you're afraid to find out all the hope that you had sent into the sky by now had crashed (noah)

T’avais pas entendu ton téléphone sonner, tu t’en voudrais d’ailleurs pas mal quand t’entendrais le message, la voix à l’autre bout du fil, cette voix complètement paniquée, cette respiration saccadée, ce bouleversement que tu sentais sans même voir Noah. « Ma… Maliyan… J’ai besoin de te voir… Vite... J’suis pas bien… Mon père… Mon père est à Bowen… » Ton cœur rata un battement, parce que ce n’était pas une nouvelle anodine pour toi non plus, c’était une nouvelle qui signifiait beaucoup de choses, une nouvelle qui te bouleversait à ton tour. Tu réécoutas le début du message, juste pour entendre la voix automatisée te répéter l’heure à laquelle Noah t’avais laissé ce message vocal. Ça faisait déjà plus de trente minutes, bordel. Sans hésiter, et en mettant loin derrière votre dernière querelle à tous les deux – qui avait pourtant été la plus déchirante de toute, comme une véritable dispute entre un père et son fils -, tu lui téléphonas. Quand il décrocha, tu t’empressas de lui demander : « Hey, Noah, c’est Mali. T’es où ? Je viens tout de suite te rejoindre. Dis-moi où t’es et j’suis là. » Après avoir eu la localisation du lycéen, tu attrapas ton casque de moto et t’embarquas sur ton bolide dont le moteur rugit mais bien moins fort que l’affolement de ton cœur. Quelques dépassements un peu dangereux plus tard, en moins de dix minutes, tu retrouvais Noah exactement là où il t’avait dit. Tu descendis de ta moto, enclencha la béquille pour la tenir en équilibre, et alla rejoindre le fils d’Ella. « Hey, kiddo. Je suis désolé de pas avoir décroché quand t’as appelé. J’ai pas entendu la sonnerie. » Te justifias-tu, avant de t’asseoir à côté de lui. Tu soupiras, tentant de cacher ton propre trouble par rapport au retour de son père à Bowen. Ça pourrait tellement tout changer, pour toi aussi, même si t’avais encore un peu de difficulté à l’admettre. « Comment t’as appris son retour ? Tu l’as vu ? » En à juger par son appel, tu te doutais que oui, il l’avait vu. Et que ça ne s’était pas forcément déroulé comme dans le meilleur de ses scénarios.

T’eus une légère surprise quand Noah posa sa tête sur ton épaule, comme un court soubresaut, avant de tourner la tête vers lui, de regarder le dessus de sa tête avec un mince sourire sur tes lèvres, et de te détendre. Ça ne servait à rien, présentement, de te remémorer toutes ces paroles qu’il t’avait dites quelques semaines plus tôt et de relever la contradiction. Noah avait besoin de toi, là, maintenant, et tu n’allais pas ramener un sujet qui vous ferait du mal à tous les deux, pas alors que le lycéen souffrait déjà bien assez du retour de son père, son vrai père, celui qui l’avait abandonné avant même de lui donner une seule chance. Tu le questionnas à ce propos, d’ailleurs, parce que ça ne servait à rien de tourner autour du pot. Il ne pouvait pas être préparé à une telle conversation, de toute façon, tout comme il n’avait pu se préparer à confronter son père biologique. Tout ça lui tombait dessus sans prévenir et le mieux que tu pouvais faire, c’était d’être là pour l’écouter. En apprenant que son père n’avait même pas cherché à s’excuser pour son abandon, tu fronças les sourcils, fixant le bout de la rue droit devant toi. « Est-ce qu’il était à Bowen pour te rencontrer ? Au-delà du fait qu’vous vous êtes croisés dans la rue sans l’savoir, est-ce qu’il était de passage en ville pour toi, à la base ? » Parce que si c’était le cas et qu’il avait eu le temps de songer à cette première rencontre avec son fils, alors il était un bel imbécile d’avoir voulu orchestrer la chose de cette manière. Ne pas s’excuser et même réprimander un fils qu’il n’avait jamais désiré connaître jusqu’alors, ça te semblait être le pire scénario possible. Ou alors peut-être avait-il été tout autant pris par surprise que Noah et il n’avait pas su comment s’y prendre. Mais soyons honnêtes, t’avais pas vraiment envie de lui trouver des excuses, à ce type. Alors tu préférais te dire que c’était la première option, qu’il était toujours aussi con que ce qu’il l’avait été il y avait près de dix-huit ans maintenant. « J’suis vraiment désolé qu’il ne soit pas celui à qui tu t’attendais, Noah. Je sais à quel point t’as souvent imaginé ce moment … autrement. » Dis-tu dans un soupir. T’aurais aimé, pour lui, que ce soit un homme bien. Ça t’aurait peut-être rendu la vie plus compliquée, à toi, d’une certaine manière, mais t’étais quand même pas égoïste au point de souhaiter ça à Noah. « Qu’est-ce que ta mère pense de ça ? » Si elle était au courant, évidemment.

Tu hochas la tête aux propos de Noah. Il ne pouvait te voir mais avec sa tête sur ton épaule, il devait au moins sentir le mouvement d’acquiescement. Il avait raison, au fond. Si son père était venu pour lui, tu osais espérer qu’il se serait pris d’une toute autre manière. S’il avait pris un tant soit peu le temps de songer à comment l’aborder, ce ne serait pas la conclusion à laquelle il serait venu. Il ne pouvait pas être à ce point mauvais. « Ouais, je pense comme toi. Il aurait probablement choisi de meilleures circonstances et, surtout, de meilleurs mots à te dire … » Tu haussas doucement les épaules, pour ne pas déranger Noah contre toi. Tu expiras longuement. « Mais j’ai même pas envie d’lui laisser le bénéfice du doute en te disant qu’il a peut-être été pris par surprise, lui aussi. Parce que même si c’est le cas, il n’aurait pas dû se comporter comme ça avec toi. C’n’était pas correct. » Et sur ce, tu te montras désolé pour Noah, désolé que son père ne soit pas celui auquel il s’attendait. Que son père ne soit pas à la hauteur des attentes que des années d’absence avaient bâties. Même si ça t’aurait un peu écarté de leur vie, à Ella et lui, t’aurais quand même préféré que Noah trouve les réponses à toutes ses questions. Qu’il renoue enfin avec cette partie de lui-même qu’il n’avait jamais pu connaître. C’est alors que le lycéen t’avoua qu’il n’aurait sans doute pas pu s’attacher à cet homme, et que toi, t’étais bien plus un père pour lui que cet étranger. Tu le sentis gêné, fuyant, même s’il avait toujours sa tête contre toi. Et toi, tu sentis ton cœur se serrer. Ta main fit le tour du corps de Noah et vint se poser sur son épaule, pour la serrer doucement dans entre tes doigts massifs. « Et j’compte pas m’en aller, Noah. Peu importe ce qui se passe avec Edwin, moi j’serai là. » Peut-être pas à titre de père mais comme une figure, un modèle, qui s’y apparentait étrangement. Noah se détacha finalement de toi quand tu lui demandas ce qu’Ella pensait du retour de l’homme. « Elle préférera sans doute que tu lui dises plutôt qu’elle ne tombe sur lui, comme toi, par surprise … Et puis, je pense que vous aurez beaucoup à vous dire. Ça vous aidera de pouvoir en parler ensemble et de pouvoir compter l’un sur l’autre. » Dis-tu, te sentant mal par rapport à Ella, si jamais elle était laissée dans le noir. Lorsque Noah mentionna ne pas avoir envie de le revoir, tu hésitas un moment, avant de lâcher : « J’crois que je t’ai jamais dit, mais … tu sais, j’suis un peu dans la même situation que toi, en ce moment. J’ai récemment appris que mon père biologique vivait à Bowen. J’l’ai jamais vu. J’ai pas encore trouvé le courage d’aller lui parler. » Lâchas-tu. Tu réalisais à quel point vous aussi, vous pouviez vous comprendre, Noah et toi. T’avais beau avoir trente-sept ans, voir ton père pour la toute première fois, ce serait un moment fort en émotions pour toi aussi.

Tu soupiras discrètement. « T’as raison. S’il revient ce n’est certainement pas pour ne pas prévoir vous revoir … » Tu réfléchissais en même temps que Noah, parce que pour toi aussi c’était assez difficile à assimiler, ce qui venait de se passer. T’avais tellement entendu parler d’Edwin, tel le fantôme qu’il était. Tu n’avais jamais pensé qu’un jour il puisse revenir dans le portrait, portrait dans lequel tu t’étais un peu intégré sans le planifier, sans t’en rendre compte. Qu’est-ce que ce serait maintenant ? Aux paroles de Noah, tu tressaillis un peu, parce que les mots qu’il choisissait n’étaient pas bons à entendre. Récupérer sa mère. « Ta mère est une grande personne, elle est indépendante et forte, il ne va pas la récupérer et s’il l’approche, elle saura se faire entendre. Je me fais pas de souci pour Ella. Et puis, elle va t’avoir toi, pour la soutenir. » Et elle t’aurait toi, aussi, mais tu ne voulais pas te donner cette importance-là à un moment aussi critique de la famille Grimes. C’était une épreuve qu’ils devaient vivre à deux pour commencer, et au besoin, tu ne serais pas bien loin. La preuve : t’avais accouru le plus vite possible aujourd’hui, pour aider Noah à remettre un peu d’ordre dans ses esprits. Tu fis d’ailleurs comprendre au lycéen que tu étais là pour rester, ce à quoi il ne répondit pas. Il te parla plutôt de son indécision à en parler à Ella, et t’arrivas à lui faire voir que c’était inévitable. Pour elle, il le fallait. Tu ris à sa réponse. « J’irais pas jusqu’à dire que je suis sage. Mais on a eu quelques années de plus que toi pour apprendre de nos erreurs … » Vous en faisiez encore et encore, des erreurs, mais justement vous en aviez beaucoup plus au compteur que Noah, même si selon les propos d’Ella, il commençait à devenir un peu maître dans l’art des conneries. Là-dessus tu ne pouvais pas avoir ton mot à dire. Tu ne voulais pas risquer une nouvelle querelle comme celle de la dernière fois, même si visiblement vous aviez fait du chemin depuis ce jour-là. Finalement, pour conforter un peu Noah dans ce qu’il vivait, tu lui révélas une partie de ta vie dont tu ne parlais pas beaucoup, et encore moins maintenant que tu savais que des gens de ta famille se trouvaient ici-même, à Bowen. Ton père, plus précisément, parce que c’était lui que tu n’avais pas encore rencontré. C’était de lui dont on avait mis en garde. « Ouais, je crois que toi et moi, là-dessus, on est vraiment dans le même bateau. » Tu esquissas un faible sourire en le regardant, le regard plus brillant encore quand il te proposa de t’accompagner, en soutien moral, lorsque tu te déciderais à rencontrer Peter, ton père. « Merci, Noah. J’ai l’impression que c’est quelque chose que j’ai besoin de faire seul mais je risque de me dégonfler et quand ce sera le cas, tu le seras premier que j’appellerai. » Tu posas ta main sur son épaule et la serra un peu, avant de ramener tes deux mains ensemble entre tes genoux. « S’il veut te revoir, tu vas lui donner une seconde chance, tu crois ? » Demandas-tu, pour le préparer à cette éventualité. Parce que ça risquait fortement d’arriver, à moins qu’il se montre lâche en fuyant à nouveau, son père.  

Si tes paroles à toi avaient été rassurantes, celles de Noah n’eurent pas le même effet sur toi. Lorsqu’il évoqua la possibilité qu’Ella puisse retomber amoureuse d’Edwin, tu te sentis traversé d’un sentiment étrange, difficile mélange de tristesse, de jalousie et de déception. D’une certaine nostalgie, aussi. Parce que ça te ramenait six ans en arrière, quand t’avais rencontré la mère de Noah pour la première fois. Ça avait été le pire timing de ta vie pour rencontrer une femme aussi merveilleuse mais ça ne t’avait pas empêché de tomber amoureux d’elle, en quelque sorte. Mais le cœur trop meurtri déjà par le départ soudain de la mère de tes enfants, par cette peur qu’ils subissent à nouveau un tel abandon, tu avais rapidement tassé ces sentiments-là. De toute façon, vous étiez rapidement devenus des amis, des confidents, des alliés, et ces sentiments-là n’avaient tout d’un coup plus eu leur place, selon toi. Ça avait été facile, du moins, de rester dans cette zone-là un peu ambiguë, parce que vous étiez tous les deux demeurés dans le célibat pendant les années suivantes et jusqu’à ce jour. Quand Noah te confiait sa peur que ses sentiments envers Edwin refassent surface, alors, tu réalisais que c’était une peur qui te gagnait toi aussi. « T’as raison, j’pense pas que ce soit quelqu’un pour elle. » Déclaras-tu contre toute attente. « Mais elle est assez vieille pour prendre ses propres décisions, Noah. Même si je sais que tu veux juste la protéger. » T’esquissas un faible sourire. Puis, sentant que c’était le moment opportun, tu te confias à ton tour sur ton propre père. Tu montrais à Noah qu’il n’était pas tout seul. Quand il t’avoua qu’il ne t’admirerait pas moins si tu te dégonflais face à ton paternel, tu tournas un regard surpris mais touché vers lui. « Tu … m’admires ? » Il n’y avait pourtant pas grand-chose à admirer, à ton avis. Tu ne semblais pas avoir accompli grand-chose de ta vie, du moins pas selon les normes. Tu retournas par après sur le sujet du père de Noah, pour savoir s’il lui donnerait une seconde chance de se prouver. La réponse du lycéen était des plus raisonnables. « Tu vois, y’a pas qu’Ella et moi qui arrivons à être sages. » Tu souris, lui ébouriffas un peu les cheveux, et puis tu hochas la tête à sa proposition de marcher un peu. « Ouais allez, fais-moi découvrir le côté obscur du complexe scolaire. La cour des grands. » Dis-tu avec un sourire, parce que tes enfants eux étaient encore du côté des plus petits. Tu ne t’étais jamais aventuré jusqu’ici.

T’éclatas d’un rire bref mais amusé quand Noah te lança que sa mère serait ravie d’apprendre qu’elle était vieille. Tu secouas la tête en transformant ton rire en soupir amusé. « Si elle est vieille dans le sens où tu l’entends alors je veux même pas savoir ce que je suis. » T’avais quand même cinq années de plus qu’Ella au compteur. T’approchais dangereusement de la quarantaine. Tu ne pensais pas trop en termes de chiffres, cela dit, alors ça ne t’effrayait pas vraiment. T’étais en pleine forme, t’avais ta famille, vieillir était juste dans l’ordre des choses. Tu ne savais pas si Ella le vivait aussi bien de son côté, cela dit. « C’est pas égoïste, c’est ta mère, c’est normal que tu te fasses du souci pour elle, que tu souhaites le meilleur pour elle. » Mais toi, t’avais pas cette justification-là auprès d’Ella. Alors sans doute étais-tu un peu égoïste, oui, d’espérer qu’elle ne retrouve pas l’amour dans les bras d’Edwin. Noah te sortit rapidement des doutes qui montaient en toi en te disant qu’il t’admirait, que plus tard il aimerait être comme toi. Ça te touchait, mais alors tellement. Tu le regardas avec un regard brillant, les yeux rivés sur lui pour l’écouter, un sourire ému au coin des lèvres. Tu ris quand il mentionna tes muscles. Et, quand il souhaita plus tard être au moins à moitié aussi bien que toi, tu répondis : « Tu l’es déjà, Noah. » Tu marquas une pause, un court silence. « Et tu sais j’ai peur de plein de trucs. Et c’est normal d’avoir peur. » T’espérais qu’il ne se mette pas des objectifs trop élevés. Ne pas avoir peur, de quoi que ce soit, tu ne lui souhaitais pas ça au fond. Noah proposa finalement d’aller marcher et tu le suivis sans hésiter, jusqu’au beau milieu du grand terrain de foot du lycée. Tu t’assis à côté de lui, les jambes complètement étendues devant toi, appuyé sur les paumes de tes mains. « Aaaah, pas du tout ! J’étais un underdog au lycée. J’arrivais à l’heure des cours le matin et je repartais direct chez moi à la fin de la journée. J’traînais pas avec les autres. » Tu haussas les épaules. Le lycée n’avait pas été une belle période, pour toi. T’étais arrivé en plein milieu de parcours, à quinze ans, t’avais jamais mis les pieds dans un établissement scolaire régulier et tu parlais difficilement l’anglais. Ça n’avait pas été l’intégration la plus facile.  

Posant ta main près de ton oreille comme pour mieux entendre, tu te penchas un peu vers Noah, embarquant dans ses conneries : « Quoi ? Qu’est-ce que t’as dit ? » Tu secouas la tête avec un sourire faussement vexé, mais surtout amusé, incapable de garder pour longtemps cette mimique. Heureusement qu’il avait ce gros sourire qui lui fendait le visage, pour montrer qu’il déconnait ! « J’ai juste un peu plus que le double de ton âge, ça va … » Tu fronças les sourcils face à ta propre phrase, avant de rire légèrement. « Ça devait être plus réconfortant que ça mais en fait ça me fait prendre un sacré coup de vieux, cette affirmation. » Ajoutas-tu. Puis, la conversation continuant sur Ella et les décisions qu’elle aurait prochainement à prendre. Il était tout naturel pour Noah de s’inquiéter. Il s’agissait de sa mère. Et d’un père qui venait de le décevoir d’une manière bien triste. Tu tournas la tête vers lui quand il te passa une remarque sur le ton d’une question, à propos de ce que toi tu voulais pour sa mère. Le meilleur, aussi, bien évidemment. « Bien sûr. Elle mérite que ça, ta mère. » Alors sans doute méritait-elle mieux que toi encore, parce que t’étais loin d’être le meilleur candidat. Mais t’osais croire qu’entre vous deux, entre Edwin et toi, y’avait quelque chose qui faisait en sorte qu’Ella, elle te ferait davantage confiance à toi. Sauf qu’entre la confiance et la passion, y’avait tout un monde. Noah te fit alors le plus beau compliment que t’aurais pu recevoir et tu voulais lui faire comprendre qu’il était sur la bonne voie, pour devenir quelqu’un comme toi. Il s’en faisait tellement pour les autres, il avait le cœur tellement grand, il n’existait aucune dimension dans laquelle Noah deviendrait comme son père. Tu pris une grande inspiration, par le nez, quand le lycéen te demanda de quoi t’avais peur. Tu regardais devant toi, en pleine réflexion. « J’ai peur … du rejet, j’ai peur de la solitude … j’ai peur des cuisinières à gaz … » Tu jetas un coup d’œil à Noah, un regard amusé face à cette dernière confession. « J’ai toujours peur de foutre le feu avec ça. » Tu ris. Puis, Noah décida d’aller marcher et tu le suivis jusqu’au terrain de foot, où tu démentis les idées que le jeune homme s’était faites sur toi. T’étais pas le chef d’équipe, t’étais pas le mec cool et populaire. T’étais le outsider, celui que tout le monde avait regardé de haut, et surtout de loin. « J’ai pas toujours été comme ça. » Conclus-tu simplement, avant d’en apprendre à ton tour sur Noah. « Pourquoi tu ne fais plus de foot ? » Demandas-tu en fronçant légèrement les sourcils. Puis, il te laissa savoir qu’il désirait retenter l’escalade, après cette dernière fois qui s’était soldée par un échec non pas seulement de montée, mais de votre relation aussi. Heureusement qu’aujourd’hui, vous rattrapiez le coup. Tu souris. « N’importe quand. » 

Cool pour un vieux, le genre de truc qui se veut réconfortant mais qui enfonce le couteau bien profond, en fait. Tu ris quand même, parce que t’étais pas complexé par ton âge, même que tu acceptais les années comme elles venaient. Vieillir, ça faisait juste partie du cycle de la vie. Et même si t’en étais pas, dans ta vie, au point où tu te serais imaginé être quand t’étais plus jeune, c’était quand même ta vie et tu l’aimais comme elle était. « Rappelle-moi de jamais m’en débarrasser alors. » Dis-tu à propos de ta moto, un sourire aux lèvres. Tu doutais fortement d’avoir l’air de quelqu’un dans la fin vingtaine même une fois monté sur ta bécane mais tu comprenais où Noah voulait en venir. « De toute façon j’peux pas m’en départir avant que tu l’aies essayée … » Relevas-tu avec un sourire amusé, le regardant du coin de l’œil. Tu rêvais du jour où Noah la conduirait, mais il y avait encore bien du travail à faire, autant du côté d’Ella que de Noah lui-même, qui n’avait pas de permis pour ça. Tu lui confias finalement tes peurs, surtout pour lui faire comprendre que tout le monde en avait, que c’était normal. Ça faisait de vous des humains, tout simplement. « C’est gentil, Noah. J’sais pas, comme j’ai déjà ressenti ce sentiment on dirait que j’m’en protège beaucoup plus, maintenant. » Rejeté par ta communauté, rejeté par la mère de tes enfants, tu avais toujours ces inquiétudes au fond de toi, de perdre ceux que tu aimais. Peut-être était-ce pour cette raison que tu n’avais jamais voulu changer quoi que ce soit à ta relation avec Ella. De peur qu’elle te rejette. De peur de la perdre. Tu ris lorsque Noah te parla des plaques électriques. « Ah mais crois-moi que dès que j’ai acheté ma maison j’ai tout changé ça, oui ! » Mais dès que tu devais opérer des gazinières, quand t’étais pas chez toi, t’avais l’impression de voir ta vie défiler devant tes yeux. Heureusement que ça n’arrivait pas souvent. Les jambes étendues sur le terrain de foot, bien à l’aise, t’écoutais ensuite Noah te parler des raisons de son changement du foot au basket. « Tu pourrais m’apprendre à y jouer. J’connais tellement rien au foot que ça prendra pas mal d’heures. Ça te laissera le temps d’en avoir marre même. » Tu ris. Les sports d’équipe n’avaient jamais trop été ton truc, mais qui sait, avec Noah, tu te découvrirais peut-être un intérêt. Mais ton premier amour était l’escalade et t’étais ravi que le lycéen veuille bien y donner une autre chance. « Ça se pourrait, oui ! Et si c’est pas le cas, au moins on n’pourra pas dire que t’as pas essayé. Et c’est ça qui fera qu’t’auras été brave. » Tu souris. Tu espérais quand même qu’il puisse apprendre à apprécier ce sport. Comme ça, vous pourriez vous en faire des sorties, tous les cinq. Ella, Noah, Lowa, Miro et toi.