Jusqu'à ce que la mort nous sépare !!

À peine rentré au Elm Street, dès le premier bonjour, Jeff me ramena dans le visage mon statut de papa. Je secouai la tête en riant, essayant de le prendre à la légère devant lui, devant tout le monde même, pour ne pas montrer à quel point cette nouvelle avait pu revirer tout mon monde à l’envers. Il devait bien le savoir de toute façon, Jeff, que ce n’était pas forcément bien reçu de mon côté. Après tout, Ally m’avait caché l’existence de Maxwell alors qu’il approchait bientôt l’âge de quatre ans. C’était hallucinant, quand même, de m’avoir laissé sans même me le dire, disparaissant de Bowen du jour au lendemain, enceinte de mon gamin que j’aurais pu ne jamais connaître. Si je ne l’avais pas croisée ce matin-là, alors qu’elle n’était que de passage à Bowen, est-ce qu’elle aurait daigné me le dire un jour ? Probablement pas. Si elle ne l’avait pas fait avant, je ne vois pas pourquoi elle l’aurait fait éventuellement. Bref, je me contentai de rire face à Jeff, clairement pas ici pour faire mon drama king, comme Zelda m’appelait depuis notre pause-rupture. « Papa Concho se sent pas vraiment comme un Papa Concho, mais il va bien ! Et toi ? » Dis-je en parlant de moi à la troisième personne aussi, juste pour reprendre le nom qu’il m’attribuait gentiment alors que je ne savais même pas encore quel rôle je jouerais auprès de mon fils. Les plans d’Ally étaient sans doute, après tout, de retourner aux États-Unis. Je m’assis sur le tabouret à côté de lui, faisant signe au barman que j’allais prendre quelque chose, avant d’être tout de suite ramené à l’ordre par mon meilleur ami. J’arquai un sourcil en le regardant. « Ce sera jamais fini les conneries pour moi. » J’esquissai un sourire, puis Jeff m’affirma que lui avait encore un peu de temps, mais que la corde au cou, ce serait pour bientôt. « Conseil de meilleur pote, attends le plus loooongtemps possible. » Oups, bah, j’avais pas compris que c’était une annonce déguisée. Je me commandai une bière.

Je me contentai d’acquiescer aux propos de Jeff, sans relancer la balle. J’avais pas l’intention de jouer au ping-pong avec mes problèmes, ce soir, lui balançant ma peine ou une de mes conneries, pour qu’il me relance un conseil ou une tape dans le dos, pour que je lui balance ensuite une autre de mes conneries, et ainsi de suite. La liste était juste beaucoup trop longue pour que je commence à me plaindre. Et puis de toute façon, j’avais vraiment l’impression d’avoir passé toutes les dernières semaines à me plaindre ou à me confondre en excuses, et c’était honnêtement plus fatiguant qu’on le pense. Alors non, je n’étais pas ici pour noyer mes émotions dans l’alcool et en vidant mon sac à Jeff. Je voyais aussi dans son regard que lui non plus n’avait pas cette intention derrière la tête, et tant mieux. « Yo tu veux bien me dire comment tu fais pour toujours aller bien ? Genre toi quand tu te frappes l’orteil contre un meuble c’est quoi, tu lui dis merci ? » Blaguais-je en riant, mais avec un fond de sérieux quand même. Et s’il me répondait que c’était parce qu’il avait Eilynn j’allais lever les yeux au ciel devant tant de romantisme niaiseux. Mais ce serait beau quand même, surtout après avoir longuement parlé d’eux deux, Eilynn et moi, en novembre dernier. Je voyais à quel point d’un côté comme de l’autre, ils étaient tellement heureux ensemble. Alors la suite des choses n’aurait pas dû me surprendre, même que j’aurais dû capter beaucoup plus rapidement et pourtant, il fallu que Jeff me donne un autre indice avant que la lumière ne s’allume enfin au-dessus de ma tête. Mes yeux s’agrandirent, je ne portai même pas attention à la bière qu’on venait de poser devant moi. Je me tournai vers Jeff. « Attends … Attends. Attends. » Oui bon faudrait passer à un autre mot quand même. « Vous allez vous mariez ??? T’as demandé Eilynn en mariage ? Oh my god elle a dit oui ? Qu’est-ce que je raconte bien sûr qu’elle a dit oui ! » Je me levai de mon tabouret, oubliant soudainement tous les avertissements que j’avais pu faire à Jeff au sujet de l’amour et des enfants, c’aurait été bien con de continuer alors que lui était sur son nuage. « J’arrive pas à croire que tu m’aies rien dit ! J’aurais pu t’aider à préparer une demande grandiose quoi ! Qu’est-ce que t’as fait ? » Puis je le serrai dans mes bras, enfin. Je m’étais pas levé debout juste pour faire le piquet.

Je secouai la tête en riant à la réponse de Jeff. « Mais bien sûr ! T'es trop Monsieur Muscles c'est pour ça. » Lançais-je, amusé par sa réflexion qui ne répondit pas vraiment à la question, mais qui allégeait l’atmosphère, ce dont j’avais particulièrement besoin. Bien plus qu’une réelle réponse à une telle question. Chaque personne est faite différemment, j’avais beau espérer pouvoir un jour prendre les choses comme elles venaient avec la même simplicité que Jeff, je ne pouvais pas me forcer à évoluer vers cet état d’esprit avant mon temps. Alors peu importe ses méthodes, je n’avais pour le moment pas les mêmes. J’étais beaucoup plus en mode panique et désespoir dès qu’un truc se passait, mais je travaillais là-dessus. Là, j’étais plutôt en mode bonheur et explosion de joie, alors que Jeff m’annonçait enfin la bonne nouvelle. Eilynn et lui allaient se marier. Wow, un autre de mes amis les plus proches qui se mariait. D’abord Lily-Anaëlle avec son Nelligan, puis Freja avec elle-même – selon elle ça compte, alors … - et maintenant Jeff et Eilynn. Un mariage à chaque année ! Peut-être que l’année prochaine, ce serait moi ? Lol. Debout face au pompier, je le serrai dans mes bras. « Félicitations, bro’. Je suis tellement content pour vous deux. » Mais un peu déçu de ne pas avoir été mis dans le coup. Je lui aurais organisé une demande digne des vidéos Youtube où y’a genre une centaine de figurants qui dansent et lancent des feux d’artifices. Ou pas, mon budget n’était plus aussi terrible qu’il y a dix ans. « Je te fais confiance mais on sait jamais ? » J’éclatai de rire. « J’peux pas t’en vouloir, j’admets que j’ai tendance à gaffer et j’aurais sans doute dit un truc qu’il faut pas à Eilynn. » Après tout, depuis notre dîner au restaurant à la fin de l’année dernière, on se voyait et on se parlait un peu plus régulièrement. Je me rassis à ma place alors que Jeff me racontait comment ça s’était passé, de A à Z – mais il passa quand même quelques lettres, m’épargnant peut-être des détails inutiles que j’aurais pourtant écoutés avec grande attention. « Sur la plage, c’est quand même très romantique ça. J’en suis presque jaloux, t’as jamais mis le genou au sol pour moi. » Je secouai la tête en souriant. « Non j’comprends, c’est quand même un moment important et il faut le souligner d’une certaine manière, même si c’est pas le gros événement de fou. Ça vous correspond bien à tous les deux, une demande belle et intime. » J’arrivais pas à m’enlever le sourire du visage, trop content pour Jeff. Je l’enviais aussi, d’une certaine manière. « Bon je sais qu’on avait dit qu’on serait sages ce soir mais j’peux quand même nous prendre la bouteille de champagne pour fêter un peu, là ? » C’était la meilleure raison !

Bien évidemment que je l’admettais. J’avais un don si puissant pour me mettre les pieds dans les plats, et s’il y en avait un de bien placé pour le savoir c’était Jeff, qui assistait la plupart du temps à ces gaffes monumentales-là. Il essayait juste de protéger sa grande demande, en me gardant dans le noir. Je pouvais pas lui en vouloir pour ça et même, cette nouvelle était tellement heureuse que je ne lui en aurais pas voulu pour vrai, même si j’avais été le meilleur gardien des secrets du monde entier. « L’UN des premiers ? Ça veut dire que je suis même pas le tout premier ?! Allez, crache le morceau, c’est à Aaron que tu l’as dit d’abord, c’est ça ? » Ah, je faisais juste mon gros bébé, c’était pour rire. Un peu. En vérité, il était vrai que si Aaron avait été mis au courant avant moi, je le prendrais un peu mal. Mais si c’était ses parents ou d’autres membres de sa famille, là, je n’aurais rien à dire. Je continuai sur ma lancée de gros boudeur, comme si j’avais fait ma mission principale de la soirée de lui gâcher ce beau moment de révélation, en m’affirmant jaloux de cette grande demande, lui qui ne s’était jamais agenouillé devant moi. Ni pour me demander en mariage ni pour me … bref. « Bah c’est pas prêt d’arriver vu que j’porte juste des souliers à velcro ! » Et pour confirmer mes dires, je désignai mes sandales brunes de vieux papa de quarante ans, dont la languette s’attachait effectivement par un velcro. Mais je portais des lacets hein parfois, n’allez pas croire que je savais pas comment les lacer. Je me montrai finalement un peu plus gentil envers Jeff en étant un peu plus sérieux par rapport à sa belle demande. Ça leur collait bien à tous les deux, ça, c’est certain. « Je pense que si tu m’avais dit que t’avais pas du tout été stressé j’aurais callé ton bluff, bro. » N’importe qui s’apprêtant à demander l’amour de sa vie en mariage devait avoir le cœur qui battait la chamade. J’avais pas encore eu à vivre cet énorme stress-là. J’avais jamais eu la chance de me rendre jusque-là. Alors je le vivrais à travers Jeff ! Et pour bien commencer, je proposai le champagne. « Fais-toi plaisir mais tout de suite après tu m’mets une limite à une seule coupe ? M’dis pas que tu deviens plate avant même d’avoir officiellement la bague au doigt ! Ce sera quoi après ? » Mais dans le respect de ses désirs, je commandai deux seules coupes de bulles au serveur, qui revient avec celles-ci assez rapidement, nous félicitant alors qu’il avait aucune idée de ce qui se passait. « Il va croire qu’on vient de signer notre premier achat de maison. » Je souris avant de lui tendre sa coupe, l’écoutant me parler de son enterrement de vie de garçon. Oh, oh, oh, comment j’allais me faire un malin plaisir à organiser ça ! Avec ses amis pompiers, en plus, ils devaient pas avoir le tuyau trop bien rangé. Huehuehue. « Oh, cette nuit-là, elle va être bien des trucs crois-moi, mais triste n’en fait pas partie. » Et sur ce, je cognai doucement ma coupe contre la sienne – c’aurait été mon genre de tout casser quoi, ça porterait peut-être malheur. « À Eilynn et toi. » Tiens j’allais devoir lui téléphoner ou la voir pour la féliciter, elle aussi. Je fêterais sans doute un peu moins par contre, elle arrivait quand même encore à me faire un peu peur, celle-là.

C’est vrai que s’il y en avait un qui aurait été le plus trouble-fête de tous, c’aurait été Aaron. Je le connaissais qu’à travers Jeff mais je l’avais vu assez de fois pour savoir deux choses sur lui : il aimait beaucoup, beaucoup la bière, et il avait beaucoup, beaucoup de mal avec les femmes. Des histoires un peu moches qui lui étaient arrivées avec ces demoiselles avaient fait en sorte que le motard n’avait plus vraiment confiance. « Ce qu’il me reste à faire ? Changer ces merveilles pour des souliers à lacet ? » Dis-je en désignant, une seconde fois, mes sandales brunes de vieux papi. « JA-MAIS. Même pas pour tes beaux yeux à la hauteur de mon dick. » Toujours la grande classe. De toute façon, ce qui était fait était fait et Jeff était donc fiancé à Eilynn, sans possibilité de faire marche arrière alors je pouvais oublier la grande demande qui aurait dû m’être dédiée – lol. « C’est parce que t’es pompier, tu gères n’importe quoi, même les imprévus. » Et les gros feux mais ça c’était autre chose et il fallait quand même pas trop faire péter son égo en le traitant de héros et tout ça. Y’avait toutes ses groupies de Mister Bowen pour ça, sûrement. Eilynn m’avait tout raconté. Je proposai finalement de sortir le champagne pour fêter tout ça, parce que bon quelques félicitations ça ne me semblait pas suffisant vue la nouvelle. Jeff m’avertit assez vite qu’il fallait y aller doucement parce qu’il était de garde. Bon, cette justification-là, je pouvais l’accepter. Je soupirai quand même de manière exagérée. « Ooookkkkk alors. C’est vrai que ce serait probablement la catastrophe si t’étais ivre en train d’éteindre un feu. Te connaissant t’essaierais de l’éteindre avec ton p’tit jet personnel. » C’était justement de mal le connaître de penser ça mais de toute façon cette situation hypothétique ne se réaliserait jamais puisque Jeff était trop responsable et raisonnable. Contrairement à moi. La blague de Jeff sur sa femme me fit éclater de rire. « Au moins ton métier il veut bien te partager avec moi, quand t’es de garde ! » J’ignorais si Eilynn avait parlé à Jeff de nos arrangements futurs pour quand je voudrais passer du temps avec Jeff mais dans tous les cas, c’était un petit clin d’œil à ça. Au cas où Eilynn écoutait avec des micros cachés dans la chemise de Jeff. Le champagne arriva enfin, avec mon petit commentaire sur l’achat de notre première maison, ou de gagner à la loterie comme disait Jeff. « Une deuxième fois ? Les odds ne sont pas vraiment en ma faveur. Par chance que je ne participe pas aux Hunger Games. » J’avais déjà gagné à la loto une fois avec des collègues en construction, à Melbourne, alors les probabilités que ça se reproduise, franchement … Je préférais mettre tous mes efforts sur l’enterrement de vie de garçon de mon meilleur pote. Et peut-être un peu beaucoup de mes économies aussi, pour que ce soit grandiose. « Tu pourrais jamais avoir l’air d’un abruti fini, voyons … » POUAHA, mais si, j’allais tout faire pour, après tout j’avais besoin de contenu pour la vidéo que je présenterais au mariage, pendant mon discours. Après avoir trinqué, Jeff me parla du concours de Miss et Mister Bowen. « Euh, en vrai j’me souviens pas de ce que toi tu m’as dit mais Eilynn elle, elle m’a donné plein de bons arguments pour participer. Bon j’pense qu’elle, elle voyait pas ça comme de bons arguments mais moi ça a su me convaincre. » J’haussai rapidement les sourcils. Prendre des selfies avec des filles random dans la rue, c’est flatteur quand même.

« Une petite saucisse grillée ! » Je riais comme un enfant, j’étais vraiment immature parfois. Sans doute que Maxwell, à quatre ans, était plus mature que moi. Raison de plus pour ne rien comprendre à cette histoire d’être père du jour au lendemain. Clairement, je n’étais pas prêt à éduquer quelqu’un d’autre quand j’avais moi-même besoin qu’on m’apprenne la vie. « Et euh je t’avoue que je peux pas vraiment comparer, il m’est jamais arrivé de pisser sur un fil électrique … » Je le regardais avec un peu de suspicion dans le regard. Avions-nous enfin trouvé une chose stupide faite par Jeff que je n’avais pas faite avec lui ? De nous deux, j’avais toujours cru qu’il était le plus raisonnable mais s’il avait vraiment fait ça alors on venait de se rendre à ex aequo au moins. Quand Jeff me dit que si j’avais un problème à régler avec sa femme, je devais voir avec elle, j’ouvris de grands yeux. « Mais non ! J’ai aucun problème avec elle ! » Et alors, en me penchant vers le collet du chandail de Jeff, comme s’il pouvait y avoir un minuscule micro dissimulé, je dis d’une voix forte : « J’adore Eilynn !!!! » J’eus un rire amusé de ma petite mise en scène même si, en vrai, sait-on jamais jusqu’où une femme était prête à aller. J’écoutai Jeff me dire que même si j’avais déjà gagné à la loterie, ça ne m’enlevait pas de chance de gagner à nouveau. J’haussai les épaules. « J’suis pas très bon dans tout c’qui est maths, statistiques, ça me mindfuck. » Alors que la question de probabilités, ce n’était pourtant pas très difficile à saisir. « Et tu sauras que j’ai une agilité de ninja et je pourrais me faufiler partout sans être vu. Je me cacherais et j’attendrais que tout le monde s’entretue. » Et pour le dernier survivant, autre que moi ? Je me ferais tuer en deux secondes après que la partie de cache-cache se termine. Tiens toutes ces idées de jeux ça pourrait peut-être m’orienter pour le bachelor party, ouais. « Ton ton ! Haha ça me fait penser à une charade tu veux que je te la raconte ? Allez j’y vais … Mon premier est un poisson, mon deuxième aussi et pis mon troisième aussi !!! Mon tout est un membre de ta famille. » Je gloussais déjà même si en vrai la réponse était facile parce que je l’avais donnée dès le départ en m’inspirant de la phrase de Jeff. Quand ce dernier me parla de son discours en me défiant de participer à Miss Bowen, je fronçai les sourcils. « Je devais être trop saoul. » C’était la seule explication, autrement, comment oublier les paroles tellement pleines de sens de Jeff ? « Je te PROMETS, l’an prochain, je tente ma chance. On ira même acheter ma robe ensemble. » Je souris. « Tu rigoles, si j’ai à avoir des cheveux longs de fille, je serai rousse. » Je deviendrais mon propre fantasme. Waouh.

Ce petit numéro à propos d’Eilynn et d’un éventuel micro dans le collet de la chemise de Jeff me faisait un peu trop rire. Surtout parce qu’à la limite, ça se pourrait ! Bon, je démonisais parfois Eilynn pour le plaisir, parce qu’elle rentrait souvent dans mon jeu de toute façon quand j’y faisais allusion. Ou alors peut-être n’était-ce justement pas un jeu ? Parfois j’avais l’impression de comprendre son humour, à cette femme, et parfois j’avais l’impression qu’elle ne blaguait pas du tout. Ne pas savoir sur quel pied danser, c’était avec elle que cette expression prenait le plus de sens. Mais je ne mentais pas quand je disais que je l’adorais, hein ! Surtout depuis nos dernières rencontres, on s’apprivoisait de plus en plus. Ça ne m’empêchait pas de me moquer un peu de son côté possessive et jalouse. « J’en doute pas ! » Avais-je répondu à Jeff qui me disait qu’elle me botterait le cul, si j’avais un problème avec elle. « Et elle a sans doute tellement d’heures d’entraînement pour ça avec toi, j’lui arrive pas à la cheville. » Et botter le cul de Jeff ça pouvait s’appliquer dans plusieurs situations, ce qui augmentait son expérience dans le domaine. Pour mon plus grand bonheur, mon meilleur ami entra dans ma blague en se penchant vers son propre chandail pour s’adresser à Eilynn. Je m’esclaffai. « Arrêêêête elle va pousser la technologie encore plus loin la prochaine fois, si elle se sait découverte ! » Dis-je en lui donnant un petit coup de poing sur l’épaule. S’en suivit une conversation sur mes chances de gagner à la loto et aux Hunger Games. Selon ma perception, mes chances étaient nulles autant pour l’un que pour l’autre mais encore une fois, je le redis, j’étais pas doué en probabilités. « Me casser la gueule ? Genre tu m’imagines empoté au point d’me prendre le pied dans une racine et de mourir la tête fracassée sur une roche ? » C’était tout à fait mon genre. « Si j’avais à partir, je partirais d’une manière glorieuse. » En me sacrifiant pour la candidate de mes rêves, peut-être. Parlant de candidatures, après ma charade pourrie qui me fit faire une moue déçue en raison de la réaction de Jeff, je fus encore plus déçu de constater que j’avais raté ma chance pour Miss Bowen 2019. « Yo j’ai peur de bien des trucs mais du ridicule, ça, c’est plus le cas depuis beeeelle lurette ! » J’avais tellement été intimidé durant l’adolescence que j’avais fini par reprendre ce pouvoir et l’utiliser à mon avantage. Je lui promis donc de poser ma candidature en 2020, un super chiffre en plus. Aussi super que les rousses. « Pourquoi tu penses qu’elles me plaisent autant ? Tu sais ce qu’on dit. Pas d’âme, pas de … » Je réfléchis. « Meeeerde ça m’arrive jamais de pas pouvoir terminer une blague. » J’haussai les épaules. « Y doit y avoir une rousse qui m’a jeté un sort, justement. C’est la seule explication. » Je secouai la tête avant de terminer mon verre de champagne d’un trait. « T’es sûr que t’en veux pas d’autre ? » C’était peut-être moi l’enfant du diable en fait, à vouloir autant le tenter.