#46 une chance de m'expliquer -sunny

On sonnait à la porte. Tu n'attendais pas de visite ce matin. D'ailleurs tu espérais que ce n'était pas quelque chose de très prenant parce que tu avais un rendez-vous. Le genre de rendez-vous que tu ne pouvais pas rater. Tu finissais de mettre ton rouge à lèvres avant d'aller ouvrir. Tu regardais par le judas pour voir qui c'était, avec un peu de chance, si c'était un passant pour te faire signer un quelconque document, mais tu voyais des fleurs. Un bouquet de lys. Tes fleurs préférées. Une livraison spéciale pour toi ? Pour ton anniversaire peut-être ? Un peu en retard parce que c'était un peu de neuf jours en arrière. mais c'était toujours plaisant. Tu ouvrais la porte rapidement, un grand sourire sur le visage. Tu attendais que le bouquet se baisse doucement pour voir qui se cachait derrière. « Tom. » Ton sourire diminuait doucement. Tu n'étais pas vraiment ravie de le voir. La dernière fois que tu l'avais vu, il t'avait annoncé qu'Adrian était marié et que tu avais toi aussi rendue une femme cocue. Autant dire que cette comparaison ne t'avait pas plu. Et tu ne l'avais pas vu depuis. Il avait une nouvelle lubie, une nouvelle envie de te reconquérir. Mais tu n'étais pas prête. « Qu'est-ce que tu fais là ? » demandais-tu un peu froidement. Tu n'allais pas pouvoir l'évincer aussi rapidement que tu le pensais. Il était tenace, il avait tendance à s'accrocher. Et ce depuis presque un an.

La vue de Tom avait eu le don de faire supprimer ton sourire. Tu n'étais pas fâchée à l'idée qu'il puisse encore être là, mais tu savais déjà ce que tu allais entendre et tu ne voulais pas de ça. Pas ce matin. Tu avais autre chose de prévu, mais tu n'allais pas pouvoir y couper. « Tu ne viens jamais en paix Tom. » soupirais-tu doucement. Tu ne voulais pas être méchante, pourtant, tu ne pouvais pas t'en empêcher. Même s'il voulait éteindre l'incendie qu'il avait crée, il finissait par semer des braises un peu partout ailleurs et l'augmenter davantage. Il était peut-être maladroit, mais tu devais admettre que c'était toujours agréable de voir la façon dont il se démène depuis presque un an maintenant pour rattraper ce qu'il a fait. « Tu sais que des fleurs ne changeront rien ? » Pourtant, tu attrapes le bouquet que tu portes à ton nez, c'était si agréable comme odeur. Tu les aimais vraiment beaucoup et cette attention était charmante. Tu baisses le bouquet effaçant le sourire que tu avais en le sentant. Tu ne voulais pas lui monter. Tu préfères te montrer froide parce que tu ne voulais pas céder aussi facilement. « Fallait y penser avant de me tromper Tom. Tu ne peux pas faire voler notre famille en éclat et revenir avec des fleurs et des excuses. Ce n'est pas suffisant. » Tu avais besoin de pouvoir lui faire confiance à nouveau et ça n'allait pas se faire en un jour, pas avec que des fleurs. Tu attendais tellement plus de lui.

Il te demandait de ne pas prêter de mauvaises attentions, peut-être qu'aujourd'hui, il n'en avait pas mais les autres fois, il y en avait eu. Tu aurais toujours le coup d'Adrian au travers de la gorge. C'était encore trop tôt pour le pardonner. « Je suis méfiante et j’ai des raisons de l’être. » C'était peut-être un peu trop radicale mais tu ne savais pas vraiment à quoi t'attendre. Tu voulais juste te protéger, ne pas te faire avoir une nouvelle fois et risquer de te faire encore avoir. Tu avais surmonté la première fois, ce n'avait pas été évident, même si le divorce ne se passait pas du tout comme tu le voulais puisqu'il refusait de signer les papiers. Tu avais l'impression que plus jamais tu ne pourrais retrouver ton nom de jeune fille. « Exactement. » Tu étais sèche, mais tu te servais juste de ses mots. C'est lui qui venait de dire que tu méritais mieux que tout ce qu'il t'offrait. Il t'offrait la même chose depuis dix ans, si ça avait été suffisant à l'époque, aujourd'hui tu estimais que ce n'était pas assez. Tu voulais plus et soit il se débrouillerait pour te le fournir, soit il pourrait attendre que le divorce soit forcé. « Et pourquoi Thomas ? Pourquoi devrais-je te laisser une chance alors que dès que tu as pu, tu as fait volé notre mariage en éclats, notre famille aussi. » Tu voulais une raison, une vraie raison, plus qu’un simple je t’aime ou je suis désolé. Cela ne serait pas assez suffisant pour toi, en tout cas pour le moment. Peut-être qu’avec le temps, tu finirais par te ramollir, mais aujourd’hui, tu tenais le coup.

Tu avais beaucoup de mépris pour Tom. De la colère aussi, peut-être un peu de haine, mais entre l'amour et la haine, il n'y avait qu'un pas. Au fond, tu l'aimais encore, tu ne pouvais pas tourner la page après dix ans d'une relation comme la vôtre. Il t'avait sauvé la vie en t'éloignant de ta mère qui était pas mal toxique. Il t'avait donné la plus belle des petites filles. Mais il avait aussi anéanti ton cœur, le brisant en miettes. « La colère aussi mais je te l'épargne. » Enfin, tu essayais parce que tu n'étais pas toujours tendre dans tes paroles. Tu ne cessais de lui rappeler qu'il avait commis une erreur et qu'il avait tout bousillé. Mais c'était bien plus compliqué que ça. Il s'était perdu, avec le travail, vous vous étiez éloignés, passer d'une vie de deux à trois, ce n'était pas la même chose et peut-être que tu avais toujours fait passer Iris avant lui. Mais était-ce une raison pour aller voir ailleurs ? « Ce que je veux réellement ? Tu te moques de moi Tom ? » Tu lâchais un rire nerveux à cette question. Se moquait-il de toi ? Tu en doutais. Les avocats coûtaient chers, c'est vrai, mais le bon côté, c'est que tu n'avais pas à entendre ce qu'il avait à dire. A un moment, tu voulais juste avoir la paix, faire le point sur la situation et décider par la suite de ce qui pourrait se faire ou non. « Je t'ai demandé je ne sais combien de fois de signer les foutus papier du divorce et tu fais de la résistance, tout simplement. » C'était ce que tu voulais sur le moment, mais sûrement pas ce que tu voulais vraiment. Tu voulais de vraies excuses, quelque chose qui sorte tout droit du cœur. Tu voulais l'impossible : revenir en arrière. « Mais je pense que c'est parce que ce n'est pas ce que toi tu veux. Alors tu fais passer tes besoins avant les miens. » Là encore, tu n'étais pas très gentille avec lui, les bras croisés sur le torse, tu le toisais.

Peut-être qu'il ne réalisait pas à quel point tu lui en voulais, tu n'étais pas une femme méchante, ça non. Ce n'était pas pour toi, mais tu étais une femme blessée. Tu ne comprenais pas comment, après plus de dix ans de vie commune, il avait bien pu tourner les talons. Comment il avait pu aller voir ailleurs sans même essayer de te parler. Tu n'avais pas eu l'impression d'être inaccessible. Tu savais que vous vous étiez quelques peu éloignés à cause du boulot interminable que vous aviez l'un comme l'autre et aussi un peu à cause d'Iris parce qu'il fallait bien s'occuper de votre petite princesse. Mais tu pensais que c'était juste une passe, que si vous le vouliez, vous pouviez vous retrouver en un claquement de doigt. Pourtant, savoir qu'il était allé voir ailleurs plutôt que de te trouver toi, ça te permettait de prendre la réalité en pleine face. Peut-être que c'était un peu de ta faute mais c'était essentiellement que de la sienne. Et ça te faisait bouillir à l'intérieur. Tu avais envie de lui coller une baffe, plusieurs même mais la violence ne résoudrait rien non plus. « Tu peux faire parti de la vie d'Iris comme tu le veux, je ne t'empêcherais jamais de voir ta fille, bien au contraire. Tu as peut-être brisé notre famille mais tu n'en restes pas moins son père et j'espère que tu joueras mieux ce rôle que celui de mari. » Tu croisais doucement les bras, le visage froid. Depuis que tu étais partie de votre maison familial, tu savais qu'il n'avait pas souvent eu l'occasion de passer du temps avec Iris. Tu ignorais pourquoi et tu ne voulais pas te mêler de ça non plus. Tu avais assez à penser pour toi. Tant qu'Iris ne souffrait pas, ça irait. « Quant à mon bonheur, je l'aurais peut-être quand tu accepteras de signer les papiers de ce foutu divorce. » Tu le remettais une fois de plus sur le tapis, peut-être qu'il finirait pas entendre raison et qu'il écouterait ce que tu lui demandait réellement.