let's play the game, emrys.

La dernière fois que tu t'étais promenée en ville avec Iris, elle s'était retrouvée coincée dans un magasin alors qu'il y avait un incendie. Tu ne te sentais pas vraiment rassurée à l'idée que ça puisse arriver une nouvelle fois mais il fallait aussi aller de l'avant. Traînant dans les rues, elle te demandait si vous pouviez aller dans une boutique. Tu y jetais un bref coup d'oeil avant de secouer la tête à la négative. Tu ne voulais pas faire du shopping, c'était encore trop tôt. Tu lui proposais alors une autre alternative, vous aimiez beaucoup les jeux de société. Surtout quand il y avait August qui venait jouer à la maison, tu les regardais tricher tous les deux sans jamais rien dire. Elle acceptait avec un grand sourire ta proposition. Tu l'entraînais alors dans la boutique qui mettait à disposition plusieurs jeux à l'essai pour la journée. Tu remarquais un visage qui ne t'étais pas inconnu. Pourtant, un visage que tu n'avais pas vu depuis de longues semaines, peut-être même depuis des mois. Tu ne t'en souvenais pas tellement. La dernière fois que tu avais eu l'occasion de lui parler, c'était lors d'un événement de la ville mais tu n'arrivais plus à savoir lequel. Tu avais juste continué de lire les livres qu'il t'avait conseillé sans pouvoir échanger avec lui sur le sujet. Aujourd'hui, il n'était pas seul, accompagné d'un petit garçon qui devait être son fils. Les deux étaient assis à une table, attendant sûrement que quelqu'un se rajoute pour jouer avec eux. Tu proposais l'idée à Iris qui acceptait une nouvelle fois. Tu t'approchais alors de la dite table. « On peut se joindre à vous ? » demandais-tu avec un fin sourire.

Son voyage aux Malouines, seul avec son fils et les grands espaces, le dépaysement, Emrys a pu se recentrer sur lui-même. Ce ne fut pas seulement un voyage professionnel, pour sa thèse, mais également un voyage pour se retrouver et laisser derrière lui ses démons du passé. Il n’a pas pu tout effacer en quelques mois, il n’a pas réussi en plusieurs années, il sait qu’il devra lutter pour ne pas retomber dans la pénombre dans laquelle il vivait depuis des années. Néanmoins, à présent, lorsqu’il regarde son fils il n’a plus ce pincement au cœur, cette tristesse qui autrefois l’habitait. Il y voit peut-être sa femme mais aussi l’espoir d’avancer, la renaissance, quelque chose de bénéfique. Le jeune professeur n’aurait jamais cru qu’un aussi petit être puisse lui apporter quelque chose de si grandiose, de si bon.
Il veut passer plus de temps avec, tout ce temps dont il n’a pas su profiter auparavant, plongé dans sa tristesse et son désespoir. C’est pour cela qu’il est allé le chercher plus tôt à l’école, avec l’accord de la maîtresse, pour aller dans un magasin de jouets. Même s’il ne s’y rend pas souvent, Emrys sait bien qu’on peut essayer quelques jeux parfois avant de les acheter. Ils s’assirent tous les deux autour de la table. Il ne fallait pas quelque chose de trop compliqué, Marvin n’a que cinq ans. Bien qu’il ne soit pas le plus bête, il fallait bien quelque chose adapté à son âge.
Seulement il fallait être davantage pour jouer à ce jeu, Emrys balaya du regard le magasin à la recherche d’âmes pour les rejoindre. Il n’a jamais été très sociable en dehors de son travail, même maintenant il a du mal à aller vers les gens. Tandis qu’il regardait d’un côté, Sunny et sa fille arrivèrent de l’autre côté. Elle leur demanda si elles pouvaient les rejoindre et jouer avec eux. « Oh Sunny ! » dit-il d’abord, surpris de rencontrer une personne qu’il connaissait. Puis il répondit, avec un léger sourire « Avec plaisir. » se serait l’occasion pour lui de rencontrer Iris et son fils de rencontrer Sunny. Il se dit que Marvin doit bien avoir déjà aperçu la fille de la demoiselle à l’école. « Je ne connais pas trop ce jeu mais ça n’a pas l’air compliqué. » De toute façon c’est un jeu pour enfant donc si un futur doctorant trentenaire ne le comprend pas c’est qu’il y a un soucis quelque part.

Il avait tourné la tête en une seconde avant d'accepter ta proposition. Ce qui avait le don de t’enchanter. Pour la première fois en le voyant sourire, tu le sentais léger. Comme déchargé d'un poids. Tu ne savais pas ce qui avait pu se passer dans sa vie dernièrement mais ça te faisait plaisir de le voir ainsi. « Comment vas-tu ? » demandais-tu avec un léger sourire en tirant la chaise de ta fille pour qu'elle puisse s'asseoir. Après quoi tu faisais le tour pour venir t'asseoir à côté d'elle. « Enchantée Marvin ! » ajoutais-tu en prenant place en face du petit garçon. Tu en avais déjà entendu parler mais tu avais bien compris que c'était un sujet sensible et tu avais posé le moins de questions possibles. Tu t'étais dit que s'il voulait t'en parler, il le ferait quand il en aurait le courage. Et si ce jour ne venait jamais, tu t'en accommoderais. Après tout vous vous étiez vu plusieurs fois et souvent vous aviez discuté de livres mais on ne pouvait pas dire que vous étiez des amis. Raison pour laquelle il se limitait peut-être à te livrer certaines informations. Tu étais contente de pouvoir partager un petit moment avec lui et son fils. Iris s'installait à son tour en les saluant cordialement. Toujours aussi souriante, un vrai petit ange, tu pouvais le dire. Il t'avouait ne pas connaître le jeu en ajoutant que ça n'avait pas l'air compliqué. « On devrait s'en sortir alors ! » Tu posais tes affaires sur tes genoux attrapant la règle pour lire vite fait le speech afin de te faire une idée du jeu. Ça allait être un espèce de memory ou de jeu d'apprentissage. Pour cet âge là c'était ce qu'on cherchait à développer, pour lui permettre de mieux retenir les choses et d'avancer dans l'acquisition du langage.

Elle lui demande comment il va. C’est certain que par rapport à leur rencontre, les choses ont bien changé pour lui. Fondamentalement il n’y a pas eu bouleversement externe, le même boulot, la même ville mais son voyage aux Malouines lui a été très bénéfique, il arrive de nouveau à voir du positif dans sa vie, passe davantage de temps avec son fils et n’a de cesse de se répéter que Liz serait fière de le voir ainsi aller de l’avant. A sa place il n’aurait pas voulu qu’elle soit triste, déprimée mais au contraire qu’elle refasse sa vie et soit à nouveau heureuse. « Je vais bien et toi ? » répond-t-il. Si cela peut paraître banal pour beaucoup, pas pour lui, cela fait une éternité qu’il n’avait pas dit ces mots. D’habitude il élude la question ou répond vaguement sans vraiment dire quelque chose de concret. « Enchanté Iris. » dit-il tandis que Sunny se présenta à son fils. Il a le sourire aux lèvres d’un papa content de voir son enfant heureux et de pouvoir en rencontrer d’autres. Peut-être qu’un jour il aura un autre enfant et qu’il pourra avoir une famille heureuse et ensemble ? Cela lui plairait beaucoup finalement.
Sunny est aussi convaincue qu’ils peuvent se débrouiller pour comprendre ce jeu s’adressant aux 4 ans et plus. Elle attrape la règle et les lis tandis qu’Emrys sort les pièces de la boîte. Les deux enfants discutent ensemble de choses de leurs âges tels que les ragots de cours de récréation. Une fois que la jeune femme a fini de lire, il attrape les règles pour les lire à son tour, il comprend rapidement le principe qui n’est pas bien sorcier. Un jeu de pirates et de mémoire, de quoi bien amuser les enfants et leur apprendre des choses en même temps. En plus de ça Emrys, en temps que professeur d’histoire, connaît un nombre impressionnant d’anecdotes sur ces personnages fantasmés. Il ne va pas toutes les raconter aux oreilles innocentes à côté de lui, il ne voudrait pas les traumatiser. Le jeune homme commence à distribuer les cartes à chacun, tout le monde ayant une couleur. « Alors ! Il faut placer vos cartes comme un memory et prendre votre petit bateau, on aura ensuite une minute pour retenir l’ordre de nos cartes. Ensuite on retournera chacun notre tour une carte de la pioche et il faudra la retrouver dans notre jeu grâce à notre mémoire. Une fois que l’on pense l’avoir trouvé, on place notre main au centre. Ensuite on regarde si on a raison ou pas ! Jusque là ça va ? » demanda-t-il plus pour les enfants que pour Sunny qui doit bien avoir compris le jeu. Il explique ensuite les cartes spéciales que sont la longue vue qui permet de regarder une de ses cartes, le drapeau noir qui permet d’échanger deux cartes chez un adversaire et la tempête qui mélange les cartes de chaque joueur puis leur laisse à nouveau une minute pour les mémoriser.