you're the angel on the top of my tree, uhuh (jeff)

Ça y est, j’avais l’image de Jeff bandé comme un cheval pendant deux semaines en tête. Je l’imaginais un peu partout : au centre commercial, en petit-déjeunant le matin, à la caserne … D’ailleurs : « Bah dis-toi que t’aurais déjà ton boyau tout prêt en cas d’incendie ! » J’éclatai de rire. J’avais une image encore plus drôle en tête, là, et si Jeff la voyait, il remettrait sans doute en question toute notre amitié, et mon hétérosexualité aussi. Comme si je ne l’avais pas déjà assez ébranlée, ce soir, elle. Hihihuhu, ébranlée. Je demandai alors à mon pote quel était son plan de gestion concernant la situation avec Eilynn : ce petit message coquin, sa provenance – de moi – et sa réaction face à tout ça. Ce serait quand même dommage qu’il subsiste ad vitam aeternam un malaise entre elle et moi, puisqu’après tout, Jeff et moi n’étions pas prêts d’arrêter de nous voir. Elle serait forcément amenée à être là, de temps en temps, et Zelda aussi. « Tu peux faire tout en même temps, moi j’dis ! Par contre, le chocolat, c’est pour quoi ? Tu vas la masser avec du chocolat ? Ça risque pas de coller partout et de salir vos draps ? Et là, on pourra se demander, une fois séché, si c’est du chocolat ou du caca. » J’hochai la tête après cette grande réflexion. Normalement, ça, c’était le genre de petite remarque que je gardais pour moi, pour me faire rire seul dans mon lit le soir quand j’y repenserais. Une blague pour emporter. Sauf que là, je n’avais plus de filtre, vous l’aviez sans doute remarqué. « JE. T’AIME. Voilà c’était assez clair cette fois ? » Demandais-je en écartant les bras, pour aucune raison. C’était un peu trop théâtral pour les circonstances. Et puis alors, comme je pensais un peu plus tôt, Jeff proposa de se refaire de ce genre de soirées, avec nos femmes. Raison de plus pour qu’Eilynn ne me perçoive pas comme un prédateur sexuel. « Ouais non, d’autres genres de connerie, j’ai compris. » Je secouai la tête, avant qu’on ne prenne la décision d’aller pisser. C’était le moment qui nous mènerait sans doute à la fin de la soirée, parce que je doutais fortement être en mesure de remarcher jusqu’à ici une fois debout. Tout le monde sait ça : c’est une fois debout que les conséquences d’une beuverie comme celle-là se font le plus ressentir. « T’as qu’à aller escalader une montagne et pisser en haut. C’comme planter ton drapeau mais en plus tu réalises ton rêve. Pas besoin d’aller en Alaska pour ça, l’gros. » Puis j’hochai la tête en signe de compréhension quand il m’expliqua ce qu’il voulait dire par ça va être chaud et oui, ça le serait. J’étais debout, Jeff aussi, mais il s’affalait presque sur moi. « Yooooo je suis pas la Tour de Piiiise. » Dis-je en me penchant un peu sous son poids de monsieur-muscles-pompier. Jeff prit alors la décision d’aller pisser dans les buissons, et je le suivis sans trop me poser de questions. Sans trop réaliser qu’uriner en public pouvait me coûter une petite contravention. Je pissai dans un soupir de soulagement. « Allez on croise le fer ? » Proposais-je en essayant d’envoyer mon jet pour croiser celui de Jeff, sans grand succès. Je rigolai. Une fois nos braguettes remontées, je ne me souciai que très peu de mes mains qui ne pouvaient être lavées, de toute façon Jeff était en train de m’engueuler alors mon attention était toute là-dessus. « YOOOOOOOOO TU VAS T’CALMER. On va appeler un taxi, ouais ? Y t’reste d’l’argent ? » Parce que pas moi. Bon, j’avais mes cartes, c’est vrai.

Un cri de capitaine pirate enragé sortit d’entre mes lèvres, sans prévenir, alors que Jeff me disait qu’il avait déjà fait des allusions avec sa lance à incendie. « Moi qui croyais être original ! » Mais en vrai, mes blagues, je les faisais soit dans les clichés, soit dans l’immaturité. Et si ça me faisait rire moi, c’était sans doute redondant ou exaspérant pour d’autres. Mais bon, c’était moi et seulement moi qui vivais avec ma propre personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pas vrai ? Il fallait quand même que je sache me divertir, et pas que physiquement … ahem. Une autre manière de me faire pas mal rire, c’était de faire des allusions au caca. Ah, si Freud avait à me psychanalyser ! Il en aurait des conneries, à dire. « Pfff, mettre une serviette en-dessous, acheter des huiles particulières, aller se rincer sous la douche … ça en fait des étapes à suivre, ça, et tout ça pour des préliminaires ! Depuis quand faire l’amour est devenu aussi compliqué ? » Lançais-je en l’air, alors qu’au fond, c’était peut-être moi qui n’étais pas assez à jour dans tout ça. Disons que les seules fois où j’avais mis les pieds dans un sex shop, c’était pour acheter des niaiseries, des objets pour faire des blagues, genre des pénis en chocolat que je glissais dans le sac à lunch de mes potes. Des trucs du genre, quoi. Jamais rien de sérieux. Jamais quoi que ce soit que j’avais réellement utilisé. Peut-être que Zelda aimerait qu’on essaie un peu plus de nouveautés … Bon, de toute façon, pour le moment mon amour était entièrement dirigé vers Jeff. Vers Jeff et ses rêves un peu fous de pisser dans la neige. « … Tu sais combien ça coûte un billet d’avion ? J’préfère aller faire une p’tite randonnée, débouler avec une avalanche maybe, et pisser PENDANT QUE JE TOMBE DANS L’AVALANCHE. » Je serais sans doute mort après, mais au moins, j’aurais réalisé mon rêve. Ah, non, c’est vrai, c’était le rêve de Jeff. Pas le mien. Nul besoin de crever de froid ou d’asphyxie. Bon, c’est pas que notre conversation s’éternisait mais à force de parler de pisse, ma vessie commençait réellement à s’impatienter. Alors trois, deux, un … On était debout ! On était debout ! Wow, je ne pensais pas revivre ça un jour. Me tenir debout. Mieux encore, Jeff et moi arrivâmes à sortir de l’igloo enchanté, presque bras-dessus bras-dessous pour ne pas nous planter tête première. Et une fois les braguettes ouvertes : le soulagement. Et l’idée farfelue d’aligner leurs jets en une magnifique croix. Mais Jeff s’éloigna pour ne pas rentrer dans ces débilités. « En quoi j’éclabousse plus que quand je pisse droit ? Et pis, éclabousser quoi, la brindille d’herbe d’à côté ? » Je secouai la tête. Il voulait juste gâcher mon plaisir, alors qu’on passait une soirée parfaite. Une fois tout le liquide ingurgité évacué de nos corps, Jeff proposa de prendre un taxi, ce à quoi j’acquiesçai en ne manquant toutefois pas de mettre la facture sur son bras avant même qu’on soit partis. « On s’refait ça quand tu veux, Jeffounet ! Mais j’te reconfirme cette affirmation-là demain matin, tu sais, au cas où je me lève en me disant plus jamais !!!! » Ce qui risquait fortement d’arriver. Mais ça ne serait pas la première fois. Alors sans doute pas la dernière non plus. Jeff me donna alors la tâche ardue d’appeler un taxi, et je m’en sortis pas trop mal pour composer le numéro. « Ouais salut euh, on voudrait un taxi … au … euh … on est où là en fait ? (…) Enfin, devant l’gros igloo, vous voyez ? L’igloo de Noëëël ! » Il me raccrocha presque au nez, mais j’eus le temps d’entendre une brève confirmation. Ouf ! Maintenant, il fallait que je me tienne éveillé jusqu’à ce qu’on arrive chez moi, sinon, c’est Jeff qui allait devoir me traîner en dehors du taxi et jusqu’à son divan. Et je sais pas s’il est assez fort pour ça, le p’tit. Uhuh.

TERMINÉ