I guess I'm just a play date to you - (terrence)

Terrence n'aimait pas vraiment les soirées mondaines, elles l'obligeaient à se montrer, à se forcer à paraître à l'aise dans un monde qui n'était clairement pas le sien, lui qui venait d'un milieu modeste. En plus il arrivait toujours avec son handicap, avec cette jambe qu'il traînait avec lui et qui le rendait boiteux, hors-norme. Cette jambe qui était l'objet de bien des histoire, comme bien des aspects de la vie du garçon. Il devrait porter une canne, ça l'aiderait, ça le soulagerait, mais il aurait sûrement encore plus honte de se trimbaler avec une preuve réelle qu'il souffrait. Et puis pour ce genre de soirée il fallait s'habiller, mettre un costume, lui qui était plus habitué à se shorts et t-shirt décontractés. Mais ce soir on rendait hommage aux victimes de l'attentat qui avait dévasté sa plage. Encore une chance que ce jour là il n'ait pas ouvert les portes de sa boutique, il avait un rendez-vous médical. La vie était bien faite, lui qui ne fermait jamais son magasin, il avait fallu qu'il fasse exception pile le jour où ce fou avait tiré sur la foule. Quelques victimes avaient forcé la porte de son local pour s'y réfugier, il n'avait rien trouvé à en redire quand la police le lui avait appris, il aurait probablement fait la même chose en pareil circonstance. On l'avait alors invité à se rendre à la commémoration suivit d'un levé de fonds et il n'avait pas eu le courage de s'y rendre seul. Quand il en avait parlé à l'une de ses connaissances, un vieil ami de son père, l'autre l'avait gratifié d'un clin d’œil entendu et quelques heures plus tard il avait reçu un message sur son portable. Alice t'accompagnera à ta soirée jeudi. Vous aurez rendez-vous sur la grande place. Sur le coup il s'était senti mal. Et puis il s'était fait à l'idée, Alice ce devait être une amie à lui, sa fille peut-être, qui acceptait d'être charitable envers Terrence, voilà tout.
Il attendait donc sur cette place qu'une inconnue arrive, espérant qu'elle le reconnaisse, d'une quelconque façon. Une très jeune femme se dirigeait d'ailleurs vers lui. Une main dans la poche de son pantalon de costume, Terry lui sourit poliment, se demandant bien ce qu'elle voulait lui demander. Bien qu'en la regardant de plus près la demoiselle était pomponnée et moulée dans une robe de cocktail. Il cru défaillir lorsqu'elle se présenta à lui. Ou... Oui, c'est moi. Enchanté Alice. Il fronça les sourcils, désarçonné, il ne s'attendait pas à une gamine sortie d'un magazine de mode. Vous... tu... tu n'avais rien à faire de mieux que de m'accompagner à une soirée pompeuse ce soir, c'est ça ? Il cherchait à se détendre en sortant un trait d'humour, sentant le malaise entre eux qui s'installait.

Spoiler:

Non Terrence n'était pas à l'aise, il aurait fallu être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Mais il avait ce rendez-vous arrangé alors à présent il ne pouvait plus reculer, lui qui hésitait pourtant à se rendre à cette soirée, il aurait encore pu trouver une excuse, mais depuis que l'ami de son père lui avait trouvé sa cavalière il était dans une impasse. La jolie gamine se présenta ce qui ne fit qu'accentuer son malaise, elle ne devait pas avoir beaucoup plus que l'âge de sa fille. Et bien qu'elle soit belle à se damner, dans sa robe du soir, il sentait comme un décalage entre eux. D'autant plus lorsqu'elle réagit à sa question. Ton job ? Il fronça les sourcils, totalement perdu pour le coup. Attends, tu es payée pour m'accompagner ? Il n'avait jamais eu recours à ce genre de service, qui était, selon lui , tout bonnement inacceptable en plus de dégradant pour la jeune femme. Tout d'un coup il comprenait mieux qu'elle soit si jeune et que ça ne la dérange pas de l'accompagner. Et lui qui n'avait pas sa langue dans sa poche lorsqu'il s'agissait de dire ce qu'il pensait se sentit alors bien moins intimidé. Je n'ai pas besoin d'une prostituée pour tenir mon bras. Il y a erreur sur la demande, je crois. Et lui foutait les deux pieds dedans en la traitant ouvertement de pute. Bien que ce soit le plus vieux métier du monde, c'était sans nulle doute dégradant pour la belle Alice de se faire rembarrer de la sorte. Et Terrence, lui, se demandait ce qu'il était passé par la tête du vieil homme pour faire appel à cette fille, il ne pensait pas qu'il avait ce genre de contact.

A présent que les présentations étaient faites, Terrence comprenait mieux pourquoi il avait une fille aussi délicieuse comme compagne pour ce soir, malheureusement ce n’était pas vraiment à son goût, non pas qu’il n’aimait pas les jolies filles, ce n’était pas du tout le problème, mais il ne se voyait pas passer la soirée au bras d’une gamine qu’il aurait payé pour ça. Un peu que ça me pose problème, oui. Il ne trouvait pas normal que ce genre de choses existent encore et tant pis s’il se faisait rabattre les oreilles par le vieil homme qui avait fait appel à cette Alice. J’suis pas seul ! Qu’il s’offusqua, piqué, comme s’il voulait se justifier d’avoir besoin de payer pour avoir une fille qui lui tienne compagnie. C’est juste que… arf c’est rien, on n’a pas à discuter du fait qu’on ait fait appel à toi, de toute manière c’est un malentendu. Il la fixait avec curiosité, cette fille et le métier qu’elle pratiquait étaient toute une énigme pour lui qui ne s’y connaissait pas en escort. Pardon, j’voulais pas te traiter de prostituée, enfin pas rabaisser ton job, ou que ce que soit. Kelly était généralement plutôt du genre à respecter les autres, les femmes surtout, même si ce soir il était dans une situation délicate. T’es majeur au moins ? Et lui il menait son petit interrogatoire, comme ça… il ne savait pas si elle avait déjà été payée ou si elle fonctionnait à l’heure, mais à tailler une bavette sur ce bout de trottoir, ça allait finir par coûter cher. J’sais pas, j’ai une soirée à laquelle je n’ai aucune envie d’aller, avec une fille dont le job est d’accompagner les hommes seuls. Ca ne s’annonce pas extraordinaire. T’as peut-être mieux à faire que de passer ta soirée avec un vieux con comme moi. A sa place, la plupart des filles dansaient en boîte de nuit un samedi soir, elles ne jouaient pas les aguicheuses en talon haut pour des vieux beaux célibataires et désespérés.

Il bougonna dans sa barbe, évidemment, elle avait raison, s’ils se trouvaient tous les deux là ce soir c’est qu’il était seul. Et même si d’ordinaire il acceptait bien cette condition, quand il se regardait dans ses yeux de jeune fille qui avait la vie devant lui, il avait un peu honte. Il roula des yeux. T’as l’habitude… charmant comme job. Pourquoi tu fais ça ? Pour payer des études ou le loyer, j’imagine… tu peux pas juste bosser chez Starbucks, comme tout le monde ? Et pourquoi lui ne se mêlait pas de ce qui le regardait aussi ? A se montrer si indiscret il en était carrément désagréable. Pourtant Terrence n’était pas un modèle lui non plus, il avait bien fait des choses peu recommandables pour gagner de l’argent, beaucoup d’argent facilement. Quitte à passer par la case prison pour ça. Alors il n’avait de leçon à donner à personne. Pourtant il se montrait carrément moralisateur face à cette inconnue qui portait mal son prénom, à bien la regarder, il était prêt à parier qu’Alice c’était un emprunt. Bon, au moins il n’avait pas accepté de payer une mineure, c’était déjà un moindre mal. J’sais pas, je demande, au cas où… Il haussa les épaules, les mains toujours dans les poches. Un jeune con si tu préfères, enfin un con quand même, d’avoir cru qu’une fille totalement inconnue accepterait de l’accompagner à une soirée sans qu’il y ait de l’agent mis sur la table. Il était naïf, parfois. En parlant d’argent… Nan, garde-le. Il accompagnait son refus d’un geste de la main. C’est pas le mien de toute façon et il est bien mieux dans ta poche que dans celle de celui qui t’a payé, franchement. Il esquissa un sourire, le premier vraiment franc de tout leur échange, Terrence se déridait enfin un peu. Bon, j’imagine qu’on se quitte là. Désolé pour le dérangement.

Les paroles de la brune firent écho à la mémoire de Terrence, Parfois des choses s’imposent à nous. On tombe dans des pièges. On ne sait plus comment s’en sortir. Il avait l’impression qu’il aurait pu dire ces mots, lorsqu’il avait à se justifier d’avoir fait du trafic d’arme durant son service militaire Il était toujours vu comme un traître, ce qu’il était, incontestablement, mais à l’époque il était jeune, inconscient, d’une certaine façon il pensait faire le meilleur choix qu’il soit, mais d’un regard extérieur ce qu’il avait fait était impardonnable et à cause de cette histoire là, il serait toujours jugé comme un homme qu’il n’était pas, pour un simple choix mal avisé, à une époque où il était bien trop jeune, trop immature, pour comprendre la portée de ses actes. Il regarda alors Alice avec un peu plus de douceur. Hmm, t’as raison, je vais trop loin. Ouais, un peu qu’il allait trop loin, la belle dans sa robe de soirée semblait carrément vouloir lui arracher les yeux. Heureusement qu’il assurait qu’elle garde son argent, sinon elle lui aurait probablement sauté à la gorge. Elle en avait sûrement besoin, de ce fric, pour une quelconque raison, pour payer des études, un loyer, qu’importe, si elle faisait ce genre d’extra c’était bien pour s’en sortir à sa façon. Alice le remercia à mi-mot et puis s’éloignait déjà, plantant Terrence sur place, comme un con qui ne savait plus quoi faire de sa petite personne. Il finit par la suivre dans cette petite rue et puis la rappela avant qu’elle ne tourne au coin de la suivante. Alice ! J’ai été con. Puis cette soirée sera chiante à mourir dans tous les cas. Tu veux prendre un verre ? Je te l’offre, c’est la moindre des choses. Il était conscient qu’avec la façon dont il l’avait traîtée, il allait très certainement essuyer un refu, mais il tentait, au cas où. Au pire il rentrerait chez lui aussi, on se passerait bien de lui à la soirée.

Il ne savait pas vraiment ce qui lui avait pris de rattraper cette fille. Vu la façon dont les choses avaient commencé entre eux, Terrence ne voyait pas bien comment il pourrait rattraper la situation. Mais il se sentait stupide, d'avoir traité Alice de cette façon, il était allé bien trop loin avec son jugement hâtif et ses réflexions qui ne regardaient que lui. Pourtant, contre toute attente, la jeune femme accepta de prendre ce verre avec lui, il en fut presque surpris et écarquilla les yeux, même si ce fut à peine visible dans la pénombre. OK ! Ok... Il allait donc passer la soirée avec une fille, ça ne lui était pas arrivé depuis un sacré moment mine de rien. Tout de suite l'atmosphère changea entre eux, moins tendue qu'au départ, il esquissa même un demi sourire quand elle se présenta sous son véritable prénom. Alice c'est jolie. Mais Dolorès ça te va bien. Ca cadrait même mieux avec la personnalité de la brune, Alice c'était presque trop sage selon l'avis du surfeur. Pourquoi tu as besoin de changer ? C'est obligatoire ? Voilà qu'il posait des questions sur comment ça fonctionnait, on marchait sur la tête. Il était pourtant évident que ce pseudonyme permettait de mettre des barrières, sous entendu qu'en devenant Alice elle mettait Dolorès de côté, sûrement que ça lui permettait de se protéger aussi. Ils s'étaient mis en marche pour trouver un bar ouvert, sur leur chemin ce ne serait pas bien compliqué, il y en avait quelques-uns. Terrence jeta son dévolu sur un endroit dans lequel il y avait un peu de monde, assez jeune. Ils trouvèrent une place au comptoir. Je crois qu'on est trop habillés pour ce genre d'endroit. Tous les deux en tenues de soirée. Mais lui n'en avait pas grand chose à faire de son apparence. Qu'est-ce que tu bois ?