i was not trying to tear you down (siaino)

À peine les pieds mis en dehors du bar qu'une des rares amies que j'avais et qui aimait la peinture me traînait dans son cours. Un modèle, une toile et on devait laisser l'inspiration nous emporter, peindre dans notre style et se laisser juger par je-ne-sais-qui. L'idée m'emmerdait déjà en avance, mais elle n'avait pas semblé comprendre par mes refus que m'envoyer là-bas ne serait qu'une perte de temps. La vue du modèle me donnait envie de tourner les talons, fuir et ne plus revenir, jamais. Siam. La seule personne que je voulais fuir dans cette ville, elle se retrouvait devant moi et je devais trouver quelque chose en elle à peindre. Horrible. Depuis le matin où je m'étais réveillée dans son lit, avec mes vêtements éparpillés dans son appartement, je n'avais jamais cherché à lui parler ou la voir. Rien que voir son visage me dégoûtait parce qu'il me restait un gros point d'interrogation sur cette femme, comment elle avait réussie à me convaincre de venir chez-elle, je ne savais pas ce qu'on avait fait et surtout, ce qu'elle pensait de moi. Si je n'étais qu'une simple barmaid d'un bar plus ou moins connu ou bien un peu plus que ça, à ses yeux. Pourtant, avoir une toile blanche devant mes yeux ne m'enchantait pas plus, quitte à venir, je ne voulais pas me faire chier. Alors, pendant quelques minutes, je faisais l'effort de peindre sans grande conviction, des traits, un visage qui se voulait ressemblant et quand l'heure venait à son terme, je me levais, faisait signe à mon amie avant de fuir. Mes pieds claquaient le sol rapidement, je ne voulais croiser personne et ne parler à personne. J'allais devoir rentrer à pied parce que ma voiture était morte et que je n'avais pas les sous d'en racheter une pour le moment. Je laissais mes mains se perdre dans mon sac, en quête de clope s'il en restait, mais rien. À la place, je tombais en face de la grande blonde et mon visage se déforma. « Putain, merde. » Grognais-je pour moi-même, en essayant de l'éviter.

Pendant le long de la séance, je regrettais m'être forcée de venir, j'aurais pu faire demi-tour une dizaine de fois et pourtant, je m'étais dit qu'au final ce n'était pas une mauvaise idée. Quelle connerie. Je me retrouvais avec la femme que je fuyais le plus de Bowen, je devais la regarder et trouver quelque chose en elle d'assez fort pour le représenter. Pendant plusieurs minutes, je restais les yeux dans le vide en face de ma toile blanche tandisque j'entendais le pinceau des autres embrasser le tissu de leur toile. J'aurais pu prétexter avoir un appel, sortir de la salle pour ne déranger personne et m'enfuir, mais mon amie m'en aurait voulu pour les prochaines années à venir et puisque je n'avais pas beaucoup de personnes qui me sont proches, ce dont je ne m'étonnais même pas, ça me ferait quand même chier de perdre une personne qui arrivait à me supporter, une qui ne faisait rien qui m'énervait. Quand l'heure était finie, je quittais le plus rapidement possible la salle, ne prenant pas la peine d'aller parler à mon amie qui débattait des tableaux avec ses collègues que je ne reverrais plus jamais. Hors de question que je remette un pied ici, que je me retrouve encore face à Siam. Sauf que je n'étais pas seule à fuir cette pièce et le modèle se trouvait face à moi. Je jurais, levant les yeux au ciel quand elle commençait à me parler. Plutôt, deux mots qui semblaient plus vouloir me retenir sur place. « Ça va ouais, j'ai fait une énorme tâche sur ma toile. » Je retournais mes yeux sur sa personne, la détaillant de nouveau, puis je croisais les bras. « Visiblement, ça te représente pas mal, je crois. » C'était faux, je n'avais pas fait une tâche sur ma toile, parce que ça ne m'aurait pris que trois minutes à faire alors que je devais m'occuper toute l'heure. Sauf qu'elle serait trop flattée de connaître la vérité. « J'ne savais pas que tu servais de poupée pour des peintres chelou. »

La moins douée ? Elle pouvait aller se faire foutre, j'avais déjà plus d'honneur qu'elle, obligée de faire ses fins de mois à s'installer devant des gens qui se disaient fan d'art et pendant une heure se laisser peindre. J'étais aussi plus productive qu'elle a essayer de la peindre alors qu'elle s'installait et ne faisait rien d'autre, elle n'avait aucune inspiration à trouver, rien de tout ce que je faisais. J'essayais de ne pas m'énerver, même si intérieurement je bouillais, je soufflais doucement, restant la regarder dans les yeux. « Je ne pense pas être la pire. » Je croisais les bras. « T'as vu ce que j'ai fait, au moins ? Au lieu de juger mon art sans rien y connaître. » Si elle se trouvait devant moi dans ce couloir, malgré que je me sois pressée pour partir, alors elle ne s'y était pas vraiment intéressée. Est-ce qu'elle faisait ça à chaque fois ? Est-ce que comment les gens pouvaient la voir ne l'intéressait que si peu ? Si je me faisais peindre ne serait-ce qu'un trait de mon visage, je serais curieuse de voir comment l'artiste me voyait, elle non visiblement. « Ouais, chacun son interprétation. » Je répétais avec moins d'entrain. Elle n'était qu'une tâche à mes yeux à cause de ce qui s'était passée la dernière fois, parce que c'était trop flou à mes yeux alors que j'étais persuadée qu'elle savait tout, qu'un jour elle pourrait me balancer la vérité à la gueule, une vérité que je ne voulais pas entendre. Avant, je m'amusais bien avec elle, c'était drôle de l'envoyer chier, de faire semblant de m'intéresser à elle. « Pour l'instant y'a qu'une école d'art qui t'a repérée, t'emballe pas. Les dessins qui sont fait de toi reste dans un dossier … on te dessine et on t'oublie. » J'aimerais l'effacer de mon crâne, de mes souvenirs. La laisser partir et passer à autre chose, mais à chaque fois que je semblais l'oublier, elle revenait en force, comme si elle le faisait exprès. « Mais si t’aimes être une marionnette et te montrer, ça m’regarde pas, c’est vrai. » Je haussais les épaules une nouvelle fois. « Ouais y se trouve que j’ai des trucs cachés puis j’ai peut-être des raisons d’être blasé, surtout face à toi. » J’accentuais mon ton blasé volontairement, gardant un léger sourire en coin de lèvre.  

Je n'estimais pas avoir un beau tracé, des belles peintures, des tableaux qui valent des millions, mais je ne pouvais pas cracher sur ce que je faisais, je ne pouvais toujours espérer que faire mieux. « Ravie d'en avoir un de plus que toi. » Parce qu'elle ne faisait rien, ça devait être le néant total pour elle, l'art. Au fond, j'étais certaine qu'elle n'y connaissait rien. « Oh attends, peut-être que tu as l'art de la manipulation. » Celui qui m'avait guidé un soir chez elle, qui avait fait que la première vision que j'avais eu un matin était son visage entre les rayons du soleil et qui faisait que maintenant, les femmes un peu trop avenantes, je les fuyais plus que ce je ne faisais déjà avant. Que des choses négatives pour une seule personne et elle n'était pas la plus à plaindre, parce qu'elle n'était qu'un nom de plus dans ma liste de personnes qui m'énervait, me dérangeait, me faisait poser trop de questions. Elle revenait la-dessus, je grinçais les dents en détournant le regard pendant quelques secondes avant de changer d'avis, parce qu'elle ne devait pas voir que c'était le sujet sensible. Celui auquel je n'arrêtais pas de penser en la voyant, mais que je préférais éviter, parce que j'étais dans le flou. Marionnette. Je grimaçais fortement. « Et t'es une menteuse visiblement, j'croyais que tu ne savais pas ce qui s'était passé. » Merde. J'avais réellement fait quelque chose ce soir-là ? Je frissonnais rien qu'à l'idée d'être trop proche d'elle, que j'ai pu la toucher. « Enfin, avec les bouteilles étendues dans le salon, j'ai dû boire beaucoup avant d'y aller. » Mais restais que je me dégoûtais, que je ne me sentais pas comme attirée par les femmes, que quand je la regardais maintenant, elle me dégoûtait plus qu'elle me donnait envie de passer mon temps libre en sa compagnie. « Putain, t’as même pas été capable d’assumer ce jour-là qu’il y avait eu un truc ! » Je m’emballais sûrement, ça m’arrivait trop souvent. Je n’arrivais plus à tenir cet air blasé que je m’efforçais de garder. « T’avais peur de quoi, sérieux, que j’sois déçue ? Wow. »

Je la dévisageais avec un air dégoûté. Certains flashs, ces deux mots me suffisaient, je n’avais pas envie d’entendre la suite, je n’avais pas envie de détail, j’étais heureuse de ne rien me souvenir, même si ça me hantait, l’idée d’avoir fait quelque chose avec une femme, avec celle-ci en particulier. « Donc j’aurais envie de toi ? » Demandais-je d’un air sec. J’aurais envie d’une fille que je méprisais, avec qui je jouais parce que je trouvais ça drôle de me moquer, lui rappeler qu’elle s’était foiré la première fois qu’elle avait essayée de me draguer.  Je refuse de croire que j’ai laissé mon cœur et l’alcool parler autant un soir. Qu’après presque deux ans sans rien faire, je décide de me laisser aller avec Siam. « J’en fais un drame si je veux ! J’suis pas lesbienne, merde ! » Est-ce que ça sonnait homophobe ce que je disais ? En même temps ce n’était qu’une vérité, je n’avais rien contre eux, mais je n’en étais pas une, je ne m’embarquais pas dans les histoires avec les personnes du même sexe parce que je ne ressentais pas d’attirance envers eux. « Et là j’ai toujours envie de te tuer, le jour ça change rien. » J’allais sans doute trop loin, je n’avais pas envie de la tuer, j’avais juste envie de me défouler quelque part tellement je me dégoûtais de mettre éloignée autant. Je restais silencieuse quelques secondes, espérant me calmer pendant ce court temps où j’avais envie de tourner les talons ou passer à côté d’elle en l’effaçant doucement de mon monde. « Avec toi ... » Je soufflais bruyamment. «  C’est même pas une histoire de ne pas m’assumer. J’te trouve horrible, l’alcool devait faire réellement un bon effet. » Elle n’était pas moche, elle ne m’attirait simplement pas, mais je ne voulais pas la laisser gagner une seconde fois, pas sur le moral.

À quel moment mon esprit s'était dit que j'avais envie de cette femme ? De celle avec qui je jouais sur mes sentiments parce qu'ils étaient tous faux. Je ne l'aimais pas, je jouais juste. Je me foutais de sa gueule parce qu'elle m'avait draguée le premier soir et que j'étais rentrée dans son jeu. Ça ne devait pas aller plus loin, je savais bien qu'il ne fallait jamais la revoir. Et j'avais du mal à croire que ça avait pu réveiller quelque chose en moi de me faire draguer par une femme. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, loin de là. C'était sans doute la première fois que je faisais autant l'abrutie, que j'arrivais à avoir l'idée en tête de revoir une personne qui osait me traitercomme ça parce que je rejetais sans cesse les avances d'une femme. J'aimais les hommes, c'était tout. Non, pire. Je n'aimais personne. Je ne voulais pas de l'amour, je le rejetais et aujourd'hui rien n'a changé, parler d'amour me donne un goût amère, des souvenirs que je ne préfère pas remettre à la surface. « Mon dieu, tu ne comprends rien. » C'était peut-être pas une tare pour elle, moi je m'en fichais bien des autres, de si les femmes aimaient d'autres femmes, des hommes aiment d'autres hommes, tant mieux. « Je ne veux même pas t'expliquer quoi que ce soit. » Je n'arrivais même pas à le faire pour moi-même. L'idée de voir Siam et moi ensemble me dégoûtait et malgré le fait que j'lui lance toutes les piques du monde, elle restait face à moi, essayant de me mettre dans la tête que j'étais lesbienne.  « Façon de parler, puis ça serait trop facile. » Je ne comptais pas passer ma vie en prison pour une nuit dont je ne me souvenais pas. J’étais perturbée, mais pas sur le point de devenir folle. Je ne crois pas. Je continuais de parler, jusqu’à ce qu’elle me balance que je compliquais ma vie. Peut-être bien, je n’avais pas envie d’y réfléchir. « Rien à foutre. » Disais-je avant de passer à côté d’elle, continuant mon chemin sans réellement la regarder directement. C’était le seul moyen de m’enfuir de cette situation.