annushka, elle ne connaissait pas ta part d'ombre, c'était ce qui s'approchait le plus d'une amie pour toi puisque tu étais si peu sociable. Alors tu ne voulais pas tout gâcher, tu ne voulais pas faire un faux pas, le genre de faux pas qui entacherait votre relation à tout jamais. Elle se lève et tu la suis. Tout le monde applaudit, sauf vous puisqu'elle te tient la main. Et ça ne te dérange pas, au contraire. Tu as même cette sensation de vide lorsqu'elle retire la sienne. « Ne le soyez pas ! » Tu souriais légèrement, profitant de tes deux mains, pour applaudir la performance. Une fois que le calme était revenu dans la salle, tu te tournais à nouveau vers elle. « On peut se mêler à la foule et aller à la rencontre des stars du soir, si ça vous tente. » C'était une proposition, tu ne voulais pas l'obliger à faire quelque chose qu'elle ne voudrait pas, mais tu aimais ça, toi, rencontrer les danseurs à la fin de l'interprétation pour leur dire à quel point ils avaient été gracieux et que tu avais adoré le spectacle qui s'était déroulé sous tes yeux.