maybe one doubt -r.

3h du matin, tu te réveillais à cause d'une douleur dans le bas du ventre. Ce n'était pas une contraction, plutôt comme un appel de ton bébé. Tu te sortais du lit dans le silence, essayant de ne vraiment pas le réveiller. Tu filais à la cuisine pour te prendre un verre d'eau, soufflant un grand coup. Le médecin t'avait expliqué comment poser ta respiration lorsque ça arrivait. Mais au lieu de retourner te coucher, c'était dans la chambre d'amis que tu te dirigeais. Même si ce n'était plus vraiment une chambre d'amis maintenant, mais la future chambre de Lexi. Le lit était monté, la peinture n'était pas encore posée, vous n'aviez pas encore pris le temps d'y réfléchir. Ton congé venait d'enfin commencé, ne voulant pas arrêter de travailler jusqu'à la dernière minute, mais le bébé  devait arriver dans un mois à peu près, si tout se passait bien. Par terre, plusieurs pièces d'un meuble sont éparpillées. Tu allumes la lumière, approchant la boîte à outils. Tu viens t'installer au sol en regardant la notice pour essayer d'imbriquer deux planches ensemble et sans t'en rendre compte, tu y passes plus d'une heure. Une heure à t'arracher les cheveux, à pester contre le monde entier, contre toi-même pour être un peu trop grosse et ne pas pouvoir te déplacer comme tu le voulais. Contre ta mère aussi, pour ne plus être là. Contre ton père, pour ne pas vouloir de toi. Les larmes plein les yeux tu finis par jeter les morceaux de bois au sol. Une voix te tire alors de tout ça. Tu tournes la tête vers l'encadrement de la porte où se trouve ton mari, encore un peu endormi. Tu l'as sûrement réveillé en pestant à tout vent contre tout et n'importe quoi. Lorsqu'il te demande si tout va bien, tu secoues la tête à la négative. « Je ne sais pas si j'y arriverais, Nelligan.. » soufflais-tu doucement en lâchant la notice que tu tenais dans la main. Tu ne parlais pas vraiment du meuble, mais ça, tu n'étais pas certaine qu'il le saisirait de suite.

Les nuits se faisaient de plus en plus courtes, le sommeil de plus en plus dérangé et pourtant, bébé n’était pas encore né. Cela ne laissait qu’un avant-goût plutôt inquiétant de ce qui les attendait, parce que dès qu’ils allaient être trois dans cette maison, ce serait un réveil à chaque heure pour les premières nuits au moins. Certes, ils allaient se relayer le plus possible, à chaque fois que Nelligan pourrait intervenir sans avoir à réveiller Lily-Anaëlle pour l’allaitement. Avec le boulot, les études et les responsabilités ménagères, l’arrivée de leur enfant allait certainement venir les épuiser. Déjà, Lily-Anaëlle en vivait l’inconfort physique, et c’est ce qui expliquait que leurs nuits étaient déjà légèrement mouvementées malgré que son ventre soit toujours la maison de leur bébé. Que ce dernier donne des coups ou alors que le ventre dérange les mouvements de la belle, elle finissait toujours par se réveiller. Nelligan savait bien qu’elle s’efforçait de ne jamais le déranger, mais il avait le sommeil souvent léger. Cette nuit, elle arriva à se faire discrète au maximum et ce même les travaux qu’elle décida d’entreprendre, jusqu’à ce que ses râlements se rendent jusqu’aux rêves de Nelligan. Les yeux encore un peu fermés, peu habitués à la lumière qui sortait de la chambre d’amis au bout du couloir, Nelligan marcha à tâtons jusqu’à l’encadrement de la porte. Il arriva juste à temps pour voir son épouse jeter au bout de ses bras les morceaux d’un meuble qu’il prévoyait monter demain matin. « Lily, qu’est-ce que tu fais ici à cette heure ? Est-ce que tout va bien ? » Normalement, si elle se réveillait, elle faisait quelques pas dans la maison, mangeait une collation ou buvait un verre d’eau avant de revenir se coucher. Ça le prenait par surprise de la voir assise par terre, comme ça, à quatre heures du matin un soir de semaine en plus. Les larmes aux yeux, elle secoua la tête, avouant ne pas savoir si elle y arriverait. Nelligan fronça les sourcils en s’approchant d’elle, s’asseyant à son tour par terre pour la serrer dans ses bras. « Hé, hé … faut pas pleurer pour ça, mon amour. On regardera ça ensemble demain matin, ça ne presse pas. » Sa main caressait doucement son dos, pour la calmer, l’apaiser, la rassurer. Elle avait eu les hormones en vraies montagnes russes pendant la grossesse alors non, il n’avait pas forcément saisi qu’elle ne pleurait pas que pour le meuble.

Il était venu se poser juste à côté de toi, te prenant dans ses bras. Il te montrait à quel point il était là. Pendant longtemps, tu avais eu peur d'être comme ta mère, de te retrouver à élever un enfant toute seule, tu en aurais sûrement été capable, parce que tu aurais eu tes amis pour t'épauler mais tu savais aussi que tu n'étais pas seule. Il était là et il le serait toujours au moins jusqu'à ce que la mort ne l'emporte. Jamais tu ne pourrais avoir peur d'être seule pour élever votre fille. Pourtant, tu ne te sentais pas en grande forme. « Je parlais pas du meuble.. » soupirais-tu doucement en levant le visage vers lui. Tu avais des larmes aux bords des yeux. « Je ne sais pas si je serais une bonne mère, si je saurais me débrouiller.. » ajoutais-tu dans un murmure. C'était déjà difficile de penser ces mots mais ça l'était encore plus de l'admettre à voix haute, surtout à ton mari. Mais c'était ça aussi le mariage, montrer ses faiblesses à l'autre et les surmonter ensemble. Pendant quasiment toute la grossesse, ça s'était bien passé, tu avais eu des émotions contradictoires mais jamais rien de très important. Mais depuis que tu avais arrêté de travailler, tu avais l'impression de tourner en rond chez toi. « J'ai l'impression de ne rien savoir, de ne pas être à la hauteur et j'aimerais tant que ma mère soit là pour me venir en aide. » Elle ne pouvait pas revenir d'entre les morts et même si tu voulais être aussi géniale qu'elle, tu savais que tu n'y arriverais pas. Tu n'étais pas comme elle, bien trop timide, bien plus réservée, bien plus peureuse. Tu ne serais sûrement pas aussi courageuse qu'elle mais devais-tu vraiment être comme elle ?

Il se sentait un peu idiot, là, à parler du meuble alors que la source de la tristesse de son épouse était toute autre, bien plus profonde, bien plus grande. Il aurait dû le savoir, il aurait dû comprendre que si elle était debout à pareille heure, qu’elle n’avait même pas réessayé de dormir en se couchant à ses côtés, c’était parce qu’un souci trottait dans sa tête, ne voulant même pas la laisser tranquille pour les quelques heures qui les séparaient du lever du soleil. Sauf que Nelligan était fatigué, lui aussi, et il avait encore l’impression de se trouver entre un songe et la réalité. Sa capacité analytique envers sa femme n’était donc pas à son maximum. « Oh. » Dit-il seulement, pour relever son erreur, alors qu’elle levait les yeux vers lui, montrant alors les larmes qui s’y glissaient. Lily-Anaëlle lui avoua alors la raison de son chagrin, de son angoisse, qui résidait dans son inquiétude à savoir si elle allait être une bonne mère. Nelligan soupira doucement, parce qu’il n’arrivait pas à croire qu’elle puisse en douter. Quand elle parla de sa mère, le trentenaire baissa les yeux, la blottissant un peu plus contre lui. Il savait à quel point c’était difficile pour elle de vivre cette grossesse sans sa mère. Ça le serait pour n’importe quelle femme. Et même si la mère de Nelligan tentait parfois d’apporter son aide, elle savait aussi qu’il ne fallait pas trop qu’elle s’immisce. Elle respectait la distance, elle ne voulait pas jouer un rôle qui ne lui revenait pas. Elle avait beau être la grand-maman de ce petit être qui ne tarderait pas à venir, elle n’était pas la mère de Lily-Anaëlle. « On sera deux, Lily. On s’entraidera, on se débrouillera, on se reposera l’un sur l’autre pendant les temps difficiles. Parce que oui, il y en aura, forcément … Personne ne prétend que c’est facile d’élever un enfant, de survivre aux premiers mois après une naissance … » Les gens de leur entourage qui avaient déjà des enfants se plaisaient d’ailleurs à le leur rappeler, constamment. Qu’ils n’auraient bientôt plus de temps, plus de vie. « Et puis, être mère, être père, ça ne s’apprend pas comme de la théorie, on ne pourra jamais vraiment se sentir prêts, je crois. On se lancera à deux là-dedans, en temps venu. » Il passa une main dans ses cheveux, caressant doucement sa tête.

Très vite, il semblait comprendre que ce n'était pas du meuble dont tu parlais, sûrement parce que tu lui avais dit. Fallait dire que ça aidait pas mal. Le meuble aussi, te faisait chier, tu avais eu envie de le monter et tu n'y étais pas arrivée mais ce n'était pas au beau milieu de la nuit avec un ventre aussi gros que celui d'une baleine que tu allais réussir. Il devait penser au fait que tu n'étais pas seule et tu avais beau le savoir, tu n'arrivais pas à te sentir rassurer pour autant. Te serrant contre toi, il te disait les mots que tu avais besoin d'entendre. Il devait te connaître pas coeur, connaître chacune de tes craintes parce qu'il avait toujours un discours et ce n'était jamais le même. C'était peut-être ça le plus beau dans votre mariage, votre soutien mutuel, qui n'était pas qu'en façade. Il serait vraiment prêt à se décarcasser juste pour te faire dessiner un sourire et ça à n'importe quelle heure de la journée ! « Mais ça semble comme.. vraiment très difficile » Tu ne voulais pas dire insurmontable parce que tu n'imaginais pas que tu aurais autant de mal que ça à être une bonne mère. A être une mère tout court d'ailleurs. En effet, ça ne s'apprenait pas, ça se vivait et ça s'ajustait au fur et à mesure, mais si vous faisiez une erreur ? « Mais si on s'y prend mal, qui sera là pour nous prévenir ? Qui sera là pour redresser nos torts ? » demandais-tu doucement, ton regard toujours dans le sien, tes larmes avaient cesser de couler depuis un moment mais ta voix était toujours aussi tremblotante et tu n'étais toujours pas sûre de savoir quoi faire. Tu avais l'impression d'être un véritable boulet pour lui, de toujours le tirer vers le bas alors que lui devait tout faire une nouvelle fois pour te tirer vers le haut, pour te redonner confiance en toi.

Bien sûr qu’il aurait été prêt à tout pour lui redonner le sourire, au beau milieu de cette chambre un peu chaotique en apparence, où rien n’était prêt, où des morceaux de meubles inachevés étaient éparpillés autour d’eux, parce qu’il l’aimait. Il aimait Lily-Anaëlle d’un amour qu’on ne peut expliquer par des mots, que seul un regard, un sourire ou un geste peut exprimer à sa pleine amplitude. Ils s’étaient promis d’être ensemble pour le meilleur et pour le pire, et il s’était aussi lui-même juré de ne pas seulement être là, d’une manière passive. Il voulait soutenir son épouse à travers les épreuves, il voulait lui servir de béquille quand le poids du monde semblait trop lourd, et faire des confettis de ses soucis. Il voulait lui servir d’ailes si cette légèreté pouvait alléger son âme parfois en peine. Maintenant, alors qu’elle portait son enfant, ce sentiment était encore plus fort que jamais. Nelligan ne saurait jamais comment la remercier de l’avoir choisi lui, de lui permettre de réaliser ce rêve qu’il avait si longuement caressé sans jamais pouvoir réellement espérer mettre la main dessus. Elle aurait ses doutes, lui aussi aurait les siens, mais tant et aussi longtemps qu’ils étaient là pour se rassurer et s’entraider, il n’avait pas peur. Nelligan ne craignait rien. Sans doute était-ce pour cette raison qu’il était capable de débiter ces paroles d’espoir et de certitude à Lily-Anaëlle : il avait du courage pour deux, parce qu’il le puisait dans leur amour qui les rendait si fort. Il fallait seulement que Lily se souvienne où le chercher, ce courage qui le rendrait invincible contre ce qui les attendait. Parce que ce qui les attendait, au fond, c’était une décharge de bonheur, même si ça faisait peur puisque ça leur était encore inconnu. « Tu te ferais pas un peu des scénarios catastrophes, là ? Laisse-toi un peu respirer, là-dedans. » Dit-il en posant un doigt, doucement, sur la tempe de la brunette. Il esquissa un doux sourire. Ils pouvaient s’imaginer toutes les avenues possibles, de la naissance jusqu’aux premières nuits, allant même à penser à toutes les années à venir, mais ils ne pouvaient pas prévoir. C’était juste l’inattendu qui les attendait … « Déjà, nous-mêmes. On apprendra de nos erreurs et on s’améliorera, on s’ajustera en conséquence. Et puis, y’a mes parents, y’a nos amis, certains ont déjà des enfants, ils pourront nous guider, nous conseiller … » Il embrassa Lily-Anaëlle sur le dessus de sa tête, continuant à caresser son dos pour la calmer. « T’es la fille de ta mère, Lily. Et regarde la magnifique femme qu’elle a élevée. Tu réussiras de la même manière. » Et sa mère, elle avait été seule là-dedans, ce qui prouvait encore plus à quel point Lily avait la génétique d’une battante.  

Un scénario catastrophe, tu était assez douée pour ça. Tu en faisais depuis toute petite, chaque fois que tu marchais dans la rue, chaque fois que tu pratiquais du sport, que tu conduisais ton vélo ou une voiture Tu avais grandi avec des images de mort venant de tous les côtés. Ce n'avait jamais été évident, parce qu'elles étaient souvent en contradiction avec tes images d'amour. Tu avais toujours eu le sentiment de marcher sur une corde raide où tu pouvais sombrer dans la mort ou trouver le grand amour selon le côté où tu tombais. C'était l'amour qui avait triomphé grâce à Nelligan. « Je suis douée pour prévoir le pire ! » Un maigre sourire prenait possession de ton visage. Tu avais les yeux encore mouillés, les traits tirés et un sourire pas vraiment joyeux. Tu devais avoir une mine affreuse mais il passait au dessus de tout ça. Il passait au dessus d'un tas de chose et il avait beaucoup de courage parce que tu n'étais pas toujours facile à gérer, surtout lors de tes moments de doutes. « Il faudrait déjà qu'on sache que c'est des erreurs, parce que la première année, elle va pas parler pour nous prévenir.. Et dans les amis, je te rappelle quand même que Lilas m'a conseillé la tequila ! » Tu ne remettais pas en cause son rôle de mère parce que tu ne vivais pas au quotidien avec elle et tu pensais qu'elle devait se débrouiller à merveilles mais tu te souvenais quand même que son premier conseil, c'était de te bourrer la gueule pour procréer plus facilement. Et tu avais ri mais maintenant, ça te faisait paniquer. « Merci Nelligan, je ne sais pas ce que je ferais sans toi. » Il était évident que sans lui, tu ne t'en sortirais pas. Tu avais beau être la fille de ta mère et elle avait beau t'avoir élevée de la meilleure des manières, tu n'étais pas aussi courageuse qu'elle et tu ne le serais jamais.

Voyant enfin le visage de Lily-Anaëlle s’illuminer, même si ça n’était que d’un mince sourire, Nelligan criait victoire à l’intérieur de lui-même. Au moins, il arriverait à sécher ses larmes cette nuit encore. Il espérait que jamais dans sa vie il ne se retrouve face à une Lily-Anaëlle inconsolable. Il espérait être toujours capable de la rassurer, de lui redonner le sourire et surtout espoir et confiance. C’était ça, son rôle, pendant sa grossesse. Être un soutien, un pilier, pour qu’elle n’ait jamais l’impression qu’elle puisse tomber. Elle ne tomberait pas, non, ou alors si elle le faisait, il la rattraperait. « Ça, je sais bien ! » Lança-t-il d’un ton doux et léger, rieur un peu, alors qu’il acquiesçait au fait qu’elle était douée pour prévoir le pire. En même temps, ça lui permettait de ne jamais être déçue, mais ça entraînait aussi quelques crises de panique, comme ce soir. D’ailleurs, elle avait encore des doutes qui planaient, et un besoin d’en parler, alors Nelligan l’écouta, la consola, par ses caresses et par ses paroles. « Oui, bon … peut-être qu’on pourra se fier sur certains de nos amis, pas tous. » Il esquissa un sourire amusé – même si ça cachait une certaine inquiétude par rapport aux conseils que la meilleure amie de sa femme pouvait donner à cette dernière. Il appréciait Lilas, il avait énormément de points en commun avec elle et ils trouvaient toujours de quoi discuter ensemble, mais peut-être laisserait-il de côté les demandes de conseils sur leur fille, oui. « Et puis tu penses que les autres parents ont eu des enfants parfaitement fluides après une journée, qui leur disait quelles erreurs ils faisaient ? » Demanda-t-il avec humour. « On est tous dans le même bateau, Lily, et si ça se trouve il existe des groupes de soutien ou des cercles de nouveaux parents ou un truc du genre, où tout le monde s’échange des trucs, des conseils, partagent leurs expériences, le tout en faisant du yoga-poussette. » Nelligan se voyait plutôt bien là-dedans, en plus. Si ça n’existait pas, alors il le mettrait lui-même sur pieds. Si en plus ça pouvait rassurer son épouse d’avoir d’autres femmes avec qui en parler ! La jeune femme le remercia alors d’être là, et il sourit en l’embrassant amoureusement. « Non, merci à toi, Lily. D’être la femme merveilleuse et forte que tu es. » Et de l’aimer, jour après jour. Il la serra dans ses bras, la laissant décider de la suite, si elle voulait retourner dormir ou continuer à se laisser bercer dans ses bras encore un moment, ou jusqu’au petit matin.  

Nelligan semblait vite revenir sur ce qu'il avait dit en ajoutant que tous les avis ne seraient peut-être pas à écouter et tu ne pouvais qu'être d'accord avec lui. Tu savais déjà qu'une fois que le bébé serait présent, tout le monde allait donner son avis sur ce qu'il fallait faire, sur comment le faire, même ceux qui n'en avaient pas. « Rappelles-moi dans tes amis, qui est parents déjà ? » Parce qu'en faisant rapidement un tour dans les tiens, il y avait Lilas, mais vous veniez d'en parler et il y avait aussi Léo, mais Léo pouvait ne pas compter parce qu'il n'avait pas été là non plus pour les premiers instants de vie de son fils. Maintenant c'était différent mais il y avait peut-être des conseils sur des sujets qu'il pourrait ne pas avoir. Le tour était vite fait, tu ne savais pas pour lui, mais au final, tu n'avais pas tant d'amis que ça qui étaient parents. Et même s'il y avait ses parents, il ne fallait pas oublier qu'ils n'avait pas fait ça depuis au moins 25 ans, tu étais assez certaine qu'on puisse oublier comment s'y prendre, comme si on rouillait. « Non, mais nous ne sommes pas les autres parents. Nous allons avoir une petite fille et j'ai tellement envie que tout soit parfait.. » Et c'est comme si tu savais au fond de toi que ça ne pourrait pas l'être. Et c'était juste décevant de savoir que pas une fois dans ta vie, tu pourrais atteindre la perfection. « Oh, j'aime ça, un groupe de soutient à la parentalité, ça serait parfait. » Tu allais même penser à te renseigner là-dessus à la première heure demain matin pour être . « Je ne suis pas aussi forte que tu le crois, regarde ce soir, sans toi j'aurais passé ma nuit à déprimer devant un meuble.. » Et pas à cause du meuble mais à cause de toi. Tu ne savais pas pourquoi tout le monde semblait penser que tu étais solide parce que tu avais quand même l'impression de te dégonfler à chaque instant de ta vie. Tu te sentais toujours nulle, toujours faible et surtout incapable. Et il y avait ton mari, qui était là pour chasser toutes ses idées noires et te donner confiance. « On devrait peut-être retourner se coucher, tu te lèves de bonne heure demain matin. » soufflais-tu doucement, le pauvre faisait tellement en ce moment pour vous, pour subvenir aux besoins de votre famille en prenant des heures à gauche et à droite afin de gagner un peu plus d'argent.

Ah oui, ça il le voyait déjà venir : les avis de tout le monde. Les critiques. Sur l’allaitement versus le biberon, sur les jouets et les vêtements à acheter, ce qui est confortable ou non pour un nouveau-né, sur quoi leur donner à manger, s’il faut dormir dans la même chambre ou non. Tous ces débats dont on entendait déjà parler mais devant lesquels Nelligan s’était pour le moment tenu à l’écart. Maintenant que la paternité approchait à très grands pas toutefois, le jeune homme savait qu’il allait être bien malgré lui poussé au centre de ces discussions. Aussi bien être en mesure de se faire sa propre idée et de défendre un peu ses positions. Ses propres amis l’aideraient sans doute, d’ailleurs Lily lui demanda qui des siens étaient parents. « Il y a, euh … Aaron, et puis … Jess et Jayson, et … Eibell. » Plus il nommait des exemples de gens sur qui ils pourraient compter, plus il se rendait compte qu’aucun de ces exemples-là n’étaient des modèles. En tout respect, Aaron passait son temps à boire et à étendre sa haine pour les femmes, Jessica avait menti à Jayson pendant plus dix ans quant à l’existence de leur fille, et Eibell avait menti à son propre enfant et l’avait tenu à l’écart toute sa vie en raison de sa situation plus qu’extravagante. Il soupira. « Comme quoi y’aura toujours pire que nous. » Il eut un léger rire, parce que la situation était quand même ridicule quand on y pensait. À croire que la plupart des familles à Bowen étaient dysfonctionnelles. Tant que ça ne devenait pas leur cas … « Lily, rien n’est jamais parfait, et c’est là toute la beauté de la vie. » Après tout, le parcours de leur relation était lui-même parsemé d’imperfections, et c’était justement ce qui faisait aujourd’hui la beauté et la solidité de leur couple. La brunette sembla apprécier son idée d’intégrer un groupe de nouveaux parents, et s’ils réalisaient que ça n’existait, et bien Nelligan n’en serait que plus motivé encore de tout mettre en place. « C’est vrai que vu comme ça, il a quelque chose de déprimant, ce meuble … » Dit-il avec une pointe d’humour en regardant l’amas de morceaux qui ne demandaient qu’à être assemblés correctement. Il embrassa son épouse alors que celle-ci déclara qu’ils devraient retourner dormir. « Bien. Allez, viens, retrouvons un meilleur confort que ce plancher froid. » Il se leva et tendit ses mains vers Lily-Anaëlle pour l’aider à se remettre sur ses pieds. Avec un tel ventre, ce n’était plus chose facile.  

Tu ne connaissais pas certaines des personnes citées, juste de nom mais tu n'avais pas toute l'histoire qui suivait derrière. Tu connaissais les tiens et même si ce n'était pas beaucoup avec les noms qu'il te donnait, tu te rendais compte que tu n'étais pas si seule que ça à être maman. Et il y aurait toujours sa maman pour t'aiguiller en cas de doute, après tout elle avait élevé ton mari, tu pouvais croire en ce qu'elle te dirait. « Je n'avais pas réalisé à quel point on était bien entouré ! » Peut-être que chacun avait ses défauts mais dans tout ça, ils ont tous une certaine expérience, ce seraient eux les plus aviser entre vous tous. Et puis avec le groupe de soutien, ça ne serait que du bonus. « Mais tu sais à quel point ça peut me stresser tout ça, j'aimerais avoir le contrôle sur toute la situation et j'ai l'impression que plus j'avance, plus elle m'échappe. » Et ça te rendait folle, ça te rendait anxieuse et tu te mettais à te poser les mauvaises questions. Celles qui te faisaient perdre toute confiance en toi, qui te faisaient plus de mal que de bien. Mais là aussi, tu sentais que tu n'avais pas le moyen de t'en sortir toute seule. Mais comme tu aimais te le rappeler quasiment tous les jours depuis un peu moins d'un an, c'est que tu n'étais pas seule et que tu n'avais pas de raison d'avoir peur. « Je t'aime Nelligan, tu sais à quel point je t'aime ! » Tu venais l'embrasser tendrement avant de te lever, pas sans son aide. Tu avais un trop gros ventre pour y arriver toute seule. Tu attrapais sa main, l'attirant dans votre chambre où tu serais enfin à l'abri, dans ses bras. Il était ton pilier dans la vie de tous les jours et tu appréciais te coucher contre lui à chaque nuit et te réveiller contre lui chaque matin.

C’est vrai qu’ils étaient bien entourés, quand même. Et puis, avoir des défauts ne faisait pas nécessairement de tous ces gens-là de mauvais parents. De la manière qu’Aaron parlait de sa fille, on devinait facilement tout l’amour qu’il portait à son égard. Et à voir Jayson vouloir rattraper tout le temps perdu, Nelligan était prêt à parier qu’il ferait tous les efforts possibles pour être un bon père. Et Jessica avait tout simplement voulu protéger sa fille en partant, et elle l’avait élevée avec force et amour. Nelligan et Lily-Anaëlle auraient de quoi apprendre de chacune de ces personnes, et avec tous ces éléments pris des uns et des autres, ils se construiraient leur propre manière d’être parents. « Je pense que ça fait partie de la game … on s’ajustera à ce « non-contrôle ». Peut-être qu’une fois qu’on aura Lexi dans nos bras, plus rien de tout cela n’aura d’importance, et on se contentera de seulement se laisser aller avec le courant. » Et puis, le courant les mènerait forcément à bon port, non ? D’une manière ou d’une autre, ils arriveraient à destination, et Nelligan n’avait pas la moindre inquiétude : ils n’allaient pas se noyer non, parce qu’ils étaient une bouée de sauvetage l’un pour l’autre, comme ils l’avaient toujours été même quand ils n’étaient pas ensemble. Ils s’en sortiraient, comme toujours. « Je t’aime aussi, mon amour. Plus que tout au monde. Enfin … » Il posa sa main sur le ventre de sa femme avec un sourire. « Tu dois partager cette position avec quelqu’une d’autre maintenant. » Il les aimait, toutes les deux, plus que tout au monde. Mieux encore, elles étaient devenues son monde. Les deux mariés se relevèrent donc de sur le plancher de la chambre d’enfant, Nelligan aidant Lily à se remettre sur pieds, et ils retrouvèrent le confort de leur lit pour les quelques heures restantes avant le lever du soleil.  

TERMINÉ