Au bord de l'eau {Sunny}

Tu t'étais éloignée juste quelques secondes pour aller jeter un papier à la poubelle, celui du pain rassi que vous veniez de jeter dans le lac, Iris et toi. Tu lui jetais de petit regard pour être sûre qu'elle ne disparaisse pas sous tes yeux. Mais tu savais pourtant que si quelqu'un l'enlevait à ce moment précis, tu ne serais jamais assez rapide pour la protéger. Pourtant, tu étais partie avec confiance. Tu déposais le papier dans la poubelle, te retournant une dernière afin de retourner vers ta fille cette fois, qui tendait un bout de pain à un cygne. « Iris, non ! » criais-tu de loin mais c'était déjà trop tard, tu n'avais pas bien compris pourquoi ni comment, mais le cygne s'en allait et elle pleurait. Tu te mettais à courir pour la rejoindre le plus rapidement possible. Pendant ce laps de temps, un homme s'approchait de ta fille, s'agenouillant pour se mettre à la hauteur, sûrement un inconnu qui avait vu la scène et qu'il voulait savoir si ça allait puisque tu n'étais pas encore présente. Iris restait debout, immobile, tenant sa main en pleurant. Tu te sentais bonne pour la conduire aux urgences si jamais ça saignait mais pour le moment tu ne pouvais pas le déterminer. « Ça va poussin ? » demandais-tu à ta fille une fois à sa hauteur. Le jeune homme semblait vouloir examiner sa main mais elle refusait de la lui montrer, et à toi non plus. Ses pleurs étaient toujours aussi importants. « Êtes-vous docteur ? » Ton regard se relever sur la personne à côté de toi, tu étais médecin, tu avais fait médecine, mais tu t'étais spécialisée dans un domaine en particulier et tu ne pourrais pas déterminer si c'était grave ou non. Peut-être que lui le pourrait, à condition qu'Iris accepte de lui faire confiance.

Lorsque tu t’étais approchée de ta fille, l’inconnu avant fait un pas en arrière comme s’il avait peur que tu l’engueules ou que tu le traites de fou mais ce n’était pas ton cas. Tu étais capable de faire la différence entre un kidnappeur et quelqu’un qui voulait juste voir comment ça allait. « Vous pourriez y jeter un coup d’oeil ? » demandais-tu toujours aussi inquiète. Tu n’avais pas remarqué le ton qu’il avait employé avec toi, assez militaire et carré. Tu n’avais qu’un seul soucis en tête : ta fille. Il se mettait à sa hauteur, lui proposant diverses astuces pour l’encourager à lui montrer sa main mais elle semblait ne toujours pas prête à se lancer. « Iris, mon poussin, tu entends ce que le monsieur a dit ? Tu veux bien lui montrer ta main ? » Tu passais ta main dans son dos, essayant de l’encourager mais ce n’était pas évident. Tu allais lui même lui proposer d’acheter une glace mais elle avait fini par la lui montrer. « C’est bien poussin ! » Tu lui offrais un grand sourire encourageant, levant alors le regard vers le jeune homme pour savoir ce qu’il en était maintenant. La main d’Iris était un peu rouge mais il ne te semblait pas avoir vu la moindre marque sur la peau mais tu voulais avoir l’avis d’un expert, d’une personne peut-être plus compétente que toi. « Alors ? Vous pensez qu’on doit aller consulter ? » Ton cœur battait à toute vitesse, impatience qu’il te dise que tout aille bien, comme ça tu pourrais enfin souffler un grand coup et relâcher la pression.

Le jeune homme essayait de convaincre ta fille de lui montrer sa main, même si au début, elle ne semblait pas très enthousiaste à l'idée de faire ce qu'il demandait, elle finit par céder, sûrement parce qu'elle te voyait l'encourager. Peut-être que le jeune homme mentait et qu'il n'était pas infirmier, mais dans sa façon de lui parler, de l'encourager et même dans les promesses qui lui faisait, tu ne pouvais pas en douter une seule seconde. Tu lui accordais ta confiance et en faisait de même. « Encore un tout petit plus, Iris. » ajoutais-tu doucement en imitant le geste du jeune homme pour montrer toi aussi à Iris ce qu'elle devait faire avec sa main. Après quoi, elle pouvait arrêter et laisser sa main de côté. « Pour l'ongle, il y aura un soin particulier à appliquer ? » demandais-tu. Tu ne savais pas trop s'il fallait mettre un bandage pour le couvrir et éviter l'infection, s'il fallait le laisser à l'air libre pour qu'il puisse respirer et juste le désinfecter de temps en temps ou s'il ne fallait rien faire du tout. Pour tout ça, tes cours de médecine générale étaient loin derrière toi et si ça ne concernait pas les muscles, tu n'avais pas la moindre info. « Je pense même que tu es la petite fille la plus courageuse qui mérite une glace ! » Tu venais déposer un baiser sur le front de ta fille alors que celle-ci demandait de sa plus jolie voix si elle pouvait offrir une glace au jeune homme qui avait été très gentil avec elle. Tu levais le regard vers l'inconnu, un léger sourire sur le visage.  « Je crois que vous ne pouvez pas refuser ! » Tu riais doucement tandis Iris, elle, jouait beaucoup moins les timides maintenant. « Je vous remercie pour l'aide ! Et je m'appelle Sunny au passage. » Autant donner les informations de base s'il acceptait de venir manger une glace, ce serait toujours que "l'inconnu".

Tu avais écouté avec la plus grande des attentions ce qu'il venait de dire, l'ongle tomberait tout seul, ça ne devrait ni faire mal, ni saigner mais ce ne serait peut-être pas beau à voir les premiers jours. Quoiqu'il en soit, il ne fallait pas du tout mettre de pansement parce que sinon tu allais empêcher la guérison et ce n'était pas vraiment le but voulu. « Merci beaucoup pour toutes ses informations, je crois qu’inconsciemment j'aurais fait tout l'inverse ! » Quand il se passe quelque chose, on a souvent tendance à vouloir cacher, à vouloir protéger de toutes les agressions possibles et inimaginables. Ce qui te faisait le plus peur, c'était bien entendu l'infection. Travaillant dans le monde hospitalier, tu avais déjà entendu des histoires les plus incroyables et les plus étranges alors tu ne voulais pas que ta fille puisse perdre son doigt, sa main ou pire encore son bras. C'était peut-être de l’exagération, mais maintenant que tu savais la conduite à tenir, tu étais soulagée. « Le plaisir est pour nous Wyatt ! » Tu lui offrais un grand sourire, lui laissant le temps d'aller chercher ses affaires, lorsqu'il revenait vers toi, tu t'avançais vers le marchand de glace qui ne se trouvait pas trop loin de là. Iris avançait devant vous, comme si elle vous ouvrait le chemin. Tu tournais alors ton regard vers le jeune homme qui marchait juste à côté de toi.« Vous m'avez dit être étudiant infirmier, c'est une reconversion ? » demandais-tu poliment, c'était une façon détournée de lui demandait son âge parce qu'en le voyant, il n'avait pas l'air d'être un peu jeune de vingt ans. Il y avait des traits sur le visage qui ne trompaient pas et lui avait quelques rides que tu avais repérés, c'était discret, tu le voyais surtout au niveau des yeux et parfois aussi sur le front.

Sa réponse fut positive, tu avais visé juste. Sa réponse par contre, tu ne l'attendais pas. Tu aurais pu peut-être y penser si tu avais été attentive à son attitude physique et à la façon dont il avait de te parler, qui montrait une certaine distance et du respect, mais avec la panique que tu avais ressentie pour Iris, tu n'avais pas du tout été attentive au jeune homme. « Quelle guerre avait vous connu ? » demandais-tu doucement, curieuse de savoir ce qu'il avait bien pu faire pour votre pays puisque tu étais quand même américaine de base. Tu ne pensais même pas aux horreurs qu'il avait pu connaître pendant cette période. « Je suis kiné, donc j'ai une formation médicale mais la médecine générale me semble si loin ! » ajoutais-tu en rigolant. Tu avais une formation spécialisée, tu savais soigner une petite plaie mais pas une blessure comme celle qu'Iris avait eu aujourd'hui. Mais tu savais faire de la kiné respiratoire, ou de la rééducation. « Et je vis depuis plus de dix ans à Bowen, j'ai emménagé ici alors que je n'avais que 18 ans, suivant mon copain de l'époque ! » Un léger sourire s'installait sur ton visage. Tu n'étais même pas majeur lorsque tu avais suivi Thomas. Jamais tu n'avais regretté cette décision, prendre le large, t'éloigner de l'emprise de ta mère, c'était tout ce que tu avais toujours souhaité depuis que tu étais entrée dans l'âge ingrat. « Et vous, j'imagine que c'est récent aussi ? » S'il était en reconversion depuis peu, il devait s'être installé il y a peu de temps. Après, ça pouvait tout aussi bien faire trois mois que deux ans, puisque la formation d'infirmier durait trois ans, si ta mémoire était bonne et qu'il n'avait jamais précisé en quelle année il en était.

Tu n'avais pas tenu de discours rébarbatif qu'il devait affronter chaque fois qu'il mentionnait qu'il avait été dans l'armée sur le fait d'être un héros de guerre, un courageux combattant pour honorer son pays. Tu ne savais pas vraiment quoi dire ni même comment le dire sans que ce soit étrange. « Trois guerres.. Cela a vraiment dû être difficile. » Tu n'imaginais pas toute l'horreur qu'il avait pu connaître parce que tu ne t'intéressais pas assez aux infos pour savoir quel pays était en guerre et contre qui. Tu trouvais que c'était trop négatif et tu préférais fermer les yeux sur toutes les horreurs du monde. Mais les faits étaient souvent relatés, il y avait des histoires de soldats ayant été retranscris en film ou en livre pour marquer les esprits. Alors tu avais des faits marquants en tête et tu pouvais peut-être te faire une petite idée de ce qu'il avait vécu. Après peut-être que toutes les guerres n'ont pas été aussi horrible que l'on peut le croire. « C'est vrai mais mon accent américain s'est nettement adouci. » Il était quasiment inaudible, même lorsque tu utilisais des expressions bien de chez toi. Ça te faisait même étrange maintenant parce que tu avais l'impression d'être une étrangère face à là où tu avais passé une partie de ta vie. « Je viens d'Orlando, en Floride. » ajoutais-tu doucement tout en continuant de sourire. Iris prenait place dans la file pour le marchand de glace et vous ne tardiez pas à la rejoindre. « Vous vous y plaisiez ? » demandais-tu en lui jetant un nouveau regard. Tu ne savais pas si ça avait été un choix ou une obligation, si c'était le premier alors ça devrait lui plaire, si c'était le second, peut-être qu'il n'arriverait pas à s'acclimater ici, surtout si c'était un endroit où il ne voulait pas aller dès le départ.

C'est vrai que c'était loin mais tu avais fais tes valises il y a si longtemps de ça maintenant que tu avais un peu oublié comment c'était Orlando. Tu avais le souvenir la plage, du soleil qui vous accompagnez l'été, des fortes chaleurs et aussi du parc de Disneyland. Ici ça n'existait pas, comme si le monde magique de Disney n'avait pas trouvé comment envahir l'Australie. « Oh non, je n'ai jamais regretté cette décision ! » Le but de ce départ rapide à l'autre bout du monde c'était de t'éloigner le plus possible de ta mère, de cette folle qui voulait à tout prix contrôler ta vie, qui voulait que tu fasses tout ce qu'elle avait décidé et que tu t'habilles comme elle le voulait. A croire que c'était une riche aristocrate et qu'elle voulait que sa fille épouse un jeune homme issu d'une noble famille. Mais tu n'étais rien, elle n'était rien et la vérité c'est qu'elle n'avait jamais apprécié Thomas. Forcément, l'idée de fuir avec lui était de plus en plus ancrée dans ton esprit, le seul moyen pour toi de faire mal à ta mère et de la décevoir une nouvelle fois. Tu n'aurais pas eu à faire tout ça et elle pourrait sûrement connaître Iris, si elle t'avait laissé vivre ta vie sans vouloir en contrôler le moindre point. « J'ai l'impression que beaucoup de monde venaient ici l'été, comme si c'était un point d'ancrage. » ajoutais-tu doucement. Tu avais rencontré pas mal de gens natifs d'ici, ça oui, mais au long de ton séjour, tu avais aussi pas mal discuté avec des gens qui venaient ici l'été, parfois l'hiver pour fuir la neige et profiter du soleil australien puisque les saisons étaient inversées ici. Ce fut votre tour de commander une glace, tu laissais Iris commander la sienne, tu pris la tienne et tu te tournais vers le jeune homme pour savoir ce que lui voulait avant de payer le tout. « Et voilà pour vous ! » Tu lui tendais sa glace avec un léger sourire, reprenant alors votre marche dans le parc.