Expect problems and eat them for breakfast (Noah)

Pour Noah, son père était vraiment un connard. Il n'en démordait pas et Ella ne pouvait pas passer son temps à le contredire. Elle n'avait juste pas le droit d'en dresser un portrait négatif, parce qu'il avait été celui qu'elle avait aimé en premier. Elle avait connu un tout autre jeune homme et c'était peut-être ces souvenirs-là qui occultaient parfois l'abandon qu'elle avait subi. Un abandon mis en avant par Noah et qui justifiait, pour lui, l'idée que son père était un con. Ella regarda son fils et esquissa un léger sourire : « Je sais, Noah. Mais parfois la peur peut faire des choses inexplicables. Ni toi, ni moi ne saurons vraiment ce qu'il s'est passé dans sa tête. » Dans leur couple, c'était Ella qui avait toujours été la plus mature. Pas étonnant qu'elle soit celle qui ait voulu garder l'enfant et qui avait assumé jusqu'au bout. Noah avait hérité de cela. Elle savait qu'il n'était pas du genre à se défiler et c'était une valeur qu'elle appréciait retrouver chez son fils. S'il y avait une autre valeur qu'elle aimait retrouver, c'était la sincérité de son fils. Même s'il arrivait parfois avec ces questions sans aucun filtre. Comme l'avortement. Cet avortement qu'elle aurait pu faire. Cette solution qui aurait arrangé tant de monde, sauf Ella. Elle n'avait jamais vraiment parlé de sa grossesse avec son fils et c'était peut-être ce qui avait attisé une certaine culpabilité que Noah ressentait au plus profond de lui. L'entendre en parler bouleversa Ella, qui ouvrit les vannes et s'excusa ensuite de n'avoir pas su lui offrir une vie familiale correcte. Elle préférait avoir ce schéma familial, sans père certes, mais un schéma où Noah existait. Cela surpassait largement la vie qu'elle aurait pu avoir si elle avait avorté, une vie où elle serait peut-être encore en couple avec son ex, mais une vie où elle serait rongée par les regrets, par cette sensation d'avoir ôté la vie. Mais malgré tout, elle savait que le manque de la figure masculine était présent et elle ne savait pas comment remédier à cela. Contre toute attente, Noah se tourna vers elle et la prit dans ses bras. A son tour, elle resserra l'étreinte autour de son fils, avec toute l'affection qu'elle lui portait. C'était si rare maintenant qu'il soit aussi affectueux avec elle, ce qui la toucha en plein cœur. « Mon grand bébé... » souffla-t-elle, émue, en entendant ses paroles. A cet instant, elle oubliait la crise d'adolescence, les visites à répétition chez le proviseur, les inquiétudes incessantes. Elle avait l'impression de retrouver son fils, cet être qui avait encore un peu besoin d'elle. « Tu n'as pas à me remercier. Je suis ta mère, c'est normal. » ça valait tous les sacrifices. Tentant d'être plus légère, elle ajouta : « Je peux me mettre au bricolage, si vraiment tu veux apprendre tout un tas de trucs. » Vu l'étagère bancale qui traînait dans le salon, il ne valait mieux pas qu'elle se mette au bricolage, tout compte fait. Alors qu'il déposa un baiser sur sa joue, Ella se contenta d'ébouriffer ses cheveux et d'aplatir ses mèches rebelles, comme elle l'avait toujours fait quand il était petit. Puis Noah évoqua Mali. Mali qui était la figure masculine qui lui apprenait tous les trucs de mecs, justement. Un sourire vint étirer les lèvres de la jeune femme alors qu'elle posa son regard sur Noah : « Tu l'aimes beaucoup, Mali, n'est-ce pas ? » Ils avaient une belle relation tous les deux. Une relation qu'Ella aimait voir grandir de jour en jour.

Ayant vécu une éducation très stricte, Ella ne s'était jamais laissée à avoir une quelconque affection envers ses parents. Elle n'était pas certaine d'avoir un jour été capable de leur qu'elle les aimait et ne se souvenait même pas du dernier câlin. Alors, ce manque d'affection, elle avait fait en sorte que Noah ne le vive pas à son tour, surtout qu'il avait grandi avec l'un de ses parents en moins. Puis l'adolescence était arrivée et elle avait fini par comprendre que c'était la honte de faire un câlin à sa mère. C'était même normal. Ce fut pour cela qu'elle apprécia ce geste affectueux qu'il eut à son égard. C'était la preuve qu'il l'aimait quand même, elle, la mère paumée, un peu trop laxiste peut-être. Voulant ensuite ajouter un peu de légèreté après une matinée forte en émotions, Ella lui avoua être prête à se mettre au bricolage, s'il voulait se lancer dans ce domaine. Mais Noah lui coupa l'herbe sous le pied en évoquant cette fameuse étagère, branlante, qui trônait encore dans leur salon. Elle se mit à rire en secouant la tête : « Ce n'est pas de ma faute si le schéma pour monter cette étagère était incompréhensible ! » Avant d'ajouter, complice : « Mais j'avoue que les dix vis qui restaient dans le sachet aurait dû me faire comprendre que j'avais loupé une étape. » Ah ces meubles suédois ! Heureusement, Mali était passé par là et avait réglé l'affaire, tel un super-héros. D'ailleurs, en parlant de Mali, la jeune femme tenta d'en savoir plus sur la relation que le jeune adolescent avait avec le grand brun. Mais Noah restait Noah et se contentait simplement d'un « il est sympa. » qui ne convainquit pas Ella. Elle connaissait son fils et son habilité à ne pas montrer ses émotions. Elle se doutait, au contraire, que Mali avait une place importante dans sa vie. Comme il l'était dans la vie d'Ella. « Moi aussi je le trouve sympa. Très sympa. » renchérit-elle, avec un sourire sur les lèvres, usant du même vocabulaire pour faire comprendre qu'elle aussi aimait beaucoup Mali. C'était peut-être plus que cela, même. Ella avait rencontré Mali à une période de sa vie où les hommes étaient sa crainte. Il lui avait redonné confiance en la gente masculine. Malheureusement pour elle, ce n'était pas la bonne période pour oser faire quoique ce soit envers lui. Alors, elle s'était rangée dans la catégorie de la bonne amie, sûrement pour ne pas le perdre si elle se dévoilait d'une autre manière. Noah la sortit de ses pensées en lui demandant de partir faire les courses, lui rappelant cette virée chez le proviseur qu'elle avait presque oublié. Elle redémarra le contact, esquissa un léger sourire, avant de s'engager sur la route. « Allons-y... » répondit-elle, bien décidée, un jour, à savoir ce que son fils avait vraiment sur le cœur.

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