En charmante compagnie (Rosa)

Ton enfance a probablement été la meilleure période de ta vie. La période de l'innocence, de l'insouciance, où rien ne peut venir nous perturber, sauf des petites broutilles, c'est quelque chose qui te manque beaucoup. Tu étais fille unique, certes, et tu t'ennuyais parfois, mais tu étais heureuse avec tes deux parents qui ont été des parents exemplaires. De cette période, tu te souviens de beaucoup de choses, c'est comme si elles étaient restées gravées dans ta mémoire pour ne plus jamais s'éffacer. Bowen est ta ville natale et tu as beaucoup de souvenirs ici, beaucoup de personnes rencontrées et tu ne quitterais cette ville pour rien au monde, même si tu aimes tes escapades au Portugal, l'Australie reste ta maison pour la vie. Aujourd'hui, Wyatt, ce bon vieux Wyatt, t'a invitée au restaurant. C'est une des personnes dont tu te souviens le mieux de la période de ton enfance. Ses grands-parents étaient voisins avec les tiens et ils avaient tissés des liens, ce qui vous amenez à vous voir souvent lorsqu'il venait en vacances chez eux. Il te gardait même de temps à autre, et on peut dire que tu lui en faisais voir de toutes les couleurs. Tu n'étais pas spécialement une enfant turbulente, mais tu n'en restais pas moins une enfant. Et un enfant, ça fait des bêtises. Mais la chose dont tu te souviens le plus, c'est que tu le collais tellement qu'il finissait par en avoir marre. C'était probablement dû au fait que tu sois fille unique et qu'avoir quelqu'un avec qui passer du temps, quelqu'un qui n'avait pas ton âge mais qui n'était pas si vieux que ça, te faisait plaisir. Sauf que pour lui, ce n'était pas toujours un plaisir, ce qui est compréhensible quand on y repense. Aujourd'hui, cette époque est révolue, Wyatt et toi vous êtes retrouvés dès lors qu'il s'est installé en ville et votre relation a bien changé. Vous avez créée une vraie amitié et les enfants que vous étiez ont bien changé aujourd'hui. Toujours contente de le voir, tu as accepté son invitation avec grand plaisir. Après avoir passé la journée à travailler, tu es contente de pouvoir prendre un peu de temps pour respirer et le retrouver. Un bref message à ta colocataire pour la prévenir que tu ne dîneras pas à la maison ce soir, une bonne douche et une tenue adaptée, tu te rends donc au restaurant dans lequel vous avez l'habitude de manger, et t'installes à votre table habituelle. Un grand sourire illumine ton visage lorsqu'il arrive, trois mois que vous ne vous étiez pas vus, ce n'est pas rien. « Heeeey ! » dis-tu avec enthousiasme. « Maintenant que tu es là, oui ! » réponds-tu, un peu taquine, comme à ton habitude avec lui. Sa confidence te fait sourire de plus belle, quand tu repenses à la façon dont il te mettait de côté lorsque vous étiez plus jeunes, ça semble improbable que tu puisses lui manquer. « Oh, si on m'avait dit que tu me dirais ça un jour... » fis-tu avec un air étonné. « J'avoue que tu m'as un peu manqué toi aussi. Comment ça s'est passé ? » demandes-tu, intéressée. Tu sais que ça ne devait pas être de tout repos et surtout, que ce n'est pas facile pour lui de retourner auprès de son père.

La phrase de Wyatt avec son petit air théâtral te font rire. Tout peut arriver, c'est le moins que l'on puisse dire. Si on t'avait dit qu'un jour tu serais amie avec lui, tu ne l'aurais pas cru, vu la façon dont il te traitait lorsque vous étiez plus jeunes. Il n'était pas méchant, loin de là, c'était seulement un garçon qui ne voulait pas se coltiner une petite fille de cinq ans de moins que lui, partout où il allait. Et il n'avait pas tort, même si tu ne le comprenais pas encore étant petite. Dès lors que tu as fait sa connaissance, tu t'es tout de suite prise d'affection pour lui, comme pour un grand frère, même si cette affection n'était pas tout le temps partagée. Aujourd'hui, c'est une relation forte que vous avez crée et les rôles s'inversent parfois, ce qui est encore plus ironique. Wyatt et toi vous entendez à merveille et désormais, il n'y a plus de différence d'âge qui tienne. Vous passez du temps ensemble à discuter de tout et rien, de vos vies, vous allez au cinéma, mangez au restaurant, et surtout, tu sais qu'il est l'une des rares personnes sur qui tu peux compter. « Un petit peu plus qu'un petit peu alors, je me suis ennuyée sans toi. » avoues-tu finalement en souriant. La serveuse vient interrompre votre conversation pour prendre votre commande. « Et pour moi, l'assiette de la mer, avec de l'eau. Merci. » dis-tu en t'adressant à la serveuse qui note vos commandes et s'éloigne de la table. Tu n'as pas non plus l'habitude de boire de l'alcool, sauf soirées spéciales, tu peux tout à fait t'en passer. Et puis, c'est mieux de boire à deux, seul ça n'a aucun intérêt, et comme Wyatt ne boit pas, ça sera une soirée sage. Vous reprenez votre conversation plus sérieuse, celle à propos de son séjour à Chicago, Wyatt t'explique que ça s'est plutôt bien passé avec son père. « Tant mieux, je suis contente que vous puissiez vous parler. » réponds-tu avec un léger sourire, avant d'hocher la tête négativement à sa remarque. « Je suis sûre qu'il est vraiment fier de toi. C'est ton père, il l'est forcément. » réponds-tu avec conviction. Puis tu l'écoutes parler de son petit frère, le pauvre va devoir vivre avec lui alors que leur relation a l'air quelque peu tendue. Tu n'as entendu parler que vaguement de Kyle, mais tu n'en sais pas plus sur le lien que Wyatt entretient avec son frère. « Mince, ça va être compliqué ça. » Tu vois bien qu'il est désespéré à cette idée, mais elle n'est pas non plus totalement sote. « Dis toi que le fait de cohabiter vous obligera peut-être à discuter, apaiser les choses. » Ton regard se fait bienveillant pour essayer de dédramatiser la situation et voir le positif. « En espérant qu'il fasse des efforts. » rajoutes-tu en te rendant compte que tu ne sais rien de son frère. Si ça se trouve, il ne veut pas apaiser les choses et va faire vivre en enfer à Wyatt.

Au fond, malgré tes vingt-six ans, tu es restée gamine et tu es toujours un peu taquine, surtout avec les gens que tu connais bien et avec qui tu te sens à l'aise. Wyatt t'a connu petite et tu n'as pas vraiment changé depuis. Bien sûr, tu as grandi et mûri, comme tout le monde, mais tu restes quand même une grande enfant. Tu ris lorsqu'il te traite d'insolente, tu as toujours aimé l'être un peu avec lui pour l'embêter, et ça marchait vraiment bien lorsque vous étiez petits. Heureusement aujourd'hui, vous pouvez en rire. Vous passez commande auprès de la serveuse et tu attends qu'elle s'éloigne pour continuer la conversation. Il te raconte comment s'est passé son séjour chez ses parents, il y a du positif dans sa relation avec son père, ce n'est pas grand chose mais c'est déjà bien. Tu t'es toujours demandée comment les parents et leurs enfants pouvaient être en froid, ou même carrément couper les ponts parfois. C'est quelque chose que tu ne peux pas comprendre, toi qui as et as toujours eu une relation très fusionnelle avec tes parents. Chaque famille est différente, tu trouves ça dommage de ne pas bien s'entendre avec ses parents. « Il faut parfois faire une impasse sur certaines choses. Au moins pour que votre relation ne soit pas totalement perdue, tu vois ? » Tu imagines bien que ça n'a pas dû être facile pour lui d'être poussé ainsi à faire quelque chose, même s'il n'a pas vraiment l'air de regretter sa carrière. « Et aussi parce que tu es devenu un homme bien. » réponds-tu en faisant référence à la fierté de son père. Malgré tout, un parent est toujours fier de son enfant lorsqu'il accompli de belles choses. Wyatt semble affligé par l'idée de devoir vivre avec son frère, apparemment ils n'entretiennent pas une très bonne relation, ça risque donc d'être très compliqué à gérer pour lui. « Ca finira bien par s'arranger. » affirmes-tu toujours avec ton optimisme habituel. Tu as d'ailleurs tendance à trop glorifier les choses, alors que ce n'est pas toujours si simple que ça. « Il ne peut pas te détester à vie. Et puis il faudrait déjà que tu saches pourquoi. » finis-tu par dire avec un regard qui se veut encourageant. « Oh, tu sais, il ne se passe pas beaucoup de choses pour moi. » ripostes-tu avec une pointe de mélancolie dans la voix. « Enfin... Je me fais mordre par des chiens, assez ironique pour une éducatrice canine. » dis-tu en laissant échapper un petit rire. Tu lui montre ton avant bras qui est encore entouré d'un pansement. Après quelques minutes, la serveuse s'approche une nouvelle fois de votre table avec vos assiettes qu'elle pose devant vous. Tu la remercies avant de remplir vos deux verres d'eau gazeuse. « Bon appétit ! »

Bien que ça ait été parfois explosif entre toi et Wyatt durant votre enfance, il représente un repère pour toi, quelqu'un qui te garde attachée à ton enfance et à tous les bons souvenirs que tu as de cette période. A chaque fois que tu le vois, tu te rappelles de choses et d'autres, tu adores parler avec lui de ce que vous faisiez avant, des bêtises que tu faisais surtout, ou de la façon dont tu le mettait parfois en rogne. Heureusement, aujourd'hui tout ça n'est que de la rigolade et vous pouvez également parler de vos vies respectives sans avoir trop de mal à vous confier. Preuve en est, il te raconte son séjour à Chicago et finit par se confier à propos de sa relation avec son père. Tu hoches la tête positivement, même s'il n'a pas l'air très convaincu, tu essaies de lui faire comprendre qu'il est devenu une bonne personne et que ses parents ne peuvent qu'être fiers de lui. Il continue de se confier, sur sa relation avec son frère cette fois, qui est plus que compliquée. Toi qui es fille unique, tu ne peux probablement pas très bien comprendre mais tu restes malgré tout optimiste. S'ils sont amenés à vivre ensemble, ils briseront bien la glace un jour ou l'autre, quitte à crier un bon coup pour que tout s'apaise par la suite. Mais finalement, tu ne connais rien de leur relation et tu idéalises toujours trop les choses, il ne manque d'ailleurs pas de te faire remarquer ton optimisme extrême. « Pardon... » dis-tu avec un léger sourire. « Je veux juste que tout aille bien pour toi. Ce n'est pas facile de vivre avec quelqu'un qui nous déteste. » Au fond, tu espères pour lui que tout s'arrangera même si ce n'est pas gagné d'avance. « En tout cas s'il t'embête trop, tu sauras où te réfugier. » C'est dit sur le ton de l'humour mais c'est une vraie proposition. Tu ne le laisserais jamais dans une galère et s'il a besoin, au cas où, de respirer un peu hors de chez lui, tu l'accueilleras avec plaisir. Le sujet passe ensuite à ta propre vie, bien moins agitée que la sienne d'ailleurs, même s'il semble penser le contraire en te posant la question. Tu lui racontes ta dernière mésaventure et tu vois qu'il est sur le point d'exploser de rire. « Hé, c'est pas gentil ça. » réponds-tu à sa remarque avec une moue boudeuse. « Déjà, c'était pas au travail, c'était pour l'association. » rétorques-tu pour le contredire telle une enfant. « Un chien perdu et un peu trop méfiant, il n'a pas aimé que je l'approche. » expliques-tu finalement comme pour lui faire fermer sa bouche. Gentiment bien sûr. La serveuse arrive finalement avec vos plats qu'elle dépose devant vous. Tu commences doucement à manger avant de chiper un morceau de lasagnes dans l'assiette de Wyatt que tu mets directement dans ta bouche. « Huuum trop bon. » finis-tu par dire avant de finir la bouchée. « Bon, et sinon... » dis-tu en continuant de manger, dans ton assiette cette fois. « Côté coeur, ça donne quoi ? » demandes-tu avec un sourire taquin. Wyatt et toi pouvez parler de plusieurs choses, mais tu sais qu'il n'est pas vraiment pour parler de ces choses là avec toi, c'est vrai que ça serait assez étrange de vous racontez tout ça en détail, mais tu ne peux t'empêcher de faire la curieuse et surtout, de l'embêter un peu.

La tournure de votre conversation est un peu bizarre, lui qui ne s'était jamais vraiment confié à toi, il le fait aujourd'hui avec facilité. Sur le moment, tu n'as plus l'impression d'être la gamine que tu étais, même s'il te considèrera toujours ainsi au vue de votre passé. Vous parlez de sa relation difficile avec son frère dont l'arrivée à Bowen est imminente, tu peux facilement imaginer les moments qu'il va passer si son frère décide de lui mener la vie dure, alors tu lui affirmes qu'il pourra toujours trouver refuge chez toi pour fuir le monstre. « Pas trop souvent quand même hein ! » réponds-tu, amusée. Vous changez de sujet et tu évoques cette fameuse morsure de chien au niveau de ton avant-bras, et Wyatt ne peut s'empêcher une remarque taquine comme il a l'habitude de faire à chaque fois. Tu feins une mine boudeuse face à cette remarque même si, en réalité, tu ne le prends pas du tout mal, tu sais bien qu'il fait ça seulement pour t'embêter. Tu lui expliques donc que ce n'est pas arrivé dans le cadre de ton travail, mais que c'était un chien perdu que tu voulais recueillir à l'association. « Oui, bon, ça suffit de se moquer ! » rétorques-tu avec amusement. « Il m'a mordue mais j'ai quand même réussi à l'approcher et on est devenus amis. » ajoutes-tu d'un air fier. Le chien a seulement eu peur, ces animaux sont les plus craintifs de tout l'univers, les humains devraient parfois prendre exemple sur eux pour ne pas se faire avoir. La serveuse vous interrompt pour apporter vos assiettes et lorsque tu te hasardes à chiper un morceau de lasagne dans l'assiette de Wyatt, il crie au scandale. Tu ris comme une gamine en l'écoutant se plaindre en éxagérant un peu. « Comment ça tu ne partages jamais tes lasagnes ? Tu ne partages pas tes lasagnes, sauf avec la meilleure de tes copines. » réctifies-tu en riant encore une fois. Tu aurais envie d'aller voler encore un bout, mais tu vois son air contrarié, prêt à te planter la fourchette si jamais tu osais t'approcher. Tu resteras donc dans ta propre assiette dont le contenu a l'air également bien appétissant. Tu te risques ensuite à poser la question qui fâche, même si tu sais qu'il n'aime pas parler de ce genre de choses avec toi. Tu fais ça pour le taquiner plus qu'autre chose, et de toute façon, tu sais déjà qu'il ne dévoilera rien. Il ne te fait pas mentir puisque sa réponse est très brève. « Voilà qui a le mérité d'être clair. » Tu n'as pas le temps d'insister qu'il te retourne déjà la question. Tu soupires. Ce ne sera pas plus intéressant que ce qui avait à dire. « Moi ? Je crois que je vais finir seule. » dis-tu en haussant les épaules. « Je suis plus douée pour comprendre les animaux que les gens. » Il faut dire que celle qui hante tes pensées depuis quelques jours ne rend pas la tâche facile, de toute évidence, elle ne fera aucun pas vers toi alors que tu en as déjà fait plusieurs. Tu te sens ridicule d'attendre quoi que ce soit et même d'en parler à Wyatt, alors tu ne dis rien et te contentes de continuer de manger comme si de rien était.