La mort est de bonne compagnie ft Laïa Campbell (2015)

Au menu : ravioli chinois. Ce n’est pas qu’il aime ça, il trouverai ça presque parfaitement dégoutant. C’est probablement pour ça que ce plat erre dans le réfrigérateur du personnel depuis trois jours. Leur propriétaire semble les avoir abandonnés là, livrés à leur sort, destiné à la poubelle. Manwë ne laisse jamais faire ce genre de chose, tous les jours il fait l’inventaire mental du frigo, il se note ce qui traine depuis trop longtemps et se charge de les faire disparaitre à ses risques et périls. Il n’y a pas de petites économies, surtout quand on n’a pas un sou. Le portraitiste s’est armé d’une sauce piquante et descendu à la morgue avec son repas. Outre le fait qu’il mange les poubelles de ses collègues, Man’ ne s’entend pas particulièrement avec les policiers en uniformes. La plupart d’entre eux ont passé leur examen d’entrée à l’académie de police avec Manwë, puisqu’il a tenté trois fois sa chance et même s’il n’est pas particulièrement sensibles aux moqueries au point de pleurer comme une fillette, il aime prendre ses repas en paix.

Où peut-on trouver endroit plus calme que la morgue ?
Il demande à voir.

Manwë vient ici depuis des semaines à présent, il sait à quelle heure l’équipe légiste déserte les lieux pour prendre leur repas, il profite de ce créneau pour s’installer là. Parfois il y a un encore une dépouille amochée sur la table, mais ça ne lui coupe pas l’appétit. Il a le cœur solide le Manwë, il a vu et vécu tant de merdes et d’horreur, il sait que le monde est pourri jusqu’à la moelle, qu’il ne sera jamais au bout de ses surprises en matière d’horreur.

Cet endroit est sombre, calme et désert. C’est tout ce qui compte pour lui. Parfois il embaume les lieu avec des odeurs de nourriture un peu forte, comme la fois où il est descendu ici avec de la bouffe indienne. Il a bien faillit se faire griller à cause de ça, alors désormais il évite les senteurs trop… Extrêmes ?

C’est la bouche pleine de ravioli et de sauce piment que ses yeux verts se lèvent vers la porte qui vient de s’ouvrir. *Merde* Pense-t-il bien fortement, faisant tomber un ravioli de sa bouche directement dans son plat (cet homme est l’élégance même, la classe ultime !). Pris en flag’, le brun se lève de sa chaise sans trop savoir ce qu’il va bien pouvoir dire au légiste, cependant lorsqu’il vit une jeune femme ses sourcils s’envolent. Il ne lui semble pas l’avoir déjà vu par le passé, elle ne porte pas de blouse blanche et elle est beaucoup trop belle pour travailler dans un endroit aussi morbide. “ Salut ! “ Il a oublié qu’il avait encore la bouche pleine, pourtant il y a longtemps qu’il a passé le stade d’adolescent ébloui par la beauté d’une femme, non ? Les postillons alimentaires qui viennent donc de voler complètent le charmant tableau des raviolis échappés de sa bouche un peu plus tôt.

Malgré tout embarrassé, il pose le plat sur une table au hasard entre quelques ustensiles de torture, déglutis un peu trop rapidement, il sait qu’il risque d’avoir mal au bide après ça, mais qu’importe. “ Les creepy de la team des légistes vont pas tarder à revenir… Pas facile de se trouver une place tranquille entre ça et les beaufs en uniforme, hein ? “ Bien que côté creepy, il offre de sa personne, et là, niveau maladresse, il atteint des sommets… Comment aurait-il pu se douter ? “ T’en fais pas. J’veux dire, tu peux rester si tu veux, j’t’embêterais pas. Hop, j’arrête de parler. “ Un sourire, cette fois sans bouffe, même pas un peu entre les dents ! Malgré tout au cas où, il boit un coup, ça tassera les raviolis au fond de son estomac.

"N'hésite pas à t'imposer, tu es désormais dans la cours des grands". La phrase fétiche que papa ne cesse de lui répéter depuis qu'elle a fait ses premiers pas dans la police. Après l'internat dans un vrai hôpital, ça fait quelques jours maintenant que Laïa est entrée dans ses fonctions de légiste pour la police. C'est très loin d'être aussi calme que dans un labo d'hôpital. Ici, ce ne sont pas les mêmes enjeux et l'intégration est assez difficile. Depuis une semaine, Laïa est assigné à une enquête avec un vrais légiste, une vraie équipe dont elle fait partie à part entière. Mais, à part apporter les cafés, passer les instruments au-dessus de la table, faire des rapports et servir de boniche elle ne fait pas trop grand-chose d'autre.

L'étiquette de "nouvelle recrue" collé sur le front. Laïa prend sur elle, elle n'a fait qu'une première semaine et pour l'instant, la brune tente surtout de trouver ses marques. Elle est douée dans sa spécialité, elle a déjà bluffé plus d'une personne et bien qu'elle se soit faite rabaissée plus d'une fois, elle ne s'avoue jamais vaincue. Et que dire de ses policiers en uniforme. Les pires, c'est surement les plus gradés. Les légistes sont souvent considérés comme des personnes dérangées. Leur métier fait penser qu'ils ont juste une vocation de tueur en série. Sérieusement ? Qui peut aimer tripoter des cadavres ? Alors, quand elle c'est pointé avec son joli minois innocent, autant dire qu'elle a passé pour une folle. Les journées sont assez longues pour l'instant. Les débuts, c'est toujours difficile. Le moment le plus long c'est sans doute la pause déjeuner. Ce moment ou toute l'équipe quitte le labo pour retourner à la vie normale auprès des vivants. Laïa, elle préfère le calme et le silence du bureau plutôt que l'effervescence d'un restaurant. Depuis qu'elle a prit ses fonctions, elle est la seule à rester parmi les cadavres pour manger. Elle profite surtout de l'absence des autres pour étudier d'avantage, relire les dossiers et s'assurer qu'elle ne manque rien.

Elle s'absente uniquement pour aller s'acheter de quoi manger. Elle n'avait rien prévue ce qui la pousse à penser qu'elle doit faire quelques courses avant de rentrer chez elle. Un simple sandwich fera l'affaire, de toute façon elle mange tellement peu. Poussant la porte du labo, elle n'a pas le souvenir d'avoir laissé la lumière allumée dans le bureau et pourtant ... les néons froids semblent indiquer la présence de quelqu'un. Et étrangement, elle retrouve cette odeur particulière de nourriture, loin d'être celle habituelle dans une morgue. Ce n'est pas la première fois qu'elle détecte cette odeur, quelques jours avant elle avait même trouvé des emballages de nourriture asiatique ainsi que cette odeur forte d'épice dans la poubelle du bureau. Visiblement, quelqu'un venait déjeuner ici et jusqu'à aujourd'hui elle n'a jamais pu croiser cette personne.

Curieuse de savoir qui est cette personne qui préfère la compagnie des morts plutôt que celle des vivants, Laïa ouvre la porte et tombe sur le charmant tableau de cet homme la bouche rempli de raviolis chinois. Dans la pièce, il se dégageait une odeur de sauce piquante et de nouille réchauffé. Loin d'être une bonne enquêtrice, elle vient pourtant de trouver le coupable. L'air quelque peu dégoutté par cette image, Laïa détourne les yeux en reprenant malgré tous avec un petit sourire. Euh, salut !

Après une première approche, Laïa relève les yeux vers l'homme qui malgré son allure gêné semble parfaitement amical. C'est, un drôle d'endroit pour déjeuner. Lance t-elle doucement. Pas forcément l'endroit le plus accueillant mais c'est certainement mieux qu'à l'étage alors à choisir, elle préfère largement la compagnie de cet homme aux raviolis plutôt que celle des policiers. Nan, ce n'est pas forcément très sympa de manger avec eux, j'ai essayé pour mon premier jour autant dire que ça m'a coupé l'appétit. Refermant la porte après son passage, Laïa attrape la chaise de bureau pour s'installer tout en reprenant. Je ... travail ici donc oui je vais rester. Comme si c'était évident. Le sourire charmant avec la nourriture entre les dents est mémorable si bien qu'elle ne peut s'empêcher de rire. Oui, je vois ça ...Attend un peu, c'est toi qui viens manger asiatique dans la morgue presque tous les jours ?

Il a bien vu ses réactions, mais il ne s’en formalise pas, il a conscience d’être bien loin du cliché australien musclé, beau gosse et surfeur. Il est sec, brun et en plus il n’apprécie pas vraiment le soleil. Manwë ne fait pas le moindre effort pour entrer dans la catégorie des hommes désirables, il se sait banal et son charisme est plus intimidant qu’attirant. Freak, c’est bien comme ça que son père l’appelait. Normalement, on donne des surnoms affectifs à ses mômes… Il n’y a pas grand-chose de normal dans sa vie après tout, comme le fait de venir ici manger.

“ Ah ouais ? “ Qu’il répond alors qu’elle fit remarquer que c’est un lieu étrange pour manger, toujours cynique malgré lui, sans l’intention d’être désagréable c’est un humour particulier qu’il a, mais qui au final ne détonne pas à l’ambiance de sa cantine. Elle affirme qu’il n’est pas évident de trouver compagnie agréable au commissariat pour la pause déjeuner. Il eut un petit rire de gorge alors qu’elle ajoute que les collègues en uniformes lui coupent l’appétit “ J’imagine bien, des fois on dirait qu’ils ont jamais vu une bonne femme de leur vie… “ Dès qu’il y a une femme qui arrive, les lieux sont en effervescence, Man’ respecte celles qui persévèrent malgré ça, qui parviennent à s’imposer face à toutes ces têtes de cons qui malgré les progrès de la société demeurent des crétins macho et sexistes… Il a au moins le mérite de ne pas lui faire du rentre dedans d’entrée de jeu, il se montre même presque répugnant avec sa bouchée de raviolis…

Elle finit par rire, ce qui lui fit avoir un léger sourire en coin avant de boire l’eau qui lui permit d’en finir avec cette bouchée beaucoup trop chargée. Il ne peut pas vraiment blâmer ses collègues d’être certainement lourds avec elle, c’est une très belle femme et ce rire est certainement l’une des plus belles choses qu’il ait entendu depuis bien longtemps entre ces murs. “ Coupable. “ Répondit-il en levant les mains comme un interpellé, baguettes coincées entres ses doigts de la main gauche. “ C’est pas vraiment que j’aime particulièrement ça… À vrai dire, c’est même plutôt dégoûtant... D’où la sauce ! “ Il désigne du menton le flacon de sauce pimentée  “ Mais c’est ce qu’on trouve le plus facilement ici… Chiper une part de pizza ? Même pas en rêve, elle disparait beaucoup trop vite ! Mais ça, les vieux raviolis de l’avant-veille : on en trouve toujours dans un recoin du frigo. “ Il hausse les épaules en rebaissant les bras, et si elle faisait partie de ceux qui ont laissé moisir leur plat asiatique dans le réfrigérateur ? Dans ce cas, il est honoré d’avoir terminé l’assiette d’une si charmante jeune femme.

“ Je ne savais pas qu’il y avait une nouvelle recrue dans la team des décortiqueurs de macchabées, mais c’est pas comme si on m’disait tout de toutes manières. “ Mais quand même, il aurait dû entendre parler d’une jolie fille, non ? Depuis quand est-ce qu’il s’attarde à ce point sur la beauté de quelqu’un ? Il s’adosse dans sa chaise, l’observant malgré tout de manière naturelle, pas du genre à montrer qu’une femme peut lui plaire, surtout lorsqu’il est convaincu de ne pas jouer dans la même catégorie… “ Eh donc… Tu ne prends pas ta pause avec tes charmants collègues ? “ La question est davantage une constatation, mais il se demande surtout pourquoi elle fait bande à part, il farfouille dans le plat avant d’attraper un ravioli, se disant qu’il pouvait faire l’effort de manger proprement pour la suite de son repas puisqu’il a de la compagnie, autant essayer de se montrer pas totalement désagréable.