Un + Un, oui ça fait bien deux - Zoé&Gabriele

Samedi soir. Pas de gamine à la maison, vu qu’elle est avec sa mère. Gabriele est donc libre comme l’air et franchement pas décidé à jouer aux jeux vidéos seul toute la journée. Le souci avec les amis, lorsqu’on arrive vers la trentaine, c’est qu’ils ont tous commencé à faire leur vie, avoir des enfants, une femme et donc plus personne de disponible pour sortir. Tant pis, ce n’est pas cela qui va arrêter notre italien. Du coup, fièrement vêtu, il rejoint le cinéma où se déroule une soirée Vanille ou Chocolat, avec la projection exceptionnelle des films « Vanilla Sky » et « Chocolat », ainsi que tout un tas d’animations qui promettent de valoir le détour. Le seul souci, c’est qu’une fois arrivé sur place, c’est déjà bondé avec une majorité d’hommes à l’intérieur. Et le vigile n’a visiblement pas pour consigne de faire entrer davantage de testostérone dans les lieux, à moins que ces messieurs soient accompagnés. Hors de question que notre garçon fasse demi-tour… Ni une, ni deux, il rejoint de nouveau le bout de la file d’entrée et aborde la première demoiselle qu’il trouve à son goût : « Tu es seule. Je suis seul. Et mauvaise nouvelle : ils n’acceptent plus que les personnes accompagnées. Du coup… désormais tu m’accompagnes. » C’est sa manière à lui de ne pas se prendre un vent en faisant croire qu’il ne laisse pas le choix, ou plutôt en ne posant pas directement la question. Il arbore son plus beau sourire, histoire que ça passe encore mieux.

Après une journée entière passée à réviser, tu décides de t'arrêter là, de faire une pause pour ce soir, de profiter de ton samedi, pour une fois. D'autant plus que tu ne travailles ni à l'hôpital, ni au club ce qui est plutôt rare. Malheureusement pour toi, aucun de tes proches n'est disponible et ne voulant pas rester seule à l'appartement, tu décides de te rendre au cinéma où il y a une projection d'un de tes films préférés : Vanilla Sky. Tu le connais par coeur mais tu ne t'en lasses pas. Lorsque tu arrives à Summergarden, tu écarquilles les yeux en voyant le monde et la file d'attente. Ce ne serait pas étonnant que tu sois recalée à l'entrée lorsque toutes ces personnes seront rentrées. Tu soupires et te mets néanmoins dans la file, on ne sait jamais. Alors que tu patientes, tu te fais accoster par un homme que tu ne connais pas, plutôt séduisant, il faut bien l'avouer. Tu fronces les sourcils en entendant ses paroles. Tu ne sais pas si tu dois le croire ou prendre cet acte pour de la drague. Mais tu aimes tellement vanilla sky que tu ne veux pas risquer d'être recalée à l'entrée. Alors, tu hoches la tête, invitant l'inconnu à se joindre dans la file à tes côtés. « Et si j'avais refusé ? Tu aurais remonté toute la file à la recherche d'un "oui" ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, amusée. « C'est bien parce que parmi ces deux films, l'un d'eux est mon préféré. Mais sache, pour la prochaine fois, que je vis pour mon libre arbitre. » En d'autres termes, tu n'aimes pas qu'on te force la main comme cet homme l'a fait. Mais peu importe, tu te dis que de toute façon, une fois devant le film, vous n'aurez plus à rester l'un avec l'autre ou même à discuter. « En passant, je m'appelle Zoé. » Ajoutes-tu sans même le regarder, détaillant plutôt l'avant de la file pour voir s'ils recalent réellement des gens ou non.

Topaz sourit. Il est démasqué, ce qui n’est pas étonnant. « Sans aucun doute. J’aurais tenté avec mon air de chien battu, ça aurait bien fini par fonctionner. » Et puis, il est charmant et de bonne compagnie alors ça aurait été vraiment surprenant qu’il ne se prenne que des râteaux. Faut dire que les femmes aiment qu’on leur fasse la cour généralement. « Dis toi que je te rends autant service à toi qu’à moi, ton libre arbitre te remerciera d’accepter. » De toute façon, désormais il a pris place dans la file d’attente à ces côtés, et à la vitesse où celle-ci avance, ils risquent de devoir patienter là encore de longues minutes. « Et moi, Gabriele. » Mais l’attention de la jeune femme n’est plus sur l’italien. Non, elle a l’air de vérifier ces dires et heureusement pour notre banquier, il n’a pas tout inventé. C’est un groupe de trois hommes célibataires qui se fait bientôt gentiment recaler. On leur dit d’attendre sur le côté, pour la forme, au cas où des places se libéreraient, mais c’est complètement idiot… Les gens sont venus voir les films et les projections n’ont même pas commencés donc personne ne sortira de là… Gabriele espère que même accompagné, il sera accepté cette fois… « T’es venu voir lequel des deux films ? A moins que tu ne sois là que pour le buffet à volonté ? » Plaisante-t-il bientôt dans le but de faire la conversation afin que le temps passe plus vite. Et puis, ça serait pas mal de donner aux vigiles l’illusion qu’ils sont vraiment en couple…

« Ton air de chien battu ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, un sourire amusé aux lèvres. Tu as hâte de le voir à l'oeuvre ce fameux sourire de chien battu. En tout cas, avec toi, il n'avait pas été nécessaire d'en arriver là. « Ah bon ? Et pourquoi ? » Sans doute parce que seuls les couples semblent pouvoir rentrer. Tu le remarques lorsque tu te mets sur la pointe des pieds pour observer l'avant de la file. Pour voir si les dires de cet inconnu sont vrais ou juste une technique de drague. Visiblement, c'était la vérité vraie. « Enchantée Gabriele. » Dis-tu avec un léger sourire. Malgré tout, si tu devais passer un bon moment dans cette file, autant le passer en bonne compagnie. Parce qu'au vu du monde et de la taille de la file, vous étiez là pour un certain temps. Alors autant apprendre à se connaître, non ? « Vanilla Sky, c'est un de mes films préférés. Et toi ? » Demandes-tu en riant légèrement en l'entendant parler de buffet à volonté. « Bien sûr que je ferai un arrêt au buffet. Qui s'en priverait ? » Tu ris à nouveau, avant de secouer la tête, reprenant tes esprits. « Et qu'est-ce que tu fais dans la vie Gabriele à part arpenter les files de cinéma ? » Demandes-tu, taquine en posant à nouveau ton regard sur le brun.

Il ne faut pas lui demander plus longtemps à Gabriele, ce clown par intérim. Il prend le fameux air pendant quelques secondes, bien exagéré pour implorer toute la pitié du monde. Il est persuadé que ça suffira à faire rire la demoiselle. « Bah sinon, t’aurais pas pu rentrer… » Il amorce une petite grimace et les affaires qui se tiennent bien devant eux vont en son sens, heureusement. « Moi, c’est plutôt Chocolat. » Avec une bonne tablette de kinder ou de milka d’ailleurs, ça passerait encore mieux, même si le film en lui-même n’a rien à voir avec ce délicieux mélange sucré que Gabriele affectionne tant. « Je risque de briser le mythe du mec cool si j’te le dis… » Il hoche la tête frénétiquement. Ce n’est pas son genre de se vanter sur sa profession ou d’en parler car il a toujours peur que les gens aient des préjugés – pas forcément faux mais bon. « J’suis un homme d’affaire, dans le monde de la finance. » Commence-t-il alors pour faire presque rêver. « Banquier… » Il attend la réaction de la jeune femme. On l’a déjà envoyé bouler pour moins que cela une fois, alors même s’il y a mis les formes, il s’attend à tout. C’est bête quand même, de faire un métier qu’on aime et de devoir limite le cacher pour ne pas se faire jeter des tomates. Les gens ont tellement une vision négative des banquiers qui cherchent toujours à vous arnaquer, qui vous volent vos sous. Sérieusement, si c’était le cas, vous ne croyez pas que Gabriele serait plus riche et vivrait dans un appartement plus luxueux ? « Et toi… Laisse-moi deviner… Etudiante ? » Il le devine par son jeune âge tout simplement, mais il y a aussi de grandes chances qu’il se trompe.

Bien que tu essaies de contenir un rire entre tes lèvres, c'est impossible et il se libère après quelques secondes. Cet air de chien battu sonne faux et vrai à la fois. C'est assez pour te faire rire, en tout cas. Mais c'est peut-être ce qu'il cherche après tout. « Quel comédien. » Murmures-tu finalement pour taquiner le jeune homme. Tu hoches la tête en fronçant légèrement les sourcils lorsqu'il t'explique que tu n'aurais pas pu rentrer sans sa présence. Il n'a pas tort mais tu ne le reconnaitras pas de vive voix, trop orgueilleuse pour ça. « Je ne pense pas avoir déjà vu Chocolat. » Mais Gabriele semblait beaucoup affectionner ce film, lui. Il valait peut-être le détour finalement. Tu secoues la tête en souriant lorsqu'il parle du mec cool qu'il est. Tu ne sais pas si tu trouves ça drôle ou énervant qu'il se jette des fleurs comme ça. Même si il n'est peut-être pas aussi sérieux qu'il y paraît. « Qui a parlé de mec cool ? » Demandes-tu avec un rictus aux lèvres pour titiller le jeune homme. Tu ne sais pas pourquoi, c'est plus fort que toi. Mais tu retrouves vite ton sérieux lorsqu'il t'explique sa profession. « C'est un métier comme un autre. Tu as déjà été confronté à des préjugés? » Demandes-tu par curiosité. Toi, tu n'es pas du genre à porter des jugements à la hâte. Tu préfères connaître les gens avant de te permettre de juger. Tu préfères te faire ton propre avis, en fait. Tu arques un sourcil lorsqu'il pointe ta "profession" en plein dans le mille. Etudiante, c'est ce que tu fais actuellement, oui, même si tu es déjà interne à l'hôpital depuis un moment. « Oui mais j'ai bientôt terminé mes études. » Encore un an et ça serait enfin terminé. Après 11 ans d'études, il est temps. « A ton avis, dans quel branche ? » Demandes-tu pour voir si son flair est vraiment infaillible ou non.

« Tu rates quelque chose ! C’est franchement un bon film, à la fois drôle et qui donne une certaine vision du cirque dans le passé, ainsi que de la place des hommes de couleur dans ce milieu. » Gabriele a toujours aimé l’histoire, la culture de toutes les époques, se renseigner sur tout cela, se cultiver. Cet homme aime la culture générale et ne se prive pas pour développer la sienne, bien qu’il se garde généralement de s’en vanter, pour ne pas faire peur.

Il hausse les épaules. Ouais, personne n’avait parlé de mec cool, mais c’est pourtant ce qu’il est, ou ce qu’on dit de lui en général, d’où le fait qu’il l’ait mentionné. Il ne se focalise pas pour autant. Elle semble joueuse, en tout cas, c’est ce qu’il croit. « Plus que tu ne le penses. A vrai dire, quasiment tous les jours. » Ce qui est dingue, c’est que les gens semblent avoir encore plus de préjugés envers les banquiers qu’envers les italiens, mais alors les deux combinés, autant dire qu’on croit beaucoup de choses sur lui qui sont loin d’être vraies, vu qu’il est quand même loin d’être un cliché.

« Je dirais bien dans le domaine littéraire, mais t’as pas l’air assez ‘sage’ pour ça. » Il sourit. Par sage, il entend surtout le côté calme etc qu’on assimile souvent aux personnes issues des lettres. « J’pourrais aussi dire infirmière mais là, c’est moi qui ferait dans le cliché. » Et s’il disait ça, c’est uniquement parce que presque la moitié des jeunes femmes qu’il rencontre font cette profession bizarrement… A croire qu’ils les attirent. « Allez, au pif, dans le marketing ? » Ouais, ça pourrait bien lui correspondre, elle n’a pas l’air farouche.

« Peut-être que je t'accompagnerai pour voir ce film, alors. » Dis-tu avec un léger sourire. Gabriele t'a convaincu dès qu'il a parlé de la place des hommes de couleur dans le milieu et d'un film drôle. C'est deux aspects qui t'intéressent particulièrement et qui font bon ménage dans un même film. Enfin, à tes yeux. Il serait peut-être bien que tu agrandisses ta culture cinématographique avec Chocolat finalement. Tu fronces les sourcils en entendant que le jeune homme est confronté à des préjugés chaque jour en rapport avec son métier de banquier. Toi, tu n'en vois pas beaucoup, là, tout de suite. Et surtout, tu ne te permettrais pas de faire des remarques de ce genre, ce serait complètement déplacé. « Du genre ? » Demandes-tu par curiosité. Tu seras sûrement étonnée de découvrir les préjugés des gens sur le métier de Gabriele. Il en existe sûrement sur ton futur métier, aussi, mais tu ne les écoutes pas. Tu es trop passionnée par ce que tu fais pour ça. Tu ris lorsque Gabriele te met dans la case "littéraire" avant de se rétracter, trouvant que tu n'es pas assez sage pour ça. S'il connaissait ton train de vie, il saurait que tu es assez sage pour ça mais ce n'est peut-être pas à cela qu'il fait allusion. « Sage pourrait me décrire pourtant. » Dis-tu en arquant un sourcil avant de l'entendre prononcer le mot "infirmière". Il n'est pas si loin, finalement. Enfin, il est au moins dans le bon milieu. Par contre, quand il conclut avec "marketing", tu ne peux que prendre un air faussement horrifié. Tu ne te vois pas du tout là-dedans. Les chiffres et toi, ça fait deux. « Ouille. T'es loin là. » Dis-tu en secouant la tête avant d'ajouter : « T'étais plus près en disant infirmière. A vrai dire, je suis en avant-dernière année pour être neurologue. » Plus qu'un an et tu serais enfin apte à exercer pleinement ton métier. Ce sera une vraie libération pour toi, sans aucun doute. « J'crois que j'ai pas trop la tête de l'emploi du coup t'es pardonné. » Dis-tu avec un sourire aux lèvres.

Gabriele hoche la tête, d’accord avec cette proposition. Il était venu seul ce soir, mais il avait bien dans l’idée de faire des connaissances, comme à chaque fois qu’il met les pieds en dehors de chez lui. Bon, ça ne fait pas mouche à chaque fois, mais disons qu’il n’est pas le genre d’hommes à apprécier la solitude trop longtemps. « Dans le genre les banquiers sont des voleurs, n’ont aucun cœur, etc. » Il hausse les épaules. A force, ça ne lui fait plus mal au cœur car il a pris l’habitude mais tout de même, il se protège un minimum. Bon, pour le côté sans cœur, on pourrait parfois lui reprocher mais dans le fond, ce n’est pas un mauvais gars, c’est juste qu’il n’a jamais rencontré la femme parfaite. Avec ses amis, il est toujours présent au moins. C’est plus passionnant de parler d’elle, donc il tourne la conversation en ce sens. « T’as un petit grain de folie dans les yeux pourtant. » Lâche l’italien avec un large sourire. Oui, les yeux qui pétillent, c’est une des choses qui le fait craquer chez les femmes, alors forcément, il le remarque. « Neurologue. » Il fait mine d’être impressionné, mais il l’est vraiment en même temps. C’est rare qu’il soit en présence de femmes aussi impressionnantes. « Maintenant que tu le dis, ça a du sens. » Oui, il ne l’aurait pas deviné, mais ça lui va bien. « Au moins, s’il m’arrive quelque chose, j’pourrais avoir du bouche à bouche. » Ouais, c’est cliché, mais c’est sans doute un des premiers trucs qu’ils apprennent durant les études de médecine. Et parfois, Gabriele n’est pas le meilleur dragueur du monde, que voulez-vous ? La file avance un peu.

Tu fronces les sourcils en entendant les stéréotypes énoncés par Gabriele à propos des banquiers. Ce ne sont pas des adjectifs que tu emploierais, toi, mais tu n'as pas été beaucoup confrontée à eux. Pour payer tes études, tu as trouvé un autre moyen que de passer par la banque. Et même si c'est beaucoup moins gratifiant, c'est bien plus rentable. « Ouais j'imagine que les gens ne doivent pas être tendres tous les jours. » Dis-tu en haussant légèrement les épaules. Même avec toi, parfois, à l'hôpital, les gens pouvaient se montrer durs. Mais le cadre est totalement différent après tout. Tu te montres un peu étonnée en entendant Gabriele souligner le grain de folie dans tes yeux. Peu de gens le perçoivent en réalité. Même si tu es très consciencieuse dans ton travail et dans tes études où la rigueur est importante, tu aimes aussi braver le danger, braver les interdits. Dans la limite du raisonnable, évidemment. « Touché. » Réponds-tu simplement avec un sourire amusé aux lèvres. « Mon travail est un peu plus complexe que du bouche à bouche mais on va dire ça, oui. » Dis-tu en levant les yeux au ciel par amusement. « J'espère que tu ne finiras jamais dans mon service, néanmoins. » Ça voudrait dire qu'il a un problème au cerveau et tu ne le souhaites à personne. Vous avancez encore un peu dans la file et tu soupires en voyant qu'il reste pas mal de monde devant vous. « J'espère qu'ils ne commenceront pas le film sans nous. » Dis-tu en regardant furtivement ta montre.

Gabriele finit par hausser les épaules. C’est la vie, et il s’y est habitué à force. Ces stéréotypes lui passent au dessus, parce qu’au fond, il sait ce qu’il vaut et il a appris à ne pas s’attacher à ce qu’on peut penser de lui. « Oh moi non plus ! Déjà que je ne suis pas fan des hôpitaux alors si c’est pour une maladie grave… » Ouais, le cerveau c’est rarement bénin quand même et même si on lui annonçait qu’il pouvait être guéri, le simple fait qu’on lui ouvre le crâne ne lui plait pas. Il a des frissons rien qu’à y penser, l’italien. Ils avancent un peu, mais comme le dit implicitement la jeune femme, ils ne sont pas prêts de rentrer sur les lieux. « Et que toutes les bonnes places ne seront pas prises aussi. » Ça, c’est encore moins sûr mais bon… Gabriele émet une grimace qui veut tout dire. A défaut, il pourra toujours aller boire un verre en ville, ou juste profiter du buffet, mais ce serait tellement dommage. « Bon, du coup, t’as le temps de me raconter le truc le plus fou qui te soit arrivé à ton boulot… J’imagine que tu dois avoir de sacrés anecdotes. » Il tente de faire la conversation. Il sait qu’il s’en passe des trucs dans les hôpitaux, parce que dès qu’il va dans les soirées étudiantes infirmières, il entend plein de choses plus folles les unes que les autres, qui ne manquent pas de le faire mourir de rire, comme la fois où on lui a raconté qu’un patient avait reçu la visite de pas moins de douze petites amies. Doué le gars !

Les hôpitaux n'étaient pas fait pour tout le monde, en effet. D'ailleurs, la majorité des gens les détestaient mais pas toi. Et bien heureusement, d'ailleurs. Même si la mort y résidait souvent, c'était tout de même un endroit rassurant à tes yeux. Et surtout, c'était un endroit miraculeux où la vie était envisagée sous tous les angles. Mais il n'y avait que le corps médical qui était capable de comprendre cela. Alors, la plupart du temps, tu n'essayais pas d'expliquer ton choix de métier et de vie aux autres. « Il n'y a aucune raison d'imaginer le pire. » Dis-tu avec un sourire se voulant rassurant. Tu ne voulais pas effrayer Gabriele pour rien, au final. Les tumeurs n'étaient pas si courantes, de toute façon. Tu hoches la tête lorsqu'il partage tes espérances à propos du film et des places restantes. « Le pire c'est la première rangée. Ça pète les yeux. » Réponds-tu en soupirant, imaginant déjà finir à la première rangée avec toute cette file qui n'en finit pas devant vous. Tu as l'impression que vous avancez d'un mètre toutes les dix minutes. C'est long, trop long. Finalement, tu es bien contente que Gabriele t'ait abordé malgré la maladresse de sa démarche. « Un jour, un homme est arrivé avec un crayon enfoncé dans l'oeil. Sa femme lui a balancé le crayon après qu'elle ait appris qu'il l'avait trompée. Il ne faut jamais mettre une femme en rogne. » Dis-tu en riant légèrement. Heureusement, l'homme c'en était sorti malgré quelques complications lors de l'opération. « Oh et un jour, une femme est arrivée pour des orgasmes à répétitions. Elle était incapable de les contrôler, ils arrivaient comme ça. Sans prévenir. » Tu ris, amusée par la situation. Pour elle, c'était plus gênant qu'autre chose mais pour toi, c'était un cas de chirurgie rare. Ton métier était rempli de situations comme celles-là, pas simples mais uniques. De l'extérieur, ça semblait sans doute amusant mais une fois sur le terrain, tout était différent et compliqué. Mais c'est ça aussi qui fait la beauté de ton métier. « Et toi ? J'imagine que des clients horriblement chiants, ça doit exister dans ton métier ? » Ajoutes-tu avec un sourire amusé.

« Ouais. » Prononce-t-il en accompagnant sa parole d’un signe de tête significatif. Il est plutôt du genre à se mettre au milieu, bien au centre de la salle même, afin d’avoir une vue imprenable. Les places du fond, ce n’est pas spécialement sa tasse de thé non plus, contrairement à 80% des gens sur cette planète, mais peut-être parce qu’il aurait bien besoin de lunettes pour mieux voir. « Oh mon dieu ! » Il ne peut pas s’empêcher de lancer alors que la jeune femme lui parle d’un crayon dans un œil. Un air de dégoût s’en suit sur son visage. Décidément, il s’attendait à tout sauf à ça. « Le coup des orgasmes à répétition, ça doit être sacrément drôle… » Il éclate de rire. Forcément, comment faire autrement. « Mais je me souviendrais de ne jamais trompé ma femme le jour où j’en ai une. » Bon, il a bien Jude dans le fond, mais ce n’est que platonique entre eux, une relation purement basée sur des paroles et surtout, sur un pacte commun pour ‘faire bien’. Ouais, des fausses fiançailles quoi, qui arrange l’un et l’autre, bien que l’italien ait encore du mal à faire croire qu’il est en couple, face à des jolies femmes potentiellement célibataires. « C’est chaud quand même !! » Il ouvre de grands yeux. Puis, il se met à réfléchir à ses propres expériences. Oui, il en a des horriblement chiants, des clients, mais dans l’ensemble ça se passe quand même plutôt bien. « Oui, comme partout… » Il sourit avant de reprendre : « Même si en général, je préfère en rire qu’en pleurer. » Gabriele, c’est typiquement le mec qui va utiliser l’humour pour déstresser tout le monde et faire en sorte que tout se passe bien. Manque de bol, certaines personnes ne comprennent vraiment pas l’humour et sont incapables de se dérider… « J’ai rien vécu d’aussi fou que toi, mais j’ai quand même eu à faire à quelques situations plutôt cocasses… Genre une maman qui donne le sein à son bébé juste devant moi, en plein rendez-vous et qui le change juste après sur mon bureau… Autant te dire que pour signer des contrats dans de telles conditions… C’est pas gagné quoi. » Il se met à rire. Le pire, c’était l’odeur qui était restée dans le bureau pendant plusieurs jours, à tel point qu’il avait dû recevoir ses clients dans celui d’un collègue absent. « On a eu un hold-up aussi une fois, dans le genre anecdote moins cool… »

Il est vrai que lorsque cette femme avait débarqué aux urgences pour un problème d'orgasmes incontrôlables, ça avait fait rire la plupart des gens. Là où les choses devenaient moins drôles, c'est lorsque vous aviez appris que c'était lié à un problème neurologique. Heureusement, vous aviez pu ôter cette petite tumeur et rendre un semblant de vie à cette femme. « Oui en plus, elle en a eu deux devant nous lors de la consultation, tu imagines bien comme c'était difficile de ne pas rire... » Dis-tu en pouffant de rire à ton tour. Avec le recul, tu peux en rire et tu es persuadée que ça fera partie de tes nombreuses anecdotes à raconter lorsque l'heure sera venue de laisser tomber le bistouri. Heureusement, ce jour n'est pas encore prêt d'arriver. D'abord, il faudra que tu termines ta spécialisation et ça ce n'est pas encore gagné. Même si tu es motivée et que tu as plus ou moins bon espoir. Tu hoches la tête avec un sourire aux lèvres lorsque Gabriele ajoute qu'il se souviendra de ne jamais tromper sa femme. Immédiatement, une question te brûle les lèvres et tu ne peux t'empêcher de la poser. « Tu es marié? » Demandes-tu par curiosité. S'il ne désire pas répondre, tu ne lui en voudras pas. Après tout, c'est plutôt intrusif comme question et ça touche à sa vie privée. Tu écoutes attentivement le jeune homme lorsqu'il t'explique ses propres anecdotes de boulot et tu ne peux qu'éclater de rire en entendant l'épisode de la mère donnant le sein à son enfant dans une banque. Pas très propice comme lieu et encore moins adapté. Tu ne peux qu'imaginer la gêne occasionnée chez Gabriele... Mais ça reste très drôle quand même. « Mon dieu... Je t'imagine en train de signer des papiers à côté d'une couche complètement remplie. Et puis l'odeur a dû être sympa aussi après ça... » Réponds-tu en riant à nouveau avant de t'arrêter net lorsque tu entends parler de ce hold-up. C'est un gros risque dans les banques mais tu as toujours eu l'impression que ça n'arrivait que dans les films. Malheureusement, non. « Il y a eu beaucoup de blessés ? Tu as dû garder des souvenirs assez traumatisants j'imagine... » Murmures-tu avec douceur. Tu ne peux qu'imaginer ce que Gabriele a enduré pendant ce hold-up. Si, tout du moins, il était présent.

Gabriele se met à rire. Comment faire autrement lorsqu’on entend de telles paroles et qu’on s’image la scène. « Sans vouloir paraître vulgaire, je crois que je n’aurais pas pu faire autrement que d’être excité si j’avais été médecin ce jour là ! » Il éclate de rire une fois de plus. Au fond, peut-être qu’il aurait été super mal à l’aise plutôt… Puis, la jeune femme lui pose une question qui l’étonne. « Au bon dieu non. » Il se met à rire de plus belle. Au fond, il est fiancé officiellement mais bon… il couche même pas avec sa prétendue future femme donc… « Libre comme l’air. » Il ne mentionne pas sa fille non plus, car il n’a pas envie de faire fuir une potentielle conquête. Quoi que pour ça, faudrait peut-être qu’il lui retourne la question. « Et toi, t’as quelqu’un qui fait battre ton cœur ? » Un petit haussement de sourcils interrogateur, ainsi qu’un sourire malin, parce que l’italien ne sait pas faire son montrer ses intentions, bien qu’elles soient pas mauvaises.

« Si tu veux savoir, j’ai pris le bureau d’un collègue absent pendant toute la semaine qui a suivi tellement l’odeur était coriace. » Une moue de dégout prend place sur le visage du protagoniste, avant qu’il en vienne à parler du hold-up. « Ça s’est étonnamment plutôt bien déroulé, enfin par rapport à tout ce qu’on peut imaginer. Mon chef leur a donné accès à ce qu’ils demandaient et la police est rapidement arrivée. Du coup, pas de blessés, si ce n’est qu’on a été attaché à nos bureaux… » C’était humiliant sur le coup. Gabriele s’en souvient comme si c’était hier. Mais le principal, c’est que tout le monde allait bien après ça. « J’essaye de ne plus trop y penser et de me dire que la probabilité qu’une telle chose m’arrive deux fois dans une vie est juste… infime. » Oui, c’est sans doute mieux comme ça, ça aide à relativiser. « Mais c’est sûr que c’est marquant ! Je ne souhaite à personne de vivre des trucs du genre. »