T'es un aimant à emmerdes (ft Aelya)

La soirée battait son plein au bar à strip tease où elle travaillait. Il y avait tellement de clients qu'elle sentait la fatigue la gagner petit à petit. Peut-être était-ce plutôt un sentiment de lassitude, d'ennui, de voir toujours les mêmes têtes défilées, les mêmes horaires s'enchainer et le même quotidien semblant voir l'achever. Elle ne regrettait pas forcément sa vie de braqueuse, mais durant ce temps, elle ne s'était jamais ennuyée une minute, se dopant à l'adrénaline qui coulait à flot dans ses veines. Mais c'était pas une vie, la cavale, les flics à ses trousses alors à chaque fois elle s'était fait prendre. Tout ça parce que Aelya était un électron libre et qu'elle n'arrivait jamais à suivre les indications qu'on lui donnait. Jamais. C'était trop compliqué d'obéir sans rien dire. Et elle, elle en avait des choses à dire. Son impulsivité l'avait conduite du coup plus d'une fois derrière les barreaux. Peut-être que si elle avait suivi les ordres sans broncher, elle aurait pu être aux Seychelles, croulant sous des tonnes de billets, profitant d'une bonne Pina Colada sous un soleil brûlant. Elle préférait penser qu'elle aurait pu tout de même finir en prison, comme son père, c'était moins dur à encaisser, parce que les regrets étaient vraiment toxiques.

L'heure de la fin de service avait sonné pour la brune sulfureuse qui congédia son client en le remerciant, le sourire aux lèvres. Elle se rendit dans le vestiaires où elle plaça les pourboires qu'on lui avait donné dans son sac, se changea, avant de prendre son paquet de clopes. Elle ferma à clef son casier avant de s'engouffrer dehors, dans la nuit noire égayée par les étoiles.

Aelya s'adossa au mur de la ruelle qui longeait le club, et aspira la fumée de sa cigarette après l'avoir allumé. Elle soupira, avant d'entendre du bruit tout près d'elle. Elle venait d'apercevoir une silhouette du coin de l'oeil qui s'était réfugiée derrière une benne à ordure. Les sirènes de la police commençaient à résonner au travers des murs. Elle ne mit pas longtemps à faire le lien. Après tout, elle avait ce passé qui la rappelait à l'ordre constamment, et puis, c'était courant ce genre de situations dans une ville aussi peuplée. Elle s'avança tranquillement vers l'homme, testant le danger potentiel. Même si elle n'était pas craintive, on ne pouvait pas dire qu'elle avait envie de finir assassinée dans une rue sombre et lugubre. En plus, ce serait cliché.

- Si c'est toi qu'ils cherchent, tu peux pas rester trop longtemps ici. Ils sont pas aussi cons qu'on le pense, ils viendront faire un petit tour par là d'ici quelques minutes, lança-t-elle avant de tirer sur sa clope.

Elle le détailla grâce à la lueur d'un lampadaire.

- T'es pas d'ici toi, ça se voit. T'as fait quoi pour te retrouver dans cette situation ?

Qui sait, peut-être qu'elle pouvait l'aider en quelques sortes suivant son comportement.

Comment s'était-elle retrouvée devant un parfait inconnu qui pointait maintenant son arme sur son cœur ? Y'avait qu'elle pour se retrouver dans ce genre de situations foireuses. Elle aurait pu rentrer chez elle, faire le vide, se détendre devant la télévision, et Aelya, elle était là à fumer sa clope dans une rue lugubre où les chats errants n'y traîneraient même pas. Fallait dire qu'elle agissait toujours comme si elle était immortelle, même si son cœur s'était soudainement activé par réflexe de survie devant le danger imminent de l'arme chargée et pointée sur elle.

- T'as pas l'air de bouger pour le moment alors que tu devrais, avança-t-elle en haussant les épaules, essayant de paraître nonchalante devant la situation stressante.

Elle tira une nouvelle fois sur sa clope, peut être la dernière qui sait. Elle rigola sarcastiquement à sa remarque.

- Tu vas me laisser croire que t'es entrain de me braquer, et que t'es super stressé parce que t'as simplement corriger un mec ?

Elle n'y croyait pas du tout. Elle l'écouta lui fournir des options qui lui permis de comprendre qu'il n'était peut être pas un meurtrier mais pas un saint dans tous les cas.

- Laisse moi t'expliquer mon option : tu connais rien de cette ville, tu vas te faire chopper dans quelques minutes ou même quelques secondes et tu perds du temps en essayant de jouer les bad boys alors qu'on sait très bien que si t'es pas un meurtrier, y'a aucune raison que tu me tues.

Elle écrasa son mégot de cigarette sur le sol avant de le regarder de nouveau.

- Ma voiture est à vingt mètres de nous, si tu baisses ton arme peut être que je pourrais t'aider à trouver une planque.

Elle prenait un risque, mais elle savait très bien ce que c'était que de se voir traiter comme un criminel sans état d'âme pour avoir commis l'erreur d'enfreindre des règles. Si ce n'était pas un meurtrier, alors pour Aelya il était loin d'être dangereux.

A en croire son accent, il était sûrement américain. Elle commençait à faire doucement le lien. Peut-être qu'il était en cavale, évitant les forces de l'ordre de son pays. Elle ne pouvait s'empêcher d'être curieuse, de savoir ce qu'il avait bien pu faire pour fuir de cette manière. Elle rigola à sa remarque.

- C'est pas faux, parce que généralement, les armes poussent pas dans les arbres. Je pense que c'est pareil aux états unis ?

Ça laissait sous entendre la question suivante : comment se faisait-il qu'il avait une arme chargée sur lui. Elle sourit à sa réponse qui cherchait à la décontenancer. Il était pas tombé sur la bonne personne pour ça. Aelya agissait toujours comme si elle n'avait rien à perdre, alors qu'en réalité, elle avait quelque chose à perdre.

- J'aurais tellement été une otage insupportable que tu aurais fini par me supplier de partir, je t'assure. Mais je vois que t'es un amateur de whisky et de clopes, ça nous fait un point commun déjà, ajouta-t-elle avec un sourire en coin.

Elle lui avait proposé son aide sur un coup de tête parce que l'air de rien, elle aimait rendre service aux âmes déchues comme la sienne. Fallait croire que c'était sa manière d'envoyer balader la justice qu'elle détestait.

Elle hocha la tête à son idée pour se protéger avant de regarder l'arme sous toutes ses coutures. Elle s'en fichait d'avoir ses empreintes sur cette arme, c'était facile de les enlever si vraiment elle voulait lui faire un sale coup. Mais ce n'était pas son cas.

- Suis moi, lança-t-elle en de dirigeant vers sa voiture.

Elle le fit installer du côté passager avant de se ranger derrière le volant. Elle démarra le contact avant de quitter la rue où ils étaient.

- Je nous amène chez moi et je vis en collocation. Si jamais, je dirais que t'es mon mec pour la soirée, si on le croise. Parce que si je dis que j'invite un criminel chez moi ça risque de mal se passer.

Elle avait insisté sur le mot criminel pour lui déclencher une réaction, l'invitant à en dire plus sur lui.

Ca faisait quelques minutes qu'elle avait rencontré ce type louche au premier abord, et pourtant, il arrivait déjà à lui décrocher quelques sourires. Elle aimait bien son cynisme.

- Tu peux pas carrément me le vendre, ton arbre ? Nan parce que t'es bon pour attiser l'envie d'acheter toi. Tu ferais un bon commercial.

Elle n'avait jamais été une otage mais elle en avait déjà eu à sa disposition. Le pire, selon elle. Parce que s'il fallait déjà supporter quelques brebis galeuses luttant pour leur survie, il fallait en plus être deux fois plus concentrée pour ne pas se laisser berner par l'empathie qu'on pouvait ressentir à leur égard. Et Aelya en avait trop, en réalité. Ca n'avait jamais été son but de blesser des personnes, seulement le gain importait à ses yeux.

- Moi, si tu me donnes du whisky et des clopes, pas besoin de bâillon en fin de compte, haussa-t-elle les épaules.

Elle sourit en coin à son autre remarque, le regard joueur. Fallait dire que dans tous les cas pour la supporter fallait parfois bien faire semblant de pouvoir le faire. Elle s'introduisit dans sa voiture aux côtés de l'inconnu dont elle ne connaissait pas le prénom. Elle lâcha un petit rire à sa remarque tirée par les cheveux.

- Les Golden Boys trainent pas dans ce genre de quartiers. T'as choisi de me suivre, ce qui me fait penser que tu n'as aucune adresse. Pour l'arme, en Australie il faut un port d'arme et donc avoir une licence, et potentiellement une identité et donc une adresse. Ce qui me laisse donc penser que tu as acheté ce flingue illégalement.

Elle essayait de démonter toutes ses excuses pour qu'il vienne simplement de lui-même à comprendre qu'il ne pouvait pas la mener en bateau. Elle avait sourit, amusée par sa réponse.

- C'est vrai, si ça se trouve c'est mon truc de ramasser des gens paumés pour les amener dans une cave afin de les dépecer, plaisanta-t-elle.

Les yeux concentrés sur la route, elle décida de s'ouvrir légèrement pour augmenter la confiance qu'il lui portait.

- Je travaille à côté, en fait, je venais de finir ma journée. C'est ton jour de chance.

Il rendrait surement sa soirée intéressante.