#23 - We're all one step from grace + Léace

Il y a de ces batailles que l’on sait perdues d’avances, des combats inutiles mais que l’on tente tout de même de mener pour d’obscures raisons, par entêtement ou par fierté, par désespoir parfois aussi. La bataille que Léo menait depuis quelques mois contre lui même semblait à présent le submerger totalement, le couler par le fond. Elle faisait de lui un homme qu’il n’aimait pas, tout l'opposé de ce qu’il s’efforçait d’être depuis des années, elle le rendait mauvais et austère, affligeant d’une tristesse qu’il ne pouvait surmonter. Il savait pourtant qu’il ne pouvait gagner contre lui-même, contre des sentiments qui le dépassait de très haut, c’était peine perdue. Il pourrait être honnête et reconnaître qu’il le savait depuis le départ mais son amour-propre l’en empêchait, alors il se disait qu’il lui avait fallu un voyage à l’autre bout du monde, pourtant en charmante compagnie, et un attentat dévastateur pour comprendre qu’il devait rendre les armes. Il avait enfin accepté que Grace hanterait toujours chacune de ses pensées sans qu'il ne puisse rien y faire. Il était donc là, devant sa porte, prêt à frapper, prêt partir en croisade pour une toute autre bataille, peut-être bien plus ardue que celle qu’il menait contre lui. Il avait essayé, des mois, des jours durant, de se soigner d’elle, de l’oublier mais il semblait que plus il essayait, plus elle se rappelait à son bon souvenir et moins il y arrivait. Il avait bu pour oublier, il s’était perdu dans d’autres bras, il avait sauté dans le premier avion et pourtant elle était toujours aussi présente pour lui, la douleur était toujours aussi vive et le manque pire qu’une drogue dont il voudrait se sevrer. Il prenait donc son piètre courage à deux mains et décidait de faire un pas vers elle. Il avait besoin de la voir pour s’assurer qu’elle allait bien alors qu’un meurtrier courait toujours dans les rues. Il avait été aux premières loges du carnage que ce fou avait fait et le fait d’avoir vu sa meilleure amie se faire tirer dessus devant ses yeux avait suffit à lui faire réaliser que la vie était trop courte pour qu’il ne se batte pas pour celle qu’il aimait. Léo en avait assez de chercher du réconfort auprès d’autres qui ne lui rendaient rien de plus qu’une piètre image de sa personne. Après quelques minutes d’hésitation et après avoir failli revenir sur ses pas une dizaine de fois, notre homme frappa alors à la porte, espérant profondément que Grace ne finirait pas par la lui refermer dessus comme elle l’avait déjà fait.

La violence humaine était quelque chose qu'elle ne comprenait, qui l'effrayait. Les coups, les blessures, elle pouvait ressentir de la douleur à chaque fois fois qu'elle côtoyait ses endroits miteux où elle devait passer pour ses affaires. Même si personne ne lui faisait du mal, elle souffrait pour les autres. Elle désespérait que certaines personnes n'aient jamais pu trouver de paix, de calme intérieur. Quel genre de folie faut-il avoir pour vouloir faire du mal à quelqu'un d'autre ? Elle n'en savait rien. Mais elle était bonne pour faire du mal aux coeurs des autres ou plutôt de lui. Suite à l'attentat, elle s'était demandée comment Léo allait, s'il avait été touché, mais elle n'avait jamais osé passer chez-lui, parce que c'était inconvenu au vu de comment elle l'avait abandonné la dernière fois, de la jalousie qui lui avait hanté. La blonde refusait de se dire qu'elle s'inquiétait pour lui, qu'elle n'arrivait pas à arrêter de penser à un homme qui lui rappelait autant de mal et de douceur à la fois. Et pourtant, il restait toujours dans un coin de sa tête qu'elle ne pouvait pas camoufler, elle n'avait pas même essayée réellement de l'oublier en essayant de trouver mieux ailleurs, parce qu'il n'y avait pas mieux que Léo. Il avait été celui qui l'avait suivi dans son aventure même foireuse, qui la faisait se sentir forte et belle, il était celui qu'elle aimait, tout simplement. Elle pensait plus à lui quand il était absent que lorsqu'il se trouvait à ses côtés parce que c'était torturant de ne pas pouvoir avoir ce qu'elle voulait. Et pourtant, c'était en partie de sa faute, parce qu'elle n'avait pas les meilleures idées et elle décidait de les imposer quand même. Comme si elle l'avait pensée trop fort, en ouvrant la porte, il se trouvait face à elle. « Léo ... » Elle restait le regarder, se demandant presque si c’était réel. C’était débile. Qu’est-ce qu’il venait faire ? N’avait-il pas été assez blessé pour se dire qu’il était temps de l’oublier la dernière fois ? « Tu as besoin de quelque chose ? » C’était la seule option qui restait.

Peut-être allait-il se prendre une veste monumentale, Léo s’y était préparé, après tout ils avaient convenu qu'ils se sépareraient, qu'ils devaient vivre l'un sans l'autre. Et il n’avait eu aucune nouvelle de Grace depuis février, elle n’avait pas répondu au message pour son anniversaire, aucune réaction alors qu’il lui avait envoyé des fleurs. En même temps le jeune homme ne s’attendait à rien, il n’avait pas eu ces attentions pour acheter son amour ou quoi que ce soit, il pensait juste à elle et il le lui avait fait savoir, après tout sa réputation d’être un homme attentionné était bien fondée. Disons que depuis son retour de Norvège naissait doucement en lui cette envie de la revoir, de lui parler, cette envie avait grandi pour devenir un besoin, surtout depuis la fusillade. Depuis qu’il avait vu tant de personnes tomber si rapidement, en quelques secondes leurs vies avaient basculées et ce besoin de la revoir s’était traduit par la peur panique de la perdre avant même qu’il n’ait eu la chance de recroiser son si doux regard. On ne savait jamais que c’était trop tard avant que ça ne le soit vraiment. Alors autant forcer le destin, ce jour, face à cette porte. Léo n’avait pas de bouquet de fleurs cette fois, il n’avait que ses pauvres sentiments qui prenaient trop de place comme une pancarte pour supplier Grace de lui accorder son indulgence. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait dire, tout se mélangeait dans sa tête, comme s’il avait vécu la scène dans son esprit mille fois qu’elle finissait par vriller les pensées. Lui revenait à l’esprit la dernière fois qu’ils s’étaient croisés, par le plus joli des hasard lors de la nuit des étoiles. Ce soir là elle avait partagé un instant avec lui avant de le planter là, cherchant à lui faire croire qu’il n’y avait plus aucun espoir pour eux alors que tout en elle semblait dire le contraire. Elle était mauvaise menteuse Grace mais ça Léo le savait déjà alors il ne l’avait pas retenu pour éviter de faire plus de dégâts. Il inspira une dernière fois avant de frapper. Il ne fallut que quelques secondes pour qu’il entende des pas derrière la porte et qu’elle n’apparaisse doucement. Surprise, la blonde souffla son prénom et d’un coup le barbu se sentit fondre face à elle. Il sourit, comme s’il s’excusait de se trouver là où il n’avait pas le droit d’être. J’ai besoin ?... Nouveau sourire hésitant. J’ai besoin de toi. Il s’approcha doucement. Que Grace ne se défile pas, elle le connaissait suffisamment pour comprendre ce qu’il disait lorsqu’il affirmait avoir besoin d’elle. Il n’avait pas besoin qu’elle l’aide à trouver un quelconque objet ou à résoudre un soucis secondaire. Non, il avait besoin d’elle, comme on a besoin d’oxygène.

Comme les autres, la peur l'avait prise entière quand les informations étaient sorties. Mais elle n'avait pas été touchée, elle n'avait jamais posé un pied dans les lieux parce qu'elle ne voulait pas affronter le regard des gens. Si les yeux des autres ne l'effrayaient plus, elle n'avait pas toujours envie de voir le monde extérieur, il y avait des moments où elle se sentir mieux dans son confort, dans sa bulle. Plusieurs de ses choix lui avait portés préjudices, mais ils étaient parfois les meilleurs. Même si tout ce qui se passait en dehors la fragilisait, l'empêchait de faire des pas en avant. Que le lendemain, elle avait vu des pupilles se mirer sur des personnes, des innocents, les gens craignaient tout le monde, comme s'ils pouvaient tous être des criminels, des potentiels déclencheurs d'attentat. Puis au fil que le temps s'avançait, les regards s'arrêtaient, comme si tout le monde allait mieux, que les blessures s'étaient refermées pour certains. Si elle n'avait pas une peine énorme pour les autres, elle serait peut-être déjà passée à autre chose, ses proches n'avaient pas été touchés, tout le monde se portait au mieux. Mais elle entendait son père parler qu'il y avait encore quelques personnes qui priaient pour leurs familles et ça la détruisait de penser que quelqu'un trouvait du bonheur pour détruire la vie des autres. Grace n'avait pas cessée sa vie d'aventurière des ruelles sombres, étrangement c'était dans ses endroits où elle voyait le moins de violence, sûrement parce qu'elle n'y restait jamais assez longtemps, qu'elle n'avait pas le temps à voir le désastre de l'alcool et autres substances dans l'organisme des gens. La blonde revenait à la réalité, ouvrant la porte avant de rester figer quelques secondes à la vue de Léo et elle ne trouvait rien de mieux à lui dire que lui demander ce dont il avait besoin. Besoin d’elle. Elle souriait tendrement, essayant de le retenir le plus possible pour ne pas montrer qu’elle était touchée. Elle n’était pas stupide, elle savait bien pourquoi il s’approchait, mais elle ne savait pas quoi faire. « Tu veux rentrer ? » Bredouillait la blonde en se déplaçant pour le laisser la place. Puis ça la gênerait moins de parler à Léo dans son appartement qu’en dehors, les personnes aimaient trop parler et elle ne voulait pas être la victime des bavardages. « Tu n’as trouvé personne d’autre pour combler ton manque d’affection ? » Elle levait les yeux en l’air, soufflant. Elle n’avait pas mise sa jalousie de côté, elle ne l’évitait pas pour rien. Grace ne pouvait pas céder en oubliant le mal que ça avait fait à son cœur de se dire qu’elle avait été remplacé ‘si vite’.

Il s’était passé presque six mois depuis leur rupture, des mois entiers durant lesquels Léo n’avait plus aucune nouvelles de Grace. Et c’était plutôt logique vu la situation, ils n’allaient pas s’envoyer des message à tort et à travers pour savoir comment allait l’autre ou ce qu’il faisait. Surtout quand on savait que ces deux-là s’aimaient, c’était d’autant plus difficile de mettre fin à une relation alors autant couper totalement les ponts. Mais c’était tellement dur pour Léo, tellement insupportable de ne plus faire partie de la vie de la blonde qu’il en était venu à faire n’importe quoi. Cette fois-ci n’était pas comme les précédentes, pas comme des années plus tôt alors qu’ils se connaissaient à peine et qu’il avait continué sa vie comme si de rien n’était, gardant juste assez de rancœur mêlés à de bons souvenirs pour ne pas totalement oublier cette fille qui l’avait déjà fait chavirer à cette époque là. Pas non plus comme lors de leur rupture l’année précédente, parce qu’à ce moment là il avait en lui l’amer pensée d’avoir été trahi par celle qu’il aimait. Non, cette fois c’était plus difficile, cette fois lui paraissant totalement insurmontable. Comme s’il pensait ne jamais pouvoir totalement se remettre d’elle, parce qu’il l’avait dans la peau. A tel point qu’il avait passé le plus clair de ces longs mois à broyer du noir en se noyant dans l’alcool, totalement pathétique et cliché me direz-vous. Il avait alors beaucoup maigri mais la barbe qui lui mangeait le visage cachait ses joues creusées par la tristesse et le manque de sommeil. Il n’en était pourtant pas de même pour ses yeux, cernés et qui avaient perdu un peu de leur brillance, de ce bleu si limpide et de ces étoiles qui semblaient les faire pétiller lorsqu’il était heureux. Son regard le trahissait, il semblait vide, presque hagard, peu engageant et empreint de mélancolie. Sa mère disait qu’il faisait peur à voir et elle n’avait pas tort. L’épisode de la fusillade l’avait donc réveillé, il était prêt à réagir, à se prendre en main, à commencer par frapper à la porte de Grace. Mais en vérité il ne savait pas ce qu’il ferait si elle ne lui ouvrait pas ou bien si elle l’accueillait froidement, si elle lui disait qu’elle était enfin passé à autre chose. Sûrement qu’il en serait encore plus accablé. Ou peut-être que ce serait le déclic pour qu’il aille enfin de l’avant, même si cela le décevait profondément. Pourtant il n’avait en tête qu’une issue positive, il ne voulait penser qu’à ça, le reste il ne voulait pas y croire. Pour Léo il était inconcevable que Grace ne l’aime plus, lui, l’éternel rêveur optimiste. Pour le reste il savait que ce n’était pas gagné d’avance, il lui faudrait bon nombres d’arguments pour qu’elle se montre convaincue, il savait qu’elle avait son caractère et il connaissait par coeur son mécanisme de défense, celui qu’elle employait toujours pour se protéger de lui, pour qu’il ne l’atteigne pas. Il sourit à nouveau. Oui, si tu as un instant. Mais déjà elle le laissait passer et Léo ne se fit pas prier pour entrer. C’était étrange, il connaissait peu son appartement, du temps de leur relation Grace l’avait rarement fait venir chez elle, ils préféraient toujours se réfugier dans sa maison à lui, qui était au fil du temps devenu leur  nid à eux-deux. Il découvrait alors les lieux comme pour la première fois. Comme il s’en doutait, Grace l’attaquait déjà et de façon virulente. Comme entrée en matière elle faisait fort, elle avait clairement pris du caractère, la douce enfant de cœur qui n’en était plus vraiment une. Il soupira à son tour, hésitant presque à la regarder en face, conscient qu’elle avait été blessée lorsqu’elle avait appris qu’il fréquentait d’autres femmes. J’aurais pu. Il ne mentait pas, il avait dans son répertoire bien des numéros à appeler s’il voulait d’une fille qui le réchauffe pour quelques heures. Mais il n’avait plus envie de ça, il avait bien rapidement compris qu’aucune ne lui apporterait assez, aucune ne réussirait à lui faire oublier celle qui le hantait. Il y a un tueur en série en liberté. J’espère que tu fais attention à toi. Ce n'est plus sûr de sortir en ce moment. Par là il entendait qu’il avait peur pour elle, on ne savait jamais. Au delà même de la peur qu'elle le rejette, il ne pourrait supporter que Grace soit la proie de ce malade.

Les émotions se mélangeaient quand elle le voyait, autant elle avait envie de l'enlacer, autant elle lui en voulait pour des raisons pas valable. Ils s'étaient séparés, ils s'étaient dit de prendre des routes différentes, elle n'avait plus aucun contrôle sur lui. Et pourtant, l'idée qu'il puisse être dans les bras d'autres femmes plutôt que dormir à ses côtés, ça la rendait jalouse, elle enviait les autres. Elle qui avait vécue une grande partie de sa vie à apprendre à n'envier personne, elle faisait connaissance d'un sentiment horrible qui la rongeait, la déprimait toujours un peu plus alors qu'en surface elle s'assurait d'avoir un sourire parfait pour que personne ne la dérange. Pour ne pas avoir à répondre à la question de savoir si elle allait bien sans lui, parce qu'elle n'allait pas bien, elle était triste sans sa présence, sans voir son sourire à chaque jour. Ils s'étaient peut-être séparés trop brusquement, peut-être que ça ne l'aidait pas à l'oublier, se dire qu'elle avait perdu son amant en même temps que son enfant. D'ailleurs cet enfant qui n'avait pas eu le temps de vivre était une des raisons du pourquoi elle ne pourrait jamais oublier Léo, malgré tous les efforts qu'elle pouvait offrir. Elle restait muette jusqu'à ce qu'il commence à s'approcher d'elle, elle aurait peut-être dû se jeter dans ses bras et oublier ses autres pensées, mais elle s'écartait du chemin, l'invitant à entrer pour ne pas lui dire ce qu'elle avait sur le cœur aux oreilles de tous. Si elle cédait trop vite, c'était le laisser gagner et peut-être qu'il n'avait pas les mêmes intentions. Peut-être même qu'elle se faisait des films, il s'approchait uniquement pour qu'elle comprenne de le laisser entrer. Qu'importe, c'était fait. Elle refermait la porte derrière lui avant de lui poser la question qui la démangeait. « C’est vrai … il y a toujours une femme pour toi quelque part. » Disait-elle à voix basse, presque triste. Comment est-ce qu’elle n’avait pas pu être jalouse pendant plus d’un an ? Et pourquoi elle s’inquiétait plus qu’il ait des yeux pour une autre lorsqu’ils se séparaient ? C’était débile. Peut-être pour éviter le sujet, il venait parler du tueur et elle baissait les yeux. « Ce sont les personnes qui disent ce genre de phrase qui font le plus peur. » Elle s’être permise de regarder quelques films  d’horreur ou suspens après son départ de l’Église et c’était ce qu’elle en avait conclu. « Je fais attention à moi, ne t'en fait pas. » Elle relevait la tête, lui souriant légèrement, si ça pouvait le soulager de l’entendre dire qu’elle ne comptait pas se balader n’importe où en pensant que la ville était en sécurité, alors elle pouvait le lui dire. « J’espère que tu n’as rien eu ... » Mentalement ou physiquement, lui ou un de ses proches. Grace ne savait pas si son ex se trouvait sur les lieux lors du premier attentat, mais au fond d’elle, elle s’inquiétait autant.

Les sourires de façade étaient la spécialité de Grace, ceux pour plaire aux autres, ceux pour cacher son malaise, ceux qu’elle affichait pour ne pas perdre la face. Léo les connaissait par cœur, ses sourires. Et bien qu’ils soient charmants, souvent ils le déroutaient. Pourtant il n’était pas si différent d’elle sur ce point, lui qui avait toujours appris à faire bonne figure pour la forme ou bien qu’il ne fallait pas toujours dire que l’on pensait parce que ce n’était pas forcément politiquement correct. Dans le milieu dans lequel Léo avait grandit il y avait beaucoup d’hypocrisie, chose qu’il avait énormément de mal à supporter. Il savait néanmoins que ce n’était pas forcément perfide de la part de Grace, bien au contraire, il voyait ça comme sa façon à elle de se protéger, de ne pas faire de mal, elle qui était si pudique sur à peu près tout. Ce qui l’ennuyait le plus c’est qu’elle en était encore à ce point avec lui, incapable de s’ouvrir totalement, même alors qu’elle savait qu’il la connaissait trop bien. Sa remarque, teintée d’amertume et de jalousie mal déguisée, arracha un sourire timide à Léo. Il n’en était pas forcément fier, de cette vérité, ni qu’elle le voit comme un homme à femmes. C’était assez dérangeant de se dire que la seule qu’il aimait le considérait de façon si basse, cela  n’engageait rien de bon concernant la confiance qu’elle avait en lui. Mais pour sa défense, s’il était passé de bras en bras durant les derniers mois, il n’avait jamais regardé une autre fille le temps de leur relation, jamais il n’avait ne serait-ce que songé à se satisfaire d’un autre corps que du siens et ça elle le savait bien. Dans tous ses grands principes, le bel Emerson était fidèle, contre toute attente et malgré la tentation qui pouvait s’offrir à lui. Tu n’as pas à être jalouse de ça, tu le sais, Grace. Dans sa tête il n’y avait qu’elle et dans son cœur également, même si cela devait causer sa propre perte. En effet, parler de ce tueur était un bon moyen de changer de ce sujet qui ne le mettait pas forcément à l’aise, le plaçant face à ses faiblesses d’homme et au manque qu’il avait d’elle et qu’il tentait de combler de la pire des façons. Cependant il y serait venu tôt ou tard, parce qu’il s’inquiétait réellement pour la blonde. On ne pouvait être sûr de rien en ces temps de terreur et puis si toutefois elle continuait son trafic, Grace traînait dans des endroits peu fréquentables alors il avait toutes les raisons de lui poser la question. Il sourit à nouveau en baissant la tête. Tu as raison. En temps normal il pensait la même chose qu’elle, qu’il ne servait à rien de s’inquiéter trop ou de crier au loup, mais lorsqu’il s’agissait d’elle il n’était plus vraiment raisonné. Il hocha la tête lorsqu’elle le rassura sur le fait qu’elle faisait attention, c’était tout ce qu’il voulait entendre, même s’il savait bien qu’au fond elle faisait bien ce qu’elle voulait, il ne serait pas là pour faire attention à elle. Il fronça les sourcils dans un expression de douleur, repenser à l’attentat sur la plage n’était pas encore facile alors qu’il n’avait pas encore digéré d’avoir vu Mia se faire tirer dessus et être en prise à ce mouvement de panique qui avait coûté la vie à tant d’innocents. Non moi ça va. Il soupira doucement, après tout il avait lancé le sujet alors ce serait stupide de lui cacher ce qu’il s’était passé pour lui. J’étais sur la plage, au festival, lors de l’attaque. Je n’ai rien eu. Mais Mia, elle était là aussi, elle a été touchée par une balle. Elle va s’en sortir mais je ne sais pas comment elle va s’en remettre. Il releva des yeux brillants vers la blonde qui l’écoutait. Quand j’ai enfin réalisé ce qu’il s’était passé j’ai juste eu peur que toi aussi tu ais été touchée de n’importe quelle manière, peur qu’il t’arrive quoi que ce soit et que je ne sois pas capable de te protéger. Il n’avait pas pu empêcher que son amie se fasse tirer dessus, il n’aurait pas été capable d’empêcher sa mort si la blessure avait été trop grave. Et savoir que Grace était là aussi, quelque part, sans être sûr qu’elle soit en sûreté cette idée lui était insupportable. Léo ne se voyait pas comme un héros qui devait sauver le monde, loin de là, mais depuis la mort d’Anna il n’acceptait pas d’être impuissant face au drame, c’était irrationnel, il le savait bien

Il devait être moins compliqué pour Léo de satisfaire une absence en la remplaçant par une autre que pour Grace qui était bien trop coincée pour ne serait-ce s'imaginer en train d'embrasser un homme autre que celui qu'elle aimait. Alors, même si pendant toute son enfance on lui avait dit que d'être jalouse ne servait à rien et que c'était effectivement le cas, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'être, parce qu'elle ne pouvait pas être celle qui était dans les bras de Léo, parce qu'elle ne savait pas ce qu'il y avait dans sa tête quand il était avec une autre femme et qu'elle, elle ne pouvait pas même l'oublier une journée de cette manière, parce que ça lui paraissait surhumain, trop étrange d'aller dans les bras d'une personne pour qui son coeur ne battait pas une seconde. Elle laissait ses pensées essayer de surmonter les images gravées de sa relation, elle regrettait presque s'être lancée dans une histoire si c'était pour la hante pendant des mois. La blonde aurait rêvée d'une relation comme celle de ses parents, une sans entrave et immortelle. Mais elle avait tuée la sienne d'elle-même, Léo lui avait confié qu'il n'en avait même pas envie. « Non ... j'en sais rien justement. » Lui-même n'était pas presque dans une relation quand ils se sont retrouvés ? Est-ce qu'il n'avait pas dévié les yeux d'une autre personne pour les poser sur Grace ? Ce n'était sûrement pas la première fois qu'elle était jalouse, elle avait toujours envié la mère de son fils. Alors, elle avait peur que dans les yeux d'une autre femme, il puisse trouver ce qui lui manquait, ce qu'il cherchait depuis toujours. Il passait au-dessus de la jalousie de la trentenaire pour rappeler l'attentat et les rues qui n'étaient plus aussi sûres qu'avant. Elle le savait bien et même sans tueur, elle connaissait les dangers des ruelles, elle s'était faite agressée une fois et elle ne savait même pas ce qui aurait pu lui arriver si une femme n'était pas venue à son secours. Mais ça n'avait pas été assez pour lui donner une leçon, elle restait traîner dans ces mêmes venelles et elle restait promettre qu'elle faisait attention alors qu'elle avait toujours autre chose en tête que penser à s'inquiéter. Son regard devenait triste lorsqu'il parlait de la place, du fait qu'il était dessus et qu'il avait sans doute dû voir des choses horribles. La blonde l'écoutait jusqu'au bout, son coeur se réchauffant un peu lorsqu'il venait à terminer. « Elle va bien s'en remettre, parce qu'elle est entourée de personnes comme toi. » Disait-elle avec un sourire angélique. Léo était une bonne personne, il réussirait à la rassurer, lui persuader qu'il n'y avait pas du mal partout et bientôt elle pourrait se promener dans des lieux sans craindre sa vie. « Et tu sais, tu ne pourras pas toujours me protéger de tout, si quelque chose m'arrive, je ne veux pas que tu te dises que c'est de ta faute ou que tu te mettes à culpabiliser parce que tu n'as pas pu être là. Tu le sais bien, que tu ne pourras jamais être constamment à mes côtés. » Elle ne savait dire si c'était des paroles rassurantes ou non. Elle ne voulait pas que Léo s'inquiète autant pour elle. Si quelque chose devait lui arriver, c'est que c'était voulu par Quelqu'un et Léo ne pourrait pas remonter le temps et changer l'histoire. « J'ai eu peur pour toi aussi ... tu te trouves toujours là où il ne faut pas. » Elle riait légèrement, alors il n'y avait rien de drôle, c'était plus nerveux. Mais elle n'aurait pas voulu qu'il finisse pire que lorsqu'il y avait eu le séisme. « Enfin, tu t'en sors toujours. » Pour ne pas finir sur une note triste. Elle avait déjà eu du mal à lui avouer qu'elle s'était inquiétée pour lui, parce que ça lui disait clairement qu'elle pensait à lui alors qu'elle avait essayée de lui faire croire la dernière fois qu'elle allait bien sans lui, qu'elle n'avait pas besoin de lui.

Il est vrai que ce n’était pas vraiment compliqué pour Léo de se vautrer dans des relations sans lendemain alors qu’il était encore totalement épris de Grace. On pouvait le prendre pour un salop d’avoir ce genre de comportement, en soi ça ne l’ennuyait pas, que les autres pensent une chose pareille, parce qu’il n’écoutait pas vraiment les mauvaises langues. Mais l’opinion que Grace avait de lui c’était tout autre chose, bien évidemment. Pour elle il voulait avoir toutes les qualités, il voulait s’approcher de la perfection, bien que ce soit stupide autant qu'utopique. Il se voulait le meilleur à ses yeux et le simple fait qu’elle le voit comme un coureur lui donnait honte de ses actes. Il avait cette impression que son immense regard le jugeait de toute son innocence, elle qui n’oserait jamais embrasser un inconnu, elle qui n’imaginait s’abandonner que dans les bras de celui qu’elle aimait, pour la vie si possible. C'était une nouvelle preuve de leur différence, du fossé qu’il y avait entre ces deux là. Alors évidemment qu’elle n’en savait rien, évidemment que les mots de Léo passaient pour des promesses faciles mais il faisait ce qu’il pouvait pour ne pas passer pour aussi mauvais qu’il en avait l’air auprès d’elle. Et puis elle avait raison, en un sens, de douter, parce qu’en effet il était loin d’être parfait et son comportement n’était pas irréprochable. S’il ne l’avait jamais trompé elle, il avait bien fauté une fois, juste après avoir fait bien des promesses à la mère de son fils il avait oublié toutes ses belles paroles pour un regard échangé dans un bar avec une fille qui allait changer totalement sa façon de voir les choses, pour une fille qu’il avait connu des années plus tôt et qu’il n’avait en vérité jamais oublié. Et cette fille c’était Grace. Alors oui ce fut plus simple, voir un peu lâche, de changer de sujet en parlant de la fusillade mais au fond d’elle la blonde devait bien savoir que Léo était sincère. Et puis avouons aussi qu’il n’était pas totalement mécontent de voir à quel point elle était jalouse, lui prouvant qu’elle tenait toujours à lui. Il lui avoua qu’il se trouvait sur la plage lors de l’attaque, lui racontant rapidement que Mia avait été blessée. Il ne savait pas bien si les deux jeunes femmes se connaissaient mais Grace savait à quel point l’autre blonde comptait pour Léo et elle pouvait donc imaginer combien il s’était inquiété pour son amie. Elle a ses parents, ils la soutiennent beaucoup. Il sourit faiblement. La fameuse bande de potes par contre, on n’est plus vraiment autant soudés qu’avant je crois. Mais j’espère que les garçons prendront soin d’elle. Il pensait à Woody et Liam, à eux quatre ils formaient un noyau soudé et fort, il n’y avait pas si longtemps que ça. Mais il semblait que les choses s’étaient dégradées. Pourtant on disait que les épreuves rapprochaient les gens, alors intérieurement Léo espérait que les choses s’arrangeraient et qu’ils se souderaient pour soutenir Mia, dans le meilleur des mondes c’est ce qui arriverait… Imperceptiblement l’opinion que Grace avait de Léo semblait changer, elle posait sur lui un regard plus doux et un sourire angélique. Il n’avait pourtant pas envie qu’elle le voit comme un sauveur parce qu’il n’en était pas un, il n’avait rien fait pour secourir son amie, il n’avait même pas réussi en fin de compte, il avait juste été là au bon moment et peut-être que s’il n’avait pas été question de Mia mais d’illustres inconnus, peut-être qu’il se serait juste sauvé lui, seul, sans penser aux autres. Dans des situations extrêmes comme celle-là il était compliqué de savoir quelle réaction on aurait, on ne pouvait que fantasmer ses actes qui se révélaient bien différent une fois qu’on les vivait. Les prochaines paroles de Grace peinèrent Léo bien plus qu’il ne l’aurait voulu, elles le touchèrent droit là où ça lui faisait mal, au cœur même de sa plus grande peur, perdre ceux qu’il aimait. Il n’avait pas peur de la mort, de sa propre mort, du moins il n’y pensait pas, il savait son passage sur terre éphémère, comme tout à chacun. Mais il n’en était pas de même pour la perte de ses proches, celle-ci il la redoutait, elle l’angoissait totalement et de façon déraisonnable. Les mots de Grace n’y changeaient rien, si un jour il venait à la perdre ce serait une souffrance sans nom et probablement une descente aux enfers alors qu’elle aurait rejoint ce ciel pour lequel elle avait fait tant de sacrifices. Il s’était approché d’elle ressentant le besoin de la toucher, comme pour se rassurer, il était si proche qu’il la frôlait presque, il n’aurait pas fallu beaucoup, un simple geste pour qu’ils aient ce contact apaisant mais notre homme n’osait pas, il avait tellement peur de la faire fuir qu’il gardait ses distances même si elles étaient de plus en plus difficiles à tenir. Il sourit doucement alors qu’elle mettait le doigt sur une vérité bien étrange, Léo avait ce don pour se trouver là où il ne fallait pas, durant le séisme il avait chuté dans un trou et sa tête avait heurté des gravats, occasionnant une perte de mémoire temporaire, mais cette fois-là il s’était montré imprudent, il le savait bien. Comment aurait-il pu imaginer qu’un fou braquerait une arme sur la foule à Bowen, il pensait sa ville à l’abri de toute attaque, il se pensait en sécurité en flânant dans les allées du festival. Je m’en sors, oui. Et je trouve toujours un moyen pour te retrouver. Il saisit son regard qui ne pouvait pas le fuir indéfiniment, surtout à cause de la proximité qu’il y avait entre eux. Je ne sais pas comment mais je sais qu’il y a un moyen pour que je sois à tes côtés, bien plus qu’en ce moment. J’voudrais qu’on arrête de se fuir ou d’avoir peur. J’voudrais que tu saches à quel point tu me manques, tous les jours, que je fais n’importe quoi parce que tu n’es plus là, près de moi. J’voudrais que tu comprennes combien les autres filles m’ennuient et m’indiffèrent, elles ne te remplacent pas, elles me rendent juste plus minable. Il baissa les yeux sur cette vérité peu flatteuse mais qui était pourtant la seule raison valable à ses errances des mois passés.

Quand elle posait les yeux sur Léo, elle se souvenait de l'amour qu'elle lui portait, elle comprenait pourquoi il lui était impossible de l'oublier. Il avait toujours été le seul, il avait toujours été celui qui hantait son être comme un mauvais esprit, même lorsqu'il ne pensait pas à elle, elle avait trouvé un moyen de penser à lui et lorsqu'ils s'étaient retrouvés, sa flamme n'avait fait que se raviver. Ses sentiments même forts n'arrivaient pas à masquer la jalousie qui grondait en elle, elle était dérangée à l'idée qu'il puisse essayer de l'oublier dans les bras d'autres femmes, elle devrait peut-être se sentir flâner de savoir qu'il revenait toujours à elle, qu'il lui lançait des mots qui restaient tourner dans son crâne et dans son coeur, mais elle n'y arrivait pas. Elle ne voyait qu'en ces femmes une potentielle personne plus belle qu'elle de l'intérieur comme de l'extérieur, une femme à qui personne ne pouvait résister. Et elle voyait dans ces images Léo se retourner pour ne plus jamais revenir vers elle. Pourtant, c'était pour elle qu'il s'inquiétait, pas pour une autre. Il venait à parler de ce qu'il s'était passé, de son amie qui avait été touchée et Grace n'hésitait pas pour dire qu'elle serait bien accompagnée, puisqu'elle savait Léo attentionné même envers ses amis, du moins, c'était l'image qu'elle avait de lui. Une bonne personne pour tout le monde et même si elle avait fait n'importe quoi avec, elle continuait parce qu'elle ne savait pas contrôler ses émotions. « Il s'est passé quelque chose ? » Elle était intriguée du pourquoi ce groupe se voyait périr un peu, mais ne voulait pas imposer sa curiosité de trop, s'il ne voulait pas répondre, il n'avait pas à le faire, il savait bien comment ça fonctionnait avec Grace, elle ne serait pas vexée si ce genre de questions n'avaient pas de réponses. Lorsqu’il disait avoir peur pour la blonde, elle se sentait touchée, même si elle savait que la vérité n’était pas plaisante à entendre. Mais elle ne voulait pas que quelqu’un souffre et soit pleins de remords s’il lui arrivait quelque chose. Même si elle perdait tout ce à quoi elle tenait, elle avait le mérite de savoir se remettre debout, de ne jamais tomber sous les menaces, les agressions, les accidents. Elle plaçait son regard dans le sien lorsqu’il disait toujours la retrouver et ses mots ne faisaient que la laisser muette plus longtemps. C’était à ce moment qu’elle se serait mise à fuir s’ils n’étaient pas si proche, s’ils n’étaient pas chez-elle. Depuis qu’elle avait jugée qu’il était mieux pour eux de prendre des chemins différents, elle avait honte de s’avouer qu’il souffrait de son absence. Elle se sentait coupable de tout, à cause de son humeur, elle avait tout brisé en ne pensant qu’à elle. Depuis toujours, elle avait été la seule à blesser leur relation et quand il essayait de colmater les blessures, elle partait en laissant une entaille encore plus grande. Et elle n’avait qu’à accepter le fait qu’ils se manquaient, qu’ils se faisaient du mal à essayer de s’oublier en vain, accepter qu’elle s’était trompée sur toute la ligne en pensant qu’elle faisait ça pour qu’ils aillent mieux. « Tu n’as pas besoin de mot pour savoir ce que je ressens pour toi. Ça n’a jamais changé.  Je m’excuse de toujours faire les mauvais choix, d’être la seule à nous faire du mal. J'ai juste l'impression de te bloquer ... » Elle n’était pas douée avec les mots et pour dire ce qu’elle ressentait c’était pire, elle avait dû lui dire quelques fois qu’elle l’aimait, mais c’était toujours compliqué, elle préférait qu'il devienne de lui-même ce qu'elle ressentait. « Ne crois pas que je n'ai pas envie qu'on reprenne là où on s'est arrêté, c'est juste que ... Je suis certaine que je vais refaire n'importe quoi et je ne veux pas que tu finisses par me détester. » Elle ne voulait pas se donner une nouvelle chance à elle pour tout ruiner. Elle avait bien trop peur qu'il s'en aille à jamais, elle acceptait difficilement de le voir s'éloigner d'elle, mais elle refusait de le voir disparaître. « Je ne mérite pas ton amour. » Soufflait-elle un énorme pincement au cœur.

La jalousie de Grace crevait les yeux et même si elle était probablement justifiée, Léo ne pourrait rien changer au comportement qu’il avait eu ces derniers mois. Il réagissait toujours plus ou moins de cette façon quand il n’allait pas bien, il prenait la fuite, par des manières différentes selon les situations, mais il était incapable d’affronter ses problèmes et plus particulièrement sa peine lorsqu’elle survenait brutalement, il ne pouvait pas l’assumer, pas la supporter alors il cherchait à l’éliminer de toutes les façons. Et ces derniers temps la manière qu’il avait trouvé avait été celle qui rendait Grace si furieuse. Loin d’être comme elle, Léo n’avait aucun engagement envers aucun dieu, aucune croyance qui pourrait le faire rester dans le droit chemin, il aimait la vie de manière générale et tous les plaisirs qu’elle pouvait lui apporter, ce n’était un secret pour personne, il s’amusait, il profitait, dans ses bons jours tout au moins. Puis lorsqu’il était dans une mauvaise passe il se servait de ces mêmes plaisirs à outrance pour tenter d’échapper à ce quotidien morose qu’il ne supportait pas. Chacun avait ses défauts et celui-là, si s’en était un, pouvait être le plus prononcé chez notre homme. Cependant Grace devrait l’accepter, si tant est qu’ils se rapprochent un jour à nouveau. Léo haussa légèrement les épaules. Il s’est passé qu’on est une bande de mecs qui ne savons toujours pas nous tenir. Ca s’arrangera, ça s’arrange toujours. Il voulait y croire, Léo, que sa bande de copains ne traversait qu’une mauvaise période, ils en avaient connu d’autres, tout n’était pas toujours rose. En ce moment ils déconnaient tous un peu, surtout lui pour être honnête, mais il partait du principe que s’ils boudaient dans leur coin, un jour ils finiraient par se mettre sur la figure et puis les choses s’arrangeraient, c’était à peu près le fonctionnement masculin classique. Il fallait juste qu’ils ravalent leur fierté. Mais en ce moment, Léo était affecté par cet éloignement, surtout parce que Mia en faisait les frais, elle qui aurait tant besoin que que ses copains soient réunis autour d’elle. Le barbu n’avait pas la force de Grace, jamais il ne se disait que les épreuves le rendaient plus fort, jamais il ne pensait qu’il s’en relèverait, pas au départ en tout cas. S’il était pour beaucoup la joie de vivre incarnée, en vérité ce n’était qu’un masque pour cacher sa trouille monstre qu’il arrive quoi que ce soit, à ses proches surtout. A chaque coup dur il se fissurait un peu plus, il prenait d’autant plus peur et son côté protecteur, surprotecteur, devenait un peu plus étouffant. Il savait que cet aspect là ne plaisait pas non plus à la blonde, il la voyait chercher des yeux une issue alors qu’il se rapprochait d’elle, comme si elle avait peur qu’il la prenne au piège. Pourtant il n’y pouvait rien, il tenait trop à elle pour ne pas lui dire ce qu’il ressentait, pour ne pas lui exprimer sa peur de la perdre. Une nouvelle fois il tentait de lui faire comprendre qu’il n’y avait qu’elle, qu’il ne pouvait pas l’oublier et qu’il n’arrivait pas à avancer sans elle. Une nouvelle fois c'était lui qui faisait un pas vers elle malgré la promesse qu’ils s’étaient faite d’essayer de vivre l’un sans l’autre. Il brandissait son énorme drapeau blanc et tendait son coeur juste devant lui. Il était toujours celui qui faisait le premier pas, peut-être à tort, mais il ne pouvait rester muet alors que ce mal le rongeait et qu’elle était le remède pour l’en soigner. Allez savoir pourquoi, lui était persuadé que les choses pouvaient s’arranger, qu’ils pourraient être heureux tous les deux malgré leurs différences et les épreuves qu’ils avaient traversé. Il n’avait pas beaucoup de certitudes dans la vie, Léo, mais celle-ci il la défendait farouchement et il était enfin prêt à se battre pour que Grace ait cette même vision des choses, pour qu’elle arrête de douter ou d’avoir peur d’une histoire qui pourrait être si belle s’ils se donnaient la chance de la vivre. Il secoua la tête légèrement, le regard brillant. La seule chose qui me bloque c’est que tu me rejettes. Avec de mauvaises excuses. Et elle continuait, s’obstinant à se tenir de l’autre côté de cette ligne si mince qui les séparait encore. Il soupira doucement sans la quitter des yeux. S’aurait été bien plus simple de te détester, franchement, ça m’aurait rendu la vie plus facile. Mais j’ai beau avoir essayé, j’te jure que j’ai essayé. Il sourit timidement, se sentant presque coupable de l’aimer si fort, trop fort. Puis tant pis, si un jour je te déteste, au moins tu m’auras prévenu, c’est de ma faute si je m’obstine, pas de la tienne. Alors à moins que tu me détestes, toi, dans ce cas là dis-le moi, ça m’aiderait peut-être. Il sourit doucement, la fixant avec toute la douceur qu’il éprouvait pour elle. Tu mérites totalement mon amour même si je ne suis pas sûr d’être capable de t’aimer correctement. Mais je t’aime, c’est un fait. Et je crois, sans prétention, que tu m’aimes aussi, crois bien que j’en suis désolé. En fait non, je n’en suis pas désolé, j’ai tout fait pour que tu m’aimes, pour que tu ne penses qu’à moi. Parce que je serais malade de te voir avec un autre et que te savoir seule et triste ne me plait pas non plus. Alors si tu as la moindre objection dis-le moi, sinon je t’enlève, je te vole, pour que tu ne sois qu’à moi, je te garde jalousement et je ferais tout pour enfin te rendre heureuse. Sa main s’était rapprochée de celle de Grace, doucement sans qu’il ne s’en rende compte, ses doigts jouaient avec les siens, n’osant pas se mêler totalement à eux mais ce contact, même mince, suffisait à lui faire du bien.

Grace ne cherchait pas à savoir s'il y avait un message à comprendre derrière le fait qu'ils ne savaient pas se tenir. Même si elle mourrait d'envie d'en savoir plus, elle se retenait, ayant peur de connaître la réponse, que celle-ci ne lui plaise pas. Puis ce n'était pas ses amis à elle, elle n'avait rien à voir avec eux. Elle n'avait que très peu d'amis, mais elle savait les garder et elle ne voyait pas comment elle pourrait faire pour briser l'amitié, sauf peut-être parler de sa facette cachée, celle qui ne devait être que temporaire, mais qui s'était tellement installée que ça faisait des longs mois qu'elle l'entretenait. Même si elle savait garder ses relations en tenant son secret, elle ne pouvait pas se vanter de savoir garder l'amour, si le sentiment était toujours là, que même l'absence ne calmait pas mais qu'il l'embrasait, Léo lui, était parti. Parce qu'elle avait vu dans le mal tout le bien que ça pouvait faire aux deux coeurs, toutes ces idées qui s'étaient révélées fausses. Même si elle avait rêvé du jour où il frapperait à sa porte, elle n'était pas prête à accepter son échec. Alors, quand il se rapprochait d'elle, elle déviait son regard n'osant pas le poser dans celui de Léo pour ne pas avoir à l'affronter, pour ne pas boire ses paroles et passer à autre chose en oubliant le reste. Son coeur commençait à dérailler, battre beaucoup trop vite pour une raison stupide. Ces derniers-mois, l'absence l'avait tellement écorchée qu'elle ne voulait pas accepter que ce n'était pour rien, que ça n'allait pas fonctionner. Pourtant, il n'y avait qu'à l'écouter, le voir revenir vers elle comme un aimant, ils finissaient toujours par se retrouver pour savoir qu'elle avait faillit, que son idée avait été mauvaise dès le début. Elle n'avait qu'à se remémorer leur passé, ils s'étaient toujours relevés, même difficilement, si leur relation était fragilisée, ils arrivaient à trouver un moyen pour que ça fonctionne, mais elle avait fermée les yeux dessus parce que la tristesse l'avait noyée et que sa conscience l'avait abandonnée. Une nouvelle fois la jeune femme trouvait des excuses pour le repousser et il rétorquait, le seul problème c'était le comportement de Grace, elle ne laissait pas son cœur parler, elle ne le laissait pas agir. L'entendre dire qu'il avait essayée de la détester la blessait même si elle comprenait, elle-même avait essayée de le rayer de sa vie, ce qui n'était pas mieux. « Je ne te déteste pas, c'est impossible de le faire. » Comment elle pourrait détester une personne qui lui apportait tant de choses ? Elle avait beau être jalouse du fait qu'il ait eu d'autres relations, elle avait beau de ne pas comprendre. Même lorsqu'elle disait qu'elle ne méritait pas de son amour, que Léo serait sans doute mieux à aimer une autre femme plutôt qu'elle, il trouvait un moyen de la faire fondre, de la déstabiliser complètement. Pendant quelques secondes, elle restait le regard, se perdre dans ses yeux sans dire un mot. Comme si elle cherchait des réponses dans ses yeux, alors qu'il y en avait qu'une et qu'elle était logique. « Si elle n'est pas parfaite, elle est celle que j'aime le mieux et ma manière d'aimer n'est pas aussi bonne. » Elle cessait cette guerre inutile qu'elle menait contre elle-même, elle taisait les voix qui pointaient son erreur, qui lui disait que c'était une mauvaise idée et finissait par se rapprocher encore plus de son visage, goûtant de nouveau à ses lèvres après des mois d'abstinence, redécouvrant une sensation qui lui avait manqué. « Tu as raison, je t'aime et je ne veux plus te voir loin de moi. » Elle pouvait se répéter une dizaine de fois, elle était désolée de leur avoir infligé ça, de penser à tort qu'ils pouvaient se passer l'un de l'autre. C'était impossible.

De ce groupe de copains d’enfance qui avaient fait les quatre cent coups ensemble il restait trois gamins devenus hommes mais toujours aussi puériles dans leurs têtes. Il y avait surtout Woody et Léo qui avaient bien du mal à se souvenir qu’ils étaient adultes et que les querelles et les enfantillages n’étaient plus vraiment de leur âge. Liam était certainement le plus sensé des trois, enfin selon Léo. Mais il ne fallait pas s’inquiéter pour eux, les orages passaient toujours, il se connaissaient par coeur après tout, ils savaient tout de leurs mauvais caractères respectifs, des doutes et des peurs qui les habitaient et un jour ils passeraient au dessus de celles qui les hantaient à présent. Puis finalement c’était encore et toujours une histoire de fille au fond, c’étaient elles qui faisaient tourner la tête des garçons. Si seulement Woody arrivait à s’ouvrir à celle qu’il aimait et si Léo en faisait de même avec Grace les choses iraient déjà beaucoup mieux. Ils étaient un peu idiots, les hommes, sur ce point là. Cette fameuse facette cachée de la blonde était la seule ombre au tableau pour Léo, elle demeurait toujours un point d'interrogation non négligeable quant à l’idée de vivre à nouveau quelque chose avec elle. Ils s’étaient quitté pour cette unique raison, quelques mois plus tôt, le photographe ne supportant pas que sa petite amie puisse vendre de la drogue. Il en avait vu des choses, il était assez ouvert d’esprit, mais imaginer qu’elle fasse ce genre de travail illégal avait été au dessus de ses force. Aujourd’hui il ignorait si elle continuait toujours, il savait malgré tout que le fameux Jeremy était son ami et que même si elle décidait d’arrêter, elle serait toujours en contact avec cet homme. Et, sans le connaitre, Léo ne supportait pas que Grace ait ce genre de fréquentation.  Pourtant il était tellement déboussolé sans elle, il avait l’impression d’avoir perdu tous ses repères, toute joie de vivre depuis qu’elle avait déserté sa vie. Alors quand bien même, si elle continuait, il serait prêt à passer outre, à fermer les yeux, égoïstement, juste pour l’avoir à nouveau à ses côtés. Et puis il fallait qu’il voit ce qui était flagrant depuis toujours, avec ses défauts comme ses qualités, avec son métier douteux ou sa coiffe de nonne, Grace était l’évidence de Léo, depuis des années malgré le temps qui passait, malgré les épreuves, les doutes, les disputes et les différents, ils finissaient toujours par se retrouver, comme s’il ne pouvait en être autrement. Qu’ils le veuillent ou non c’était ainsi, alors croyez au destin ou à une force qui les rapprocherait toujours, inlassablement, mais ces deux-là n’avaient d’autre choix que d’accepter que leurs vies étaient liées. Donc autant rendre ce lien agréable, autant se laisser guider l’un vers l’autre. Et c’était ce que Léo avait enfin décidé de faire. Il esquissa un faible sourire alors qu’elle disait ne pas pouvoir le détester. Tu ne me facilites pas la tâche tu sais… Mais il comprenait surtout qu’elle fondait peu à peu, qu’enfin elle détruisait le mur qu’elle avait monté pierre par pierre entre eux. Elle plongea son regard dans le sien et Léo su qu’il avait gagné, qu’après des longs mois de bataille contre eux-même, après s’être fait renvoyé le soir de la saint Valentin, Grace rendait les armes à son tour. Si elle cherchait des réponses dans ses yeux elle n’avait qu’à y lire toute la douceur qu’il mettait à la regarder. Il la contemplait, elle, celle qu’il attendait depuis toujours sans même y penser, elle qui effaçait toute autre femme simplement parce qu’elle existait et qu’elle le regardait. Disons que tu n’es pas facile à conquérir. Mais il préférait cent fois se battre pour elle que se jeter sur des filles trop simple à atteindre. Il se laissa approcher, il était là, totalement vulnérable face à une Grace qui pouvait tout autant le chasser de chez elle que l'enserrer de ses bras. Et elle choisit la seconde option, elle combla l’espace entre eux en offrant à Léo ce baiser qu’il n’osait pas lui donner de peur qu’elle ne lui échappe. Il se laissait faire, ne brusquant rien, il était bien incapable de bouger, comme pris au piège dans du coton, tout d’un coup il se sentait gauche, il redevenait ce petit garçon timide qui n’osait pas alors que Grace prenait les devants. Ce fut elle qui le conquit par ses gestes tendres et ses lèvres douces. Elle l’aimait, c'était tout ce qu'il avait besoin d'entendre, il avait rêvé de ces mots durant des mois et à l’écoute de cette affirmation il ne put retenir un sourire heureux. Son cœur explosait et Léo avait envie de la prendre dans ses bras, de la couvrir de baisers et bien plus. Mais il restait là, à dévisager celle qui lui avait tant manqué. Alors ne me quitte plus, plus jamais. Il savait pourtant qu’il ne fallait jamais dire jamais mais à force de se courir après il était d’avis qu’ils s’arrêtent, qu’ils prennent le temps de s’aimer correctement puisque la chance leur était donnée encore une fois. Il passa une main sur le visage de Grace, glissa dans ses cheveux et termina dans sa nuque. Derrière eux quelque chose attira son regard et il sourit doucement. C’est le bouquet que je t’ai envoyé pour ton anniversaire ? Tu l’as fais sécher... Au moins tu ne l’as pas jeté tout de suite. Je pourrais t’offrir d’autres fleurs, ce serait moins triste. Les fleurs mortes avaient quelque chose de triste pour Léo.

Tout était compliqué dans la tête de Grace, sa manière de penser, comment elle réagissait. Tout son corps s'empressait de retrouver Léo alors qu'elle restait distante, qu'elle fuyait son regard, ses avances, une nouvelle fois pour ne pas se briser le coeur avec un échec supplémentaire. Elle avait peur que s'ils se laissaient une nouvelle chance, ils pouvaient finir par ne plus s'entendre, par se séparer pour toujours. C'était toujours parce qu'elle pensait pour deux qu'elle se bloquait, qu'elle les empêchait d'avancer. Ils ne pouvaient revivre parce qu'elle refusait de voir qu'ils finissaient toujours par se retrouver, qu'importe s'ils s'éloignaient et pendant combien de temps. Elle acceptait difficilement de croire qu'elle s'était trompée, elle était gênée, anxieuse qu'il puisse penser que tout ça, tout le manque qu'ils s'étaient infligés était de la faute de Grace. C'était vrai, elle osait croire que malgré tout le mal, il y avait eu du bon derrière, mais il n'y avait qu'un sentiment de jalousie qui s'était implanté dans le coeur de la blonde avant de pousser beaucoup trop, ne supportant même plus la pensée de Léo côtoyant une autre femme. Parce qu'elle se faisait trop d'idées, parce qu'elle ne voulait pas être qu'un souvenir perdu au milieu des autres dans son esprit. L'envie et la raison se disputait pour imposer une manière d'agir, installer la solution et dans ses yeux pouvaient en l'espace d'un instant montrer qu'elle était prête à se délivrer de ses idées et la seconde d'après, son regard devenait vide, fuyant. Et ce n'était pas Léo que ça torturait le plus, mais sûrement elle, parce qu'elle ne savait pas comment agir, elle ne savait pas qui écouter pour arrêter sa peine. « Tu devrais être heureux que je sois difficile. » C'était pour ça qu'il n'y avait que les mots de son ex qui réussissaient à transpercer son cœur et la faire fondre. Avec un doux regard trop appuyé, Léo avait toujours ce qu'il pouvait et elle ne mit pas longtemps avant de briser ses barrières, ses craintes, pour rapprocher leurs corps. Elle retrouvait le goût de ses lèvres, regagnait une chaleur dans sa poitrine, comme si son coeur reprenait vie après tout ce temps à souffrir. « Jamais. » Soufflait-elle avec un léger sourire aux commissures des lèvres. Ça serait se mentirà elle-même que dire qu'elle n'espérait rien de plus, qu'elle n'aurait pas voulu qu'il la prenne dans ses bras, qu'il l'embrasse de nouveau, mais il se contentait de ses gestes, ses doigts qui glissaient dans ses cheveux jusque dans sa nuque, comme à son habitude. Il retira son regard du sien, les posant derrière et lorsqu'il parlait des fleurs, les joues de la blonde s'empourpraient. « Euh ... ce sont les tiennes oui. » Avouait-elle honteusement en se retournant pour pointer son regard vers elles. S'il savait quelle formation elle suivait pour se trouver un métier, elle aurait sûrement plus misérable à ses yeux, une future-fleuriste qui arrivait à faire faner ses fleurs en quelques jours, c'était décevant. « J'avoue que je pensais à autre chose qu'à ces fleurs-là. » Et puisqu'elle en voulait à Léo et que c'était de sa part, elle les avait posés sans les regarder plus que ça. Elle avait même pris ce geste pour de la provocation, de la torture mentale. Elle aurait dû se douter qu'il allait finir par taper à sa porte, elle aurait dû réfléchir à ce qu'elle aurait pu dire au lieu de retomber dans ses bras, mais elle ne regrettait pas, elle espérait qu'il n'y ait plus rien qui la mette en manque de confiance totale et qui la fasse faire n'importe quoi. « Puis ... je n'ai pas besoin de cadeaux et fleurs, tu sais bien. » Même si ça lui faisait toujours plaisir, que ça lui arrachait des sourires, elle ne savait jamais comment réagir et encore moins comment le rendre.

Léo était toujours celui qui revenait vers Grace, au hasard de leurs rencontres ou parce qu’elle lui manquait trop. Il n’avait jamais eu peur de lui dire ce qu’il ressentait pour elle, qu’il l’aimait, il avait toujours assumé. Il savait qu’i parlait peut-être trop, au risque de l’effrayer parfois, c’était la seule chose qui le freinait, de la voir s’éloigner plutôt que de la faire rester auprès de lui. Mais aujourd’hui il n’avait plus peur, du moins il mettait de côté sa trouille, parce qu’en vérité ils étaient déjà arrivé au stade où la blonde avait fuit, elle l’avait quitté et depuis des mois il traînait sa peine et sa mélancolie partout avec lui. Alors arrivé à ce stade il pouvait bien tenter le tout pour le tout et se présenter chez elle, la fleur au fusil, pour tenter de la reconquérir à nouveau. Il n’avait plus rien à perdre de toute façon. Et puis il savait comment la faire fondre, quels mots employés pour que Grace craque. Ce n’était pas de la manipulation, il la connaissait juste par cœur depuis le temps qu’ils se tournaient autour. Elle était toujours retombé dans ses bras, mais cette fois-ci était différente, plus que tout, il souhaitait que ce ne soit pas une passade, pas d’énièmes retrouvailles qui se termineraient de façon désastreuse. Ils méritaient d’être heureux, tous les deux et leurs cœurs avaient déjà été bien trop égratignés alors si Léo revenait vers elle cette fois de plus il espérait que ce soit la dernière, la bonne. Il arrivait à une période de sa vie où il avait besoin de stabilité, d’avancer dans une direction nouvelle, qu’il n’avait encore jamais osé emprunter. Il n’en pouvait plus de papillonner de bras en bras pour des relations légères vides de tout sens. Il voulait se poser, voir ce qu’une vie d’homme qui assume ses sentiments pour une femme pouvait donner. Lui qui avait toujours eu peur de l’engagement, il rêvait de tenter un avenir à deux et s’il pensait de cette façon c’était parce qu’il pensait à Grace. Parce que c’était elle, pas une autre, tout simplement. Oui… ça ne laisse pas beaucoup de chance aux autres, j’imagine. Il sourit à demi, comprenant qu’aucun autre homme n’avait réussi à l’atteindre, à la toucher, il resterait le seul, unique à ses yeux. Peut-être que c’était à cause de sa foi, mais même dans son célibat Grace était resté fidèle à Léo, comme elle était fidèle à ce saint auquel elle croyait tant. Elle qui disait vouloir essayer ce que la vie avait à lui offrir, elle semblait incapable de passer dans différents bras masculins et pour être honnête le jeune Emerson en était plutôt fier. Lui qui n’aurait pas supporté de savoir qu’elle l’avait remplacé. Son côté possessif n'était plus à démonter et il savait que cette facette de son caractère pouvait faire peur à la blonde, alors il tentait de ne pas trop fanfaronner. Et enfin elle l’embrassa, après des mois de manque, il retrouvait enfin sa bouche, oubliant toutes celles qu’il avait goûté entre temps, si elles avaient compté sur l’instant, elle n’avait plus aucun sens à présent, Léo se sentait enfin bien, à sa place avec Grace dans ses bras. Pourtant, contrairement à son habitude et à l’envie qui lui brûlait pourtant les lèvres, il ne chercha pas à aller plus loin, il ne l’embrassa pas de façon plus appuyé, il ne se laissa pas emporter par ses envies, il prenait son temps. A force d’échecs il apprenait et il savait à présent que la patience avait du bon, il venait à peine de retrouver la blonde, elle n’allait pas s’échapper tout de suite, il avait tout le temps de l’aimer et de consommer cet amour. Léo changea alors de sujet, gardant toujours la jolie blonde dans ses bras, il remarquait le bouquet fané derrière elle. Il aimait faire des cadeaux aux autres, Grace n’était pas une exception et puis cette attention discrète n’avait eu pour but que de rendre sa journée d’anniversaire un peu plus joyeuse, il n’avait jamais eu d’arrière pensée. Mais en voyant l’état des fleurs il se dit qu’elle n’avait peut-être pas interprété la chose de cette façon. Je ne voulais pas te froisser. Répondit-il penaud. Elle n’était pas toujours simple à comprendre, loin d’être comme toutes ces filles qui aimaient être couvertes de cadeaux, Grace ne réagissait pas de cette façon et c’était déroutant pour celui qui avait toujours fonctionné de cette façon. Oui je sais. C’est plus fort que moi. Il caressa ses cheveux avec douceur. Je ne vais pas m’attarder, tu as peut-être des choses à faire en ce milieu de journée. Il avait débarqué chez elle sans prévenir, sans savoir s’il dérangeait ou non. Et même s’il n’avait aucune envie de la quitter alors qu’il venait à peine de la retrouver, il n’avait pas à lui voler son temps.