Like tomorrow doesn’t exist + Léace

Léo attendait cet évènement depuis des mois, il s’y était préparé, la date était arrêtée sur son calendrier et saint Valentin ou non, à l’époque il avait même prévenu Grace qu’il ne pourrait pas lui offrir de dîner au chandelle ce soir là, pire qu'un homme qui préfère regarder un match avec ses copains. Et puis finalement il n'avait plus à se soucier de ce genre de problème puisque tout était fini entre eux, l’un des nombreux avantages à être à nouveau célibataire, si on pouvait parler d’avantage évidemment… Enfin là n’était pas la question, le 14 février c’était aujourd’hui et tout était prêt, il était comme un gamin la veille de Noël, adieu chagrin d’amour, ce soir il avait rendez-vous avec les étoiles ! Il attendait les Omicron Centaurides depuis si longtemps, cette pluie de météores il en avait toujours entendu parlé mais pour diverses raisons, climatiques la plupart du temps, il n’avait jamais eu l’occasion de les voir de lui-même alors que le ciel de Bowen soit parfait ce soir là, qu’il soit en ville à ce moment là, c’était son moment, il ne pouvait pas le rater. Il s’était alors rendu sur la colline bien avant l’heure, il avait préparé son matériel, son appareil sur un trépied, à l’endroit idéal pour pouvoir assister au spectacle aux premières loges, les réglages étaient faits, son appareil ferait le plus gros du travail pour capturer les plus beaux clichés du ciel et lui pourrait regarder la pluie avec ses yeux d’enfant, émerveillé comme à chaque fois qu’il observait les étoiles, sûrement plus même parce que c’était un fait exceptionnelle. Evidemment il n’avait pas songé que tout Bowen se déplacerait ce soir et qu’il serait gêné par la foule et le bruit, mais peu importait, il s’était trouvé un coin relativement calme près d’un arbre, rien ni personne ne pouvait le déranger. Personne sauf elle. Il effectuait les derniers ajustements lorsqu’une tête blonde attira son attention, Léo releva la tête et il la reconnu même si elle n’était pas encore à sa hauteur, Grace était là, si près. Il l’observa slalomer entre les gens, aérienne comme toujours. Il ne l’avait pas revu depuis sa sortie de l’hôpital, ils s’étaient quitté ce jour là, cela devait faire un mois, ils s’étaient quitté tout court et bien qu’elle lui manquait tous les jours il avait l’intention de l’oublier, de guérir d’elle. Pourtant à voir son regard posé sur elle, comme hypnotisé, on comprenait aisément qu’il était encore loin d’être guéri, on doutait même qu’il le soit un jour. D’un coup les étoiles du ciels se faisaient moins brillantes face à l’astre qui prenait toute la lumière à ses yeux.

Ce n'est qu'au dernier moment qu'elle se décida à enfiler une légère robe et une veste avant de sortir de chez-elle pour rejoindre la falaise pour contempler les étoiles qui allaient valser entre-elles, passer pour quelques secondes en faisant briller les yeux des gens en espérant qu'elles illumineraient les siens. Sa soirée, elle l'avait prévue comme d'habitude, à lire ou peindre, occuper son temps comme elle le pouvait avec sa nouvelle attelle. Depuis qu'elle s'était séparée de Léo, elle s'occupait de son temps, faisait tout ce qui lui passait par la tête pour ne pas réfléchir une minute et penser à lui, s'imaginer son visage qui avait disparu de ses horizons depuis qu'elle était sortie de l'hôpital. Ils s'étaient mis d'accord sur cette rupture, mais c'était plus difficile que ce qu'elle n'imaginait et cette fois, il n'y avait rien pour la diriger vers lui, rien ne la forçait à aller lui parler. Dehors, l'angoisse montait toujours un peu, que quelque chose arrive et qu'elle repasse dans un sommeil prolongé. C'était une des raisons du pourquoi elle préférait aller dans un coin sans trop de personnes, éloignée du bruit et de tout ce qu'il pouvait arriver, elle était incapable de se défendre pour le moment et elle ne voulait pas tenter le Diable. La vue des couples la rendait nostalgique, pensant qu'elle aussi elle aurait pu voir les étoiles dans les bras d'une personne qu'elle aimait, sauf qu'elle était seule. Dans sa marche, elle tournait ses yeux vers lui, son cœur loupa d'un battement au contact de ses yeux. Elle pourrait simplement passer son chemin, se dire qu'il n'était qu'une hallucination et le prendre pour un inconnu, mais c'était au-dessus de ses forces. Quelques pas de plus puis elle faisait demi-tour, pour se diriger vers Léo, un léger sourire aux lèvres, elle n'avait rien à lui dire, elle ne savait pas quoi inventer, peut-être même que lui ne voulait pas la voir, mais sa voix lui manquait, sa personne, tout chez lui la manquait. « Hey. » Elle levait ses pupilles au ciel avant de les retourner sur son appareil. « J’aurais dû me douter que tu étais là ce soir. » Elle laissait un rire timide passer, son ton n’était pas méchant, au contraire, lui au oins avait la bonne idée d’immortaliser l’instant. Elle ne savait pas quoi lui dire pour lui faire de la conversation et ne pouvait pas lui avouer qu’elle était heureuse de savoir que ce soit, il était pas dans les bras d’une autre femme à regarder ce spectacle.

Sa robe légère s'envolait dans la brise du soir et elle était comme une apparition, malgré le monde et la nuit qui nimbait la falaise de mystère, Léo ne voyait qu'elle, comme toujours. Il restait comme un crétin à la fixer et évidemment Grace finit part le remarquer. Le tout était de savoir si elle était venu pour lui, parce qu'elle savait qu'il avait rendez-vous avec les étoiles ce soir, ou si c'était un pur hasard et dans ce cas, si elle oserait venir jusqu'à lui. Durant les longues semaines qui les avaient séparés Léo n'avait pas été l'homme le plus productif qu'il soit, il avait broyé beaucoup de noir et descendu beaucoup de bouteilles de whisky, c'était un peu cliché mais c'était pourtant bien vrai, il était un cliché ambulant et il n'avait rien à faire de ce que les autres en pensait. C'était pourtant lui qui était parti, elle lui avait demandé du temps, il lui avait laissé une vie entière pour apprendre à se connaître elle-même. Mais le concernant une vie c'était long, bien trop long, sans elle. Il n'avait pourtant pas fait que boire et déprimé, parfois il était sorti, il avait refait le monde avec beaucoup de gens, il s'était promis de partir en voyage mais n'en avait pas eu le courage, il avait embrassé quelques filles, beaucoup trop pour être honnête et il n'en était pas fier, certaines lui promettaient de le sortir de son mal, celui qu'il traînait avec lui comme un boulet et qu'il ne cachait pas. Elles étaient étranges, les filles, à toujours chercher à vous câliner quand vous n'allez pas bien, à croire que la déprime c'était sexy. En tout cas ça marchait bien pour les attirer. Mais leurs bras même les plus tendres et leurs corps même les plus chauds, ne l'avaient pas guéri, rien ne pouvait y faire. Seules les étoiles de ce soir le rendaient euphorique, elles et toutes leurs promesses de grandeur et de rêve. Grace s'approcha de lui et le palpitant dans la poitrine de Léo s'accéléra. Elle le saluait de façon si simple, comme s'ils ne s'étaient séparés quelques heures et puis ce rire cristallin qui s'échappait d'elle presque malgré lui. Léo craquait à nouveau, il en retombait amoureux, comme à chaque fois, c'était terrible, cet amour qui le consumait et qui embrasait tout, autour tout n'était plus que cendres, ces autres femmes tellement fades à présent, ces lèvres sans goût et ces regards sans âmes. Il lui sourit doucement, enfonçant ses mains dans les poches de son jean. Donc elle n'était pas là pour lui. Peut-être avait-elle rendez-vous avec un autre homme, sinon quelle raison étrange l'aurait poussé à venir côtoyer la foule alors qu'elle en avait peur, un soir de saint Valentin de surcroît. Tu es très jolie ce soir. Il leva la tête au ciel avant de plonger à nouveau dans l'océan de ses yeux. J'avais un rancard que je ne pouvais pas rater. Il observa les quelques personnes qui les entouraient, sans vraiment les voir. Et toi, tu as rendez-vous ? Il osait, timidement, s'imaginant déjà un garçon épris d'elle, fou d'elle, comment ne pas l'être. Evidemment qu'il serait déçu si elle répondait positivement, évidemment qu'il serait fous de jalousie. Mais ne lui avait-il pas dit lui-même qu'elle devait faire d'autres rencontres...

Le revoir bousculait son cœur, à chaque fois qu’elle voulait l’oublier, se dire que Bowen était assez grand pour ne pas avoir à le revoir, ça se révélait faux. Ils finissaient toujours par se retrouver, sauf qu’il était trop tôt. Elle ne savait quoi penser de son regard insistant, peut-être était-il simplement surpris de la voir là, peut-être que c’était pour l’attirer vers elle, qu’ils aient une conversation. La blonde n’avait rien à lui dire, elle ne pouvait pas lui parler de sa vie misérable, de ce qu’elle était devenue comparée à ce qu’elle devait devenir, c’était un échec. Ce sentiment ne devait qu’être provisoire, le temps qu’elle se soigne complètement. Elle n’osait pas se montrer aux autres dans son état, qu’ils la plaignent pour un accident qu’elle voulait effacer de sa mémoire, elle ne voulait plus s’expliquer sur son mal-être, elle voulait le cacher sous des sourires. Pour quelques secondes, son regard finissait par capter celui de son ex-amant, elle esquissait un maigre sourire avant de le rabattre et continuer ses pas. Sauf qu’il était Léo, qu’elle ne pouvait pas l’esquiver ou le fuir, elle était toujours attirée vers lui et même si ce n’était que pour une minute, elle voulait le voir, savoir ce qu’il devenait. Ils ne s’étaient pas quittés depuis des années, mais il était devenu une obsession avec le temps et un peu plus depuis qu’il n’était plus à ses côtés. L’air timide, elle l’abordait, n’osant le regarder trop longtemps, comme si ça lui était interdit. « Merci. Toi aussi, comme toujours. » Son rire des plus stressés revenait lorsqu’elle se rendait compte que ce n’était peut-être pas quelque chose à lui dire. Grace ne relevait les yeux que lorsqu’il disait avoir un rendez-vous, qu’il ne pouvait pas louper ça et son regard à lui se perdait parmi les gens. Si elle s’était jurée de ne pas être jalouse, que depuis son enfance elle avait appris à ne envier personne, c’était plus fort qu’elle. Qui il cherchait parmi eux ? Qui était la femme meilleure qu’elle ? Comment il pouvait avoir remplacé presque deux ans en même pas un mois ? Elle pinçait ses lèvres, lui offrant un faux sourire. « Oh ? C’est … cool, j’imagine. » Ses joues prenaient légèrement de la couleur, alors que dans son regard on pouvait lire toute la douleur qu’elle avait eut à dire cette simple phrase. Avouer qu’elle trouvait ça bien pour lui qu’il ait quelqu’un ou plutôt mentir dessus. Du moins c’était l’idée qu’elle s’y faisait. « Eum, oui, mais il n’est pas encore là. » Son regard perdu sur chaque personne, il y avait bien des gens seuls, elle aurait très bien pu l’avouer qu’elle était venue en solitaire pour contempler les étoiles. Elle lui avait simplement menti parce qu’elle était vexée, parce qu’elle ne voulait pas qu’il se dise qu’il était le seul à s’être refait. « Alors je peux venir t’embêter quelques minutes. » Pas certain qu’il veuille rester avec elle après ce qu’elle disait, mais elle espérait toujours. « Enfin, peut-être que je te dérange. »

Ce n’était pas évident de rester de marbre face à elle, ni de ne pas la prendre dans ses bras, Léo en avait l’envie mais il ne fit rien. Parce qu’il lui avait promis de la liberté et la possibilité de vivre sa vie sans qu’il ne s’y accroche. Pourtant la vie était joueuse à toujours les mettre sur le chemin de l’autre, comme pour qu’ils se rendent à l’évidence. Mais ils avaient essayé, du mieux qu’il pouvait et ça  n’avait pas fonctionné comme ils l’avaient voulu, trop différents, ne cherchant pas forcément les mêmes choses, ils avaient fini par s’éloigner. C’était cruel parce qu’il ne s’agissait pas d’amour mort, bien au contraire, ça crevait les yeux, mais juste d’un mauvais timing. Alors comment faire quand on recroise la personne que l’on aime au plus profond de soi, comment rester indifférent, Léo ne savait pas jouer la comédie, il ne pouvait pas détourner les yeux tout comme il ne pouvait pas retenir ce sourire de se dessiner sur ses lèvres lorsqu’elle s’approchait de lui. Et même si c’était pour se faire plus de mal que de bien il s’en fichait, même si ça n’était que pour lui dire deux mots et la voir repartir au bras d’un autre c’était au moins ça de pris. Il lui en fallait peu. Il sourit en baissant les yeux alors qu’elle le complimentait à nouveau, lui n’avait fait aucun effort de tenue ce soir, son éternel combo jean/polo, il n’avait personne à qui plaire et le ciel n’était pas difficile. Alors qu’elle, certainement qu’il n’était pas objectif, il ne l’était jamais quand il s’agissait de Grace, mais il la trouvait sublime, fraîche, solaire. Alors qu’il répondit à ce qu’elle venait de lui dire, visiblement la blonde compris de travers, il n’avait aucun rancard, mis à part avec les étoiles, aucune fille n’allait arriver pour passer la soirée avec lui, qui d’autre qu’elle pourrait l’écouter parler des heures des astres et de la voûte céleste ? Elle semblait piquée par sa réponse et Léo qui la connaissait par coeur su que son sourire était factice, il cachait cette jalousie dont elle devait avoir honte et même s’il trouvai cette réaction adorable il voulu rectifier, ne pas la laisser dans l’erreur. Mais il lui avait déjà demandé si elle aussi attendait quelqu’un et quand elle répondit que oui il serra les poings dans ses poches et les mâchoires pour ne pas réagir avec trop d’impulsion. S’il lui disait qu’en vérité il n’attendait personne elle voudrait certainement partir pour ne pas le déranger, c'était son grand truc à Grace, ne pas gêner les autres, se faire toute petite, invisible. Et lui voulu la garder un instant de plus, histoire qu’elle se souvienne que même si elle voyait un autre homme, elle l’avait aimé lui, il avait compté plus que les autres. Son côté possessif prenait le dessus, donc il ne dit rien, la laissant croire qu’une autre allait arriver. Reste avec moi le temps qu’il faut. Une première étoile traversa le ciel et Léo sourit comme un gamin. Le spectacle commence. Tu l’as vue ? On dit qu’il faut faire un vœux quand on voit une étoile filante. Il regardait Grace avec douceur. Il allait faire son vœux, comme quand il était petit, il allait y croire de toutes ses forces même si peu de ses rêves d’enfant s’étaient réalisés. Il s’appuya contre son arbre et s’assit à même le sol, le bouton pour prendre des photos à distance dans la main il n’avait qu’à appuyer dessus pour que l’appareil fasse son travail, en pause longue, il aurait des clichés sublime des astres en mouvement. Tu veux t’asseoir un instant ? A moins que tu ne veuilles l’attendre debout. Elle pourrait venir se lover contre lui comme des mois plus tôt lors de leur séjour au Bénin lors d'une des plus belles soirées étoilées qu'il ait vécu, peut-être oserait-elle. Étrangement, à la façon dont Grace se comportait, il doutait que qu’elle ait un véritable rendez-vous, mais il n’allait pas la traiter de menteuse, ce serait vexant. Et puis, en un sens, il venait lui aussi de lui mentir alors ils étaient quittes.

Grace ne voulait pas le gêner dans sa quête des étoiles, du cliché parfait. Encore moins en sachant qu'il attendait quelqu'un, elle ne voulait pas croiser celle qui avait remplacé sa personne dans son cœur. Elle ne voulait pas mettre un visage à cette jalousie qui grandissait. Elle ne voulait pas même penser trop longtemps qu'il puisse passer la soirée avec une autre femme qu'il aurait invité un mois après leur séparation, ça la blessait et pour répondre à cette attaque de sentiment, elle rétorquait par le mensonge. La blonde attendait quelqu'un, une personne imaginaire, avec qui elle passerait la soirée juste dans l'espoir de rendre Léo un peu jaloux, comme elle se sent, même si ça allait être compliqué de rendre jaloux quelqu'un qui s'était déjà entiché d'une autre personne. S'ils s'étaient dit qu'ils devaient faire de nouvelles rencontres, voir du monde, elle ne pouvait accepter que ses relations à lui changent, qu'il trouverait de l'amour en l'amitié d'une personne. L'ancienne sainte baissait les yeux sur le sol alors que tout le monde les levaient au ciel pour apprécier les premières étoiles qui tapissaient le ciel. Elle relevait rapidement son menton lorsqu'il lui demandait si elle l'avait vu. Non. Mais elle acquiesçait de la tête avec un large sourire. Un vœux, elle n'en avait pas forcément, rien ne lui venait en tête. Tout ce qui était magie ou destin, elle n'y croyait pas réellement, pensant que tout arrivait pour une raison, qu'il fallait déclencher les choses par soi-même, espérer ne pouvait pas faire avancer les choses. Mais si c'était pour lui, alors elle pouvait s'ouvrir l'esprit et choisir quelque chose parmi les choses qu'elle souhaitait dans sa vie, elle ne perdrait rien et dire la vérité à Léo gâcherait tout. « Je suppose qu'on ne doit pas dire son vœux aux autres. » Quand elle verrait une étoile filer sous ses yeux, elle choisirait le bonheur des autres au sien, son vœux s’il fonctionnait n’allait pas se répercuter dans sa vie. Elle ne savait pas si ça allait être   convenable, mais puisqu’elle ne le dirait à personne, ça lui en était égal. « Donc je ne pourrais même pas savoir ce que tu souhaites le plus au monde. » Elle finissait par rire en le regardant. Il lui proposait alors de s’installer et elle s’exécutait en gardant une distance raisonnable ou plutôt à une distance comme une enfant qui ferait la tête à son ami. Ils pouvaient s’entendre, c’était suffisant. Elle lui en voulait et en même temps ne voulait pas montrer tout geste qui pourrait aller à l’encontre de ce qu’ils avaient convenus. Il n’y avait plus rien entre-eux, c’était tout. Pour pousser sa comédie jusqu’au bout, elle sortait de la poche de sa veste son portable, lui faire croire qu’elle recevrait un message lorsque le soit-disant homme arriverait sur les lieux. « Je te l’ai dit, j’ai quelques minutes devant moi. » Annonçait-elle avec un sourire. Elle pouvait prévoir autant de temps qu’elle le souhaitait à regarder son ex plutôt que les étoiles, il volait le spectacle rien qu’avec sa personne. « Tu n’as pas peur qu’en restant assit dans l’ombre, elle ne te trouve pas ? » Cette fille qu’il attendait, c’était pas le meilleur endroit pour se faire remarquer. Elle avait presque honte de revenir dessus, de se faire prendre dans sa contrariété. « Tu vas mieux, sinon ? »

Si elle l'avait vraiment dérangé, Léo le lui aurait dit, il était intransigeant lorsqu'il s'agissait de sa passion, quand il avait besoin de se concentrer il préférait rester seul dans sa bulle sans personne pour le déranger. Mais ce soir c'était différent, il n'y avait aucun enjeu pour lui, ces photos il ne les vendrait peut-être pas, c'était pour son plaisir personnel et puis le ciel était un sujet assez simple à exploiter quand on savait comment faire. Bien que... aurait-il laissé passer cette chance de pouvoir reparler à Grace, même pour sa course au cliché idéal ? Son voeux le plus cher, celui qu’il faisait inlassablement depuis qu’il était gamin et qu’il avait reformulé ce soir encore c’était aller dans l’espace, aussi bête que ça. Et certainement qu’il ne réaliserait jamais mais il fallait bien qu’il garde une part de rêve, surtout un soir comme celui-ci. Ca n’avait rien de romantique, rien de solennel, il aurait pu souhaiter finir sa vie avec la jolie blonde qui lui faisait face, mais c’était cliché, mièvre et puis peut-être bien tout aussi irréaliste que son voyage dans l’espace alors autant ne pas se prendre au sérieux, il prenait moins de risque, pas de déception possible. Il la fixa un instant, plantant son regard dans celui de Grace, c’était presque douloureux. Il y a tellement de choses que je souhaite. Mais ça c’est un vieux rêve de gosse, j’peux pas te le dire, non, ça porte malheur il parait. Il sourit avec toute l'espièglerie qui le définissait avant de s’installer contre son arbre. Grace fit de même, toutes distances gardées, il la comprenait, elle se préservait et elle avait raison. Après tout ils étaient séparés, alors elle n’avait aucune raison de s’approcher trop près de lui. Elle était une mauvaise menteuse, Léo le savait, elle savait qu’il savait, alors pourquoi continuer la comédie… elle sortait son téléphone et il écrasa un sourire presque ironique. Hochant la tête il avisa l’appareil, on ne capte pas bien ici. Il haussa un sourcil, lui n’était pas meilleur qu’elle, il mentait également, du moins il avait omit de lui dire qu’elle avait mal compris. C’était son grand truc, à Léo, l’omission, comme il avait omit de dire à son ex qu’il avait embrassé Grace lors de leurs retrouvailles, comme il omettait de donner son vrai prénom quand il travaillait, comme tout un tas d’autres choses, ce n’étaient pas de vrais mensonges, juste qu’il était doué pour arranger la vérité pour qu’elle lui convienne à lui ou pour ne pas blesser les gens, ou pour se donner bonne conscience de cette façon. Ce n’était pas volontairement méchant, mais ça ne le faisait pas non plus passer pour la personne la plus honnête qu’il soit et il lui arrivait de s’en mordre les doigts par la suite. Elle n'observait pas du tout le spectacle, Grace. Et à la façon dont elle le regardait, Léo en oubliait également la raison pour laquelle il était venu ici, les étoiles n'attendaient pas, pourtant il s’en moquait quand elle plongeait ses yeux dans les siens. Il pencha la tête de côté avec un sourire énigmatique. Il n’y a aucune chance que je loupe mon rendez-vous, ne t’en fais pas pour moi. Il appuya sur son interrupteur pour déclencher une photo, espérant en avoir au moins une bonne alors qu’elle le déconcentrait totalement. Je vais bien, il haussa les épaules, ça c’était un mensonge, et toi ? J’ai l’impression que tu marches beaucoup mieux. En tout cas elle n’avait plus de béquilles et les blessures visibles semblaient s’être estompées. Il y avait pourtant des blessures bien plus graves qui ne risquaient pas de se refermer de si tôt.

Le malheur, elle semblait connaître maintenant. Sentir un vide au plus profond d'elle, se réveillant en pensant à une personne qu'elle n'aurait plus, voir un futur qu'elle envisageait effacer en quelques secondes. Si elle s'était promise de ne plus y penser, ça tournait dans tête, elle avait sentie quelque chose de nouveau, un sentiment triste qui s'était imprégné à sa personne, ne voulant pas partir. Et elle ne pouvait pas s'enfuir, lorsqu'elle voyait l'homme qu'elle aimait, celui qui hantait ses pensées agréablement de sa personne et l'abattait de son absence. Pour avancer il fallait l'oublier et c'était compliqué. En s'approchant de lui ce soir, elle se disait qu'elle aurait peut-être l'occasion de lui parler une dernière fois, que la fin de leur conversation serait plus satisfaisante que la dernière, qu'elle pourrait rester sur une belle image de lui avant de disparaître parmi les autres, ne redevenir qu'une femme banale. Elle ne voulait pas le déranger, elle ne voulait pas qu'il se force à faire la voir, accepter sa présence. « Bien, je n'ai pas besoin de ça pour le moment dans ma vie. » Finissait-elle à répondre dans un rire des plus doux, tournant son regard une nouvelle fois sur lui, détaillant chaque trait de son visage comme s'il était une œuvre d'art, plus impressionnant que ce qu'il se passait dans le ciel. Il n'y avait que lui qui rayonnait pour elle. La blonde finissait par s'installer au sol, gardant une distance entre eux pour ne pas laisser son imagination divaguer, pour garder quelque chose de son discours, du fait que quelqu'un devait la rejoindre. « Arf, tant pis, il attendra. » Soufflait-elle en fixant son portable, quel échec. Pourquoi mettait-il le doigt sur chaque détail ? Elle perdait presque confiance en elle, même si elle n'était pas énorme. Elle ne pouvait pas se faire passer pour une personne qu'elle n'était pas, la vérité finissait toujours par se savoir. Grace était incapable de passer à autre chose en si peu de temps, de rayer Léo de son cœur. Elle pourrait se dire qu'il l'avait déjà oublié, lui, que ses lèvres avaient déjà rencontrées d'autres, qu'il s'était égaré dans le lit d'autres femmes, mais si ça lui mettait un point dans la poitrine, ça ne l'empêchait pas de l'aimer. « Ah. » La blonde souriait doucement, finissant par regarder le pourquoi elle était venue à la base. « Je crois aller bien. » Elle mentait, c'était même visible, comment pouvait-elle aller mieux ? Comment il pouvait y croire à cette connerie ? Elle n'en savait rien, elle le disait juste. Elle était sur le chemin pour la guérison de son âme, recoudre les plaies de cette aventure. « Léo, cette femme ... Elle n'existe pas, hein ? » N'osant pas le regarder, elle se contentait de pincer ses lèvres, sentant son cœur battre plus rapidement qu'à l'habitude. « Tu n'as pas réellement trouvée quelqu'un après seulement un mois, si ? » On pouvait sentir dans sa voix qu'elle était blessée. Il était capable de se trouver n'importe quelle femme en peu de temps, mais elle n'osait pas lui dire qu'il l'avait ‘remplacer'. Grace était une femme facilement remplaçable, elle ne marquait pas les cœurs, du moins c'était ce qu'elle pensait, que son impact dans une vie n'était pas important.

Il lui sourit tristement, en effet, elle n'avait pas besoin de malheur en plus, il était bien d'accord avec elle. La pauvre qui avait vécu dans sa bulle toute sa vie n'avait pas été épargnée depuis son émancipation. Et la chute de le relation n'avait sûrement pas aidé. Pourtant elle devait bien comprendre que la vie n'était pas monotone ou alors toujours pleine de joies, les peines et la douleur en faisaient partie, aussi difficile soient-elles. Léo  avait eu son lot lui aussi, la perte du bébé l'avait beaucoup affecté, lui avait mis tant d'espoir dans cette petite vie en devenir, lui qui s'y était attaché si rapidement, peut-être trop. Et puis la rupture, brutale mais inévitable, depuis il ne se ressemblait plus vraiment, du moins il ne ressemblait plus au Léo que la blonde avait tant aimé. Lorsqu'elle le fixait de la sorte, notre homme se sentait beau, elle ne posait pas sur lui le même regard que les autres femmes, celles qui ne voyaient que l'homme attirant, Grace, elle, cherchait toujours autre chose, elle voyait celui qu'il était vraiment, celui qu'il aimait être lorsqu'il la côtoyait. Le garçon sensible et passionné, celui qui parlait trop et qui la couvrait d'amour. Cet homme là se perdait petit à petit. Qu'il attende, oui, ce fameux inconnu, le photographe n'avait pas l'intention de lâcher se belle si facilement et même si son rencard n'était qu'un mensonge et qu'elle n'attendait personne, Léo était plutôt heureux qu'elle ne cherche pas fuir sa présence comme elle savait si bien le faire. Elle, pourtant, semblait se décomposer à mesure qu'elle pensait voir arriver une autre femme pour la remplacer, si elle savait qu'elle se trompait totalement. Même s'il était amusé par la situation, Léo ne la ferait pas durer trop longtemps, il finirait bien par lui dire qu'il n'attendait personne, mais pas encore. Tu crois... Cette réponse n'était pas convaincante, en même temps ils étaient tous les deux à ramasser à la petite cuillère, ça se voyait tellement, ils faisaient peine à voir. Il se suffirait d'un geste, que Léo se rapproche de Grace et qu'il la prenne contre lui pour qu'ils aillent déjà mieux, mais pour combien de temps, ce ne serait qu'un pansement sur une plaie béante qui méritait d'être recousue, qui demandait du temps pour cicatriser. Sa question le surpris tout en le soulageant, elle venait de comprendre ou bien elle ne pouvait pas croire qu'il ait retrouvé une autre fille aussi rapidement. En vérité il aurait pu emmener qui il voulait ce soir, ce n'aurait pas été difficile. Tout comme il n'avait pas été compliquer non plus de séduire Freja ou de se faire embrasser par Svetlana, non, il savait comment faire et, même s'il ne le dirait pas à Grace pour ne pas la blesser, c'était peut-être ce qu'il appréciait le plus depuis leur rupture, cette liberté nouvelle qui le rendait avide de rencontres, celle qui lui donnait le droit de se perdre pour une nuit dans des bras inconnus. Mais ça n'enlevait en rien la douleur et le manque de Grace, ça n'atténuait pas l'amour qu'il éprouvait désespérément pour celle qu'il avait laissé partir.  Il sourit doucement en baissant les yeux. C'est toi qui as compris que j'attendais quelqu'un, moi je n'ai jamais rien dit de tel. Mon rancard, comme je l'ai dis, c'est avec les étoiles, rien de plus. Il soupira et tendit la main vers elle pour lui faire relever doucement le menton et la forcer à le regarder, à assumer sa curiosité. Il n'y a personne d'autre que toi avec qui j'aurais pu venir ce soir. Il n'y a personne dans ma vie, tout simplement. Parce qu'elle prenait encore toute la place et il n'était pas prêt à guérir d'elle. Tu sais que tu mens très mal, n'est-ce pas ? Son sourire s'élargit d'avantage. Toi non plus tu n'attends personne... Tu voulais tester ma jalousie ? Elle n'avait pas besoin de ça pour savoir que Léo était possessif et qu'il ne supporterait pas de la savoir avec un autre que lui, elle le connaissait bien.

Elle ne pouvait pas considérer aller bien. Elle pouvait essayer de se faire croire, de plonger dans ce mensonge pour finalement espérer que ce soit vrai, mais c'était sa limite. Grace ne pouvait aller bien parce que son cœur était rongé par la tristesse, par l'absence de deux êtres qu'elle aimait. Et s'il lui restait sa famille et ses amis, ça n'arrivait pas à combler le manque ou simplement diminuer sa tristesse. Mais elle le prétextait d'aller bien, pour n'alarmer personne, pour ne pas se sentir encombré dans les moments où elle avait besoin d'être seule. Et celui qui avait été le plus important dans sa vie pendant un moment ne dérogeait pas à la règle, elle répondait la même chose que ce qu'elle répétait aux autres. Grace n'avait pas besoin d'écouter les autres êtres désolés pour elle, moins elle en parlait, mieux elle se sentait et plus vite elle passerait à autre chose. C'était ce qu'elle se disait. Pour le moment, un autre mal la dévorait, celle de voir une femme arriver, prendre sa place dans les bras de Léo qu'elle avait gardée si longtemps à ses yeux. Peut-être parce qu'il avait été sa seule relation, elle se sentait possessive ou peut-être que c'était naturel de ne pas vouloir comprendre qu'il pouvait être heureux avec une autre. Parce qu'elle n'arrivait pas à être heureuse sans lui dans les parages. Elle lui demandait, si son rendez-vous était réel et il finissait par répondre que c'était elle qui avait mal compris. Elle aurait dû s'en douter qu'il n'était là que pour les étoiles, mais la jalousie créait tellement de scénario, elle s'en sentait mal. Ses yeux bleus se plongeaient dans ceux de Léo, brillants. Son cœur s'emballait lorsqu'il disait ne vouloir venir ici avec personne d'autre qu'elle. « Je me sens tellement stupide. » Elle tentait de regarder ailleurs, mais son regard finissait toujours dans celui de Léo. « Pourquoi tu m'as laissé croire ça ... » Elle couvrait son visage de ses mains, sentant la honte couvrir ses joues et elle pensait ne pas s'en sentir lorsqu'il disait qu'elle mentait très mal. « J'ai fait du mieux que j'ai pu. » Un large sourire envahissait son visage, remontant ses pommettes alors qu'elle levait les yeux vers les astres. « Je ne voulais rien tester du tout, ne crois pas que je suis aussi fourbe. Je voulais te faire croire que je pouvais être désirable. » Par quelqu'un d'autre que lui. Mais pas une personne ne pouvait penser comme lui, prendre soin d'elle comme lui l'avait fait. Il avait placé la barre trop haute pour que Grace puisse s'imaginer ailleurs. « Personne ne voudrait d'une fille avec une atèle. » Elle haussait les épaules. « Ou c'est peut-être moi qui ne veux personne d'autre à mes côtés. » Ses pupilles scintillantes se dirigeaient une nouvelle fois vers lui, se rendant compte de ce qu'elle venait d'avouer. Ce qu'elle pensait de lui, elle ne voulait le garder que pour elle, pour ne pas avouer qu'elle souffrait de son amour disparu. « Tu devrais peut-être avoir du calme pour tes photos ... » Bredouillait-elle, sous-entendant qu'elle comptait le laisser pour de bon tranquille, qu'il ne soit pas déçu de sa soirée de sa faute. Elle ne voulait pas rajouter quelque chose sur la liste des points négatifs de sa personne, elle devait déjà être assez grande.

C’était presque trop facile de manipuler Grace, de lui faire croire ce qu’on voulait. Lors de leurs retrouvailles, dans ce bar où elle était seule devant son verre, Léo avait bien réussi à la pousser dans ses retranchements pour qu’elle vienne à tomber dans ses bras, ce soir là il s’amusait avec elle, sans penser qu’ils iraient si loin, sans se dire qu’il y aurait des conséquences, sans jamais imaginer qu’ils finiraient si abîmés autant l’un que l’autre. Et ce soir, à la faveur de ce grand ciel illuminé, il la voyait si vulnérable, cachant sa douleur comme elle pouvait pour ne pas lui montrer qu’il comptait trop pour elle. Il s’en voulu, un peu, de jouer une nouvelle fois, de se jouer d’elle pour la percer à jour, il n’avait pas besoin de ça pour savoir ce qu’elle avait en tête. Pourtant elle faisait la même chose, il avait été un bon professeur il fallait croire, bien que ce ne soit pas la meilleure chose qu’il ait pu lui enseigner, précher le faux pour savoir le vrai. Il sourit doucement, honteux de son presque mensonge et en même temps conquis par sa candeur pleine d’un charme qui n’appartenait qu’à elle. Je ne t’aurais pas laissé y croire longtemps, j’suis pas si cruel. Il grimaça. Peut-être que j’avais envie de te voir jalouse. En vrai il en avait totalement envie, parce qu’elle lui aviat dit avoir quelqu’un et que cette simple idée le contrariait bien plus qu’il ne l’admettrait devant elle. Une nouvelle fois son sourire réchauffa Léo alors qu’il l’écoutait avouer qu’elle n’avait pas confiance en sa beauté, elle n’avait pas confiance en elle, tout simplement. Pourtant comment Grace pouvait-elle douter qu’elle l’attire lui, qui serait prêt à tout pour elle ? Ou que les autres hommes la trouvent séduisante, elle qui était si belle. Tu es bien moins fourbe que moi, c’est vrai. Et, si toi tu en doutes, moi je sais très bien que les autres hommes te trouvent désirable, j'ai vu leurs regards, il baissa les yeux, c’est bien là le problème. Bien qu’il ait admis qu’il n’était sûrement pas l’homme qu’il lui fallait, il n’arrivait pourtant pas à se résigner à imaginer la jolie blonde avec un autre. Il avait tellement peur qu’on la brise d’avantage, qu’on la brusque, elle qui avait besoin de temps et de douceur. Lui n’était sûrement pas le plus doux, il l’avait mainte fois bousculé, mais toujours dans l’idée de l’aider, à sa façon, même mauvaise. Et il connaissait les hommes, il savait que certains n’avaient pas que de bonnes intentions et que ceux là n’en auraient rien à faire de la blesser, rien que cette idée le mettait dans une rage noire. Il plissa les yeux en penchant légèrement la tête de côté, une nouvelle étoile venait de passer, elles se rapprochaient de plus en plus, on allait arriver au moment magique de la pluie tant attendue, mais les mots de Grace étaient finalement ce qui le faisait vibrer le plus ce soir. Il soupira, lui non plus ne voulait personne d’autre à ses côtés, il se trouvait tellement con, ils trouvait qu’ils étaient tous les deux si stupides de se mettre des barrières, s’ils voulaient tant être au côté de l’autre pourquoi s’en empêchaient-ils ? Pourquoi compliquer cette vie qui n’était déjà pas simple ? Il hésitait, comprenant qu’il n’aurait peut-être qu’un mot à dire, qu’un geste à faire pour qu’elle vienne à nouveau le réchauffer et réparer ce coeur en mille morceaux. Pourtant ils avaient essayé, plusieurs fois, sûrement trop déjà, pour toujours finir par se séparer. Il hésita trop et comme pour combler le silence qui devenait gênant ce fut Grace qui repris la parole. Léo avait laissé passer sa chance et à présent elle s’excusait à nouveau de le déranger. Tu peux partir oui… Il soupira, parce qu’il ne voulait pas qu'elle le quitte si vite, il posa alors des yeux tristes sur elle. Mais je n’en ai pas envie. Comprenait-elle au moins qu’il se moquait bien de ces sublimes astres à présent, peut-être gâchait-elle son travail en un sens, mais ça ne comptait plus, plus rien ne comptait puisqu’elle était près de lui. Viens, on s’en fou de ce qu’on s’est dit, viens contre moi, juste ce soir. Parce qu’après tout ils en mouraient d’envie tous les deux, alors qu’ils fassent comme s’ils se moquaient du lendemain, comme s’il n’existait pas, ce soir, au moins pour cette nuit, ils se sentiraient vivants, ils pourraient prétendre que tout allait bien.

Pour la rendre jalouse, il savait comment s'y prendre. Il n'avait qu'à évoquer qu'une autre femme avait pris sa place et elle sentait un mauvais sentiment gronder dans sa poitrine, torturer son crâne de questions. Pourtant, elle n'était pas une personne jalouse, elle avait grandi en apprenant que les choses arrivaient pour une raison, qu'il fallait se donner la force pour arriver à quelque chose et envier les autres ne serviraient à rien. Sauf qu'imaginer son ancien amant heureux avec une autre, ça lui faisait mal au coeur, ça remplissait son esprit d'un sentiment triste et elle se dévalorisait tout en espérant que tout ça ne soit qu'une blague. Et en même temps, elle ne lui souhaitait que ça, du bonheur, s'il l'était, alors elle pouvait s'en satisfaire. « ll n'y a rien d'intéressant à voir quand je suis jalouse. » Elle lui envoyait un rire léger avant d'avouer que si elle s'était inventée quelqu'un, c'était pour lui prouver qu'elle pouvait être belle aux yeux de quelqu'un d'autre, qu'une personne pouvait poser le même doux regard sur sa personne comme Léo avait pu le faire, sauf qu'elle ne faisait que mentir. Elle voulait se faire désirer tout en n'étant pas vu comme une conquête tout en restant une personne invisible puisque son souhait semblait impossible. Il n'y avait que Léo qui la faisait se sentir bien, il n'y avait que ses regards qui la rendait belle. Même si elle devait passer à autre chose, remettre cet homme dans un coin de sa tête pour continuer d'avancer, elle n'y arrivait pas, c'était trop tôt pour l'oublier. « Tu penses ? » Il disait peut-être ça parce qu'il était jaloux lui aussi, qui sait. « Quel problème ? » Ses pupilles brillantes se tournaient vers celui qu’elle aimait alors que son cœur se resserrait une nouvelle fois. Est-ce qu’il y avait eu un soucis dont elle n’était pas au courant ? Est-ce qu’il parlait de quelqu’un précisément ? « Tu n’avais pas à te soucier du regard des autres, tu sais très bien où mes yeux se dirigeaient. » Même si elle ne connaissait pas le problème, elle pouvait affirmer qu’il n’y en avait que pour lui, qu’elle ne regardait personne d’autre avec la même tendresse. Elle pouvait bien lui dire ces mots, ça ne changerait rien. Grace lui avait fait tant de mal qu’il n’y avait pas moyen de panser les plaies, elle n’était qu’un naufrage de plus dans sa vie et ça ne changerait pas, pas même s’il affirmait le contraire. Une nouvelle fois, elle se sentie de trop dans cet espace, comme une tâche noire dans l’environnement de Léo, peut-être qu’il ne disait pas à Grace qu’il l’encombrait pour ne pas la vexer et ça lui faisait du mal de penser ça. Sauf qu’il la retenait une nouvelle fois, lui disant qu’il n’avait pas envie qu’elle parte. Elle ne pouvait retenir le sourire qui se dessinait sur ses lèvres, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que c’était une mauvaise idée. « Comment veux-tu que je t’oublie si tu agis comme ça avec moi ? » Elle riait de plus belle, posant son regard bienveillant sur lui. Si elle restait avec lui ce soir, si elle se blottissait dans ses bras, ça ne lui ferait que plus de mal en le quittant, ça n’attiserait que sa flamme une fois de plus inutilement. « J’espère que tu n’es pas aussi parfait avec les autres qu’avec moi. » La blonde sous-entendait les autres femmes, parce qu’elle le savait bien, qu’il n’y avait plus qu’elle dans sa tête. Elle n’arrivait toujours pas à se dire comment est-ce qu’elle avait pu tout ruiner avec lui, pourquoi elle l’avait tant éloignée d’elle.  

Quand elle était jalouse Grace avait cette petite moue boudeuse qui cherchait à ne pas le montrer et pourtant Léo ne voyait que ça, il ne l’avait pas vu souvent exprimer ce genre de sentiment, parce qu’il ne lui avait pas fréquemment donné l’occasion de l’être, mais à chaque fois il avait craqué pour cette mine renfrognée qui essayait de sembler détachée. Après tout la jalousie n’était pas vraiment bien vue dans la religion. Il sourit en baissant les yeux vers le sol, tout était beau à voir chez Grace, il était totalement sous son emprise même si elle ne s’en rendait pas compte, il avait beau essayer, lui trouver des défauts, lui en vouloir pour certaines de ses actions, ses secrets et ses mensonges, tout ça c’était des erreurs de parcours mais il savait bien qu’il pourrait tout lui pardonner, qu’au fond il en était épris jusqu’à l’os, il était foutu. Elle semblait avoir un tel besoin d’être aimée, d’être considérée comme jolie, comme attirante, à ses yeux peut-être mais à ceux des autres aussi, il lui sourit faiblement, triste de se rendre compte que son seul regard ne lui suffisait plus, elle avait besoin de plus et c’était en grande partie de sa faute, c’est bien lui qui lui avait dit en la quittant qu’elle devait rencontrer d’autres personnes et par personnes il entendait hommes. Il se racla la gorge, gêné par ses propres pensées et l’idée de les lui exprimer. Oh aucun problème grave, juste que la simple idée qu’un autre te touche ou même te regarde un peu trop me rend… Il soupira, n’arrivant pas à terminer sa phrase, pourtant elle était grande, elle en comprendrait parfaitement bien le sens, elle savait que Léo était possessif. Et comme pour le rassurer elle se justifia de façon très douce, il releva son regard sur elle et sourit doucement. On ne sait jamais, je n’suis pas irremplaçable. Il haussa les épaules comme s’il s’en moquait mais cette vérité le terrorisait totalement. Il sentait qu’elle lui échappait déjà, à nouveau, trop tôt encore et il fut pris de la peur qu’elle le laisse seul. Même s’ils n’étaient plus rien l’un pour l’autre que deux ex qui devaient se reconstruire, Léo avait besoin de partager son air, il se sentait bien auprès d’elle, pour la première fois depuis qu’ils avaient rompu il n’avait pas besoin d’alcool ou de plaisirs éphémères pour avoir une sensation illusoire de bien-être, non, il était juste heureux parce qu’elle était là, sans artifices. D'abord résigné, il finit tout de même par lui avouer ce qu’il avait sur le cœur, cette envie de partager sa chaleur. Et même si ce n’était que pour quelques instants, une soirée ou une nuit, si le lendemain ils redevenaient ces étrangers qu’ils s’efforçaient d’être l’un pour l’autre, même si c’était une mauvaise idée que de réveiller ces cœurs meurtris, il ne voulait pas y penser, il se mettait des œillères. Pourtant Grace était raisonnable, elle avait toujours été la plus raisonnée des deux, elle bottait en touche. Peut-être que je ne le veux pas. Petit sourire en coin, lui faisait son sale gosse, son égoïste, il avait menti un peu plus tôt, il était cruel envers elle. Excuse-moi, je n’ai pas à dire ça. Il se ravisait, après tout il avait été le premier à jeter l’éponge. Il la fixa un instant, ne pouvant s’empêcher de penser à ces quelques femmes qu’il avait embrassé depuis quelques temps. Ya pas d’autres femmes. Il ne cherchait pas à lui mentir, elle le connaissait, elle savait qu’il pouvait être séducteur. ...Aucune qui compte. Il soupira, jouant avec un bout d’herbe à portée de main. Tu vas repartir ? Il hocha la tête, incapable de la regarder, d’affronter sa déception et son échec de ne pas avoir réussi à la retenir encore un peu.

Grace ne cherchait pas à attirer les regards, elle se sentait gênée dès lors qu'elle en croisait un. Elle ne cherchait pas un autre non plus, il n'y avait que Léo et même si elle devait l'oublier, elle ne pouvait pas l'arracher de son coeur si vite. Il allait rester encré pendant des semaines, des mois ou des années, il allait rester la torturer sans réellement le vouloir. C'était peut-être cette douleur que certaines personnes n'arrivaient pas à surmonter qu'elle avait cherché à fuir pendant toutes ses années de solitude, ces années où elle ne pensait à personne, qu'elle voulait rester célibataire. Parce que la douleur de la rupture était grande, envahissante et qu'elle pouvait se compter dans la liste de ceux qui n'y arrivaient pas. Derrière les faux sourires, cette pression qu'elle se mettait à se convaincre qu'elle allait bien, qu'elle n'avait pas besoin de lui, il n'y avait qu'une énorme plaie qui l'attristait. La blonde restait croire qu'à force de jouer la comédie, elle s'installerait, que la peine d'avoir tout perdu s'effacerait, laissant qu'un sentiment léger dans son coeur. Que les poids qu'elle s'était installée depuis trop longtemps allaient s'envoler avec. « Personne ne me touche. » Si ça pouvait l'aider à se rassurer. « Et personne ne me regarde. » Ou peut-être qu'ils la jugeaient, parce qu'elle avait un plâtre, peut-être qu'ils connaissaient l'histoire, peut-être pas. Elle préférait la seconde option, que personne ne s'occupe de ses affaires, qu'elle garde son anonymat. « Tu as raison, on ne sait pas. » Elle souriait tristement, elle savait bien que c'était ce qu'elle devrait faire, de peut-être ouvrir son coeur à quelqu'un d'autre pour ne pas que Léo puisse la hanter, mais ce n'était pas son projet pour maintenant, elle voulait conserver leur histoire pour un peu de temps, bien que lui devait l'oublier avec d'autres, ce qui la torturait un peu.Elle ne pouvait pas le contrôler, elle devait lui laisser faire ce qu'il voulait, sauf qu'elle ne pouvait pas s'empêcher d'être jalouse sur ça aussi. Sur tout ce qui se rapprochait de lui et elle se détestait pour ça. Elle le détestait de tous ces gestes qu'il faisait, de cette personne qu'il était, bien trop beau à ses yeux pour faire tout en sorte qu'elle ne l'oublie pas. Lorsqu'il lui disait qu'ils pouvaient s'en foutre pour ce soir, qu'ils pouvaient oublier pendant quelques instants tout ce qu'ils s'étaient dit, elle restait à sa place, tournant simplement ses yeux vers lui. Il savait très bien que ça n'allait pas être possible, pourquoi demandait-il ? Son coeur lui pinçait une nouvelle fois. « Est-ce que c'est moi qui t'ai forcé à ce que tu me laisses, est-ce que tu en avais envie ? » Est-ce que c'était de nouveau elle qui avait laissé Léo derrière elle sans se préoccuper de ce qu'il ressentait ? Elle pensait avoir fait le choix qui convenait le mieux, celui qui pouvait faire qu'ils allaient moins souffrir, mais ils ne faisaient que s'attirer et rester dans un jeu des plus étrange. Grace ne voulait pas d'un entre-deux, elle voulait savoir ce qu'il voulait, ce qu'il ressentait. « Laisse tomber. » Soufflait-elle avant de lui dire qu'elle espérait qu'il n'était pas comme ça avec les autres femmes, ce à quoi il répondait une réponse qu'elle remettait en doute. Elle savait bien que Léo pouvait avoir qui il voulait quand il voulait, qu'il avait un charme qui faisait craquer plus d'une fille et elle avait même pensée au début de leur relation qu'il finirait par la lâcher parce qu'elle était trop ... elle-même. Une nouvelle fois elle lui offrait un sourire des plus tristes. Il y avait bien des femmes, elle s’en fichait bien de si elles comptaient, elles étaient présentes et ça la dérangeait. « Oui. » Elle se relevait, passant une main sur sa robe pour la défroisser. « J’ai un rendez-vous imaginaire qui m’attend. » Soufflait-elle avant de rire toujours en le regardant, plutôt que admirer les étoiles.

Ce serait presque agaçant, cette naïveté dont Grace faisait preuve lorsqu’elle parlait des regards que l’on portait sur elle. Presque, parce qu’on ne pouvait lui en vouloir, cette naïveté n’était pas vaine, elle faisait parti d’elle, c’était même touchant de la voir aveugle face à ce fait. En même temps c’était simple à comprendre, elle avait vécu le plus clair de sa vie cachée derrière sa foi, sans sortir ou si peu, elle ne croyait qu’en l’amour de son Dieu et rien d’autre, grossièrement c’était ça l’idée, selon Léo. Elle ne pouvait donc interpréter l’effet qu’elle pouvait produire, ou peut-être qu’elle en avait peur, il ne savait pas. Mais lui voyait, lui savait qu’elle ne laissait pas que lui indifférent et ça le rendait farouche face aux autres. Et plâtre ou non ça ne changeait pas grand chose à ce visage d’ange qu’elle offrait au monde. Son sourire triste laissa Léo songeur, elle était libre et pourtant elle n’avait jamais paru si prisonnière, un peu comme lui, captifs de sentiments qu’ils n’arrivaient pas à ignorer, à cause desquels ils n’arrivaient pas à avancer, pas totalement, incapables de se projeter dans une éventuelle relation parce que leurs cœurs étaient déjà pris. Il lui offrit le même genre de rictus que le sien, pas un pour rattraper l’autre. Oui, tu es une femme libre à présent. Libre de vivre comme elle le voulait, libérée en partie de la religion, libérée de l’emprise de Léo, au moins de son emprise physique, pour le reste il n’y pouvait rien, si tout les ramenait l’un vers l’autre même quand ils devraient s’oublier. Non, ce soir il n’y arriverait pas, son charme, même s’il fonctionnait visiblement, elle se refusait à y succomber, elle ne viendrait pas se blottir dans ses bras, évidemment il était déçu, même s’il la comprenait, même s’il admirait sa détermination, lui en manquait terriblement. Sa question le décontenança suffisamment pour qu’il reste à la fixer avec des yeux ronds durant quelques secondes silencieuses. Elle le remarqua, finissant par lui demander de laisser tomber. Il secoua doucement la tête. Non, je… je n’en avais pas envie, évidemment que non. Mais tu ne m’as pas forcé non plus. Il souffla doucement en baissant les yeux. Ça devait arriver, c’est tout. Il résumait leur situation par cette simple réponse. Il ne voulait pas la quitter mais la vie en avait décidé autrement, les mensonges de Grace aussi, la perte du bébé, le comportement étouffant de Léo également, tant de choses qui avaient contribué à leur naufrage. On l’avait déjà évoqué, ce n’était pas la faute d’un manque d’amour, c’était juste la faute à pas de chance. Leurs retrouvailles plutôt providentielles commençaient doucement à tourner au cauchemar, Léo en était en partie coupable, à cause de ses frasques depuis quelques semaines. Il n’avait pas pu lui mentir, à Grace, elle avait demandé, il avait répondu, oui, il y avait d’autres femmes, il n’en était pas fier, surtout parce que ces femmes-là il les enchaînait sans se poser de question, s’en servant pour tenter de combler un vide si immense qu’il n’y arrivait pas. Il n’était pas fier de montrer à la blonde qu’il arrivait visiblement à la remplacer presque trop facilement, bien que ce soit totalement faux, il ne la remplaçait pas, ces filles n’étaient que de passage, un pansement dérisoire pour une plaie trop grande, elles n’étaient juste pas à la hauteur face à celle qu’il plaçait au dessus de toutes. Mais comment lui dire ? Et est-ce qu’elle avait vraiment envie de l’entendre ? Peut-être que ce serait plus simple de la laisser croire qu’il n’avait pas besoin d’elle, la blesser pour la faire avancer sans lui… Déjà elle se levait, blessée elle l’était, ça crevait les yeux, alors qu’elle remettait en place les plis de sa jolie robe. Il leva les yeux sur celle qui le fixait d’un regard empli de tristesse et de douceur mêlées. Le cœur au bord des lèvres, il en était malade de la voir quitter les lieux. Les étoiles pouvaient bien aller se faire voir, elles ne comptaient plus alors que Léo cherchait à se faire croire qu’elle serait mieux sans lui, qu’il devait la laisser partir sans rien dire, que ce serait mieux. Ne dis pas ça, c’est un rendez-vous avec le ciel, ça compte. Il se forçait à prendre un ton enjoué alors qu’elle lui souriait si tendrement, elle riait mal quand elle s’obligeait à le faire, ils étaient mauvais acteurs tous les deux, incapables de se mentir. Elle allait tourner les talons et lui se releva alors rapidement pour la retenir. Il attrapa sa main à la volée. Ne pars pas ! Il l’aurait presque crié, comme une complainte du cœur. Je n’sais pas ce que tu veux entendre. Ce qui te ferait du bien, ce qui pourrait te soulager. Je suis malheureux Grace, sans toi, depuis que t’es parti, c'est ça la vérité. Je sais qu’on s’est mis d’accord et je ne reviens pas dessus. Peut-être que ça finira par se tasser, que j’arriverais à vivre sans toi, sûrement que j’y arriverais, à force. Mais ne vas pas croire que je t’ai remplacé, parce que ça n’est pas le cas, pas du tout. J’me berce d’illusions, c’est tout. Et ça me tue que tu partes ce soir, parce que je suis bien quand tu es là. Ce soir, je suis heureux, parce que tu me regardes, parce que tu me souris, parce que t’es là, tout simplement. Il conclut par un sourire timide, presque fautif de s’être ouvert à ce point, envoyant promener la résolution de la laisser croire qu’il allait bien sans elle.