pas de regrets dans l'air, l'air de rien, je regrette - ramsay

La sonnerie du téléphone sonne. Skye décide de l’ignorer, il es tôt, trop tôt. Elle sonne une deuxième fois. Le bouton snooze est décidément son meilleur ami. Et puis une troisième fois. Elle se motive à regarder son téléphone, et tout va vite dans la tête de Skye. C’est le lendemain de la tempête. Et elle a des obligations de bénévolat pour terminer correctement son semestre.  C’était convenu hier, quand l’annonce de la tempête est tombée. La directrice de son cursus lui a proposé de s’y inscrire car tout australien sait qu’après une tempête la main d’œuvre bénévole est importante. Et elle avait accepté. Avant d’envoyer un message à Charlie. Avant sa nuit de folie. Elle râle, elle ne veut pas y aller. Pourtant, cela serait jouer avec le feu, elle risque de rater son semestre si elle ne décide pas à se pointer au rendez-vous.  C’est donc dans une nonchalance totale qu’elle se lève. Sa tête lui fait encore mal, les souvenirs de la nuit dernière tournent en boucle. On aurait beau dire, elle a bien ri. Elle jette un œil rapide à son corps, encore quelques égratignures sont présentes, encore quelques bandages qu’elle doit garder, notamment autour de son poignet. Mais bon, cela ne semble pas la tracasser tant que ça, ce n’est pas ce qui lui fera se remettre en question. Tout ce dont elle se souvient c’est les rires communs avec Charlie. Elle lui envoie donc un message rapide à ce sujet avant de prendre son petit-déjeuner. Son téléphone vibre une nouvelle fois, un message de l’université, elle doit se présenter urgemment sur les lieux sinon elle risque gros. Skye se dépêche donc, arrive au point de rassemblement et s’excuse rapidement du retard. Après quelques regards désespérés de ses tuteurs d’université, elle rejoint un groupe qui lui a été attitré au port. Il faut nettoyer, ramasser les déchets, essayer de rendre l’endroit le plus clean possible. Elle observe le désordre et souffle déjà à l’idée de la montagne de travail à faire.  Elle s’avance alors vers les organisateurs qui lui tendent un sac poubelle, et des gants, lui indiquant de rejoindre un petit groupe déjà bien en route pour ramasser toute sorte de déchets. Elle tourne sa tête vers eux. Stupeur, il n’a fallu qu’une fraction de second pour qu’elle reconnaisse son frère. Son frère avec qui la communication a été entière coupée. Dernière discussion ? Une dispute. Des mots violents. Des mots qui dépassent la pensée. Puis, silence. Elle a fui, Skye, suite à ça. Et elle n’a plus voulu lui parler. Lui aussi. Elle n’avait reçu aucun message, comme un commun accord silencieux. Elle voudrait faire demi-tour, maintenant, mais elle se sent observée pour valider son semestre. Elle tente alors de se faire discrète, afin de continuer l’activité sans qu’il la remarque or un mec trouve ça bon de l’accoster, sûrement un des gars de l’organisation. « Hé salut la nouvelle ! Bienvenue dans le groupe, moi c’est Josh. ici on ramasse les déchets, fais attention à toi, porte bien tes gants certains peuvent être coupants. Hésite pas à te présenter et à discuter avec les autres pour rendre la tâche plus sympas. » Skye lui lance alors un sourire très rapide pour ne pas paraître trop désagréable et se remet vite au travail, ignorant une quelconque présentation nécessaire. Elle n’en a pas besoin, d’autres -ou plutôt un- dans ce groupe la connaissent suffisamment, ils la feront à sa place, pense-t-elle.

La tempête, je l'avais bien bien senti. Comme beaucoup de monde à Bowen. Clairement, ça avait mis un beau bazar. Alors qu'on était en p'tit week end romantique avec Phoebe, on s'était pris du vent et de la pluie toute la soirée. Et pis, le lendemain, on avait réussi à rentrer à Bowen, dans notre p'tit van. Ca avait été galère forcément mais on avait constaté à quel point le vent avait fait des dégâts. L'école de danse était naturellement restée fermée et en tant que personnalité publique, du moins engagé au sein de la communauté, j'avais reçu un message d'un agent public me demandant si j'étais dispo pour donner un coup de main pour nettoyer la ville. Après s'être séparé avec Phoebe, j'étais rentré rapidement pour prendre une douche et un petit déjeuner, pour être d'aplomb pour la grande journée qui s'annonçait. Le port avait pris cher, la digue avait été fragilisé et avant que les agents puissent envisager d'la réparer, il fallait tout nettoyer. Les inondations avaient ramener tout un tas de déchets et en arrivant sur place, je constatais l'ampleur de la mission. J'allais pas être tout seul, forcément. L'ambiance était un peu pesante, même si y avait de la solidarité, tout le monde était un peu sonné. On avait formé un p'tit groupe et armé de sac poubelle et de gants, on s'mettait à nettoyer. J'me focus dans ma tâche et je calcule pas les autres. Dans ce genre de situation, j'voyais que par le prisme de l'efficacité. Alors j'regardais pas les autres personnes qui nous rejoignaient. Il y avait un gars qui s'en occupait très bien, je l'entendais accueillir et donner les instructions. J'entendais pas de réponse de la part du nouveau alors machinalement, je levais la tête, juste pour voir. Ah bah. J'avais bien fais tiens. Skye. Ma p'tite soeur. Celle avec qui la communication n'existait juste plus. Depuis trop longtemps. Ca m'faisait un p'tit boom au milieu de la poitrine, parce que ça faisait plusieurs semaines déjà que je ne l'avais pas vu. J'reprenais mon travail, réfléchissant à tout allure. Que faire? Que dire? J'en savais rien. J'pouvais pas l'ignorer, c'était ma soeur. Mais j'avais pas spécialement envie non plus de démarrer une guerre froide en plein milieu des autres bénévoles. Sans que ça soit trop évident, j'me rapprochais d'elle qui était en train de ramasser des trucs qu'elle fourrait dans son sac plastique. Sans lever les yeux vers elle, arrivant à sa hauteur, restant concentré sur mon propre travail, j'prenais la parole, à voix basse. "C'est bien qu'tu sois venue pour la communauté." que j'lui disais. Pas de bonjour. Mais pas d'invective non plus. Juste un engagement de parole, positif qui plus est. J'étais pas au courant bien sûr qu'elle était là par nécessité. J'tentais de voir du bien. Et pis, instinctivement aussi, j'm'assurais qu'elle allait bien. C'était plus fort que moi, de m'inquiéter pour elle. Même si mes non-agissement des dernières semaines indiquaient tout le contraire.

@Skye Lockwood

Skye ramasse machinalement les déchets du port en faisant quelques pauses pour se redresser et renifler. Ouais, ça vient de lui tomber dessus. Un petit rhume. Elle l’a bien méritée, de toute façon, vu la nuit précédente, à être dehors, avec Charlie. Elle répète donc les mouvements suivants : ramasser le détritus, renifler, le mettre dans son sac, renifler, se redresser, renifler se moucher, renifler, en boucle et efficacement. Plus vite elle avance, plus vite elle finit avec ce calvaire, et moins la chance de croiser le regard de son frère… Si seulement ce mec de l’organisation ne lui avait pas adressé quelques mots. Skye accélère donc le mouvement, et ne prononce pas de mots pour éviter de se faire remarquer. Mais la voilà prise au piège. Elle voit une personne venir à sa hauteur, ramasser des déchets également. Elle reconnaît les chaussures, elle reconnaît le survêtement. Son frère. Elle se doute bien que ce n’est pas un hasard s’il se retrouve face à elle. Elle se doute bien qu’il veut provoquer quelque chose, évidemment. En attendant, elle ignore sa présence et continue son travail. Et lui de même, semble-t-il. Jusqu’à ce qu’il brise le silence. Skye est surprise, elle lève légèrement la tête vers lui, qu’il ne la regarde pas. Tant mieux se dit-elle, elle ne sait pas comment elle aurait réagi si leurs regards se croisaient. Cela fait maintenant quelques temps que la communication a été coupée, ça aurait été vraiment weird. Et puis surtout, il vient de la complimenter. Enfin, elle a l’impression qu’il est fier d’elle. Ca lui fait bizarre aussi à Skye. Leur denier échange ressemblait plutôt à une succession de déceptions. Elle trouve ça agréable, mais elle reste sur ses gardes, Skye. Elle se méfie, et elle n’est pas en état de discuter, pas ici, pas là avec tout le monde. Elle a encore le cœur lourd, Skye. Puis, elle renifle. Encore une fois. « Toi aussi. » finit-elle par dire sèchement, sans le regarder, continuant à ramasser. Elle ne veut pas lui dire, non, qu’elle est là à cause des cours, à cause de l’université et de son irrégularité. Non, non, non. Pas maintenant en tout cas. Enfin, elle ne souhaite pas se justifier de quoique ce soit, ni de continuer sur ce genre de discussion violente. Le compliment de Ramsay lui a fait du bien, semble-t-il. Elle aimerait lui demander si la maison va bien, si son scooter n’a pas été touché par la tempête, si lui, son frère va bien. Mais quelque chose la bloque, sa fierté, son arrogance aussi, et surtout l’envie de revenir dans son lit à la place d’être ici, forcée. C’est difficile pour Skye de faire les premiers pas. Le fil, ce lien qui les liait, s’est brisé il y a quelques nuits de là, et elle a dû mal à retisser quelque chose. Elle veut juste finir son travail et rentrer dans son nouveau chez elle, point. Néanmoins, au fond d’elle, elle espère que Ramsay continuera à lui poser des questions -mais pas trop non plus. Un juste milieu. Qui est difficile à trouver puisqu’ils aiment entretenir les extrêmes dans leurs mots. Alors pour ça, elle se penche vers le bout de bois qu’elle avait repéré plus tôt, qui semblait bien trop lourd pour elle. Elle tente de le lever, et feint d’avoir des difficultés. Une tactique pour attirer son attention, sans que cela soit trop remarquable non plus.

Tomber sur Skye, ici, j'arrive pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise situation. (héhé la p'tite ref qui va bien.) En vrai, j'm'y attendais pas. Et j'sais, j'nous connais, ni elle ni moi n'aurions fait le premier pas si nos routes ne s'étaient pas croisées de cette manière. On a cette fierté mal placé chez les Lockwood. Enfin, j'crois que Skye et moi, on a tous pris. Clairement, on est les fortes têtes. Les caractère qui explosent, la colère qui bouille en dedans. J'l'ai toujours cette rage venue de loin, qui m'quitte jamais. Et mes mots dépassent ma pensée. A mainte reprise. Ils commencent à être nombreux les gens sur la liste de ceux que j'ai brisé avec des mots. Ceux que j'ai envoyé chier, parce que j'étais pas dans un bon jour. Et j'le regrette aussitôt. Mais j'suis bien trop fier pour m'excuser. Mon égo mal placé me pousse à trouver des parades, pour pas avoir à dire pardon frontalement. J'compte sur l'attachement que ces personnes peuvent avoir à mon encontre pour m'en sortir. C'est pas sain. Je sais. Mais je sais aussi que mon être n'est pas sain. Il ne le sera pas tant que j'serais pas ok avec mon passé, avec mes choix. J'ai trop souvent été du mauvais côté. Et Skye, elle en a fait les frais. D'la voir aujourd'hui, ça me rassure. D'savoir qu'elle va bien. Qu'elle est vivante. Qu'elle est entière. Même si bien évidemment que je l'entends renifler. Elle a dû chopper un rhume, mais j'lui demanderais pas si elle prend du paracétamol, si elle se soigne, si elle prend soin d'elle. J'lui demanderais plus. J'me suis trop inquiété pour elle, pour le reste de la fratrie et j'me sens pas reconnu pour ça. Et ça m'blesse. Son envie d'indépendance ne matche pas avec tout le soin que j'ai pu lui donner par le passé. J'me sens presque trahi. C'est con hein. C'est immature. Mais c'est comme ça. Skye, elle me répond à peine. Juste deux mots. C'est pas vraiment un compliment. C'est juste factuel. Ouais, c'est bien qu'on soit là pour la communauté, pour les autres, pour la ville. Mais ça s'arrête là. Elle a pas envie de parler. Et en même temps, est-ce le bon endroit? Est-ce que ça servirait à quelque chose qu'on déclenche une guerre froide là, en plein milieu des débris? Cela dit, le décor s'y prête bien. La tempête à faire des ravages. Mais ça ressemble en rien à la tempête qu'on a vécu, elle et moi, dans notre relation. J'voudrais lui demander si elle dort bien, comment ça va les cours, j'voudrais savoir où elle crèche en ce moment, si elle est en sécurité. J'voudrais lui demander de revenir à la maison, parce que l'espace est définitivement trop vide sans elle. J'voudrais dire tout un tas de trucs, mais y a rien qui sort. Juste le silence. Alors on s'remet à nettoyer. On a même pas échangé un regard. Juste du froid. Et du silence. Comme si on s'jaugeait, comme si on prenait juste ce temps pour se rappeler ce que ça fait d'être dans le même espace, c'que ça fait de respirer le même air, et savoir si c'est encore viable. Ca m'détruit de savoir qu'on en est rendu là. La communication est un concept étranger pour nous. Et j'sais pas comment on peut aller de l'avant. J'ai pas de solution. J'la vois dans mon champ latéral qui tente de soulever un morceau de bois. Définitivement trop lourd pour elle. Ca f'rait quoi si j'lui proposais mon aide? Est-ce qu'elle m'enverrait balader? Ca m'traverse l'esprit une seconde et puis mon instinct fraternel prend le dessus. Alors j'arrive à ses côtés et j'attrape le bout de bois par l'autre extrémité. On le soulève ensemble et une fois qu'il est dans nos mains, j'relève le visage pour capter son regard. Juste plonger mes iris dans les siennes. Sans rien dire de plus. Et rien que ce contact là, il m'fait du bien au coeur.

@Skye Lockwood