shadows and regrets. (brooke)

Aelya s'était rendue au travail comme à son habitude, agitant ses courbes sous les yeux envieux des hommes qui traînaient trop tard le soir dans les rues de Bowen, à la recherche d'une distraction ou d'un échappatoire, chose qu'elle était capable de leur donner par le biais des mirages qu'elle déployait dans leur esprit en demande, tandis que le sien était happé vers une seule et même personne, toujours la même, celle qu'elle rêvait de retrouver en tout instant alors qu'il travaillait au bar du club, ne lui donnant aucunement l'occasion d'émettre le contact qu'elle désirait. Sortant du lieu après des heures à se donner, elle s'engouffra dans la nuit pour rejoindre sa voiture, consciente que Niels en avait encore pour un bon moment, lui qui travaillait pour deux depuis quelques jours. Dévalant les mètres sur le trottoir, la porte d'un bar s'ouvrit pour y laisser sortir la lumière, mettant en avant une chevelure rousse qu'elle reconnaîtrait entre milles. Elle n'était pourtant pas sûre d'elle à la vue du faible éclairage, et surtout, à cause du fait que la personne à qui elle pensait avait déserté la ville sans y revenir.

- Brooke ? Lança-t-elle en s'arrêtant, attendant que la personne ne daigne la regarder.

Elle avait le coeur qui battait la chamade, incertaine de savoir si c'était la joie ou la colère qui l'animaient.

Sans en avertir les gens qui avaient caractérisé ton passé, t'es revenu, les deux pieds cloués à nouveau dans cette ville que tu n'étais pas certaine d'aimer. Elle te rappelle des souvenirs que tu avais tenté d'effacer, sept longues années durant, des souvenirs qui ne devaient à présent plus faire surface. Mais tu y échoues, lamentablement tu échoues. Sans cesse tiré vers le bas, tes ailes qui tente de s'envoler loin de ce clavaire, tu retournes à la case départ. La petite fille rousse d'à peine trois années qui regarde les policiers prendre possession de ta maison sans rien dire, t'arracher à cet endroit que tu avais fait tien sans celle qui t'avait mis au monde, si petite et déjà seule au monde. Les cauchemars reviennent, tu as presque envie de gerber en y pensant. Cette cruelle vie t'enivre et tu n'as d'autres choix que d'accepter en fermant ta gueule, en t'avouant vaincu d'avance. Tu n'avais pas prévu rester, t'avais seulement prévu revenir prendre tes affaires, celles qui trainaient dans le parc de caravane, stationnées dans ta maison roulante, et partir à l'aventure. Mais il y a quand même quelque chose qui te retiens ici. Quoi, tu ne saurais le dire, mais il y a quelque chose. Puis, tu as trouvé cette annonce, celle qui parlait d'assister un lanceur de couteaux. Ça t'a fait frémir, le danger, t'as toujours aimé. De fil en aiguille, tu es restée. Tu vis dans ta caravane Airstream qui t'est parfaitement suffisante. Tu n'as jamais eu besoin de beaucoup, juste un toit sous lequel dormir. Et tu fais rêver les gens qui viennent vous voir, Sacha et toi, chaque soir. Ce soir n'échappait pas à la règle, tu as risqué ta vie, le sourire aux lèvres, l'excitation dans tout ton corps. L'adrénaline encore bien trop présente, tu n'avais pas pu aller te coucher après ta soirée. Tu as erré dans les bars à la recherche d'attention, de satisfaction, mais tu n'as rien trouvé. Tard, bredouille, tu rentrais chez toi, poussant la lourde porte pour laisser l'air entrer dans tes poumons juste avant de les torturer de fumée secondaire, ta longue chevelure rousse qui te suit comme ton ombre, qui ondule alors que tu avances dans les rues inanimées de Bowen et que tu allumes enfin le feu du briquet que tu fais claquer entre tes doigts. La clope à la bouche, tu l'allumes en aspirant ta première bouffée de cette drogue que tu ne peux te passer, quand derrière toi une voix s'exclame, ton nom retentit dans le presque silence de la rue, seul le bourdonnement de la musique des bars avoisinants comme trame de fond. Tu fronces les sourcils, en te retournant. Tu sais qui c'est, il n'y en a pas deux comme ça. Aelya, murmures-tu, la clope entre les lèvres. Nerveuse juste à en voir son regard qui titille entre l'amour et la haine, tu tires une dernière fois sur ta cigarette avant de la balancer sur le sol, l'écrasant avec ton pied en avançant vers elle. Tu espères qu'elle ne fasse pas un pas vers l'arrière, parce que, toi, t'as décidé d'aller vers elle. Tu m'as manqué. Et ta voix s'engorge d'une sincérité qui ne t'habite d'ordinaire pas vraiment. Mais quand tu la regardes, cette amie qui était jadis tout pour toi, tu ne peux qu'être sincère. Tu l'aimes, ta Aly, tu l'aimes plus que tout.

Ce n'était pas censé se passer comme ça entre Aelya et Brooke, pas de manière aussi brutale qu'avait été son départ, lui laissant une marque qu'elle lui avait inscrite dans son âme quand elle s'était rendue compte qu'elle avait perdue l'un de ses seuls repères qu'elle avait à cette époque. Elle n'avait pas compris, Aelya, pourquoi du jour au lendemain, elle avait du faire face à sa seule crainte et pas des moindres : celle d'être abandonnée. Parce que s'il y avait bien une personne qu'elle n'aurait jamais pensé apte à lui faire une telle chose, c'était bien elle, sa meilleure amie qu'elle avait toujours considéré comme sa soeur tant elles se ressemblaient de par leurs aspirations, de par leur comportement. Elle ne s'était pas attendue à la voir débarquer sous ses yeux ébahis, elle qui avait cette douloureuse impression de voir un fantôme, son visage devenant blême, son coeur s'arrêtant le temps d'une seconde. Et pourtant, si, elle était bien là, son corps se retournant suite à son appel, sa nonchalance qui ne l'avait pas quitté alors qu'elle se débarrassait de sa cigarette pour venir à sa rencontre. Aelya, figée dans ses souvenirs et dans sa rage lancinante, elle n'était pas sûre de savoir quoi faire, quoi dire après tant d'années décimées dans son absence. Ses mots furent comme une gifle parce que normalement, elles n'auraient jamais du se manquer. Elle cilla, baissant les yeux alors que sa mâchoire se serra comme pour affronter cette afflux d'émotions qui se déversaient dans ses veines.

- J'aurais aimé pouvoir dire la même chose, lâcha-t-elle, renfrognée. J'aurais jamais cru pouvoir survivre sans toi. Je me suis surprise à voir ce que j'étais capable de faire sous la contrainte, ajouta-t-elle, la rancoeur habillant son ton. Pourquoi t'es revenue ? Et surtout, pourquoi t'agis comme si t'étais partie y'a genre quatre heures ?

Elle croisa les bras sur sa poitrine, lâchant un rire froid, amer, avant de prendre son paquet de cigarettes dans son sac, le stress agitant ses muscles.

- Te fatigues pas avec des excuses. J'sais pas très franchement ce qui peut excuser ton départ et le fait que tu m'aies jamais prévenu ni donner de nouvelles, ajouta-t-elle, piochant une cigarette avant de l'allumer, tirant une bouffée dessus pour se calmer, transférant sa colère sur ce geste.

Ce qui l'énervait sans doute le plus, c'était de sentir les effets de son manque dans ses veines alors qu'elle avait juste envie de se laisser habiter par la rage qui faisait moins mal.

Bowen est l'antre de tes démons. Il renferme tes plus grandes peurs, tes plus grandes frayeurs, celles que tu ne veux plus vivre à présent, mais aussi celles que tu ne te sens pas encore à l'aise d'avouer. Et dans ces peurs, il y a sans cesse les images de ton enfance qui te reviennent à l'esprit, qui te hantent. Tu aurais voulu être comme tout le monde, capable de les affronter, de passer par dessus et te comporter comme une bonne amie, aviser les gens que t'aimes de ton retour, leur donner des nouvelles pendant ton absence. Mais tu ne l’as pas fait. T'as coupé les ponts. Parce que donner des nouvelles, ça signifie aussi donner des explications. Et les explications, les raisons pour lesquelles tes partis t'as pas envie de les partager, tu veux les garder pour toi. Elles sont laides, elles te font passer pour une victime, pour une pauvre fille et la pitié des autres, t'en as jamais voulu. Tu veux te montrer forte, même si au fond tu as fui un homme. Tu as fui le danger, tu as fui la violence de la nature de votre relation. Et tu veux garder ça secret, pour toi, pour te protéger. Il aurait fallu que tu sois naïve pour penser garder l'anonymat, Bowen est petite, tôt ou tard, on aurait fini par te découvrir. Et ce soir, c'est ce qu'il se produit quand, en sortant d'un bar, tes talons qui claquent le sol, ta mini-jupe qui frôle ta peau et qui laisse tes tatouages goûter l'air frais de la fin de soirée, ta chevelure qui te caractérise ne te font plus secrète. Une voix dans ton dos t'interpelle, une voix qui rapidement te hante. Tu te sens mal, tu sais qu'elle t'en veut, tu le devines à son visage fermé quand tu t'avances vers elle, te débarrassant de ta clope comme si vos retrouvailles t'importent plus que l'effet qu'a la nicotine sur ton système. Tu oses parler avec ton coeur, lui avouer que, malgré les apparences, malgré ce qu'elle peut penser, elle t'a manqué, Aly. Ta soeur, ta meilleure amie, la seule personne que tu as aimée à ce point dans ta vie. Mais elle te tourne le dos, métaphoriquement, par ses paroles qui heurtent froidement ton coeur. Du Aelya tout craché, elle te balance sa rage au visage, pour te faire comprendre son mécontentement. Tu encaisses, silencieuse, tu la regardes ouvrir son paquet et s'enfiler une cigarette alors que toi, ton corps est en manque, mais que tu t'empêches de l'imiter. Elle est cruelle, dans le choix de ses mots, elle te dit ces choses que tu redoutais. Elle a pu t'oublier, vivre sans toi, bien. Alors que toi, t'as l'air d'une merde. Je ne te raconterai pas d'excuses, Aly... Tu secoues la tête, lui donnant raison. Tu vaux bien plus que ça. Tu oses un nouveau pas vers elle, espérant qu'elle ne te fuit pas. À sa place, tu prendrais tes jambes à ton cou. Tu ne comprends pas pourquoi elle est encore là. Et tu l'aimes encore plus pour ça. Tu pinces les lèvres, une moue désolée s'affiche sur ton visage. Les mots te manquent, parce que tu n'es pas prête à raconter ton histoire malsaine qui, encore aujourd'hui, est secrète. J'y arrivais pas. J'avais honte d'être partie comme ça... Tu soupires. ... et que tu me convainques de revenir alors que je n'étais pas prête. Tu lèves les yeux au ciel en soupirant à nouveau, tu sais ce qu'elle va te dire, elle ne te croira pas. Personne ne te croirait. Tu tapes du pied nerveusement. Crois-moi, s'te plait Aly.. Tu me connais mieux que personne, tu sais quand je mens. Regarde-moi dans les yeux, tu vas voir que je ne te dis pas n'importe quoi...

Son départ avait écorché son âme, Brooke qu'elle avait toujours considéré comme la sœur qu'elle n'avait jamais pu avoir, comme le joyaux qui avait brillé de mille feux dans ses nuits les plus noires et dont son absence avait attiré certains de ses démons les plus viles, les plus agressifs, la poussant dans les plus mauvaises décisions. Elle avait ouvert un gouffre béant dans sa poitrine avant qu'elle ne rencontre Niels qui avait réussi à colmater le trou avec sa présence, ses mots, et qui était trop rapidement devenu son rivage alors qu'elle était entrain de se noyer dans la mer de ses problèmes déchaînés. Peut être qu'elle avait eu une bonne raison de prendre la fuite mais rien ne pouvait amoindrir la douleur de son silence la concernant. Elle avait imaginé le moment de leur retrouvaille des milliers de fois, partant du principe qu'elle lui enverrait un sms, ou qu'elle recevrait un appel, mais sûrement pas qu'elle puisse la croiser par hasard au détour d'une rue, sous le couvert des étoiles qui témoignaient de son boulersement alors que son regard azur croisait le sien. Son cœur martelait contre sa cage thoracique, animé par pleins de sentiments contradictoires où se mêlaient le manque et la rancœur, l'amitié et la haine de la voir revenir comme une fleur, elle, qui s'était barrée en laissant Aelya faner dans le champ du désespoir.

- À priori, je valais pas assez pour te voir rester avec moi, lâcha-t-elle dans un rire triste.

Elle restait stoïque, la regardant s'avancer sans daigner bouger comme si ses pieds étaient soudés au sol, ne sachant quoi faire de son corps en cet instant tant tout se bousculait dans sa tête.

- Pourquoi t'étais pas prête ? Demanda Aelya, les sourcils froncés, piquée par la curiosité. C'était ici chez toi, ajouta-t-elle en tirant sur sa cigarette.

Elle voyait bien dans son regard que Brooke lui cachait des choses, et qu'elle tentait d'éviter la confession.

- La Brooke que je croyais connaître m'aurait jamais fait ça. Pas après tout ce qu'on a vécu ensemble. Alors dis moi, pourquoi je te pardonnerais aussi facilement ? T'avais des problèmes ? J'aurais pu t'aider. Tu le sais.

Elle soupira, balançant son mégot plus loin.

- Sauf que tu cherches toujours à te débrouiller toute seule et après tu viens te racheter. Ça marche pas toujours comme ça. J'avais besoin de toi. Je te faisais confiance.

T'es conne. Tu le sais que t'es conne. Et quand Aelya te regarde avec ces yeux là, quand elle te crache sa haine par son regard sombre, elle n'a pas besoin de mots pour que tu comprennes qu'elle le pense, elle aussi. T'es qu'une pauvre conne incapable de lui dire la vérité. Elle a mal, Aly, elle a trop mal. Et tu sais, au fond, que lui dire les vraies raisons de ton départ lui fera encore plus mal. Elle se dira qu'elle a été aveugle de ne pas voir la détresse dans laquelle tu étais plongée, parce que tu las gardais pour toi, parce que tu la ravalais par fierté, parce que tu ne t'es jamais donné le droit de la vivre, cette douleur. Un peu pour elle, aussi. Ça n'a jamais été facile, vos vies, et il lui fallait quelqu'un de fort, un piler au travers de ses nuits sombres, les heures nocturnes où vous ne pensiez jamais vous en sortir, ne jamais trouver la paix. Tu sais que tu as fait une erreur et non pas en revenant, mais en revenant de la sorte. En pensant que tu seras un fantôme, invisible aux yeux de la ville. Mais à quoi tu as pensé, hein ? T'es la putain d'assistante d'un lanceur de couteaux, on parle de toi dans toute la ville depuis que vos shows sont de plus en plus populaires. Aly, elle aurait fini par le découvrir. Elle n'est pas stupide, des rousses au look aussi unique que le tien, il n'y en a pas des tonnes. T'es caractérielle, elle aurait fini par le savoir et, là, son regard aurait été pire encore que celui qu'elle te jette quand elle te dit qu'elle ne valait pas assez, pour toi, pour que tu restes avec elle. Elle ne sait pas tout, tu ne peux lui en vouloir de réagir comme ça. À sa place, tu ferais pareil. Parce qu'Aly, pour toi, c'est la famille que tu n'as jamais eue. C'est la famille sur qui tu as toujours pu compter. Elle et Theo. Elle connait tes plus grands secrets, elle peut de dépeindre les yeux fermés, excepté celui qui t'a poussé à partir et la peur qui t'habite qu'elle le découvre aujourd'hui. Tu t'avances vers elle, tu espères qu'elle ne te tourne pas le dos, qu'elle ne recule pas. Tu pries tellement fort, tu penses qu'elle t'a entendu, parce qu'elle reste là, sur place, le même regard posé sur toi. Et elle tire, elle tire sur sa cigarette pour t'effacer de sa vie, surement, pour t'aspirer avec le tabac et que tu disparaisses de sa vue, pour toujours, pour de bon, le coeur brisé. Elle te pose la première question qui te force à être honnête. Et franchement, qu'est-que tu as à perdre à présent ? Rien. Tu l'as sans doute déjà perdu, elle, la seule qui compte. J'avais besoin de me recentrer avant de revenir. De revenir plus forte, chez moi, à la maison, comme tu dis, tu baisses les yeux parce que c'est la première fois que tu l'avoues, qu'ici, c'est chez toi. Mais quand elle ose reprendre la parole, tu lèves les yeux vers elle, tristement. Elle pense qu'elle ne te connait plus. T'as raison Aly, dis-tu en secouant la tête, j'ai foiré, j'ai tout foiré avec toi alors que tu me faisais confiance. Tu pourrais pleurer. Ça t'écorche le coeur de lui avouer ça. T'as mal, t'as tellement mal, d'abord de voir sa peine, mais aussi de revivre les raisons de ton départ. Je te demande pardon, Aly, tu soupires, hésitante à reculer pour lui laisser de l'air, mais t'as besoin d'être près d'elle. T'as juste envie de la serrer dans tes bras, de lui prouver que t'es encore la même. Et tu sais que j'ai du mal à demander pardon, si je le fais c'est que je le pense vraiment. J'aurais pas dû trahir ta confiance. Mais t'as merdé. T'as merdé pour te protéger. Si je restais ici, il y a sept ans, j'te jure Aly qu'on m'aurait envoyé à l'hôpital. Ça y est, les larmes te montent aux yeux. Elles te brûlent, elles menacent de tomber. Mais tu ne pleures pas toi, tu ne pleures jamais. Ton corps est en transe, il tremble, il tente de retenir l'émotion par égo, par fierté. On aurait fini par m'interner, ajoutes-tu pour éviter de l'inquiéter plus qu'il ne le fallait. J'sais pas ce que j'aurais fait, Aly, et ça me fait peur. Peut-être que j'aurais essayé de me tuer, peut-être que je serais juste devenue folle, à me parler seule, mais clairement j'allais finir détraqué. Tu recules, tu décides de lui donner de l'espace pour encaisser la première partie de tes aveux. Tu sais que c'est beaucoup. Woody et moi, ça partait en vrille. Il fallait que je fasse une coupure, une réelle coupure. En restant ici, même si je le quittais, j'étais pas à l'abri. Ça aurait fini par recommencer, Aly, j'aurais été faible. Je le sais, je me connais. Je serais retournée vers lui, puis tout aurait recommencé. Il était pas bien, il était malade, il l'est encore, d'ailleurs, ce qu'il a, ça ne se guérit pas. Et on aurait souffert, tous les deux, toute notre vie...

Les nerfs en vrille, Aelya, elle était tourmentée, en proie à sa colère et au manque de Brooke dans sa vie, celle qui avait laissé un trou dans son coeur meurtri, à qui elle aurait voulu raconter tout ce qui lui était passé par la tête durant tout son absence, à qui elle aurait voulu parler de Niels, de l'amour si vif qui avait éclot là où il n'y avait eu qu'une terre aride, à tout ce qui s'était passé avec Théo durant ce temps où ils avaient erré tous les deux en se demandant ce que pouvait bien faire leur meilleure amie loin d'eux. Elle aurait voulu être là pour l'épauler, là pour éteindre ses maux dans les effluves des drogues qu'elles avaient toujours adoré consommer ensemble. Toute cette complicité bafouée par un seul de ces gestes, celui de lui tourner le dos sans crier gare, du jour au lendemain, sans daigner se retourner. Aelya, elle était amère, comme les souvenirs qui tournaient dans sa tête, teintés de son départ qui lui restait dans la mémoire, ancrée à l'encre de ses larmes qu'elle n'avait jamais pu voir. Elle transférait sa frustration sur sa cigarette, la fumée qui semblait apaiser les plaies qui s'ouvraient quand elle croisait ses prunelles, parce que c'était compliqué de se tenir face à elle après tant d'années où elle avait été désespérée de la revoir.

Elle l'a laissé parler, écoutant ses plaintes, ses excuses, tentant de comprendre pourquoi elle était partie quand tout les avait destiné à rester liées. Par orgueil, elle restait de marbre, le visage impassible, parce que leur amitié représentait une de ses faiblesses, et qu'elle n'avait aucune envie de se mettre à découvert devant elle, dans la crainte qu'elle ne vienne encore appuyer sur les blessures à vifs qui lui faisaient encore mal. Elle fronça les sourcils, interloquée par ses confessions, consciente que sa relation avec Woody n'avait jamais été saine, sachant pertinemment que c'était surement pour cela qu'Aelya n'avait jamais franchit ce pas d'exclusivité avant que Niels ne vienne tout bouleverser. La peur de se lier à un être toxique, elle qui l'était déjà assez.

- Et tu pouvais pas m'en parler ? Et maintenant que t'es revenue ça va changer quoi à votre relation ? Il est surement encore ici, à t'attendre, et ça peut toujours recommencer. Fuir ses problèmes n'a jamais été une solution pour personne, ça finit toujours par te revenir en plein dans le visage, répondit-elle, secouant la tête. Il me faudra du temps pour faire le point, pour te refaire confiance. Qui me dit que tu repartiras à la première embrouille avec lui, ou quelqu'un d'autre ? Des départs, j'ai eu que ça dans ma vie, soupira-t-elle, tristement.

Son regard se balança autour d'elle, comme si elle cherchait une réponse quelque part à ses maux.

- J'étais là moi. On aurait même pu se barrer tous les trois ensemble avec Theo, et juste envoyer valser le monde entier. Tu l'as joué solo. Mais ce qui est fait est fait, ça sert à rien de ressasser le passé.

Elle essayait de respirer, elle qui avait l'impression d'être en apnée vis-à-vis de ses aveux qui lui tordaient le coeur, de ses yeux qui se baignaient de larmes et qui l'atteignaient également, parce qu'Aelya dans le fond, elle était bien plus sensible que tout ce qu'elle montrait.

- J'suis quand même désolée d'apprendre que t'étais dans une relation aussi toxique. Ce qui me désole encore plus, c'est que j'ai pas su voir à quel point t'étais malheureuse. Tu me disais rien mais j'ai pas vu non plus, ajouta-t-elle en se pinçant la lèvre, frustrée sous le coup de la culpabilité.

Sa haine, elle était facile à comprendre. L'abandon, c'est tout ce que vous aviez connu, toutes les deux. Des faux espoirs crachés en regrets, des malchances tombées sur vos têtes, coups de marteau pour enfoncer les douleurs encore plus loin dans vos coeurs déjà meurtris par la vie, la putain de vie qui vous avait été offerte. Vous n'aviez pas prié pour tomber sur ce genre de vie, c'est elle qui vous a choisi. Cruellement, tu l'accordes, mais sans que vous n'ayez eu votre mot à dire. Alors, qu'Aelya te crache au visage, qu'elle reste impartiale alors que tu tentes de te rapprocher d'elle, pour protéger son coeur qui avait déjà bien assez souffert, tu peux le comprendre, oui. Et t'aurais souhaité de meilleures retrouvailles, avec elle. Non pas qu'elle te tombe dessus, comme ça, au beau milieu de la rue se sentant trahie par ton manque de courage, ton manque de couilles pour venir le lui dire toi-même. Non pas qu'elle te découvre au summum de ta vulnérabilité, qu'elle puisse te voir pratiquement la supplier de te reprendre dans sa vie. Et en espérant ça, tu lui en demandes beaucoup. Beaucoup trop pour ce que son coeur est en mesure de faire. Elle te le dit. Elle marque des points. Qu'est-ce qui peut lui assurer que tu ne partiras plus, à la prochaine dispute ? Parce qu'il faut être honnête, il y en aura. Avec lui, avec un autre. Toi, t'es accro aux hommes, à ce qu'ils te font sentir dans tout ton corps, à l'extase qu'ils peuvent te faire vivre, tu ne te contenteras pas que de ta personne, il te faudra bien assez vite quelqu'un avec qui sombrer dans cette belle addiction. Et, inévitablement, tu te disputeras, tu créeras des problèmes, là où parfois il n'y en a pas, parce que t'es incapable de faire autrement. T'as jamais appris à faire autrement. J'voulais pas te mettre en danger. Je savais pas ce qu'il aurait pu faire pour me faire mal, tu vois. Alors qu'elle mentionne ton histoire avec Woody, tu baisses les yeux, coupable de l'avoir déjà revu. Avant elle, d'ailleurs. Pas que tu l'aies voulu. Tu voulais la recontacter, après avoir réglé cette histoire-là, celle qui hante ta présence à Bowen, celle qui a signé ton départ. Et ensuite, il aurait été plus simple de renouer avec les autres acteurs de ton passé, ceux qui comptent vraiment. Il y a fallu qu'elle te tombe dessus, là, alors que t'étais pas encore prête. Alors, quand elle mentionne que Woody est bien certainement encore en ville, tes yeux bleus baissés pour cacher ton émotion, tu finis par murmurer, presque coupable d'avoir été prise dans ce genre de relation : Il est encore ici. Et il te déteste autant, si ce n'est plus, qu'avant ton départ. Entre vous, rien n'a changé. Je le sais, parce qu'il m'a croisé, lui aussi. Enfin, tu décides à relever les yeux vers elle, ta meilleure amie qui, tu l'espères, veuilles bien tenter d'oublier, de te pardonner. On s'est disputé, à nouveau. Et... Et tu vois, j'suis pas partie, t'empresses-tu d'ajouter pour tenter de la convaincre de te croire. Tu ne sais pas si ça fonctionne, mais Aly enchaîne. Et tu soupires. Parce qu'elle a raison. Parce que, sans doute, elle et Theo auraient accepté de partir avec toi, sans savoir où l'avenir vous porterait. Parce que vous auriez assurément pu vous aider, mutuellement, tous les trois, à coup d'amour et de pilules. Ce qui est fait est fait. Ça sert à rien de ressasser le passé, avait-elle conclu. Mais tu savais que c'était faux. Au-delà de ses apparences fière et forte, Aelya était franchement déçue de ta réaction, de ta façon de régler tes problèmes toute seule. Et le pardon, l'oubli, il ne viendrait pas aussi rapidement. Tu auras beau tout lui dire, tu auras beau présenter tes excuses des milliards de fois, à présent, il fallait laisser du temps au temps. Et ça ne servait plus à rien de renchérir, de répliquer. Tu te contentas de hocher la tête, lui faisant comprendre que tu acceptais ce qu'elle te disait. T'es pas à blâmer, ok ? J'ai été doué à le cacher. Et j'aurais pas dû. Peut-être que les choses seraient différentes aujourd'hui. Assurément qu'elles seraient différentes. Je... Je sais que ça prendra du temps pour retrouver ta confiance, mais laisse-moi la chance d'essayer, s'il te plait. Tu regardes autour, il n'y a que des bars. Tu veux prendre un verre ? Ou un café ? Ou juste partager un joint ? L'envie de la quitter te faisait peur. Pas maintenant, pas tout de suite, pas alors que vous n'aviez parlé que de toi. T'as envie qu'elle se confie, aussi, de renouer avec elle. Et ça en est ta première tentative. Elle refusera, certainement, mais tu tentes tout de même parce que sans risquer, tu n'auras rien. Tu veux savoir qui elle est devenue, en sept ans. Et t'oses espérer qu'elle acceptera de prendre ta main tendue vers elle au niveau le plus vulnérable de ton amitié.

Tiraillée entre la peur de la voir s'échapper de nouveau et celle d'éclater en morceaux, Aelya était perdue, ne sachant vraiment comment elle devait se tenir face à cette personne qu'elle avait toujours connu et qui lui semblait maintenant presque étrangère tant son absence avait laissé des trous dans sa vie qui avait malgré tout continué sans elle. Cela lui rappelait juste qu'aucune relation n'était indestructible, elle qui s'était toujours vue inséparable avec elle, à tuer le temps ensemble en se fichant éperdument des conneries qu'elles pouvaient faire. Cette insouciance avait été laissée pour cendres sur le sillon de son départ. Elles avaient changé, forcément, et pourtant elle reconnaissait toujours sa meilleure amie dans sa manière de parler, de réagir, comme si quelque part, elles étaient toujours les mêmes gamines laissées à l'abandon depuis leur plus jeune âge. Et ce lien lui, il était toujours là, même si elle s'évertuait à garder ses distances pour se protéger. Elle hocha lentement la tête à sa déclaration, sachant pertinemment qu'elle aurait sûrement agi de la même manière si les rôles avaient été inversés quand bien même la douleur lui donnait toujours ce goût d'amertume dans la bouche.

- J'sais pas Brooke. Je comprends. Mais en même temps, j'aurais jamais eu peur de lui. J'aurais préféré te garder et pas avoir à subir ton absence. J'en ai bavé. Theo pourra te le confirmer, ajouta-t-elle en plissant les lèvres.

Parce qu'avant de rencontrer Niels, Aelya s'était davantage rapprochée de son meilleur ami qui avait connu ses descentes en Enfer, ses plans foireux qui l'avaient trop souvent conduits derrière les barreaux, dans les bras de n'importe qui, dans le creux du n'importe quoi, juste pour se sentir vivre, ou pour au moins survivre. Puis, Niels était arrivé, et il avait remis en place les rouages usés de son cœur dysfonctionnel. Elle fronça les sourcils, troublée par le fait qu'elle avait revu son ex aux instincts dérangés, et même bien avant elle.

- T'façon Brooke, je pense que niveau dispute là, tu obtiendras ton quotas pour les siècles à venir. Theo aussi sera sûrement heureux d'apprendre ton retour. Il te le fera savoir, lâcha-t-elle, ironiquement. J'veux plus que tu le vois ton ex. Ok ? Lança-t-elle, captant son regard sérieusement et fermement.

C'était une façon pour Aelya de lui montrer qu'elle tenait à elle, et surtout qu'elle s'inquiétait des répercussions qu'il pouvait encore avoir sur sa vie, elle qui détestait savoir à quel point elle avait du souffrir dans les bras d'un type qui ne l'a méritait pas. Elle soupira à ses confessions, ne pouvant que s'imaginer que ça aurait été différent si elle avait pris le temps de tout lui expliquer, Aelya se démenant toujours pour sa meilleure amie.

- Oui ça prendra du temps. Sors les rames, admit Aelya pour lui faire comprendre qu'elle ne reviendrait pas dans sa vie de manière aussi rapide et aussi profonde qu'elle pouvait le souhaiter.

Et pourtant, elle lui laissait quand même la possibilité de racheter sa présence qui avait manqué dans sa vie, parce que dans le fond, elles étaient liées, et elle ne pouvait pas lutter contre tout ce qui les tenait ensemble.

- Je vais pas rester longtemps parce que je suis attendue... Mais... Je peux toujours tirer deux trois lattes avec toi sur un joint, répondit-elle, un léger sourire complice sur les lèvres. T'as pas changé. Tu sais toujours me prendre par les sentiments, secoua-t-elle la tête, joueuse.

Elle avança sur le bord du trottoir pour s'asseoir, l'invitant à faire pareil.

- Je me rappelle de nos soirées défonce. Combien de fois on a du dormir dehors parce qu'on arrivait plus à rentrer, rigola-t-elle, nostalgique.

Évidemment qu'elle aurait jamais eu peur de lui. Elle est forte Aelya. Peut-être même plus forte que toi, au fond. Elle est forte et intouchable. Longtemps, c'est elle qui t'a aidé à te tenir sur tes deux pieds, à te lever chaque matin parce que tu en perdais la raison, parce que t'étais trop mal pour faire quelque chose de ta peau. Une chance qu'elle avait été là. Tu ne lui as peut-être pas dit avec des mots, à cette époque, que tu allais mal, que ta relation te grugeait tellement d'énergie que t'en avais plus pour autre chose, mais instinctivement elle l'avait compris, sans pour autant le savoir. Elle t'avait donné la force de te relever, de prendre ta vie en main, par son amour inconditionnel envers toi. Ironiquement, cette force qu'elle t'avait transmise t'as donné le courage de tout plaquer ici, pour sauver ta peau. Et ça, elle ne le comprendra pas, pas maintenant, mais en partant, t'as fait le meilleur choix pour ta vie. Sinon, ce ne seraient pas des retrouvailles que vous auriez, aujourd'hui, mais plutôt un anniversaire de décès. T'aurais pas eu peur, mais moi si. Je t'aime tellement que j'avais peur pour toi, même si t'es la plus téméraire de nous deux. J'aurais pas pu le supporter s'il s'en était pris à toi. Tu veux pas qu'elle comprenne et qu'elle efface ta décision qui, tu le sais au fond, était une erreur. Tu veux juste qu'elle tente d'accepter les choix que tu as faits, même si elle n'est pas d'accord, et qu'elle tire un trait sur cette barrière entre vous, cette barrière qui t'empêche de la prendre dans tes bras pour lui faire comprendre combien elle t'a manqué, ta Aly, comment t'as besoin d'elle plus que jamais, maintenant, dans cette ville qui est la tienne depuis toujours mais que tu ne reconnais plus. Elle parle de Theo et tu baisses le regard. Lui aussi, tu devras l'affronter. Elle le précise bien. Mais pas maintenant. Là, t'as déjà Aelya à regagner. C'est déjà beaucoup demandé. C'est pas demain que ça se fera. Sa confiance, on ne l'effrite pas sans en attirer ses foudres. Tu le sais trop bien, combien de fois tu l'as vu à l'oeuvre avec d'autres. Mais t'oses espérer que, pour toi, ça sera différent, qu'elle t'aime assez, encore, pour faire une exception. À cette réplique, t'as pas trop envie de réponde, tu fais juste hausser les épaules, lâchement. Tu préfères la suite, la promesse qu'elle te demande de lui faire. Parce que, ça, tu sais que t'es en mesure de le faire. Pour elle. Pour lui prouver qu'il ne pourra plus jamais t'atteindre, Woody, pas comme il l'avait jadis fait. Il ne pourra jamais te faire fuir. D'ailleurs, tu ne te donnerais pas autant de mal si t'avais pas prévu rester pour de bon. Sans quoi, t'aurais pas pris la peine de balancer des excuses, toi, l'éternelle rancunière, l'orgueil qui s'effrite juste à pense que tu lui as demandé pardon. Le pardon, tu le donnes que quand c'est nécessaire. Là, ce l'est. Et plus encore. J'te jure, assures-tu la voix remplit d'une honnêteté qui transperce son regard, quand tu plonges le tien aussi intensément dans le sien, espérant qu'elle y voit la vérité qui s'y cache. Si c'est ce que ça lui prend pour te pardonner, pour comprendre que t'es là pour rester, tu lui promettras un milliard de fois. Et même si ça s'annonce difficile, tu promets de pas lâcher. J'sors les rames et pas que, confirmes-tu en esquissant un léger sourire à la réussite que tu viens de gagner. Ce n'était pas oui, mais ce n'était pas non, non plus. C'était pas comme si elle te disait te tourner le dos indéfiniment. Et maintenant que vous venez de faire un pas vers la réconciliation, t'as pas envie de la voir partir. Elle ne peut pas rester, qu'elle te dit, elle est attendue. Tu ne caches pas la déception sur ton visage, mais tu hoches la tête, docilement. Elle te l'a dit, Aelya, faut sortir les rames. Et pourtant, elle accepte de partager un joint avec toi. Fais pas comme si t'aimais pas que je te prenne par ce genre de sentiment, affirmes-tu en lui accordant un clin d'oeil avant de laisser un sourire trôner sur ton visage, à présent dépourvu de sa déception. Tu t'approches de la chaîne de trottoir où Aly a pris place, tu la rejoins et sors de ton petit sac à main un sachet de plastique transparent où y repose ton dernier joint alors qu'elle emprunte, elle, le chemin vers memory lane. Quand elle évoque vos souvenirs, ça créer une boule dans ton estomac. Chaque jour depuis sept ans, t'en as bavé de son absence, même si c'est toi qui l'avais créé. Une part de toi, égoïste, sûrement, espère qu'elle n'a pas partagé d'aussi bons souvenirs avec quelqu'un d'autre. Que les vôtres restent ses meilleurs. Et pipi entre deux voitures, ajoutes-tu en insérant le joint entre tes lèvres pour l'allumer. Tu prends à peine une vraie bouffée, parce que tu veux qu'elle ait le plaisir de le consommer d'abord. En lui tentant le pétard, t'oses les questions : Alors, qu'est-ce qui se passe avec toi ?

La limite était parfois fine entre le courage et l'inconscience, et souvent Aelya penchait plus vers l'inconscience qu'autre chose, usant de son impulsivité jusqu'à l'usure, jusqu'à se perdre dans les conséquences de ses actes qui finissaient par écorcher son âme. Elle aurait pu s'opposer à Woody pour le bien de sa meilleure amie, elle aurait pu le confronter, quitte à y laisser des plumes, parce que si elle ne disait pas beaucoup avec des mots, elle préférait parler avec des gestes, prouvant à Brooke son amitié et son attachement en la soutenant comme elle le pouvait, avec ses propres moyens qui pouvaient flirter avec le danger. Elle était touchée par ses mots qui la rassuraient sur ses sentiments, et si elle était encore bouleversée par leur retrouvaille, elle n'en pensait pas moins qu'elle. Aelya l'avait toujours adoré, admiré, comme s'il s'agissait de sa grande sœur dont la personnalité chevauchait la sienne avec harmonie.

- J'aurais pas pu le supporter non plus. Si j'avais su la moitié de ce qu'il a fait en ce temps là... J'te jure j'aurais fini par faire une connerie. Je tenais trop à toi. Et c'est toujours le cas d'ailleurs... Avoua-t-elle, baissant les yeux sous l'effet de cette vague de vulnérabilité qui la mettait à nue.

Elle n'aurait peut être pas pu le tuer de ses propres mains mais ça n'aurait pas été l'envie qui lui aurait manqué. Puis, Aelya était plutôt bien entourée pour ce qui était de fournir le sale travail à quelqu'un. Du moins, c'était le cas quand elle nouait de bonnes relations avec son père. Elle était rassurée de savoir qu'il n'y aurait plus jamais rien entre son ex et elle, hochant la tête à sa promesse pour sceller ce pacte tacite qu'elle ne voulait jamais la voir briser, parce qu'il était temps pour Brooke qu'elle ne vienne à trouver quelqu'un qui la méritait. Elle sourit légèrement à sa remarque, elle qui venait d'admettre qu'elle était prête à lui laisser une chance, parce que c'était Brooke et qu'elles étaient bien trop liées pour qu'elle ne puisse jamais daigner lui reparler.

- Au moins, ça me prouve que t'es déterminée à te rattraper, t'as toujours été têtue toi t'façon, la taquina-t-elle.

Elle aimait savoir qu'elle était capable de se battre pour revenir dans sa vie, pour récupérer les bouts de leur amitié pour les recoller afin leur complicité ne puisse renaître. Pourtant, quand elle la regardait, c'était comme si elles ne s'étaient jamais quittées. Elle accepta de rester un peu avec elle, signifiant également son départ qui serait proche parce que Niels l'attendait, son petit ami qu'elle ne connaissait pas encore. Elle lâcha un léger rire à ce qu'elle vint ajouter, ne pouvant la contredire là-dessus parce que Brooke la connaissait plus que bien.

- Tu connais trop mes faiblesses depuis le temps, et elles ont pas tant changés que ça, admit-elle, amusée.

Il y en avait une qui s'était ajoutée dans le lot de ses addictions et elle portait le prénom de Niels, sa plus forte dépendance dont elle n'arriverait sûrement jamais à se défaire. Elle vint s'asseoir sur le bord du trottoir, invitant Brooke à ses côtés pour qu'elle vienne en faire de même, la regardant sortir le joint de son sac tout en faisant référence à leurs souvenirs qu'elles avaient en commun, intactes dans sa mémoire. Elle pouffa de rire avant de finalement ajouter avec un sourire malicieux :

- J'ai rien oublié même si j'étais defoncée la plupart du temps.

Ses premières cuites, ses premières cigarettes et joints, c'était avec elle qu'elle les avait testé, comme la plupart des choses avec lesquelles elle s'était forgée sa destinée aussi solide que bancale. Elle prit le joint entre ses doigts après qu'elle l'ait allumé, tirant une longue bouffée dessus avant de lui tendre l'objet incandescent, réfléchissant à sa question pour faire le point devant ce qu'elle avait pu manquer.

- J'ai fini en taule. J'suis sortie. J'ai essayé de trouver un travail légal. Du coup j'suis danseuse dans un club de strip tease. Y'a des jours avec et des jours sans. Entre tout ça, j'ai beaucoup fait la fête, je me suis pas mal amusée et... J'ai rencontré quelqu'un. À la base c'était pas sérieux. Puis ça l'est devenu au fur et à mesure... J'suis en couple avec lui, admit-elle.

Elle rit, regardant le ciel en secouant la tête, amusée par ce retournement de situation qui ne lui ressemblait pas.

- C'est la première fois que j'suis vraiment en couple. Le reste... C'est toujours moi. Et toi alors, tu fais quoi là ? Demanda-t-elle, reportant son attention sur Brooke.