| | Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l' Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite. |
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| Toujours là. {Naveen} | |
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Auteur | Message |
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Invité | Sujet: Toujours là. {Naveen} Dim 11 Mar 2018 - 18:55 | |
| Des mois de galère, de démarches, de paperasses. Des allers-retours à Townville ou le notaire et ami de mes grands-parents m’a donné de son temps pour m’aider dans les démarches et me mettre en relation avec les bonnes personnes pour atteindre mon objectif. J’aurai lâché l’affaire depuis longtemps si ce n’était pas pour Lui. J’aurai baissé les bras si ça n’avait pas eu autant d’importance pour Lui. Naveen. Il m’a fallu du temps pour accepter ce fait. J’ai eu beau lutter, me dire que c’était le poids de ma culpabilité, j’ai du me rendre à l’évidence. Les sentiments que j’éprouve pour lui sont réels et sincères. Si j’accepte ce fait, je me garde bien de le lui dire. Je sais ce que pense Naveen de ce genre de sentiment entre deux hommes. C’est un sujet particulièrement tabou et condamnable dans son pays. Alors, je me contente d’être là pour lui, un soutien indéfectible et une épaule sur qu’il pourra compter lorsqu’il le voudra. L’aimer en silence, c’est la seule solution pour que je puisse continuer à le voir.
La veille, je lui ai envoyé un message. Nous devons nous retrouver sur les coups de dix-sept heures trente à la sortie de la ville. J’appréhende un peu cette rencontre. Nous nous sommes vus plusieurs fois depuis noël autour d’un café ou pour le temps d’une ballade, mais les deux dernières fois, j’ai décommandés nos sorties pour pouvoir terminer mes démarches. J’espère qu’il ne m’en veut pas. J’attends prêt de la terrasse d’un café, appuyé contre le capot de mon pick-up, les mains dans les poches de mon jeans, son arrivée. Pour tout dire, je suis vraiment anxieux, j’espère avoir fait les choses comme il faut et qu’il ne m’en voudra pas d’avoir pris quelques prérogatives sans lui demander son avis.
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| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Lun 12 Mar 2018 - 22:51 | |
| Une année s’était écoulée, déjà, depuis que ses pas avaient pour la première fois frôler les rues et les trottoirs de cette ville. Il se souvenait encore de son atterrissage à l’aéroport local de la région, il se souvenait de son impression des lieux alors qu’ils étaient à des mètres du sol et qu’il pouvait voir s’étendre au loin ces nouvelles terres qui l’accueillaient. C’était la première fois qu’il quittait le Moyen-Orient, et ce serait pour ne plus jamais y retourner. La vue lui avait semblée si lointaine, même alors que l’avion se rapprochait de plus en plus du sol. Il ne connaissait rien de ce qui se présentait à l’horizon, et il n’arrivait d’ailleurs pas à voir bien loin, incapable de dire de quoi serait composé demain. C’est Cleo qui l’attendait aux arrivées, à l’aéroport. Ce n’était pas une pièce bien grande, ce n’était que les vols locaux qui s’y rendaient, et ils n’avaient pas mis de temps à se retrouver. Ou plutôt, elle de le reconnaître, tenant sa photographie entre ses mains, agrafée à son dossier. Il n’était plus qu’un numéro, plus au regard de Cleo. Et au fil du temps, Naveen était devenu Naveen, aux yeux de davantage de personnes à Bowen. Après une année, ses relations stables se comptaient encore sur les doigts d’une seule main, mais de plus en plus, on le reconnaissait au détour d’une rue ou quand on montait dans son taxi. On lui souriait, on prenait de ses nouvelles, et ça pouvait paraître futile, mais ce simple échange de banalités donnait l’impression à Naveen d’appartenir à nouveau à un monde, à ce monde. Mais mieux encore que ces regards échangés à la dérobée, il avait des amis. De vrais amis. Et celui au haut de la liste était sans doute le plus improbable en même temps, un magnifique paradoxe qui ne cessait de s’épanouir au fil des semaines. Du moins, c’était ce que Naveen pensait, jusqu’à ce que Wyatt décline de plus en plus les invitations à sortir, à découvrir différentes activités, à simplement bavarder autour d’un café comme ils l’avaient fait au tout début. Il était finalement venu, ce moment où Naveen lui prenait trop de son temps, où il avait l’impression de se l’accaparer. Puis, la veille, Wyatt lui avait envoyé un message pour l’inviter, aujourd’hui, à la sortie de la ville. Un mystère planant sur ce rendez-vous mystère, Naveen s’était rendu à l’heure pile, trouvant Wyatt appuyé sur le capot de son pick-up, dans le stationnement d’un café. Il l’avait vite repéré, c’était l’un des seuls commerces à la sortie de la ville. Le syrien avait pris son taxi pour cette distance, et gara donc le véhicule jaune à côté de celui de Wyatt. Il sortit, son regard déjà intrigué au visage avant même d’avoir refermé sa portière. « Hey ! » Il esquissa un sourire et, restant de son côté de la voiture, lui demanda : « Vas-tu enfin me dire ce que t’as en tête ? » Autant pour ce rendez-vous, que les semaines passées aussi distant. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Mar 13 Mar 2018 - 5:56 | |
| J’attendais avec appréhension son arrivée. Lorsque mon projet était devenu plus concret, j’avais eu peur de faire une gaffe en le voyant, alors j’avais pris un peu mes distances. Et Si Naveen m’en voulait ? Après tout, je ne lui avais donné aucune explication à mes refus de le voir la semaine dernière, il pouvait bien me le reprocher. Lorsque je l’aperçu au volant de son taxi, mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je l’admirais alors qu’il garait son véhicule jaune à côté de mon pick-up. Je tentais de reprendre un rythme cardiaque normal, chose difficile lorsqu’il était dans les parages. C’était effrayant ce que sa simple présence pouvait provoquer en moi. Alors qu’il sortait du véhicule, appuyant sa main sur le toit de ce dernier et restant dans sa zone de confort, il m’interpela. Je lui adressais un sourire que je voulais amical, me dégageant de mon pick-up pour contourner son véhicule afin d’aller à son encontre. « Salut Naveen, comment vas-tu ? » lui demandais-je avec douceur. Mais visiblement, lui ne l’entends pas de cette oreille et cherche aussitôt une explication à la distance que j’ai instauré entre nous. Si je ne connaissais pas sa position vis-à-vis de l’homosexualité, je pourrais presque croire qu’il est jaloux, mais je me fais une raison à l’idée que je l’ai surement blessé avec mon comportement distant. « Je suis désolé Naveen, je t’assure que tu vas comprendre… Je ne peux pas t’en parler… » soufflais-je en souriant, plantant mon regard bleu dans celui plus sombre du sien. « Mais… Je peux te montrer. » ajoutais-je en lui adressant un clin d’œil. « C’est à cinq minutes d’ici » lui révélais-je, « Ferme ton véhicule, on ne peut pas y aller en voiture. » lui appris-je. L’anxiété me gagnait. Et si Naveen avait été sérieux trois mois auparavant ? Et s’il voulait vraiment renoncer ? Comment le prendrait-il ? M’en voudrait-il ? C’était un risque à prendre mais maintenant, c’était fait. Je ne pouvais pas reculer. « Fais-moi confiance, c’est une… une surprise ? » soufflais-je alors avec douceur. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Mer 14 Mar 2018 - 21:47 | |
| C’est Wyatt qui franchit les pas pour réduire la distance entre eux. N’était-ce pas toujours lui qui le faisait, en fait ? De toutes les manières possibles. Un baiser. Une clé de bras. L’attirance et la violence, et pourtant, dans les deux cas, ils s’étaient rapprochés. Tous ces écarts entre eux n’avaient fait que les lier de quelque chose d’un peu plus intense à chaque fois, au fond, peu importe ce que Naveen ou Wyatt lui-même en diraient. Ce baiser, il avait beau avoir généré en le syrien une colère, une incompréhension, un mal-être que lui-même ne s’expliquait pas, ça avait tout de même été l’élément déclencheur de leur relation, de l’ouverture qu’ils avaient finalement eue l’un pour l’autre. Et cette clé de bras, qui aurait pu carrément réveiller l’animosité entre eux de manière irréversible, avait eu tout l’effet contraire. Cette marque d’impulsivité violente avait pavé le chemin vers leur réconciliation. Et depuis, les deux hommes avaient décidé de laisser la vie suivre son cours, parfois à deux, parfois chacun de leur côté. Mais jamais aussi longtemps séparés que dans les dernières semaines. Voilà pourquoi Naveen avait sans doute cette appréhension dans la voix, cette démarche un peu plus prudente qu’à l’habitude. « Je suis intrigué, à la limite … inquiet ? Mais ça va, et toi ? » Certes, ils s’étaient promis de se dire les vraies choses, de ne pas se dire qu’ils allaient bien quand ce n’était visiblement pas le cas, mais Naveen avait encore du mal à ne pas répondre par ces politesses. Et puis, il avait tout de même été honnête : ce rendez-vous surprise, inattendu, avait de quoi l’inquiéter, après ce silence de plusieurs jours, de trop de jours. « Me … montrer ? » Demanda-t-il. Il ne pensait pas pouvoir être davantage curieux, et pourtant, voilà que Wyatt le plongeait plus profondément encore dans cette incompréhension, dans ce vide total. À ses ordres, Naveen ferma la portière de son véhicule après avoir verrouillé les portières. « Je ne sais pas si j’aime les surprises. » Avoua-t-il avec un sourire un peu gêné aux lèvres. En même temps, tous les instants de surprise que Naveen avait vécus dans les dernières années, n’étaient pas de ces belles surprises qui vous arrachent un sourire ou des larmes de joie. Sans doute n’avait-il plus l’habitude d’avoir cette hâte au ventre ; pas quand la peur avait pris le dessus sur tout. « Mais je te fais confiance. Je te suis. » Déclara-t-il en allant le rejoindre à l’avant de son véhicule, prenant la même direction que lui. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Jeu 15 Mar 2018 - 5:55 | |
| Peu de temps avant noël, nous avions décidé d’éviter ce genre de question pour ne pas avoir à se mentir. Mais ça faisait quelques jours qu’on ne s’était pas vu, et je voulais m’assurer qu’il ne m’en voulait pas. La question était donc parti toute seule. « Inquiet ? » répétais-je en fronçant les sourcils sans comprendre. « Pourquoi ? » lui demandais-je curieux. Il était vrai qu’en règle générale, c’était souvent moi qui l’appelait pour boire un café ou pour simplement aller se promener, sauf que depuis deux semaines, je faisais plutôt silence radio et les tentatives de Naveen s’étaient soldées par des échecs. « Ouais ça va ! » dis-je en lui adressant un sourire heureux. J’allais pas lui dire que le revoir me faisait planer sur un petit nuage, il le prendrait sans doute mal. « Je comprends que ça t’intrigues mais… tu vas comprendre ! » lui assurais-je avant de l’invité à me suivre. Naveen ne semblait pas du tout comprendre le cheminement de mes pensées, et c’était tant mieux. Ca m’avait permis de pouvoir réaliser mon projet sans trop le mêler à ça en sachant que c’était douloureux pour lui de n’avoir aucune garantie. « Ouais, te montrer… » lui souris-je confiant. Je savais que ce que j’avais réussi à obtenir au prix de nombreuses démarches et prises de tête allait ‘le reconforter’ si je puis dire. Ce n’était pas une surprise heureuse, mais c’était quelque chose qui pouvait peut-être lui apporter un peu de réconfort dans son deuil et ce n’était pas négligeable. Alors que je contourne la voiture il m’avoue qu’il n’est pas certain d’apprécier les surprises. Je me fige et me retourne vers lui, désolé de lui faire remonter des souvenirs douloureux. Ça faisait un moment que ça n’était pas arrivé et je sens la culpabilité m’assaillir quand je pense à la réaction qu’il pourrait avoir lorsque je vais lui faire découvrir l’endroit de la surprise. « Je… Désolé. » dis-je gêné en me passant une main derrière la nuque, mal à l’aise. Mais il m’emboite le pas, affirmant qu’il me fait confiance. C’est con, mais mon cœur fait des bonds dans ma poitrine. C’est dingue comment une simple phrase me bouleverse à ce point. Savoir qu’il me fait confiance me réchauffe le cœur d’une façon qu’il ne peut pas imaginer. Je lui souris, un regard bienveillant posé sur lui. « Merci. J’espère que… ça va te convenir. » lui dis-je avec douceur. Et nous nous éloignions du parking. Emprunter un petit chemin de terre à travers les bois. C’est reposant et agréable, le bruit des oiseaux autour de nous, et alors que nous marchons, nous entendons de mieux en mieux le bruit de l’océan déchaîné qui vint se heurter aux rochers. Nous nous rapprochons des falaises. Et alors que nous sortons du petit bois après même pas cinq minutes de marche pour nous retrouver à une quinzaine de mètres du flanc des falaises,. Je m’arrête et dis à Naveen. « Je te laisse aller voir là-bas. » dis-je en lui montrant sur la droite, à une dizaine de mètre, une petite parcelle de terre entourée de barrières blanches et d’un petit portail ouvert. En son centre, une stèle blanche en forme de coupable qui rappelle les mosquées, avec le symbole de l’Islam, le croissant musulman. La stèle est tournée pas tout à fait face à la mer, et tu supposes que Naveen a compris qu’elle a été posé de façon à être face à la Mecque. Mon cœur se serre, et je m’inquiètes de savoir si j’ai bien fait. J’espère surtout qu’il ne m’en voudra pas d’avoir pris cette liberté. Alors que Naveen a fini par se rendre à l’endroit que je lui ai indiqué, je suis resté à distance raisonnable pour lui laisser le temps de découvrir la stèle en hommage à sa famille. De là ou tu es, tu supposes qu’il a maintenant pu lire les prénoms de sa femme et de ses enfants. Tu as longtemps hésité à les mettre, mais l’iman t’a fait comprendre que tu pouvais si tu n’indiquais pas d’autres phrases. C’est toléré afin de reconnaître la tombe. Et comme il t’a fait judicieusement remarqué, c’est surtout une stèle d’hommage sans les corps, je pouvais alors prendre plus de liberté. Pour autant, je ne me suis pas permis d’en prendre plus. J’ai préféré resté dans la sobriété qu’impose l’islam jugeant que c’était plus respectueux envers Naveen et envers sa famille. Après quelques minutes où je l’ai laissé seul pour ne pas le déranger, j’ose enfin m’approcher. « Naveen ? » soufflais-je doucement. « Je tiens à te préciser que j’ai fais venir un iman la semaine dernière qu’il m’a aidé à finaliser tout ça dans le respect de ta religion. » lui dis-je aussitôt. « Ainsi, la stèle se trouve dans un carré musulman, l’iman a fait toutes prières afin d’y concéder. » le prévins-je afin de le rassurer, alors qu'il était dos à moi « Quant aux noms sur la stèle, j’ai eu aussi l’autorisation de l’iman. Comme il s’agit d’un lieu de recueillement sans… enfin il a autorisé les prénoms » soufflais-je en m’arrêtant au milieu. Je ne voulais pas lui rappeler qu’il n’avait pas eu la possibilité de leur offrir une sépulture parce que leurs corps avaient étés avalée par la mer. « Est-ce que… » commençais-je hésitant. Je ne pouvais pas lui demander ça. Comment ça pourrait lui convenir après tout ? Il aurait un endroit pour se recueillir mais jamais au grand jamais ça lui apporterait du plaisir. Peut-être du soulagement mais sans plus. « Tu veux que je te laisse ? » demandais-je en passant une main derrière la nuque, ne sachant pas trop quoi faire sur le moment. Peut-être voulait-il prier, et même si je l’avais laissé quelques minutes seul, il voulait peut-être y rester plus longtemps… |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Ven 16 Mar 2018 - 21:35 | |
| Il haussa les épaules, Naveen n’avait pas l’habitude d’élaborer sur ses émotions, il n’en parlait que très rarement en temps normal. Pourtant, avec Wyatt, ce dernier le poussait à s’ouvrir davantage, à ne pas avoir honte d’éprouver tel ou tel sentiment. Ça lui faisait du bien, au fond, à Naveen, de ne plus avoir à tout garder pour lui. Ses peurs, ses angoisses, ses inquiétudes. « Je n’ai pas eu beaucoup de nouvelles de toi ces derniers temps et là, tout ce mystère … ! » Il haussa à nouveau les épaules, comme si c’était la ponctuation à toutes ses hésitations. Il n’avait aucun mot pour compléter sa pensée, il ne saurait expliquer pourquoi il appréhendait autant la suite des choses. Il regarda autour de lui, aucun indice ne se trouvait sur les lieux, mis à part ce café-restaurant pour les touristes qui passaient à travers la ville. Et ça n’était certainement pas ça, la surprise. Et ladite surprise, Naveen ne savait pas s’il l’aimerait, en même temps, nager dans le néant comme ça, ce n’était pas trop sa tasse de thé. Il se sentit toutefois coupable d’avoir partagé cette information à Wyatt, ce dernier semblait tellement enthousiaste. Certainement, rien de malveillant ne se cachait derrière cette surprise, ça semblait même être tout le contraire. « Ce n’est pas grave. » Lui assura Naveen même si ses paroles laissaient sans doute sous-entendre le contraire. Ce n’était pas le cas. Naveen ne lui en voulait pas, Naveen n’était pas à ce point replongé dans un déséquilibre sur lequel il n’avait aucun contrôle. Il était juste un peu nerveux face à l’inconnu, mais il faudrait bien qu’il réapprenne un jour à marcher droit sur le fil de fer sans avoir autant peur du vide tout autour de lui. Le syrien suivit donc le jeune homme à travers un chemin de terre qui louvoyait à travers les bois. Il était venu ici, une fois, à son arrivée à Bowen. Il s’était d’ailleurs perdu dans ces sentiers sinueux et c’était un adolescent qui l’avait aidé à s’en sortir. Un garçon qui lui avait rappelé son fils rien que par l’âge qu’il aurait pu atteindre un jour, si Naveen avait agi plus vite, s’il n’avait pas à ce point risqué leurs vies. Ils arrivèrent finalement à la lisière des falaises, à quelques mètres de là où les rochers chutaient vers la mer dans une inclinaison mortelle. Wyatt s’arrêta, se tourna vers Naveen, et lui indiqua une parcelle de terre entourée de barrières blanches, lui affirmant qu’il le laissait s’y rendre seul. Il échangea un regard interloqué avec l’ancien soldat, sentant sa gorge se nouer, et son cœur rétrécir de par la pression exercée sur sa poitrine. Il hocha la tête, avant de marcher lentement jusqu’à la stèle blanche ornée du symbole de l’Islam, légèrement décalée par rapport à la mer, pointant une autre direction que cette dernière, et Naveen comprit, évidemment, qu’elle était dirigée vers la Mecque. Il porta sa main à son cœur alors que les pas qu’il franchissait lui permettaient d’enfin apercevoir les quelques gravures sur la surface de la stèle. Amena. Hayyan. Sami. Maya. Sa femme, et ses trois trésors perdus au fond de l’océan. Le syrien se trouvait à présent de l’autre côté du portail ouvert, entouré des barrières blanches, tout juste devant la stèle. Sa main toujours posée sur son cœur, l’autre se dirigea à sa bouche au même moment où ses genoux flanchèrent. Il se retrouva agenouillé au sol, dans un élan de faiblesse, d’impuissance. Le dos toujours droit malgré tout. Les larmes lui montèrent aux yeux et, dans une plainte de chagrin, il pleura. Tout son corps tremblait face aux sanglots, ses épaules soubresautant à chaque respiration saccadée. La main passa de son cœur à la stèle, ses doigts effleurant chaque creux de chaque gravure, traçant les lettres des prénoms des personnes les plus chères à sa vie. Celles qui n’étaient plus. Il leva les yeux vers la mer, puis les ferma, laissant le vent balayer ses cheveux et sécher les larmes sur ses joues. Quelques minutes passèrent, ses sanglots s’étaient tus, et il entendit alors les pas de Wyatt derrière lui. Ses deux mains se posèrent entre ses jambes, à la hauteur de ses cuisses, alors qu’il releva la tête vers l’homme quand il l’interpela. Son regard se posa de nouveau sur la stèle quand l’américain lui expliqua qu’il avait fait venir un iman la semaine dernière, pour honorer la stèle conformément à la religion musulmane. Il hocha la tête, lentement, en silence. Il n’avait aucun mot, Naveen, à tel point que Wyatt lui demanda alors s’il voulait qu’il le laisse. Il secoua la tête. « Non. Reste. » Puis, il se leva, et se tourna vers l’homme. Sans prévenir, il s’approcha de lui et l’enlaça avec toute la force qu’il lui restait malgré son chagrin. « Je ne peux pas croire que tu aies fait tout ça, pour moi … » Dit-il sans lâcher son étreinte. « Merci, Wyatt. Merci du fond du cœur. Je ne te remercierai jamais assez … d’exister. » Il rendit finalement sa liberté à l’homme, laissant tout de même l’une de ses mains posées sur son épaule. « Tu es la meilleure chose qui pouvait m’arriver en m'installant ici. » Déclara-t-il, la voix pleine de sincérité. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Dim 18 Mar 2018 - 7:34 | |
| Je m’en veux d’avoir laisser Naveen à l’écart, mais je ne voulais pas lui donner de faux-espoirs et le décevoir. Tout s’est joué ces deux dernières semaines, alors que ça avait stagné pendant des mois. « Toutes les surprises ne sont pas forcément mauvaises Naveen, même si je comprends ton appréhension. » lui dis-je avec douceur alors qu’il me paraissait redouter celle-ci. En arrivant sur le lieu que j’avais pu avoir pour cet hommage, je le laisse franchir les derniers mètres seuls. Evidemment que j’aurais aimé m’y rendre à ses côtés, pour le soutenir, pour être l’épaule sur laquelle il pouvait s’appuyer, se laisser aller, mais j’avais préféré resté en arrière et lui laisser un peu d’intimité. Naveen avait une sorte de pudeur, de retenue et je ne savais pas s’il était toujours comme ça lorsqu’il était entouré ou juste avec moi. Dans le doute, je l’ai laissé y aller en restant en retrait, l’observant d’abord avant de détourner le regard. J’ai compris qu’il avait réalisé de quoi il s’agissait lorsque sa main se porta sur son cœur à mi-chemin et lorsqu’il eut passé le petit portail blanc, il tomba a genou. C’est à ce moment là que je détournais le regard. C’était ses larmes, sa tristesse, sa peine. C’était tout ce qu’il avait contenu en lui depuis si longtemps qu’il évacuait à présent et je ne me sentais pas digne de la partager avec lui. Mon regard vrilla sur la mer, et j’attendis un moment. Je ne saurais dire combien de temps exactement. Je finis par me tourner à nouveau vers la stèle de recueillement et j’entrepris de m’y approcher doucement, voyant les épaules de Naveen tressautaient par moment. Il pleurait et mon cœur se serra. J’hésitais vraiment à partir, a le laisser tranquille. Mais je ne savais pas s’il avait besoin d’un ami sur le moment, alors je pris mon courage à deux mains et je franchis les derniers mètres. Je lui expliquais rapidement ce qu’il en était, sans pour autant rentrer dans les détails. Je n’allais pas non plus l’acculer avec ça alors qu’il avait d’autres choses en tête. Je dus me faire violence pour ne pas le prendre dans mes bras lorsqu’il releva son regard humide vers moi. Mais je me dis que Naveen ne l’aurait pas toléré, alors je me contente de le regarder, le cœur meurtri de le voir ainsi sans savoir quoi faire pour soulager sa peine. Je lui demande alors d’une petite voix s’il veut que je parte, ce que je comprendrais parfaitement, mais contre toute attente il requiert ma présence. Il finit par se lever et il se tourne vers moi. Je le regarde, hésitant et l’instant d’après, il franchit les mètres qu’il reste et… m’offre une étreinte. Je me tends instantanément, fermant les yeux pour chasser la violence et la peur qui s’emparent de moi. J’ai l’impression que la main de Naveen qui vient terminée l’étreinte dans mon dos, me brûle. Mais contre toute attente, je reste immobile. Je ne me débats pas, je ne l’agresse pas. Mais malheureusement, je suis trop concentré à l’idée de garder le contrôle de moi-même pour lui rendre son étreinte. J’ai l’impression d’être en apnée, prisonnier entre deux personnes, et le combat est intérieur. Une partie de moi veut se débattre pour se protéger voyant ce geste comme une attaque, l’autre la supplie d’accepter et de ne pas repousser l’assaillant, que ce n’est pas de la violence. Je rouvre les yeux alors que Naveen m’a relâché et j’ai été incapable de lui rendre son étreinte. Je suis resté parfaitement immobile. Je suis pâle, et je sens mes jambes fébriles luttaient pour supporter mon poids. C’est là, le signe de tout le combat intérieur que j’ai eu en moi et c’est bien la première fois que la maîtrise gagne contre l’instinct de survie. Je peine a reprendre contenance restant blême face à ce qui vient de se passer. Je ne réponds pas de suite à Naveen, aucun son ne veut sortir de ma bouche. Je me recule légèrement, de peur de ce qui pourrait se passer si j’en viens à laisser mon instinct prendre le dessus avant de souffler doucement. « Attends. » soufflais-je en lui tournant le dos. Je m’éloigne un moment, histoire de reprendre des couleurs et afin de m’assurer que la crainte qui m’a habité quelques secondes auparavant se soit volatiliser. C’est stupide, mais j’ai tellement peur de lui faire du mal. De longues secondes se sont écoulées lorsque je reviens près de Naveen. J’ai repris des couleurs et je me suis apaisé. Je suis même heureux d’avoir réussi à garder le contrôle de moi-même. « Désolé… je… j’ai eu peur de… te faire mal. » soufflais-je alors en passant une main dans tes cheveux, signe de l’anxiété qui t’avais habité. « Je t’avais dis que je ferai de mon mieux pour ta famille et pour toi. » lui dis-je alors en lui adressant un sourire faiblard. « Mais j’ai préféré attendre d’avoir un résultat avant de t’en parler. Je ne voulais pas te donner un espoir qui finisse en désillusion alors que je n’étais pas certain du résultat. » ajoutais-je calmement. « C’est pour ça que j’ai refusé nos rencontres ces deux dernières semaines. Je suis désolé si tu l’as ressenti comme un rejet, mais tout se concrétisait et je voulais porter ce projet à terme le plus rapidement possible. » lui expliquais-je alors la raison de ma prise de distance avec lui. Me remercier d’exister ? J’étais toucher par les mots de Naveen qui m’allait droit au cœur et me réchauffer au plus profond de moi. Il n’avait pas idée à quel point entendre ces mots me faisait du bien, même si tout ce que j’ai fait n’avait pas pour but d’en tirer de telles paroles. « Ce que tu dis me touches beaucoup » lui avouais-je en souriant avec douceur. « Et sache que c’est réciproque. » ajoutais-je lentement. « Tu n’as pas idée à quel point ta simple présence me fait du bien. » lui dis-je avec sincérité. Tu regardes la stèle avec une tendresse infini dans ton regard. Ce sont les noms des personnes que Naveen a aimé du plus profond de son cœur, tu ne peux que les aimer toi aussi, même si tu ne connais pas leur visage et que tu ne les connaîtras certainement jamais. « Je ne connais pas de prière musulmane, mais … Si nous prions pour eux ? » lui proposais-je alors doucement en m'agenouillant un peu en retrait, face à la stèle blanche. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Sam 31 Mar 2018 - 21:07 | |
| Quand les bras de Naveen entourèrent le haut du corps de Wyatt, les muscles de ce dernier se tendirent complètement, instantanément. Sans doute encore trop chamboulé par l’émotion, le syrien ne le remarqua pas ou plutôt, ne voulait pas le voir. Il avait besoin de remercier cet homme qui, sans raison apparente, sans compte à lui rendre, s’était pourtant démené ces dernières semaines pour offrir à Naveen un endroit où se recueillir pour les êtres perdus outre-mer. C’était plus que ce que n’importe qui avait fait jusqu’ici pour lui. C’était plus que ce qu’il méritait. Alors il le serrait dans ses bras, ne portant guère attention à son corps crispé, à ses bras droits, tendus par la surprise, à son souffle qui tout d’un coup s’était coupé, en arrêt dans le temps. Pendant ces quelques secondes, l’aiguille avait cessé de tourner. Puis, Naveen le relâcha, et le monde sembla s’éveiller à nouveau. Tout d’un coup, le son du vent contre ses oreilles sifflait à nouveau, les vagues s’écrasant contre les falaises à des mètres sous eux lui rappelaient le vertige du moment, et la respiration de Wyatt se fit entendre à nouveau. Une main toujours posée sur l’épaule de l’américain, le syrien le remercia non seulement d’exister, mais aussi d’être la meilleure chose qui lui soit arrivé ici, à Bowen. Dans ce monde où Naveen ne pensait pas pouvoir avoir une deuxième chance, Wyatt lui ouvrait la porte à des horizons plus clairs. Il n’avait plus besoin d’avoir peur, Naveen, parce qu’il ne serait plus jamais seul. Du moins, c’est ce qu’il pensa sur le coup. Sauf que les pas de Wyatt l’éloignèrent de lui, il reculait, son regard toujours rivé sur lui sans le voir. Attends. Naveen fronça légèrement les sourcils, le regardant tourner le dos et s’éloigner. Son cœur se serra. Il le regarda faire quelques pas dans la direction opposée, avant de laisser ses yeux parcourir l’étendue de la falaise, puis la stèle, avant de poser de nouveau sur Wyatt. Wyatt qui lui revint enfin. Il mit du temps à réaliser, Naveen, que si son ami avait eu peur de lui faire mal, s’il avait eu besoin de s’écarter un moment, c’était parce que son étreinte l’avait dérangé, l’avait attaqué. Il baissa les yeux, honteux de ne pas y avoir songé. « Je m’excuse. Je n’ai pas réfléchi … je ne réfléchis pas encore clairement, pour tout te dire. » Avoua Naveen en passant à son tour une main dans ses cheveux, tournant la tête vers le carré de petites clôtures blanches, pour faire comprendre à Wyatt que cette surprise lui avait carrément fait perdre ses esprits. Le soldat reprit un discours normal, revenant sur les paroles du syrien, un peu plus tôt. « Tu n’as pas à t’expliquer, ni pour l’attente, ni pour l’absence. Wyatt … ce que tu as fait pour moi, tout ce que tu as fait pour moi … Je ne l’oublierai jamais. » Souffla-t-il, pensant peut-être que ces paroles seraient emportées par le vent mais non, elles resteraient gravées dans leurs mémoires. À Naveen. À Wyatt. Ce dernier lui affirma la réciprocité de ces remerciements. Parce que la simple présence du syrien apaisait celle de l’américain. Il ne le comprenait pas, il ne le concevait pas, Naveen, qu’il puisse aider quelqu’un, ici, de par sa seule existence. Mais ça le touchait certainement droit au cœur. Droit au cœur. « Ça tombe bien, parce que je ne compte pas m’en aller où que ce soit. » Le pourrait-il seulement ? Sans doute pas. « Et j’espère que toi non plus. » Malgré les risques dont Wyatt lui avait parlé en ce qui concernait ses thérapies, malgré l’instabilité, malgré l’inconstance, Naveen espérait que rien ne changerait à ce point. Le regard du blond se posa sur la stèle et celui du réfugié suivit la même trajectoire. Quand Wyatt lui proposa de prier pour eux, le syrien releva un visage surpris vers lui. Puis, dans un silence presque solennel, il hocha la tête et le suivit face à la stèle. Il se positionna vis-à-vis le centre de celle-ci, puisque Wyatt s’était de toute façon déjà agenouillé légèrement en retrait. Le syrien amena ses mains de chaque côté de sa tête, à la hauteur de ses oreilles, et débuta la prière presque musicale dans sa langue maternelle. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Ven 6 Avr 2018 - 17:54 | |
| Depuis notre rencontre, depuis Townsville, c’était la première fois que Naveen cherchait à avoir un contact physique avec moi. Au lieu de l’apprécier à sa juste valeur, j’ai laissé mon stress reprendre le dessus dès l’instant ou les mains de Naveen se sont posées sur mon dos. J’suis un peu en colère contre moi-même en fait de ne pas avoir réussi à faire abstraction de ma peur et lorsque j’explique à Naveen la raison de mon court éloignement, il semble mal ce que je ne veux pas. Doucement, je lui pose une main sur son épaule et je lui adresse un sourire réconfortant. « C’est rien Naveen, tu n’as pas à t’excuser, c’est plutôt à moi de le faire, » lui dis-je avec douceur. J’ai cru bon de me justifier sur la distance que j’ai mis entre nous deux depuis deux-trois semaines. J’ai bien compris lorsque nous étions sur le parking que Naveen s’interrogeait, et je ne veux pas qu’il y ait de malentendu entre nous. « Je sais, mais je tiens quand même à le faire. » dis-je en acquiesçant d’un signe de tête. Qu’il sache que j’aurai aimé passé plus de temps avec lui, même si je ne sais pas comment le lui dire. Je lâche l’épaule de Naveen, touché par ses paroles. Quand je repense à notre première rencontre, à son rejet et ses reproches lorsqu’il a su que j’étais militaire, à son regard dur et implacable. L’entendre être reconnaissant me gêne parce que si je fais ça, c’est pas pour en tirer une quelconque reconnaissance, mais pour le bien-être de Naveen. Je lui adresse un sourire doux avant de tourner la tête vers la stèle alors qu’il me dit qu’il n’a pas l’intention de partir et qu’il espère que c’est réciproque. J’ai envie de lui dire que je me battrai pour rester près de lui, mais je ne suis pas sur qu’il apprécie alors je garde mes pensées pour moi et je reste dans la retenue. « Je n’ai pas l’intention de partir Naveen » souris-je avec douceur, je me retins de justesse d’ajouter : loin de toi. « Et ça me rassure de savoir que toi non plus » ajoutais-je avec sincérité. Puis, un regard pour la stèle, et je propose à Naveen de prier pour sa famille. Je m’agenouille sans relevé le regard qu’il me lance. Je suis un peu en retrait de la stèle, laissant Naveen en face, comme pour lui laisser une sorte d’intimité. Il commence la prière et je me contente de fermer les yeux et de l’écouter, espérant que sa famille à trouver la paix. Mes pensées sont bercés par le son mélodieux de la prière de Naveen. A défaut de la connaître, j’en reste respectueux. Quelques minutes plus tard, je me suis redressé et j’ai quitté le carré, me contentant de regarder la stèle. Le paysage est apaisant et je suppose que Naveen risque de venir souvent ici. Une fois qu’il m’a rejoint je lui demande d’une voix douce « Alors, qu’est-ce que tu racontes ? il s’est passé des choses pour toi dernièrement ? » demandais-je curieux de savoir ce qu’il avait fait ces dernières semaines. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Lun 30 Avr 2018 - 22:28 | |
| Si Naveen avait initié un mouvement trop brusque, ou plutôt trop inattendu, la main de Wyatt maintenant posée sur l’épaule du syrien était la preuve que ce n’était pas le geste en lui-même, le problème. Non, ça n’avait jamais été ça, du moins pas pour Wyatt. C’était la surprise, le choc, qui le déstabilisait à chaque fois. Mais la proximité ne le dérangeait pas. C’était plutôt Naveen qui s’en montrait embarrassé. Pas cette fois. L’un et l’autre s’étaient rencontrés à mi-chemin. Et ils en avaient fait, du chemin. « Non, mais je devrais le savoir, à force. » Voilà des mois maintenant que Naveen fréquentait Wyatt, qu’il apprenait à connaître ses joies comme ses démons. Et ce démon-là, on ne le chassait pas d’un revers de la main. Le syrien allait devoir se rentrer dans la tête une bonne fois pour toute que l’américain avait vécu les mêmes horreurs que lui, et qu’elles avaient laissé des traces indélébiles. Peut-être pas de la même manière que pour lui, mais d’une façon tout aussi forte, tout aussi vraie. Ça n’était que rarement un problème entre eux, puisque le réfugié n’était pas porté vers les contacts humains, et malheureusement encore moins avec Wyatt vu ce qui s’était passé la première fois. Mais plus l’amitié se renforçait, plus le voile de la gêne et de la retenue se levait entre eux. C’était là qu’il aurait dû être le plus sur ses gardes. Face à lui-même. Face à eux. « Où irais-je de toute façon ? » Demanda le trentenaire avec un léger haussement d’épaule, un sourire qui ne témoignait pourtant d’aucune joie sur les lèvres. Il posa son regard sur la stèle, une énième fois. « Surtout maintenant que ma famille est ici, aussi. » Pas tout à fait. Pas comme il l’aurait voulu. Mais c’était la première fois qu’il se sentait aussi près d’eux depuis deux ans, malgré tout. Wyatt proposa alors de se joindre à lui pour une prière, ce que Naveen ne refusa pas même s’il s’agissait d’un moment normalement bien intime pour lui. Après tout ce que l’ancien soldat avait fait pour lui à présent, le syrien n’avait plus autant de réticence à lui ouvrir la porte à une telle intimité. Quand l’homme eut terminé son chant, il retrouva le blond qui s’était relevé avant lui. La conversation reprenait son cours normal, comme si toutes ces semaines s’étaient écoulées sans que le courant ne les sépare. Comme si le plongeon que venait de faire Naveen dans sa vie passée, en relisant les noms de ses enfants gravés dans la stèle, lui avait permis de mieux refaire surface. « Rien d’exceptionnel. Rien de particulier. Quoique … j’ai fêté ma première année à Bowen, il y a à peine quelques jours ! Enfin, fêté, c’est un bien grand mot. » Il esquissa un faible sourire. S’il avait été avec sa famille, ou même avec seulement quelques amis rencontrés ici, c’aurait pu être une célébration. Sauf qu’il avait été seul pour cette première bougie de réfugié. De quoi lui faire croire que même après douze mois, il n’avait pas fait autant de chemin qu’il l’aurait voulu. Mais sa rencontre avec Wyatt aujourd’hui lui prouvait le contraire. « Et toi, alors ? Tu as au moins eu le temps de vivre un peu malgré toute cette belle surprise, j’espère ? » Même s'il aurait très bien pu s'oublier pour le bonheur de Naveen. Il commençait à l'entrevoir, ça. Mais peut-être pas encore à le comprendre. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Mar 1 Mai 2018 - 16:31 | |
| Je n’étais pas à l’aise avec les contacts physiques depuis mon retour du front. Traumatisé, mes réactions étaient imprévisibles. Naveen était au courant, il en avait déjà fait les frais. Je ne voulais pas l’exposer à nouveau à la violence alors j’étais rassuré de savoir qu’il n’était pas à l’aise lui non plus avec le contact physique, même si les raisons étaient différentes. Même si j’avais assuré à Naveen que je n’étais pas gay, j’étais persuadé que les sentiments que j’éprouvais à son égard me trahissaient. De ce fait, j’étais sur que Naveen savait, et que je le dégoutais, très certainement. Peut-être qu’il ne disait rien par pitié ? Pour le moment, je m’en satisfaisais en silence, au moins, il acceptait ma présence. - Naveen a écrit:
« Où irais-je de toute façon ? » Loin de moi ? Je reste silencieux, ancrant mon regard dans le sien. J’ai un peu l’impression d’avoir été égoïste tout d’un coup, surtout lorsqu’il m’avoue qu’il n’ira nulle part alors que sa famille est ici à présent symboliquement, je culpabilise. L’ais-je attaché à Bowen inconsciemment afin de le garder auprès de moi ? J’ai pas vue les choses sous cet angle, mais maintenant… « Peut-être qu’un jour, tu trouveras un endroit ou tu te sentiras bien. Ou tu te sentiras chez toi… Comme avant… » Suggérais-je avec douceur. Je ne me faisais pas tellement d’illusion pour lui. Naveen avait perdu ceux qu’il aimait. Il aurait pu être heureux n’ importe où, se sentir chez lui ou qu’il aille, s’il avait eu sa famille à ses côtés. Nous nous agenouillons devant la stèle symbolique et Naveen commence la prière alors que je me tiens en retrait. Pour quelqu’un comme moi, protestant de naissance mais qui a cessé de croire depuis longtemps, ca fait bizarre. J’ai toujours eu du respect pour les réligions et leurs croyants et j’espère ne pas faire d’almalgame. Quelques minutes plus tard, je me redresse et recule, laissant Naveen se recueillir seul et terminer sa prière pour sa famille dans l’intimité qui lui est propre. Une fois sa prière finit, Naveen finit par me rejoindre à l’extérieur du carré musulman. Nous nous retrouvons face à face et je lui demande de ses nouvelles. Je regrette d’avoir pris mes distances avec lui dernièrement, mais je voulais accélérer les choses. Je le regarde interloqué alors qu’il me dit qu’il a ‘fêté’ ses un an à Bowen. Quand je réalise ce que ça signifie, je lui demande. « Quoi ? tu… Mais pourquoi tu m’l’as pas dit ? » soufflais-je stupéfait. C’était pas vraiment une fête à proprement parler, mais c’était le signe de son nouveau départ. Je fronce les sourcils alors que je me revois lui dire à plusieurs reprises que je n’étais pas disponible pour qu’on se voit. Etait-ce l’un de ces jours ou il m’avait contacté ? « Est-ce que… c’était l’un des jours ou je n’étais pas disponible ? » lui demandais-je en fronçant les sourcils, sentant la culpabilité m’envahir. « Je suis désolé Naveen… » soufflais-je navré de ne pas avoir pu passer cette journée en sa compagnie. Il me demande alors si j’ai quand même pu prendre du temps pour moi malgré l’organisation que toutes les démarches pour obtenir cette stèle à demander, j’hausse doucement les épaules. « N on... Enfin oui...enfin… Disons que j’ai beaucoup réfléchi par rapport à quelque chose que m’a demandé Neala… Donc c’était… émotionnellement assez compliqué » avouais-je doucement. J’hésitais à me confier à Naveen. Ce que m’avait demandé Neala l’aurait sans doute choqué compte tenu de sa religion et de l’aspect sociétaire de sa communauté. Je ne voulais pas qu’il l’a juge par sa demande, et je ne voulais pas qu’il me juge de prendre le temps d’y réfléchir. Mais même si j’avais une certaine appréhension, je savais que Naveen pouvait me donner un regard neuf sur cette situation, et je devais admettre que j’en avais bien besoin à l’heure actuelle. « Elle… Elle veut un enfant et… elle m’a demandé d’en être le père. » lui dis-je en me mettant à marcher vers la falaise. « Je ne sais pas quoi faire… » soufflais-je perdu en me passant une main dans la nuque. « Nous nous sommes fréquentés, adolescents… Je m’en suis toujours voulu de la façon dont ça s’est terminé entre nous… Et même si ce qu’on a vécu remonte à quinze ans et qu’on a chacun pris des chemins très différents… je veux qu’elle soit heureuse. » admis-je doucement. « Mais… je ne sais pas… je ne sais pas si c’est sain pour un enfant de naître de cette façon là, et de grandir en sachant que ces parents ne s’aiment pas, du moins pas comme un couple est censé s’aimer au moment de la conception et de vivre qu’avec un seul de ses parents. » fis-je complètement perdu en me tournant vers Naveen. « Je ne sais même pas si je suis seulement capable d’être un père… convenable. » ajoutais-je en revenant sur mes pas. « Qu’est-ce que je suis supposé faire ? » demandais-je à Naveen en fourrant mes mains dans mes poches. Je laisse couler un regard vers la stèle. Quelle idée de parler d’enfant près de la stèle commémorative de ceux de Naveen. Quel égoïsme. J’suis vraiment un connard. « Désolé… Je… Je ne veux pas t’embêter avec mes problèmes, surtout… maintenant… Est-ce que… tu veux qu’on aille se boire un café ? » lui proposais-je alors avec un sourire désolé. Après tout, j'étais supposé être l'épaule de Naveen et pas l'inverse et puis... Je craignais de l'avoir choqué en parlant de faire un enfant hors-mariage, sans compter que je n'avais pas mentionner la fécondation In-vitro alors que c'était pour moins une logique imparable. Allais-je de nouveau le choquer avec mon côté occidental comme j'en avais visiblement pris l'habitude? J'espérais que non... |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Jeu 3 Mai 2018 - 18:03 | |
| Qu’il soit attaché à Bowen ou à tout autre endroit en ce monde, il n’y avait que bien peu de différence pour Naveen. Pour le moment, il est encore prisonnier de lui-même, de son douloureux passé et de cette souffrance qu’il devait traîner à chaque jour de cette nouvelle vie. Alors, qu’il soit ici ou ailleurs, Naveen ne serait jamais totalement libéré. Aussi bien demeurer là où il arriverait davantage à se sentir à l’aise, même s’il ne s’y sentirait jamais tout à fait chez lui. Au moins, à Bowen, il y avait quelques personnes qui le connaissaient, qui étaient au courant d’une partie de son histoire, et qui l’acceptaient malgré tout, malgré lui. Wyatt lui avait fait un cadeau, en ramenant une partie spirituelle de sa famille jusqu’ici. Naveen s’y sentirait moins seul et, peut-être, pourrait-il combler cette solitude d’une présence immatérielle en venant leur parler, à tous les quatre, ici-même. « Peut-être. » Souffla-t-il tout simplement, ne voulant pas briser les illusions que les autres se faisaient pour lui. Ne disait-on pas que la maison est là où le cœur se trouve ? Son cœur, à Naveen, il était toujours en Syrie. Et pour le moment, avec ce qui s’y passait encore après tant d’années, il avait du mal à s’imaginer pouvoir y retourner un jour. Ou alors, il retrouverait une Syrie changée, et alors il réaliserait, Naveen, qu’il n’était chez lui nulle part en ce monde. Ce qu’il se passerait dans sa tête après une telle prise de conscience, le réfugié ne voulait même pas y songer.
Après la prière, Naveen retrouva Wyatt à l’entrée du carré musulman, et il referma la toute petite porte blanche derrière lui. C’était son espace, son lieu de recueillement, et il eut alors cette peur qu’on vienne vandaliser l’endroit, au nom d’une autre religion ou au nom de cette haine irraisonnée qui habitait certaines personnes. « C’est un lieu public, ici, non ? N’importe qui pourrait venir ? … » S’inquiéta-t-il. En même temps, à quoi pouvait-il s’attendre, Naveen ? Que les noms de ses amours lui appartiennent à tout jamais ? Non. Des centaines d’autres personnes viendraient lire ce qui était inscrit sur cette stèle, se poseraient des questions, inventeraient des histoires à ces quatre prénoms gravés dans la pierre. Des histoires qui, sans doute, ne rendraient jamais justice aux Arslanian. Le trentenaire changea finalement de sujet quand le soldat américain lui demanda des nouvelles sur les dernières semaines. Une année à Bowen, voilà ce qui valait la peine d’être mentionné. « Euh, et bien … » Comment lui dire qu’il avait bien tenté de le joindre, en vain ? Comment lui dire que chacune de ses connaissances ici à Bowen avaient eu autre chose à faire ce jour-là ? Parce qu’eux avaient tous une vie, à côté de Naveen. Mais Naveen, lui, ne vivait qu’à travers ses peu nombreux amis. Wyatt le devina de lui-même. « Ne t’en fais pas pour ça. Je ne sais même pas si j’aurais vraiment eu le cœur à fêter quoi que ce soit. C’est sans doute mieux comme ça. » Dit-il avec un sourire, avant de prendre à son tour des nouvelles de l’américain. Dans un silence qui laissa tout le temps à l’homme de se confier, Naveen l’écouta parler de cette surprenante proposition provenant de Neala. Certes, ça ne se passait jamais comme ça, chez lui. Ce serait gravement puni. Mais il avait rapidement compris que la vie ici était bien plus libre qu’en Syrie. Naveen avait du mal à concevoir comment Wyatt pouvait même seulement envisager d’accepter cette demande, mais il n’était pas là pour juger. C’était lui l’étranger, c’était lui qui n’avait rien à faire dans ces coutumes ou manières de faire. « Je ne peux pas te dire ce que tu devrais faire, mais … il s’agit d’une bien grande décision. Et avec toutes les questions que tu te poses, tous les doutes que tu as … je ne peux que te conseiller de ne pas faire un choix précipité. Même si elle attend après toi. » Si Neala avait osé le lui demander, elle devait au moins être prête à lui donner le temps dont il aurait besoin. « Je ne sais pas comment vous fonctionneriez, je n’ai jamais … je n’ai jamais vu une situation pareille, mais … Même à deux, un enfant, ça demande beaucoup … de temps, de patience, d’amour. Et même si je ne doute pas que tu serais capable de tout ça, il faut être prêt … » Naveen ne pouvait que partager son expérience de père, parce que pour le reste, il nageait dans l’incompréhension. « Tu ne m’embêtes pas. Mais on peut continuer cette conversation autour d’un café, oui. » Il s’y sentirait déjà plus à l’aise qu’ici. De parler de tellement de choses autres que sa femme et de ses enfants, alors que leurs esprits habitaient maintenant cet endroit devenu sacré pour le syrien. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Jeu 3 Mai 2018 - 20:06 | |
| J’espérais sincèrement qu’il puisse un jour se sentir chez lui à Bowen, comme il s’était senti chez lui en Syrie, là ou il avait grandi. Je ne me faisais pas beaucoup d’illusions néanmoins. Après tout ce qu’il avait traversé, il y avait peu de chances que Naveen puisse se sentir vraiment chez lui quelque part à présent. Mais même si les chances étaient minimes, je ne pouvais que lui souhaiter et faire tout ce que je pouvais pour l’aider à atteindre ce but. J’ai laissé Naveen terminer sa prière seul, lui laissant un peu d’intimité dans ce rituel sacré. Lorsqu’il a terminé, il me rejoint à l’extérieur du carré musulman délimité par les barrières blanches autour de la stèle. Je laisse un sourire empli de douceur en le voyant fermer le portail doucement, comme s’il avait peur que ça disparaisse par ce geste. Je le vois préoccupé lorsqu’il vient vers moi, et je comprends aussitôt ce qui le tracasse après ses paroles, il n’a pas besoin de m’en dire plus. « Ne t’en fait pas pour ça Naveen. » Souris-je nan sans une gêne dans ma voix. Je me souvenais encore de la fois ou je lui avais donné trop de pourboire. La crise qui avait suivi ne m’encourageait pas tellement à lui répondre en rentrant dans les détails, même si aucun baiser n’était cette fois, lié. « Je vais t’expliquer, au café. » lui assurais-je en repoussant l’échéance de cette discussion de quelques minutes afin de rassembler mon courage. Je suis en colère contre moi-même de ne pas avoir été avec Naveen ce jour-là. Même si ce n’est que pour boire un café ou faire une promenade, c’était surtout symbolique. Et je n’avais pas été là pour lui. Je peste intérieurement contre ma stupidité même si Naveen se montre compréhensif. « Je sais mais… J’aurai aimé être avec toi ce jour-là. » soufflais-je doucement, honteux. Mais c’était trop tard maintenant. Nous discutons encore un peu sur la falaise et je lui explique dans les grandes lignes ce qui me tracasse depuis quelques semaines. La demande d’enfant de Neala. C’est difficile de savoir ce qu’il pense, je ne peux que supposer. Je pense que ça le choque, mais je ne peux pas le garantir, Naveen n’est pas la personne la plus expressive que je connais. Nous rebroussons chemins et prenons le petit chemin qui traverse le petit bois jusqu’à la route. C’est ce moment là que choisi Naveen pour s’exprimer sur mes confidences. Je l’écoute presque religieusement. Ses paroles ont du sens, venant de Naveen, ça ne m’étonne pas tellement. C’est un peu la voix de la sagesse. J’acquiesce d’un signe de tête lentement avant d’assurer. « ça fait déjà quelques semaines qu’elle me l’a demandé, mais… je lui ai demandé du temps pour y réfléchir. » acquiesçais-je lentement. « Je ne me précipite pas, mais... J’ai le sentiment que je vais la décevoir si je refuse. » soufflais-je déconfit. « J’ai passé mon adolescence à décevoir tous mes proches, je pensais que c’était une période révolue… » marmonnais-je résigné. - Naveen a écrit:
- « Je ne sais pas comment vous fonctionneriez, je n’ai jamais … je n’ai jamais vu une situation pareille, mais … Même à deux, un enfant, ça demande beaucoup … de temps, de patience, d’amour. Et même si je ne doute pas que tu serais capable de tout ça, il faut être prêt … »
Il n’a pas vraiment besoin de le dire, je m’en doutais. Les pays orientaux font rarement face à ce genre de situation, pour ne pas dire jamais. Ca reste un sujet tabou là-bas, de ce que me rappelle mes souvenirs. « Oui. » acquiesçais-je alors que Naveen énuméré les besoins d’un enfant. « Moi je doute d’en être capable… » marmonnais-je honteusement. « Je suppose que je prendrais la décision qu’il convient le moment opportun. » lâchais-je alors pensif. C’est-à dire, une fois que je serais face à Neala. En attendant, j’allais devoir peser le pour et le contre, même si le contre semblait me sauter aux yeux comme une évidence. Nous arrivons sur la route à deux pas du café à l’entrée de Bowen. A l’entrée du petit chemin, sur un arbre un panneau « propriété privé » trône accrocher au tronc. Je crois que Naveen n’y a pas fait attention jusqu’ici « Je dois prendre quelque chose dans mon pick-up. » prévins-je Naveen alors qu’on arrive sur le parking. J’ouvre mon pick-up et je prends la chemise en carton, poser sur le fauteuil passager. Nous entrons alors dans le café/resto et on s’installe à une table, près d’une vitre donnant sur le parking. « Voilà… C’est… Ecoute… je… » balbuties-je ne sachant pas comment aborder le sujet. « ça va te semblait bizarre mais… promets-moi de ne pas te mettre en colère s’il te plait » le suppliais-je presque alors que j’étais beaucoup moins serein à présent. Heureusement, c’est le moment que choisit la serveuse pour venir prendre la commande. J’attrapais rapidement la carte que je glissais sous mon nez alors que la chemise reposait devant moi. « Euh… un café et… une tarte aux pommes s’il vous plait. » dis-je avant de regarder Naveen pour voir ce qu’il allait demander. En réalité, j’aurai bien commandé un whisky pour le coup, quelque chose de fort pour trouver le courage de lui dire ce que j’avais à dire. Mais vue ce qu’avait donner le mélange d’alcool et de Naveen à Townsville, je préférais ne pas reprendre de risque. Une fois la serveuse partie, je pris la chemise en carton dans mes mains et fit glisser les élastiques l’’encadrant pour en sortir quelques feuilles agrafées entre elles. « Tu m’as demandé si c’était un lieu public, » lui rappalais-je alors fébrilement. « ça ne l’est pas. » lui répondis-je doucement alors que j’attrapais l’unique stylo dans la chemise en carton. « Il est interdit de faire ce type de construction sur un lieu public appartenant à la ville en dehors du cimetière ou sans accord et dérogation. C'est quasiment impossible à obtenir alors... » lui résumais-je rapidement. « C’est pour ça que… j’ai acheté ce terrain. » murmurais-je en redoutant la colère de Naveen. J’espérais pouvoir la contrer en rajoutant. « Avant de dire quoique ce soit… laisse-moi terminer s’il te plait. » soufflais-je implorant. « Le terrain n’est pas constructible, la commune me la donc vendu pour pas grand-chose après leur avoir exposé mes intentions. » lui appris-je alors en me passant une main dans les cheveux. Bon, j’avais utilisé une grande partie de mes économies, mais Naveen n’avait pas besoin d’en savoir plus sur ce sujet, c’était un petit mensonge de rien du tout et pour la bonne cause. « Ce terrain qui va du début du chemin jusqu’au bord de la falaise m’appartient pour le moment mais… » soufflais-je avec appréhension en lui montrant un premier document avant de mettre le second document en évidence par-dessus le premier. « Il te suffit de remplir cette partie de ce document là et de signer, et le terrain sera officiellement à toi dès que le notaire aura fait suivre le dossier » lui marmonnais-je avec appréhension. Je suis conscient que je risque de le perdre à avoir fait tout ça dans son dos, j’espère juste qu’il comprendra que c’était avant tout pour Lui et pour sa famille que j’en suis arrivé là et que je n’attends absolument rien en retour. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Sam 5 Mai 2018 - 15:16 | |
| Si Wyatt avait cherché à attiser la curiosité de Naveen, c’était gagné. Il fronça légèrement les sourcils quand le jeune homme lui avait dit qu’il lui expliquerait au café. À la base, quand l’américain lui avait de ne pas s’en faire, Naveen s’était plutôt fait la réflexion que peut-être que les australiens avaient un certain respect pour les religions, que des actes de vandalisme dans des lieux de recueillement n’arriveraient sans doute jamais, mais c’était le genre d’information qu’il aurait pu lui donner ici et maintenant pour le rassurer. Étrangement, Wyatt repoussait cette conversation à un peu plus tard, lorsqu’ils auraient regagné le chemin principal et qu’ils iraient boire un café. « D’accord … » Lâcha quand même Naveen, ne voulant pas insister. Il devait bien y avoir une raison. « Ne t’en fais pas, il y en aura d’autres. » Lui assura Naveen concernant son anniversaire d’arrivée. Comme ils l’avaient convenu quelques minutes auparavant, le syrien n’avait nulle part où aller en ce monde. C’est ici qu’il avait trouvé refuge, et il ne doutait pas que les années à son compteur ne feraient qu’augmenter dans les parages. Pour le pire comme pour le meilleur. Sur le chemin du retour, Wyatt lui expliqua alors sa délicate situation avec Neala. Elle semblait en quelque sorte l’avoir mis au pied du mur avec cette proposition, Naveen le ressentait comme une sorte d’ultimatum, sans doute parce que la demande était très particulière. Pour lui. Mais pas que. Après tout, en Syrie ou ici, on voyait davantage des familles qu’on pourrait qualifier de normales. Certes, ici, les couples semblaient se séparer plus souvent, plus rapidement, mais ça ne changeait rien au fait que les enfants étaient d’abord nés d’amour, habituellement. Pas d’une sorte d’entente comme celle entre Wyatt et Neala. Ça semblait si peu naturel aux yeux de Naveen, contre l’ordre des choses, mais il se savait mal placé pour juger de ce genre de pratique. Il serait constamment celui à être trop fermé d’esprit pour les autres. Alors plutôt que de contester, il se taisait. « Wyatt … je ne pense pas que ce soit le genre de décision à prendre pour ne pas décevoir. » Lui dit simplement Naveen en le regardant avec douceur. « Je ne te connais pas beaucoup, mais rien que la journée d’aujourd’hui ne fera qu’appuyer mes propos : tu penses aux autres avant de penser à toi-même. T’es vraiment une personne bien. Cela dit, il faut penser à ce que toi, tu veux, dans tout ça. » Après tout, comme il ne manqua pas de lui relever, avoir un enfant demandait énormément de sacrifices. Et même si la famille qui en résultait en valait le coup, ce n’était sans doute pas fait pour tout le monde. Il hocha tout simplement la tête quand Wyatt affirma qu’il prendrait la décision au moment opportun. Naveen n’eut rien à ajouter.
Les deux hommes entrèrent finalement dans le café au bord de la route, après que Wyatt eut récupéré un dossier dans son camion. Ils allèrent s’asseoir, et Naveen sentit venu le moment repoussé par Wyatt. Il avait l’air nerveux, ses doigts trituraient les coins de la chemise dans laquelle quelques documents étaient glissés. Sa nervosité était contagieuse et, tout d’un coup, le syrien appréhendait la suite. « À voir ta tête, je ne sais pas si j’ai envie de promettre avant de savoir. » Fit-il remarquer avec un léger rire mal à l’aise. Il ne savait pas comment réagir. Et il était loin de s’imaginer qu’il saurait encore moins comment réagir dans quelques minutes. Avant cela toutefois, la serveuse les interrompit pour prendre leurs commandes. Sans doute était-ce préférable maintenant qu’après que la bombe ait été larguée. « Juste un café noir, merci. » Tout de suite, le réfugié reporta son attention sur son ami, qui se lança enfin. Il sortit, les mains presque tremblantes, quelques feuilles agrafées. On aurait dit des documents officiels, contrats, ou quelque chose de semblable. Naveen ne les scruta pas trop du regard, par politesse, et écouta plutôt Wyatt qui discourait sans jamais reprendre son souffle à propos de ce genre de construction sur des lieux publics, de son achat du terrain, de ce qui lui appartenait, et de ce qui pourrait appartenir … À Naveen. Son cœur s’arrêta sans doute de battre quelques secondes, et il se sentit tout d’un coup étourdit. Manque d’oxygène ou incapacité à assimiler tout ce que venait de dire Wyatt, il n’en savait rien, mais le trentenaire était complètement déboussolé, pris au dépourvu. Il ouvrit la bouche à plusieurs reprises, tentant de dire quelque chose, en vain. Puis, une émotion parmi toutes les autres sembla jaillir, et il lâcha alors : « Pourquoi fais-tu tout cela pour moi, Wyatt ? Je veux dire … ne me comprends pas mal. Je suis … touché. Vraiment touché que tu veuilles à ce point que je me sente bien ici. Mais … » Il marqua une pause, pour chasser l’émotion dans sa voix, mais au fond, on pouvait l’entendre : il était blessé. « Je ne suis pas un cas de charité. » Et pourtant, c’était bel et bien ce qu’il était. Depuis son arrivée à l’aéroport et sa prise en charge par Cleo. Il était un cas de charité. Il aurait juste voulu, qu’après un an, on le voit autrement que comme ça. |
| | | Invité | Sujet: Re: Toujours là. {Naveen} Sam 5 Mai 2018 - 17:45 | |
| La déception est forte. L’idée de savoir que Naveen était tout seul ce jour là m’attriste. Cette date d’anniversaire n’est pas vraiment joyeuse mais elle reste le symbole d’un nouveau départ et n’avoir eu personne pour le partager, c’est un peu un rappel de la solitude qui l’habite. J’aurai aimé être avec lui pour qu’il comprenne qu’il n’est plus tout seul ici. Qu’il a quelqu’un sur qui compter, un ami. C’est trop tard, mais je veux me rattraper et je trouverai un moyen, enfin j’espère… Sur le chemin du bar, j’explique à Naveen ce qui me préoccupe : La proposition de Neala. Il faut admettre que c’est loin d’être une demande anodine et que cette situation me stresse malgré moi. J’angoisse à l’idée de la décevoir, c’est plus fort que moi. En me confiant à Naveen, ça me fait du bien. J’apprécie qu’il ne juge pas cette situation, même si je pense que ça doit le surprendre. En tout cas, il n’en montre rien et ses paroles ont un poids qu’il n’imagine même pas. J’acquiesces doucement à ses mots, lui montrant que j’ai compris son point de vue. « J’admet que… je n’ai jamais envisagé d’avoir un enfant dans cette condition… » soufflais-je à mi-voix en descendant sur le petit chemin. « A vrai dire…je n’ai jamais envisagé d’avoir un enfant tout court. » avouais-je pensif. « J’étais constamment déployé avec mon unité… Difficile d’envisager de fonder une famille dans ses conditions… » dis-je en me passant une main dans la nuque, me rappelant des longues absences de mon père lorsque j’étais enfant, militaire lui aussi. « Et j’avoue qu’après ce que j’ai vécu lors de mon dernier déploiement… je ne sais pas si je serais capable de m’occuper convenablement d’un enfant… Je suis à peine capable de m’occuper de moi-même alors… » marmonnais-je gêné d’aborder ce sujet avec Naveen. Parler de mon métier de militaire reste un sujet sensible. J’étais très attaché à mon travail malgré les apparences, mais mon métier est loin d’être dans les bonnes grâces de Naveen et en parler avec lui… je ne pense pas que ce soit une bonne idée. De toute façon, je ne vois pas à qui parler de mon vécu, des tortures, de mes angoisses et de mes craintes. C’est tellement humiliant…. - Naveen a écrit:
« Je ne te connais pas beaucoup, mais rien que la journée d’aujourd’hui ne fera qu’appuyer mes propos : tu penses aux autres avant de penser à toi-même. T’es vraiment une personne bien. Cela dit, il faut penser à ce que toi, tu veux, dans tout ça. » Mon regard se pose sur lui alors que je ralentis le pas. Le pense-t-il vraiment ? Il croit ne pas me connaître, pourtant c’est probablement celui avec qui je suis le proche depuis mon retour ici. Mon cœur ressent un soulagement lorsque je découvre qu’il me voit enfin comme une personne bien. J’étais persuadé qu’entre mon passé militaire et le débordement que j’ai eu à Townsville à son encontre, il ne parviendrait jamais à me voir autrement qu’un homme mauvais. Le regard reconnaissant que je lui lance vaut probablement plus que toutes les paroles que je pourrais prononcer. Au café, je suis beaucoup plus tendu, et Naveen n’a pas de mal à le remarquer et me le fait comprendre. Je lui adresse un sourire contrit avant de déblatérer tout ce que j’ai a dire. Je m’attends à ce qu’il s’emporte contre moi à cause du côté financier de la chose, vue comment il a réagit pour un pourboire un peu élevé, ça ne m’aurait pas étonné. Alors le voir si calme, ça me paraît détonnant. Je le dévisage, attendant une réaction de sa part avec anxiété. - Naveen a écrit:
« Pourquoi fais-tu tout cela pour moi, Wyatt ? Je veux dire … ne me comprends pas mal. Je suis … touché. Vraiment touché que tu veuilles à ce point que je me sente bien ici. Mais … » Il y a quelque chose dans le ton de sa voix qui m’interpelle. Je fronce les sourcils, inquiet par la tournure que cette conversation risque de prendre. Il m’en veut. - Naveen a écrit:
« Je ne suis pas un cas de charité. » C’est la douche froide. C’est à mon tour d’être blessé par ses paroles. Je ferme les yeux un instant pour ne pas que mon regard me trahisse, en vain. Je soupire lourdement mais je garde le silence. La serveuse nous ramène nos cafés et la tarte aux pommes, mais celle-ci ne trouve pas grâce à mes yeux. J’ai la gorge nouée. « Alors c’est ce que tu ressens ? » soufflais-je doucement en dardant mon regard bleu dans celui plus sombre du sien. « Tu crois que je fais ça par pitié ? » lui demandais-je le ton un peu plus dur que je n’l’aurai voulu. Je soupire une nouvelle fois, tentant de chasser la colère qui gronde en moi. Ça ne sert à rien de s’énerver. Je fini par détourner le regard, fatigué de cette impression de toujours faire tout de travers. « Tu ne te dis pas que si je fais ça… c’est pour toi ? Parce que j’ai envie que tu sois bien ici ? Pas par charité mais parce que j’en ai simplement envie ?» lui dis-je en tournant autour du pot. Parce que je t’aime. J’aurai pu le lui dire à cet instant, j’ai failli… Mais je ne peux pas. Si je lui dis, je le perds. Alors je me contente de lui dire tout le reste, sauf ça. Je le regarde, navré d’en arrivé toujours à ce bras de fer invisible, navré d’avoir encore foiré. « Je suis désolé Naveen… je ne pensais pas que tu prendrais les choses comme ça. Je n’ai pas pensé que tu pouvais voir les choses de cette façon… J’aurai du me mettre à ta place… » m’excusais-je finalement, d’une voix douce et chargée de regret. « Je fais vraiment tout de travers… » marmonnais-je en me calant contre le dossier de la banquette, dépité face aux papiers posés sur la table. |
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